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Phosphorylation de l’IN du VIH-1

Phosphorylation d’eIF2α par GCN2

2. Phosphorylation de l’IN du VIH-1

2.1. Phosphorylation de l’IN par GCN2 in vitro

Nous avons tenté au laboratoire de purifier GCN2 dans un système levure, sans succès malgré de nombreux efforts. Nous avons alors utilisé pour les tests de phosphorylation une protéine GCN2 recombinante commercialisée produite chez le baculovirus. L’IN quant à elle est exprimée chez la bactérie et purifiée au laboratoire comme décrit dans le Matériels et Méthodes. L’absence de phosphorylation sur cette IN bactérienne a été vérifiée par spectrométrie de masse.

Pour savoir si GCN2 est capable de phosphoryler l’IN, des essais de phosphorylation in vitro ont été mis au point afin de trouver des conditions réactionnelles compatibles avec l’activité des deux enzymes. La proteine kinase GCN2 (commerciale) et l’IN bactérienne sont incubées à 30 °C pendant 1 heure en présence d’ATP-γP32, puis les protéines sont déposées sur gel SDS-PAGE. Le gel est coloré au bleu de Coomassie pour vérifier la quantité des protéines utilisées, et la présence de phosphorylation est observée après révélation par autoradiographie (figure 53).

En absence de GCN2, l’IN n’est pas marquée en présence du milieu réactionnel (piste 1). L’ autophosphorylation de GCN2 est observée en présence comme en absence d’IN (pistes 2 à 9). L’IN est phosphorylée de manière dose dépendante par GCN2 pour atteindre un plateau à 2 µM (pistes 3 à 8). Le marquage est moins important en excès d’IN (10 µM) (piste 9).

Figure 53. Phosphorylation in vitro de l’IN par GCN2. Le test de phosphorylation est réalisé en

incubant GCN2 et l’IN dans le tampon réactionnel (voir Matériels et Méthodes section 2.5 c)) pendant une heure à 30 °C. La réaction est stoppée par ajout de tampon de charge. Une fois déposée sur gel, les protéines phosphorylées sont révélées par autoradiographie. Piste 1 : IN seule. Piste 2 : GCN2 seule. Pistes 3 à 9 : concentration constante de GCN2 (0,14 µM) et une quantité croissante d’IN (0,1 ; 0,2 ; 0,4 ; 1 ; 2 ; 4 et 10 µM respectivement).

Phosphorylation de l’IN du VIH-1

Afin de mieux caractériser les formes d’intégrase qui sont phosphorylées par GCN2, nous avons observé la phosphorylation d’un mutant d’IN inactif de classe I ainsi que celle d’un mutant incapable de s’oligomériser correctement.

Mutant de classe I

Nous avons utilisé le mutant IN D116A purifié au laboratoire. L’un des résidus de la triade catalytique est muté rendant l’IN inactive. Des concentrations croissantes de l’IN D116A ont été utilisées. Comme nous pouvons le voir l’IN D116A est très peu phosphorylée par GCN2, même aux fortes concentrations d’IN (figure 54, pistes 1 à 7). Les pistes 5 et 8 permettent de comparer directement la capacité de GCN2 de phosphoryler l’IN WT et D116A. Des résultats similaires ont été obtenus avec les mutants de classe I, IN D116N et E152A. Il semblerait donc que l’IN doive adopter une conformation compatible avec son activité pour être phosphorylée in vitro par GCN2.

Figure 54. Phosphorylation in vitro d’un mutant de classe I de l’IN par GCN2. Le mutant D116A

de l’IN est utilisé pour réaliser un test de phosphorylation. Pistes 1 à 7 : IN D116A (0,1 ; 0,2 ; 0,4 ; 1 ; 2 ; 4 et 10 µM respectivement) et GCN2 (0,14 µM). Piste 8 : IN WT (2 µM) et GCN2 (0,14 µM).

