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Les modifications post-traductionnelles des intégrases

Transfert de brin

3. Les modifications post-traductionnelles des intégrases

Les modifications post-traductionnelles (PTMs) sont réversibles et impliquées dans des voies de régulation de l’activité des protéines. La PTM la plus étudiée est la phosphorylation mais il en existe beaucoup d’autres telles que l’acétylation, la méthylation, l’ubiquitinilation, la glycosylation, la SUMOylation etc.… Une PTM peut réguler la fonction d’une protéine en induisant ou en perturbant une interaction ou en ayant un effet allostérique.

Plusieurs études récentes ont permis de décrire de nouvelles modifications post-traductionnelles sur l’IN du VIH-1. Depuis 2000, il a été montré que l’IN est modifiée par quatre PTMs : ubiquitinilation, SUMOylation, l’acétylation et la phosphorylation (figure 31). Le rôle de chacune de ces PTMs a été étudié in vivo montrant une régulation importante de l’activité de l’IN au cours du cycle viral par les PTMs (pour une revue [141]).

Figure 31. Modifications post-traductionnelles sur l’intégrase du VIH-1. Représentation

schématique de l’IN avec ses trois domaines NTD, CCD et CTD. Les acides aminés modifiés par des PTMs sont représentés. Adapté de [141].

3.1. L’acétylation

Lors de l’acétylation, une acétyle transférase (HAT) transfère un groupement acétyle en N-terminal d’un résidu Lysine. L’acétylation peut être réversée par les histones déacétylases (HDACs).

Deux HATs, p300 et GCN5 ont été décrites pour avoir la capacité de lier et de modifier l’IN in vitro et in vivo. L’acétylation de l’IN sur les résidus K264, K266 et K273 est réalisée par les deux HATs, tandis que le résidu K258 est spécifiquement acétylé par GCN5 [153] [154] .

Cette acétylation augmente l’affinité de l’intégrase pour son substrat ADN et stimule le transfert de brin in vitro. La mutation de ces lysines en arginines ainsi que l’inhibition spécifique de p300 ou l’extinction de GCN5 entraînent un défaut de réplication lié à une inhibition de l’intégration [155]. L’hypothèse de l’équipe de Cereseto est que l’acétylation de l’IN pourrait moduler une interaction avec un ou des partenaires cellulaires importants pour l’intégration. Pour vérifier cela une expérience de double hybride avec comme appât une IN couplée au domaine HAT WT ou inactif de p300 a été effectuée. L’association de l’IN avec le domaine HAT de p300 favorise son acétylation. Quatre facteurs, BTF3b, THRAP3, HMGN2 et KAP1 se lient de manière préférentielle avec l’IN modifiée [156]. Récemment, cette même équipe a montré que KAP1 recrute la protéine HDAC1 qui déacétyle l’IN ce qui réduit l’efficacité de l’intégration in vivo [157].

3.2. L’ubiquitinilation

L’ubiquitinilation est aujourd’hui reconnu comme étant un processus hautement régulé, flexible et réversible. En effet, cette modification n’est pas seulement un signal de dégradation de la protéine, mais peut aussi affecter sa localisation, son activité, sa structure et ses interactions avec des partenaires [158]. L’ubiquitine (Ub) est liée de manière covalente via son domaine C-terminal à un résidu lysine du substrat. Cette réaction nécessite trois enzymes : l’Ub-activating enzyme (E1), l’Ub-conjugating enzyme (E2) et l ’Ub-ligase (E3). Une protéine peut être mono-ubiquitinilée ce qui est un signal non protéolytique impliqué dans l’endocytose, la régulation des histones, la réparation de l’ADN, l’assemblage des virus et l’export nucléaire (figure 32). L’ubiquitine elle-même contient 7 résidus lysines et peut être utilisée comme substrat pour l’ajout d’Ub entraînant la formation d’une chaîne polyubiquitinilée (polyUb). En fonction des lysines utilisées, les chaines polyUb auront des topologies différentes et seront impliquées dans des voies de signalisation distinctes. Ainsi des levures exprimant une Ub mutée en K63R présentent un défaut de la réparation de l’ADN tandis que la voie de dégradation protéolytique est toujours fonctionnelle [159]. Le principal signal pour la dégradation par le protéasome est une chaine polyUb via la lysine K48.

Les modifications post-traductionnelles des intégrases

Des résultats prouvent que l’IN est dégradée suite à l’ajout d’une chaine poly-Ub liée via la K48. En effet, l’IN est plus stable lorsqu’elle est cotransfectée avec une Ub mutée en K48R [160] contrairement à la transfection avec une Ub WT ou une Ub K63R [161].

De plus, l’intégrase interagit avec von-Hippel-Lindau binding protein 1 (VBP1) qui est une protéine chaperonne de la famille des prefoldines. Cette interaction permet à l’IN de se lier au complexe ubiquitine ligase cullin 2/ von hippel lindau (Vul3/VHL) ce qui induit la polyubiquitinilation et la dégradation de l’IN. Une mutation des résidus lysines modifiés ou l’extinction de l’expression de VBP1 ou VHL cause une diminution drastique de l’infection. L’hypothèse émise est que la dégradation de l’IN libérerait les sites d’intégration pour permettre l’accès aux facteurs de réparation de l’ADN [162].

