I. INTRODUCTION 14
4. Concevoir un outil haptique d’aide au déplacement 55
4.2. Utilisation de métaphores dans la conception 55
4.2.4. Les paramètres utilisés pour coder l’information haptique 57
Le sens du toucher offre différentes façons de coder l’information avec par exemple les paramètres de temps, d’espace, de température, et de pression. Il peut être très précis et les sujets parviennent à sentir de très faibles changements.
L’utilisation de la peau comme canal de communication implique d’avoir des connaissances sur la façon dont les personnes sont sensibles aux différents paramètres existants. Un paramètre approprié pour encoder des informations en haptique est un paramètre pour lequel les utilisateurs peuvent identifier plusieurs niveaux et qui ne dégradent pas les autres paramètres lorsqu’on les combine entre eux (Brown & Kaaresoja, 2006).
Les recommandations disponibles sur le sens vibro-‐tactile et le nombre d’applications évaluées sont encore très limités (ETSI EG, 2002). La plupart des recommandations sont basées sur la recherche fondamentale mais très peu proviennent d’études en situation écologique (Van Erp, Van Veen, Jansen, & Dobbins, 2005).
4.2.4.a) Notion de seuil perceptif
Il est judicieux d’optimiser le seuil de détection de la sensation grâce à la fréquence et à la localisation de l’interaction. L’abaissement du seuil de détection peut avoir des avantages, par exemple dans notre cas de conception d’un dispositif technologique, sur la consommation d’énergie.
4.2.4.b) La fréquence
La perception de la fréquence tactile est entre 10 et 600Hz, cependant il est préférable d’utiliser seulement les fréquences entre 50 et 400Hz (Goble, Collins, & Cholewiak, 1996) et le seuil le plus bas est autour de 250 Hz. Mais parfois les actionneurs vibrent à une fréquence qui n’est pas modulable. Ce paramètre n’est donc pas forcément utilisable selon l’actionneur utilisé.
La fonction qui décrit la relation entre l’amplitude nécessaire pour détecter les vibrations et la fréquence de stimulation représente les limites de la résolution sensorielle de la peau. Elle est utilisée comme base pour spécifier les caractéristiques d’une stimulation. Cette relation a été mesurée à plusieurs endroits du corps à des fréquences allant de 0,4 à 1000Hz. ((Bolanowski, Gescheide, & Verrillo, 1994). Les résultats sont présentés pour 3 régions du corps souvent utilisées pour l’affichage de signaux tactiles : le bout du doigt, l’avant-‐bras et l’abdomen. Une sensibilité optimale est obtenue à des fréquences entre 150 et 300Hz pour l’ensemble du corps. Pour des fréquences plus basses ou plus élevées, le déplacement de la peau (amplitude) doit être plus important pour être détecté. L’amplitude nécessaire pour détecter une vibration à toutes les fréquences varie considérablement suivant les endroits du corps. Le seuil de sensibilité le plus bas est celui du bout des doigts : 0.07µm à 200Hz. Le seuil de sensibilité le plus haut est celui de la région abdominale et glutéale : 4-‐14µm à 200Hz. De nombreux travaux ont étudié le seuil vibrotactile en fonction de la fréquence (Bolanowski et al., 1994), cependant il n’y a que peu d’études sur la discrimination de la fréquence vibrotactile. Cette discrimination est rendue difficile par l’interaction entre la fréquence et l’amplitude. Lorsque l’amplitude des vibrations augmente (à fréquence constante), la fréquence du signal perçu augmente également mais ce taux d’augmentation perçu varie considérablement d’une personne à une autre (Morley & Rowe, 1990). Le seuil de perception le plus bas se trouve sur la peau glabre. La fréquence peut ainsi être utilisée pour coder des informations.
4.2.4.c) La rugosité
Les variations de forme d’onde peuvent être perçues si la complexité de la forme est variée en utilisant par exemple des sinusoïdes à amplitude modulée pour lesquelles l’amplitude a un signal de base (ex : 250Hz) et il est modulé par une seconde sinusoïde (ex : 30 Hz). La modulation d’amplitude peut se faire pour une sinusoïde, un carré, etc. Grâce à cela on peut reproduire la rugosité d’une surface en statique en régulant la fréquence de la seconde sinusoïde. Pour un signal de base à 250Hz, la rugosité augmente en faisant diminuer la fréquence de la seconde sinusoïde de 50 à 20Hz. Ainsi en modulant un signal à 250Hz à différentes fréquences, on arrive à créer des formes d’onde qui varient en rugosité (Brown, Brewster, & Purchase, 2005).