Mutant d’oligomérisation

L’oligomérisation de l’IN est essentielle pour son activité. C’est pour cela que nous avons analysé la phosphorylation du mutant IN Q168L (don de S. Emiliani Insitut Cichin, Paris), qui est connu pour être sous forme monomérique en solution [205]. L’IN Q168L (pistes 3 et 4) est très peu phosphorylée que ce soit à 0,1 µM ou à 2 µM par rapport à l’IN WT (pistes 1 et 2) (Figure 55). Ces résultats suggèrent que l’IN doit être sous forme active et capable de s’oligomériser pour pouvoir être phosphorylée par GCN2 in vitro.

GCN2-P

IN-P

Figure 55. Phosphorylation in vitro d’un mutant d’oligomérisation de l’IN par GCN2. Pistes 1 et 2 : IN

WT (0,1 µM et 2 µM). Pistes 3 et 4 : IN Q168L (0,1 µM et 2 µM). GCN2 est à concentration constante de 0,14 µM.

2.2. Identification d’un site putatif d’interaction IN/GCN2

Lors de nos expériences de double hybride, nous n’avons pas pu identifier un domaine de l’IN important pour son interaction avec GCN2. Nous avons donc comparé les séquences de l’IN avec deux protéines : le substrat naturel, eIF2α, et K3L, une protéine du virus de la vaccine connue pour interagir avec GCN2. Chez la levure, la liaison de GCN2 sur eIF2α se fait par fixation sur une séquence conservée 79KGYID83 présente également sur K3L[184, 194]. Nous avons identifié sur l’IN du VIH-1 la séquence 81SGYIE85 quia plus particulièrement retenu notre attention (figure 56). Il a été montré chez la levure, que le D de la séquence 79KGYID83 est essentiel à la phosphorylation d’eIF2α par GCN2. En effet, la mutation de D83 en 17 autres acides aminés, excepté en E, empêche la phosphorylation de la ser51 d’eIF2α [184]. Afin de voir si le résidu E85 de l’IN, homologue au D83 d’eIF2α, est essentiel pour la phosphorylation de l’IN du VIH-1, ce résidu E85 a été muté par une alanine. La mutation a été introduite au sein de l’IN recombinante pour tester son effet sur la phosphorylation par GCN2 in vitro.

Figure 56. Alignement de la séquence de l’extrémité N-terminale de l’intégrase du VIH-1, d’eIF2α humaine et de K3L du virus de la vaccine. L’alignement a été réalisé avec BioEdit. Les séquences

homologues sont entourées en noir.

Nos résultats montrent que l’IN E85A est phosphorylée in vitro par GCN2 de manière similaire à l’IN WT (figure 53 et figure 57). La mutation E85A n’est donc pas suffisante pour inhiber la phosphorylation de l’IN. Des études complémentaires devront être réalisées pour déterminer si le motif 81SGYIE85 de l’IN est impliqué dans la liaison IN/GCN2 et déterminer les régions d’interaction

Phosphorylation de l’IN du VIH-1

GCN2-P

IN-P

de l’IN avec GCN2. Par ailleurs, nous avons également produit les virus portant la mutation E85A sur l’IN et caractérisé le phénotype de ce mutant in vivo (voir partie 3 : caractérisation du mutant E85A).

Figure 57. Phosphorylation in vitro du mutant E85A de l’IN par GCN2. Pistes 1 à 7 : IN E85A à la

concentration de 0,1 ; 0,2 ; 0,4 ; 1 ; 2 ; 4 et 10 µM respectivement.

2.3. Identification des sites de phosphorylation

Pour identifier les sites de phosphorylation, un test de phosphorylation a été réalisé dans les mêmes conditions que précédemment en présence d’ATP non radiomarqué. Les protéines sont ensuite déposées sur gel SDS-PAGE et la bande correspondant à l’IN du VIH-1 a été analysée en spectrométrie de masse LC-MS/MS à la plateforme de génomique fonctionnelle de l’Université de Bordeaux. Un pourcentage de couverture de séquence compris entre 60 et 80 % a été obtenu. Deux résidus phosphorylés sur l’IN du VIH-1 par GCN2 ont ainsi pu être identifiés. Ces derniers sont la sérine 24 dans le domaine N-terminal et la sérine 255 dans le domaine C-terminal (figure

58). D’autre résidus sont parfois retrouvés phosphorylés notamment dans le domaine catalytique

mais pas de manière reproductible.

