I. INTRODUCTION 14
2. Etude exploratoire 75
2.1. Objectifs
L’objectif premier de cette étude exploratoire est de recenser les difficultés rencontrées par des utilisateurs au cours de leurs déplacements piétons urbains et de recueillir les différents besoins en information qu’ils ont ressentis de façon consciente tout au long de la réalisation de cette activité. Ainsi, cette première étude doit permettre de mettre en lumière les situations critiques rencontrées lors de la réalisation de l’activité. Les caractéristiques de ces situations critiques seront ensuite utilisées pour la construction d’un scénario de déplacement qui sera élaboré pour l’étude suivante. En outre, cette étude exploratoire va apporter des pistes d’innovation pour la conception d’un dispositif d’aide au déplacement.
2.2. Méthodologie
Pour analyser les besoins, la première phase du travail a consisté à mettre en place un groupe de discussion animé par 3 ergonomes et réunissant 10 personnes (5 femmes et 5 hommes) ayant des niveaux différents d’expertise du réseau de transport (touristes, personnes se déplaçant occasionnellement à Paris et experts du réseau) considérées comme représentatives des utilisateurs futurs du système TICTact.
2.2.1. Participants
Dix participants (5 femmes et 5 hommes) ont pris part à cette étude. L’âge moyen était de 39 ans (min : 24, max : 66). Ils ont été sélectionnés à partir d’un panel d’usagers du réseau RATP de façon à ce que les participants à l’étude soient représentatifs des usagers se déplaçant à pied en ville, tout en empruntant les transports en commun. Pour cela nous avons choisi des personnes de niveaux d’expertise différents dans le réseau de transports parisien, de catégories sociales professionnelles variées, utilisant des modalités de transport différentes (métro, bus, tram, RER), disposant ou non de smartphone pour leurs déplacements (voir le Tableau 37 avec les caractéristiques du panel de participants en Annexe 2).
2.2.2. Déroulement du groupe de discussion
Le groupe de discussion a été animé par trois ergonomes et s’est réuni pendant deux heures. Il s’est déroulé en deux parties :
(1) La première partie a consisté en un tour de table d’une dizaine de minutes, à partir de la question suivante «A quoi pensez-‐vous quand on vous dit information dans les transports ?». Cette question ouverte a permis de plonger les participants dans le vif du sujet afin qu’ils soient prêts pour la suite de la discussion.
(2) Dans la seconde partie, les participants ont été invités à verbaliser les difficultés qu’ils rencontrent fréquemment durant leurs trajets et incités à exprimer leurs attentes informationnelles. Cette réflexion s’est appuyée sur l’évocation de situations précises rencontrées au fil d’un déplacement. L’ergonome évoquait le déroulement d’un scénario de déplacement comprenant les différentes étapes d’un trajet : préparation d’itinéraire, trajet piéton pour se rendre jusqu’au moyen de transport public, trajet dans le véhicule de transport (bus tram et métro), correspondances avec le même type de moyen de transport (ex. métro et métro) ou avec un autre moyen de transport (ex. métro et bus) ainsi que le trajet piéton de la sortie du véhicule public de transport jusqu’à l’arrivée à destination.
2.2.3. Recueil des données
Les deux heures de groupe de discussion du groupe ont été enregistrées grâce à un dictaphone. Les échanges recueillis en format audio ont ensuite été retranscrits afin de faciliter l’analyse.
2.2.4. Traitement des données
La partie (1) du groupe de discussion permettant uniquement de plonger les participants dans la discussion, seule la partie (2) a été analysée. A partir des retranscriptions des besoins et des difficultés, nous avons regroupé les verbalisations en fonction des différentes étapes d’un trajet. Pour cela nous nous sommes appuyés sur le découpage que proposent Uzan & al (2011). Pour ces derniers, l’activité de déplacement dans les transports en commun se déroule dans quatre zones distinctes dont les caractéristiques situationnelles vont entrainer des besoins en informations spécifiques. Ces quatre zones sont les suivantes :
1-‐ la zone ouverte : correspond à l’espace urbain (en surface) qui peut avoir des configurations diverses et où sont vécues un grand nombre d’activités différentes.
