I. INTRODUCTION 14
3. Rôle de la perception haptique pour le déplacement 44
3.1. Physiologie de l’appareil tactile humain 44
La peau est l’organe perceptif le plus étendu avec une surface comprise entre 1,8 m2 et 2,2m2 pour
un adulte. Elle possède une innervation afférente très riche, dont la densité varie beaucoup d'un territoire à l'autre. La face et les extrémités sont très richement innervées. Ces différences de densité en récepteurs, appelés mécanorécepteurs, sont à l'origine de la sensibilité différentielle selon les différentes parties du corps.
La sensibilité cutanée est impliquée lors de la pression, du toucher (sensibilité à la vitesse), de l’étirement et de la vibration de la peau. A cela s'ajoute la perception de la température issue de récepteurs dits thermo-‐algiques. Ces récepteurs sont localisés dans tout le corps sous la forme de minuscules corpuscules bulbaires, axiaux ou cylindriques.
La sensibilité à la pression est mise en jeu par des appuis importants sur le revêtement cutané. Le sens tactile est au contraire le résultat d'un contact léger avec la peau, glabre ou pileuse. La sensibilité à la vibration répond à des variations de pression dans une gamme de fréquence de 30 à 1500 Hz. Ces qualités sont liées à la présence de récepteurs sensoriels différents dans l'épaisseur de la peau : épiderme, derme, hypoderme. On distingue cinq types de récepteurs cutanés mécaniques, dont la répartition varie selon que la peau est glabre ou pileuse, et selon l'épaisseur de la peau (voir Figure 5).
3.1.1. Les mécanorécepteurs
(1) Les corpuscules de Meissner : situés immédiatement sous l'épiderme dans les papilles dermiques, sont couplés mécaniquement au tissu environnant par de fins filaments de tissu conjonctif. Ces corpuscules de Meissner sont des récepteurs superficiels à adaptation rapide particulièrement sensibles à la vitesse d'établissement du stimulus.
(2) Les disques de Merkel : à la base de l'épiderme, ce sont des formations particulières composées par les ramifications d'une fibre myélinisée dont chaque terminaison se termine par un disque. Ces récepteurs ou disques de Merkel sont des récepteurs superficiels, qui répondent à des pressions localisées (enfoncement de la peau) et dont la réponse au stimulus est phasico-‐tonique à adaptation lente. Ils peuvent ainsi coder la position et la vitesse du stimulus.
(3) Les corpuscules de Ruffini : ces récepteurs sont des récepteurs profonds sensibles à la pression, toniques et à adaptation lente. Ils sont sensibles à l'étirement de la peau. Ils sont également
retrouvés dans les articulations, ancrés aux ligaments.
(4) Les corpuscules de Pacini : ces récepteurs profonds sont de type phasique et sont particulièrement sensibles aux vibrations.
(5) Les terminaisons nerveuses libres : elles sont souvent épaisses et se développent autour de la peau pileuse. Les terminaisons se situent sous les glandes sébacées, tout autour de la racine du poil. Ces récepteurs sont sensibles aux mouvements des poils.
Figure 5. Situation de différents types de mécanorécepteurs
3.1.2. Rôle de chaque mécanorécepteur dans la perception
Les mécanorécepteurs de Merkel et de Meissner présentent des champs récepteurs étroits et bien délimités tandis que les corpuscules de Pacini et de Ruffini ont à l’inverse des champs récepteurs étendus avec des limites floues. Les disques de Meissner et de Merkel permettent de distinguer deux stimulations différentes et proches spatialement. Ils permettent également de détecter avec finesse la texture des objets. Les corpuscules de Ruffini et de Pacini permettent de sentir de façon globale le contact avec un objet. Ils permettent également de détecter le déplacement d’objets sur de grandes régions de la peau.
La densité de la peau en mécanorécepteurs est très variable. La paume de la main possède environ 17 000 fibres liées à des mécanorécepteurs. À l'extrémité des doigts, la densité comme la proportion en corpuscules de Meissner, récepteurs du tact, sont particulièrement importantes (voir Figure 6).