Figure 32. Représentation schématique des différentes modifications Ub et leurs rôles. La

position des 7 lysines de l’Ub qui peuvent être modifiées est représentée en haut [158].

3.3. La SUMOylation (Small Ubiquitin-like Modifier)

La SUMOylation est la liaison de peptides SUMO de 11 kDa aux protéines. Ces peptides SUMO sont très proches des Ubs d’un point de vue séquence et structure. Il existe quatre isoformes de SUMO chez l’homme: SUMO-1, SUMO-2, SUMO-3 et SUMO 4. Les SUMO-2 et 3 partagent 95% d’identité. Les peptides SUMO-1 quant à eux sont plus éloignés et ils ne permettent pas la formation de chaine poly-SUMO [163]. La SUMOylation de protéines peut avoir différentes

fonctions telles la régulation de la stabilité de la protéine, de transport vers le noyau etc.… De façon intéressante, la SUMOylation peut être couplée à d’autres PTMs. Par exemple, la SUMOylation peut être favorisée ou au contraire inhibée par la phosphorylation d’un résidu à proximité du site de SUMOylation.

Les lysines 46, 136 et 244 de l’IN ont été identifiées comme étant SUMOylées in vivo et in vitro. Cette SUMOylation est importante pour la réplication virale et semble être impliquée lors de l’étape d’intégration. Toutefois, le rôle exact de cette SUMOylation reste inconnu [164].

3.4. La phosphorylation

La phosphorylation cible les résidus Ser, Thr et Tyr chez les eucaryotes. Les kinases catalysent le transfert d’un groupement phosphate de l’ATP sur un groupement hydroxyle des résidus phosphorylables. Il y a alors ajout d’une charge négative sur la protéine modifiée. La déphosphorylation des protéines est réalisée par des phosphatases.

La première phosphorylation d’une intégrase rétrovirale a été identifiée en 1980 pour le virus du sarcome de rous (RSV) [165]. Pour les rétrovirus aviaires, l’IN est présente en C-terminal de la sous-unité β de la RT. La maturation virale de la sous unité β entraîne la production de la RT composée d’un hétérodimère α/β et de l’IN mature de 32 kDa (figure 33).

La sous-unité β de la RT et l’IN sont modifiées par phosphorylation. Le site principal de phosphorylation décrit est la sérine en position 282 de l’IN mature. Il a été montré in vivo que l’IN mature du RSV subit un clivage en C-terminal juste à proximité de la ser282. La mutation S282D, qui mime un résidu phosphorylé, diminue la protéolyse de l’IN. Cette phosphorylation pourrait donc inhiber le clivage de l’IN in vivo [166]. Sans que cela ait été montré de manière directe, il semblerait que la kinase v-Src favorise l’encapsidation de la kinase responsable de cette phosphorylation.

Figure 33. Produit de processing des protéines pol du RSV à partir du précurseur gag-pol. Le précurseur gag-pol subit un premier clivage qui libère la protéase (PR) virale et la sous-unité β de la RT. La PR ensuite clive la sous-unité β pour donner l’IN mature et la sous-unité α. les sous unités β et α s’assemblent pour former la RT mature.

Les modifications post-traductionnelles des intégrases

Récemment, pour le rétrotransposon Ty5 de la levure, de manière intéressante, il a été montré un lien entre une phosphorylation de l’intégrase et la régulation de la sélectivité de l’intégration [167]. Le rétrotransposon Ty5 s’intègre préférentiellement au niveau de l’hétérochromatine dans des régions peu transcrites. Ce ciblage est médié par le domaine TD (targeting domain) de l’intégrase de Ty5. Il a été montré que la phosphorylation de ce domaine TD régule l’interaction avec Sir4p qui est un facteur associé à l’hétérochromatine. Cette interaction favorise l’intégration dans l’hétérochromatine. Dans des conditions de stress tels qu’une carence en acides aminés, en carbone ou en azote, la phosphorylation du domaine TD est diminuée ce qui inhibe l’interaction de l’intégrase Ty5 avec Sir4p. Cette absence de phosphorylation entraîne donc une intégration aléatoire induisant des mutations du génome et permettant une adaptation du génome de l’hôte en réponse aux stress [167].

En 2010 l’équipe de Giacca a mis en évidence une phosphorylation de l’IN du VIH-1 [168]. Dans les LT CD4+, l’IN est phosphorylée sur la sérine 57 par la kinase JNK. Cette phosphorylation est nécessaire pour l’interaction de l’IN avec la protéine Pin1 qui est une peptidyl-propyl cis/trans isomerase. Cette interaction entraîne un changement de conformation de l’IN qui augmente sa stabilité et l’efficacité d’intégration in vivo.

Il est intéressant de noter que contrairement aux LT CD4+ activés, dans les LT CD4+ quiescents la kinase JNK n’est pas exprimée. Dans les cellules quiescentes, l’IN ne sera donc pas phosphorylée par JNK augmentant sa dégradation et diminuant l’infection. Ces résultats permettent donc d’expliquer en partie pourquoi les cellules quiescentes CD4+ sont moins permissives à l’infection par le VIH-1 que les cellules activées.