2-‐ la zone d’accès : correspond à l’espace situé entre la zone de surface et la zone de transfert (décrite juste après) ou inversement. Si l’on prend le cas du métro, la zone d’accès correspond à l’entrée de la station en passant par les couloirs, jusqu’à l’arrivée aux quais.
3-‐ la zone de transfert : peut correspondre soit au quai (métro) soit au bord du trottoir (bus et tramway). Elle supporte un double transfert, l’accostage et le départ du véhicule ainsi que le transfert de voyageur du quai vers le véhicule et inversement.
4-‐ la zone de transportation : correspond à la zone située à l’intérieur du véhicule. Ici, le voyageur est momentanément dégagé des tâches propres à la conduite du déplacement physique, conduite déléguée au système de transport.
Ces quatre zones ont servi de cadre de référence pour analyser et quantifier les difficultés et les besoins informationnels exprimés verbalement afin d’obtenir un score du nombre d’évocations de ces différents points pour l’ensemble des participants au groupe de discussion.
2.3. Résultats
2.3.1. Difficultés principales rencontrées lors du déplacement
Le groupe de discussion a permis de mettre en lumière les principales difficultés rencontrées par les utilisateurs lors de leurs déplacements urbains. Les difficultés verbalisées sont récapitulées dans le Tableau 6, ci-‐dessous :
Zones Difficultés rencontrées pendant le déplacement Nb. P. Zone ouverte -‐ lien entre plan de métro et plan de quartier n’est pas en concordance en
terme de distance et l’organisation géographique réelle. 7/10 -‐ difficulté pour faire le lien entre intérieur et extérieur et trouver sa
destination une fois à l’extérieur dans des quartiers peu ou pas connus. 8/10
Zone d’accès
-‐ difficulté pour s’orienter dans les grands pôles d’échange aussi bien pour
rejoindre sa correspondance que pour rejoindre une sortie 8/10 -‐ quand la zone d’accès n’est pas spécifiquement dédiée aux transports,
comme pour prendre le bus par exemple, il est difficile de se diriger vers la zone de transfert (arrêt de bus).
8/10
Zone de
transfert -‐ quand plusieurs véhicules partent de la même zone de transfert, difficultés pour identifier le bon véhicule (plusieurs bus qui passent au même arrêt, quai de terminus : le métro qui part en premier est mal indiqué)
7/10
Zone
transportation -‐ sur une ligne de bus que l’on ne connaît pas, difficulté pour savoir où descendre. 8/10
Toutes zones -‐ présence de perturbation sur le réseau de transport impliquant une
modification de son itinéraire. 10/10
Tableau 6. Récapitulatif des difficultés rencontrées par les participants au cours de leur déplacement, verbalisées lors du groupe de discussion.
Les participants sont unanimes (10 participants sur 10), pour dire que la situation leur posant le plus de difficultés pendant l’activité de déplacement est celle de la présence d’une perturbation sur le réseau de transport. Cette perturbation peut être due à différents problèmes tels qu’un incident, un accident ou encore des travaux. Les répercussions de cet incident peuvent varier allant d’un simple ralentissement à l’arrêt total de la ligne pour une durée indéterminée. Les difficultés ressenties dans ce type de situation sont constatées à deux niveaux. Tout d’abord, les difficultés sont rencontrées pendant l’intégration de l’alerte de la perturbation. Les annonces sonores signalant le problème sont souvent tardives, peu précises et incompréhensibles. Elles sont la plupart du temps, diffusées grâce aux haut-‐parleurs du réseau dont la qualité sonore est souvent mauvaise et dont le son est souvent masqué par le bruit ambiant. Le second niveau de difficulté se situe dans la tâche de replanification de son itinéraire suite à la perturbation. Dans ce genre de situation, l’usager du réseau est prévenu tardivement, de façon imprécise et impersonnelle, de la perturbation. Ce dernier doit alors élaborer un itinéraire alternatif à sa planification initiale avec les ressources informationnelles dont il dispose, par exemple : plan de ligne, panneaux dans la station, agents, smartphone.
C’est en prenant appui sur ce résultat que nous allons élaborer notre scénario de déplacement pour l’étude suivante. Trois éléments y sont inclus :
-‐ l’occurrence d’une perturbation sur le réseau de transport entrainant une modification d’itinéraire
-‐ un itinéraire impliquant de se déplacer dans chacune des zones caractéristiques de l’activité -‐ le passage par un grand pôle d’échange.