Figure 6.Classification des mécanorécepteurs cutanés selon leur adaptation et la taille de leur champ récepteur. Illustration de la taille du champ récepteur des A : corpuscules de Meissner et B : corpuscules de
Pacini au niveau de la peau palmaire.
Une interface est dite tactile lorsqu'elle sollicite un ou plusieurs de ces différents capteurs biologiques. Autrement dit, une interface tactile est une interface qui doit pouvoir reproduire une ou plusieurs modalités d’excitation tactiles.
Chacune des modalités d’excitation tactile obéit à des plages de fonctionnement en terme de fréquences et d’amplitude du signal d’excitation (voir Tableau 1).
3.1.2.a) Récepteurs sensibles à la pression
Les mécanorécepteurs à adaptation lente sont des récepteurs de pression. Les disques de Merkel (superficiels) et les corpuscules de Ruffini (profonds) sont des récepteurs à adaptation lente, qui codent l'intensité de la stimulation par la fréquence de leurs potentiels d'action. Ils sont actifs dès le début de la pression exercée sur le revêtement cutané et ne cessent de l'être qu'à la fin de celle-‐ci. Ils codent donc l'intensité et la durée de la pression. Grâce à leur structure (ancrage mécanique dans le derme), les corpuscules de Ruffini répondent également à des étirements de la peau. Cette sensibilité à l'étirement est directionnelle, ce qui permet à ces récepteurs d'informer le système nerveux central sur les forces et les directions des cisaillements cutanés accompagnant un mouvement articulaire.
3.1.2.b) Récepteurs sensibles à la vitesse
Ils comprennent deux types de récepteurs. Les récepteurs des follicules pileux qui sont à adaptation relativement rapide. La fréquence des potentiels d'action émis est proportionnelle à la vitesse d'inclinaison des poils. Si l'on incline doucement les poils du dos de la main, sans toucher à la peau elle-‐même, et que l'on maintient les poils dans cette nouvelle position, la sensation n'apparaît que durant le mouvement d'inclinaison des poils. Les corpuscules de Meissner, localisés dans la peau glabre, qui détectent les variations de contact léger des objets avec la peau et sont sensibles aux vibrations pour des fréquences comprises entre 5 et 200 Hz.
3.1.2.c) Récepteurs sensibles à la vibration
Les corpuscules de Pacini sont des récepteurs phasiques, qui ne répondent ni à la vitesse ni à la durée de la stimulation. Ils sont sensibles uniquement aux variations rapides d'intensité et donc, à l'accélération de la déformation cutanée. La sensibilité de ces récepteurs est optimale pour des fréquences de vibration cutanée de 300 Hz, mais ils répondent dans une gamme de fréquence allant
de 30 à 1 500 Hz. Ils sont localisés dans le tissu adipeux sous-‐cutané mais aussi dans les tendons, les articulations, le périoste et les muscles de la face.
Caractéristiques Corpuscules de
Meissner Corpuscules Pacini de Disques de Merkel Organes de Ruffini Vitesse
d’adaptation
Rapide (i.e. sensible à la vitesse)
Rapide Lente Lente
Localisation Derme superficiel Derme et sous-‐cutané Epiderme basal Derme et sous-‐ cutané
Taille moyenne des champs récepteurs 13mm
2 101mm2 11mm2 59mm2
Résolution spatial Pauvre Très pauvre Pauvre Correcte
Répartition (%) 43% 13% 25% 19% Fréquence de réponse 10-‐200 Hz 70-‐1000Hz 0.4-‐100Hz 0.4-‐100Hz Seuil 40Hz 200-‐250Hz 50Hz 50Hz Sensibilité à la température
Non Oui Oui Pour > 100Hz
Sommation spatiale Oui Non Non Inconnue
Sommation
temporelle Oui Non Non Oui
Type de paramètre
physique ressenti Stimulation superficielle sur la
peau (forme,
vitesse...)
Vibration,
accélération Pression, locale forme Etirement de la peau, force locale
Tableau 1. Récapitulatif des caractéristiques des mécanorécepteurs (Youngblut, Johnston, Nash, Wienclaw, Will, 1996).