4.2.4.d) L’intensité
L’intensité est ce que l’on ressent du couplage fréquence/amplitude (Jones & Sarter, 2008). Elle dépend essentiellement de l’amplitude. Les changements d’intensité (amplitude) peuvent être utilisés pour transmettre de l’information (ex : prévenir de la proximité d’un véhicule). Pour des intensités de vibration modérées à fortes, le seuil le plus petit estimé est entre 5 et 30% (en fonction des personnes) et la moyenne est à 16% (Craig & Sherrick, 1982). Les changements d’intensité à fréquence constante n’influencent pas seulement l’amplitude perçue du signal, mais aussi la fréquence perçue. Il serait donc conseillé de faire varier une seule de ces variables (amplitude ou fréquence) quand on veut communiquer avec la peau.
La combinaison de fréquence/amplitude jugée comme grandeur égale de façon subjective, correspondant à l’intensité a été déterminée pour une gamme de fréquence vibrotactile.
Figure 12. Combinaison pour une sensation égale de grandeur de vibration dérivée des données obtenues par la méthode de la balance à grandeur numérique. Les niveaux de sensation atteints sont le seuil (cercles), à 20
dB (carrés) et à 40 dB (Triangles) jusqu’au seuil pour un signal à 250Hz. (Verillo, Fraioli, & Smith, 1969). A partir de ces courbes, il est possible de déterminer l’intensité d’une vibration ayant une intensité subjectivement égale mais une fréquence différente. (Cette mise en correspondance n’est valable que si l’information est codée uniquement en termes de fréquence vibrotactile sans combinaison avec d’autres variables). Les seuils absolus et différenciés d’une intensité vibrotactile peuvent être utilisés pour déterminer de combien doit varier l’intensité du stimulus pour qu’une personne détecte un changement avec un dispositif tactile. Gill explique que lors de l’utilisation de ce paramètre pour la conception d’icône vibratoire, l’on ne devrait pas utiliser plus que quatre intensités.
Un stimulus confortable est compris entre 15-‐20dB au dessus du seuil. Il n’est pas judicieux d’utiliser plus de quatre niveaux différents d’intensité entre le seuil de détection et le seuil de douleur/confort. Les paramètres psycho-‐physiques indiquent qu’il existe deux moyens d’élargir l’ampleur subjective d’un stimulus : (1) en élargissant l’intensité en prenant des intensités proches du seuil et (2) en agrandissant la zone de simulation.
L’adaptation correspond à un changement dans la perception d’un stimulus prolongé. Cette
adaptation entraine une diminution du seuil absolu et de la grandeur subjective. C’est un processus graduel qui prend jusqu’à 25 minutes. L’effet sur le seuil est plus important (jusqu’à 20dB) que sur la grandeur subjective (jusqu’à 7dB). Le temps de récupération est d’environ la moitié du temps d’adaptation et est plus rapide pour la grandeur subjective que pour le seuil absolu. Pour prévenir l’adaptation, la fréquence peut être utilisée en utilisant des fréquences différentes (canaux neurophysiologiques).
4.2.4.e) La variation temporelle / le rythme
La variation temporelle peut aussi être utilisée pour coder les informations présentées.
3 composantes ont été étudiées : (1) la durée du stimulus, (2) le nombre de répétitions des impulsions, (3) le nombre d’impulsions.
Le rythme a un taux de reconnaissance de 90% quand 3 rythmes différents sont utilisés. Le rythme est créé en regroupant des pulsations vibrotactiles de durées différentes et en laissant des écarts entre elles pour créer des motifs (comme en musique la combinaison note et silence). Le rythme est un paramètre avec certaines limites puisqu’il demande d’être joué sur une certaine durée pour être reconnu. Sa saillance peut dominer ou masquer les autres paramètres. (Ternes & MacLean, 2008). Il est préférable d’utiliser une alerte d’une durée de pulsation située entre 50 et 200ms. Un stimulus plus long serait perçu comme ennuyeux. (Kaaresoja & Linjama,, 2005).