2.3.1.a) Besoins conscients en information tout au long du trajet
Le tableau qui suit présente les différents besoins informationnels des participants tout au long du trajet. Nous pouvons remarquer un certain consensus sur les besoins informationnels car sur les 14 besoins conscients recensés, 13 sont exprimés verbalement par plus de 7/10 participants.
Zones de
déplacement Attentes informationnelles Nb. P.
Zone de surface -‐ direction à suivre pour rejoindre la zone d’accès / sa destination 10/10
Zone d’accès
-‐ direction à suivre pour rejoindre la sortie donnant le meilleur accès ou
bien la sortie choisie par l’utilisateur 10/10
-‐ disponibilité des équipements du réseau ainsi que de leur localisation
(exemple : ascenseur, escalators, WC, etc.) 8/10
-‐ information sur les musiciens jouant dans les couloirs du métro RATP ainsi
que leur localisation 7/10
Zone de
transfert -‐ temps d’attente véhicule et assurance de prendre le bon véhicule -‐ endroit où se placer sur le quai pour être au plus proche de l’entrée de 10/10 couloir à suivre ensuite pour rejoindre sa correspondance ou sa sortie 7/10
Zone
transportation -‐ descente de son véhicule (en particulier pour les bus) 9/10 Toutes zones
-‐ replanification de son itinéraire en fonction de sa destination de façon
individuelle 10/10
-‐ information sur la perturbation d'une ligne, du point d'arrêt et nécessité spécifier sa nature: interruption/ralentissement/accès station ou quai entravé;
10/10
-‐ niveau d’affluence sur son itinéraire 8/10
-‐ heure d’arrivée ou le temps restant jusqu’à sa station de correspondance
et/ou sa destination 8/10
-‐ point d'arrêt en proximité (personnel ou propre au site). 8/10 -‐ alerte d'une erreur de choix de quai par rapport à un itinéraire
préenregistré et ré-‐orientation vers le bon quai/point d'arrêt; 8/10 -‐ Information sur le fait que l’on se trouve toujours sur la bonne route ou pas 5/10 Tableau 7. Récapitulatif des besoins en informations issus du groupe de discussion en fonction des zones du
trajet dans lesquels le besoin est spécifié.
Au cours du groupe de discussion, différents besoins informationnels ont été soulignés par une nette majorité des participants. En zone ouverte, le besoin le plus important en information est
celui des directions à emprunter pour rejoindre sa destination. En zone d’accès, le besoin en information concerne d’une part la disponibilité des équipements du réseau ainsi que leur localisation mais également la direction à suivre pour rejoindre sa correspondance de la façon la plus rapide possible ou pour pouvoir emprunter la sortie la plus proche de son lieu de destination. En zone de transfert, le besoin en information consiste à connaître le temps d’attente de son véhicule mais également à obtenir la confirmation que le véhicule dans lequel on s’apprête à entrer se rend bien dans la direction voulue. En zone véhicule, le besoin réside dans le signalement de sa descente à l’endroit souhaité en fonction de sa planification d’itinéraire. Pour les besoins en informations communs à toutes les zones, se trouvent principalement ceux liés à la planification et à la replanification tout au long du trajet et ceux concernant l’occurrence d’un incident.
Un résultat assez inattendu mérite d’être souligné : en zone d’accès, les participants ont exprimé un besoin d’information non directement lié aux caractéristiques techniques du déplacement proprement dit : ils ont souligné l’importance de l’aspect hédoniste/ludique lors du trajet avec la volonté d’enrichir l’aspect utilitaire du trajet par le fait de passer un moment agréable. Pour cela plusieurs pistes d’idées ont été données telles qu’obtenir des informations culturelles au cours de son trajet ou encore connaître la localisation des musiciens et avoir des informations à leur sujet (ex. style de musique).
Grâce aux difficultés mentionnées et aux besoins informationnels exprimés par les participants du panel, nous avons pu recenser des pistes de fonctions pour la conception d’un dispositif d’aide au déplacement.
Nous avons également recueilli les données nécessaires à la construction d’un scénario de trajet pour aborder l’analyse de besoins non conscients grâce à l’étude écologique du déplacement piéton, usager d’un réseau de transport.