Nous avons cherché à savoir si, in vivo, l’IN était modifiée par phosphorylation. Sachant que GCN2 est conservée de la levure aux cellules de mammifères, l’IN a été exprimée dans deux types de cellules, la levure et des cellules humaines 293T. La recherche de phosphorylation a été réalisée par spectrométrie de masse LC-MS/MS après purification de l’IN.

Dans la levure

A partir d’IN recombinante exprimée chez la levure, l’identification de PTMs montre plusieurs modifications dont deux phosphorylations: sur la sérine 24 et la sérine 255 (figure 58). Les deux sérines phosphorylées par GCN2 in vitro sont également modifiées sur l’IN exprimée chez la levure.

Dans les cellules humaines

Nous avons voulu savoir si l’IN exprimée dans des cellules humaines, hors contexte d’infection virale, pouvait être phosphorylée. Pour cela nous avons utilisé le plasmide d’expression pEGFP-C2-INs donné gracieusement par le Dr Debyser (Université Catholique de Louvain. Belgique). Ce plasmide contient un gène synthétique de l’IN dont l’expression a été optimisée dans les cellules humaines. En effet le pourcentage en GC a été augmenté pour se rapprocher de celui des gènes hautement exprimés dans les cellules humaines. De plus, en absence de Rev, la séquence Cis-Acting repressor sequence et les séquences d’instabilité (INS) du gène de l’IN interfèrent avec son expression. Ces séquences ont donc été éliminées sans modifier la séquence en acide aminés Cette IN « synthétique » (INs) est fusionnée à l’EGFP permettant de suivre son expression.

L’INs-EGFP est exprimée dans des cellules 293T. Ces cellules sont lysées 24 heures après transfection et l’INs-EGFP est immunoprécipitée à l’aide d’un anticorps anti-EGFP (voir Matériels et Méthodes). Après migration sur gel, les protéines sont colorées au nitrate d’argent et la bande correspondant à l’INs-EGFP a été découpée et analysée par spectrométrie de masse.Les résultats montrent que l’IN est phosphorylée dans les cellules humaines sur la sérine 24 et la sérine 255 (figure 58).

Phosphorylation de l’IN du VIH-1 ....|....| ....|....| ....|....| ....|....|

5 15 25 35

Intégrase MALNGIDKAQ EDHEKYHSNW RAMV

S

DFNLP PVVAKEIVAS

....|....| ....|....| ....|....| ....|....|

45 55 65 75 Intégrase CDKCQLKGEA MHGQVDCSPG IWQLDCTHLE GKIILVAVHV

....|....| ....|....| ....|....| ....|....|

85 95 105 115 Intégrase ASGYIEAEVI PAETGQETAY FLLKLAGRWP VKTIHTDNGS

....|....| ....|....| ....|....| ....|....|

125 135 145 155 Intégrase NFTSTTVKAA CWWAGIKQEF GIPYNPQSQG VVESMNNELK

....|....| ....|....| ....|....| ....|....|

165 175 185 195 Intégrase KIIGQVRDQA EHLKTAVQMA VFIHNFKRKG GIGGYSAGER

....|....| ....|....| ....|....| ....|....|

205 215 225 235 Intégrase IVDIIATDIQ TKELQKQITK IQNFRVYYRD NKDPLWKGPA

....|....| ....|....| ....|....| ....|....|

245 255 265 275

Intégrase KLLWKGEGAV VIQDN

S

DIKV VPRRKAKIIR DYGKQMAGDD

....|....| 285

Intégrase CVASRQDED*

Figure 58. Position des résidus phosphorylés sur la séquence de l’IN. Les résidus modifiés sont

identifiés par spectrométrie de masse. En rose sont représentées les modifications retrouvées en présence de GCN2, chez la levure et les cellules humaines.

2.4. Phosphorylation des sérines 24 et 255 de l’IN du VIH-1

Nos résultats montrent que l’IN est phosphorylée par GCN2 in vitro sur les sérines 24 et 255, et de façon intéressante ces phosphorylations sont retrouvées in vivo dans la levure et les cellules humaines. Pour étudier l’importance de la sérine 24 et de la sérine 255 sur la phosphorylation de l’IN, nous avons produit des IN mutés au niveau des sites de phosphorylation ainsi que des mutants de de délétion, et avons observé leur niveau de phosphorylation par GCN2.