Le masquage spatial peut survenir lorsque des stimuli se chevauchent dans le temps. Ainsi le concepteur doit être conscient des effets négatifs de masquage. Le temps entre des signaux consécutifs d’un modèle temporel doit être d’au moins 10ms (Van Erp, Van Veen, Jansen, &
Dobbins, 2005). Une autre façon d’éviter le masquage temporel est de présenter les stimuli à des localisations différentes ou bien en utilisant des canaux neurophysiologiques différents comme les basses et hautes fréquences.
4.2.4.f) Localisation spatiale
Les capteurs distribués dans l'espace peuvent coder des informations suivant la position de stimulation sur le corps. Le choix d'emplacement sur le corps pour l’affichage vibrotactile est important, car des emplacements différents ont des niveaux différents de sensibilité et d’acuité spatiale. Un affichage peut se servir de plusieurs emplacements sur le corps pour que l'emplacement puisse être utilisé comme un autre paramètre. Les doigts sont souvent utilisés pour des affichages vibrotactiles parce que leur haute sensibilité aux petites amplitudes et leur haute acuité spatiale (Craig & Sherrick, 1982) est plus intéressante. Cependant, les doigts sont souvent exigés pour d'autres tâches.
Présenter deux ou plusieurs stimuli dans un modèle spatio-‐temporel spécifique peut évoquer le mouvement apparent. Le mouvement apparent peut être utilisé pour simuler le mouvement réel. Les paramètres importants sont la durée des salves, (d’une durée minimale de 20 ms) et le temps d’intervalles entre des stimuli consécutifs (ETSI EG, 2002)
Tableau 3. Récapitulatif des différents paramètres utilisés pour la modalité haptique avec des vibreurs -‐
(MacLean K. , 2008)
Pour les mêmes raisons que pour la vision et l’audition, un stimulus tactile de haute intensité peut causer de l’inconfort allant même jusqu’à une sensation de douleur. Il est important de maintenir efficacement un contact fixe entre la source de stimulation et la peau afin d’obtenir un transfert adéquat d’informations. Il est donc nécessaire de trouver un compromis entre performance et confort pour l’utilisateur (ETSI EG, 2002). L’utilisateur doit être en mesure de pouvoir régler l’intensité du stimulus. Il existe une grande variation pour les seuils de sensation et de douleur entre les différentes personnes ainsi qu’au cours de la vie car l’acuité spatiale se dégrade avec le vieillissement. Ainsi il est préférable que le niveau de simulation soit réglable par l’utilisateur. Pour le port d’interface sur le corps sur des longues périodes, cela doit rester discret et confortable. Le système doit être limité en terme d’émission d’énergie acoustique. Les sorties acoustiques indésirables peuvent être source d’interférence pour les personnes ou l’équipement à proximité de l’utilisateur de l’interface. Il est également nécessaire d’éviter la propagation des vibrations entre les vibreurs. Particulièrement, quand des actionneurs à proximité vibrent à la même fréquence de résonnance. Il existe alors un risque de transmission des vibrations sur les vibreurs non activés.
Les stimuli vibro-‐tactiles peuvent agacer l’utilisateur, il est important de penser lors de la conception que ces stimuli sont difficiles à ignorer si l’utilisateur ne veut pas les utiliser. Il est important de faire en sorte que le message vibro-‐tactile soit de préférence auto-‐explicatif. La plupart des gens ne sont pas familiers avec les motifs tactiles dans le domaine des interactions humain-‐machine d’où le fait qu’il soit nécessaire que l’interaction soit facilement compréhensible. Pour cela des vibrocons peuvent être utilisées (Van Erp, Van Veen, Jansen, & Dobbins, 2005). Cela signifie également que les utilisateurs n’expérimenteront pas les messages tactiles en continu et ont par ailleurs peu d’occasions d’apprendre à connaître la signification de messages tactiles à la différence de symboles visuels (feu rouge, panneaux, etc.).
Il faudra garder à l’esprit que l’expérience tactile doit être ancrée dans le monde réel. Les messages tactiles complexes doivent de préférence être composés de composants significatifs connus. Il faut également souligner que combiner différents signaux vibro-‐tactiles peut altérer la perception, par exemple la somme de deux ondes qui ne sont pas en phase.