0 20 40 60 80 100 120 P h o sp h o ry la ti o n ( %)

Phosphorylation des mutants ponctuels

Les sérines 24 et 255 ont été mutées au sein de l’IN recombinante par une alanine (mimant un résidu non phosphorylable) ou par un acide aspartique (mimant un résidu phosphorylé). Les simples et les doubles mutants ont été produits et purifiés comme décrit dans le Matériels et Méthodes. Le profil de phosphorylation en présence de GCN2 des différents mutants a été observé in vitro (figure 59). Comme nous pouvons le voir, la mutation des deux sérines inhibe fortement la phosphorylation de l’IN in vitro (pistes 6 et 7). Ces résultats confirment que ces deux résidus sont les sites principaux de phosphorylation sur l’IN du VIH-1 par GCN2 in vitro.

Par ailleurs la mutation S255A (pistes 4) entraîne une plus forte diminution du niveau de phosphorylation de l’IN que la mutation de la S24A (pistes 2). Ce qui laisse penser que la S255 est le site majoritaire de phosphorylation.

De plus, l’IN S255D est moins phosphorylée que l’IN S255A (pistes 4 et 5), il en est de même entre les IN S24D et S24A (pistes 2 et 3). Il semblerait donc, que lorsqu’une phosphorylation est mimée sur la S24 ou la S255, celle-ci inhibe la phosphorylation de l’autre résidu non muté. Il serait intéressant de tester l’interaction de ces différents mutants avec GCN2. En effet la phosphorylation d’un résidu pourrait diminuer l’affinité de liaison à GCN2, ceci pourrait expliquer les différences du niveau phosphorylation entre les mutants de l’IN.

Figure 59. Phosphorylation in vitro des différents mutants d’IN par GCN2. (a) Exemple de gel

révélé par autoradiographie. Piste 1: IN WT piste 2 : IN S24A, piste 3: S24D, piste 4: S255A, piste 5: S255D, piste 6: S24A/S255A, piste 7 :S24D/S255D. (b) Quantification du niveau de phosphorylation par Image J. les résultats sont la moyenne de deux expériences indépendantes et sont représentés en prenant la phosphorylation de l’IN WT comme 100%.

1 2 3 4 5 6 7

GCN2-P

IN-P

Phosphorylation de l’IN du VIH-1 S24 S255 S255 S24 1 288 220 50 IN WT CC ∆ Nter ∆ Cter

Phosphorylation des mutants de délétions

Dans un second temps, pour confirmer et approfondir les résultats précédents, des mutants de délétions de l’IN ont été utilisés pour les tests de phosphorylation (figure 60).

Comme attendu, le domaine CC ne contenant aucune des deux sérines, est très peu phosphorylé (piste 2). Le niveau de phosphorylation de l’IN ΔN-ter est identique à celui de l’IN WT (pistes 1 et 4). Comme observé pour les mutants ponctuels sur la sérine 24, l’absence de cette dernière ne semble pas trop affecter la phosphorylation de l’IN.

Etonnamment, l’IN ΔC-ter, qui a perdu la serine 255 mais conserve la S24 n’est pas phosphorylée

in vitro. La serine 24 n’est donc pas phosphorylée dans ces conditions.

Il semblerait donc que le domaine C-terminal de l’IN contenant le résidu 255 est primordial pour une phosphorylation efficace de l’intégrase. Ces résultats sont en accord avec ceux des mutants ponctuels, qui montrent que la présence de la sérine 255 est essentielle à la phosphorylation de l’IN. Cependant, l’IN ΔCter n’étant pas du tout phosphorylée, nous ne pouvons pas exclure que ce phénotype soit dû à une perte d’interaction entre ce mutant de délétion et GCN2.

Figure 60. Phosphorylation in vitro des mutants de délétion de l’IN par GCN2. (a) La

phosphorylation in vitro des différents domaines de l’IN. Piste 1 : IN WT. Piste 2 : CC. Piste 3 : IN ΔCter et piste 4 : IN ΔNter. (b) Représentation schématique des différents domaines de l’IN utilisés pour le test de phosphorylation. La position des sérines 24 et 255 est représentée.