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Phase de niveau 0b « moyennement intensif en intrants » (1985-1990) : Installation et ajustement

pratiques-clefs et les processus d’apprentissage

3. Impact environnemental et sur sa santé

4.2. Evolution des modèles opératifs de Thomas (trajectoire A)

4.2.1. Phase de niveau 0b « moyennement intensif en intrants » (1985-1990) : Installation et ajustement

Figure 26 - Schéma du modèle opératif de Thomas dans la phase de niveau 0b.

Modèle opératif de Thomas dans la phase 1985-1990: niveau 0b «moyennement intensif en utilisation d’intrants » Critères d’évaluation Rdt Espèces optimisant les contraintes du milieu Faisabilité du travail Faire comme

les voisins Charges

Densité pour le déclenchement Règles de décision des traitements ?

Pas d’outils

Prise en compte des qualités physico chimiques du sol (présence de fertilisants et

réserves utiles en eau).

Prise en compte de seuils et dates de nuisibilité Pour certains bioagresseurs

Analyses de sol

Nouvelle espèce demandant peu de charges

Aide précieuse des voisins pour s’installer Et pour connaître les pratiques moyennes Importance du groupe de développement pour étendre le réseau et participer à des débats techniques

Les différentes sources d’information ( autrui, formation, lecture de revues) permettent d’être à jour

sur l’information existante Ne pas savoir n’est pas une honte

L’échec permet d’apprendre aussi.

Méthodes chimiques et systématiques pour la gestion de la fertilisation

(3*rdt céréales, 7* rdt colza) et la gestion des bioagresseurs

Labour 65%

Prise en compte hétérogénéité spatio-temporelle

Les connaissances pragmatiques

A partir de son installation, Thomas, qui a exercé en tant que conseiller agricole quelques années avant de devenir agriculteur, a pour critères d’évaluation : le rendement des cultures, la faisabilité du travail et le fait de faire comme ses voisins. Il veut d’abord se prouver qu’il est capable d’être dans la norme locale, c’est-à-dire faire comme les autres et obtenir le même rendement qu’eux. Ainsi, il ne vise pas une maximisation du rendement à tout prix, mais un rendement compris dans la norme locale. A la fin de cette phase de cohérence (fin des années 1980), un nouveau critère d’évaluation apparaît : les charges opérationnelles. Peu à peu, Thomas a transformé son objectif « faire le même rendement que les voisins », en « faire un rendement acceptable dans la norme locale et optimiser les charges ».

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Pour répondre à son objectif de « faire du rendement en tenant compte des contraintes du milieu », ce qui correspond à un objectif de ses voisins, Thomas :

• Choisit les espèces qu’il pense adéquates face aux contraintes du milieu (blé, orge, tournesol, colza),

• Sème à densité élevée afin de maximiser le nombre de pieds pour avoir beaucoup d’épis malgré la contrainte des cailloux qui joue sur le taux de pertes à la levée (pour les céréales la densité était de 350-400 pieds/m2 sortie hiver par exemple)

• Applique des méthodes chimiques et systématiques pour la gestion des bioagresseurs et la gestion de la fertilisation azotée (dose totale d’azote à appliquer (en deux fois) sur céréales = 3* objectif de rendement ; dose totale d’azote à appliquer (en deux fois) sur colza= 7* objectif de rendement).

• Réalise des analyses de sol tous les cinq ans afin de connaître les caractéristiques de ses sols, en particulier les reliquats d’éléments minéraux fertilisants P et K pour raisonner leur apport.

Toujours pour « faire comme ses voisins », Thomas travaille le sol par mimétisme sans raisonner sur l’utilité des différents passages d’outils de travail du sol : il laboure 65% de la sole de son exploitation, c’est-à-dire avant toutes les cultures sauf avant la deuxième céréale dans la succession.

En intégrant progressivement une réflexion sur la baisse des « charges », Thomas développe alors de nouvelles connaissances sur les pratiques. Ainsi, il cultive une nouvelle espèce, le pavot, en s’intéressant au fait que les charges opérationnelles pour cette culture sont peu élevées et cherche à établir des règles de décision pour le déclenchement de ses traitements, mais n’en trouve pas et aboutit à la conclusion qu’il manque d’outils pour établir des règles de décision.

Dans cette phase, Thomas acquiert une connaissance sur les qualités physico-chimiques des sols de son exploitation (structure, profondeur, charge en cailloux, réserve utile en eau, teneur en éléments fertilisants) en mobilisant des outils disponibles (analyses de sol), pour identifier les seuils et dates de nuisibilité des bioagresseurs présents dans le sol et l’hétérogénéité spatio-temporelle. Il se familiarise de fait avec son exploitation, en cherchant à faire « aussi bien que les voisins ». Il constate qu’il est dans des sols particulièrement séchants pour la zone où il se trouve.

Ainsi, Thomas semble avoir deux principes organisateurs : le premier consiste à mettre en place des outils pour appréhender les potentialités du milieu, le second à ajuster les moyens d’intervention et les cultures aux potentialités pédoclimatiques, qu’il découvre progressivement, puis aux risques avérés concernant les bioagresseurs, sans trouver à ce stade les moyens d’intégrer réellement ce souhait d’ajuster ses traitements.

193 Connaissances sur les façons d’apprendre.

A cette époque, Thomas considère que les voisins sont d’une aide précieuse pour donner des conseils, mais il cherche aussi, s’installant dans un terrain inconnu, à participer au groupe de développement agricole (GDA) qu’il voit comme un bon moyen à la fois d’étendre son réseau et de participer aux débats techniques. Il se sert de différentes sources d’information (autrui, formation, lecture de revues) qui selon lui, permettent d’être à jour sur l’information existante. Enfin, il pense que l’échec permet d’apprendre, que ce n’est pas une honte de ne pas savoir quelque chose et qu’il ne faut pas s’empêcher d’aller voir ses voisins.

4.2.2. Phase de niveau 1-2a, « interface entre raisonné et ITK intégré sur blé » (1990-1995) : GDA et optimisation technico-économique

Figure 27 - Schéma du modèle opératif de Thomas dans la phase « interface entre raisonné et ITK intégré sur blé » (1990-1995).

Modèle opératif de Thomas dans la phase 1990-1995: niveau 1 «raisonné »

Critères d’évaluation Rdt Espèces optimisant les contraintes du milieu Charges Phytos

Les différentes sources d’information ( autrui, formation, lecture de revues) permettent d’être à jour sur l’information existante

Les échecs permettent d’apprendre aussi. Azote

Règles de décision pour le déclenchement

des traitements

Observation et reconnaissance des bioagresseurs Et de leur stade de développement

Evaluation de l’état sanitaire de la parcelle Bilan avec moy. Reg

CORPEN Analyses de sol Variétés idem

Prise en compte des qualités physico chimiques du sol (présence de fertilisants et

réserves utiles en eau).

Prise en compte de seuils et dates de nuisibilité des bioagresseurs Visite essais Réduction Densité de céréales Prise en compte hétérogénéité spatio-temporelle Relation densité-humidité-maladies Désherbage précoce spécificités des bioagresseurs Travail du sol: réduction du labour Fioul

Relation climatologie-état du sol Travail du sol-adventices Affluence au GDA Anticipation changements réglementaires Et avantages Conseillers connus

Importance du GDA pour étendre le réseau et débats techniques

Méthodes de travail en groupe efficaces et valorisantes, en particulier l’expérimentation.

Importance d’être nombreux pour répéter les expés. Témoin 0. Techniques développées dans GDA doivent être en libre accès aux autres agriculteurs, sans « droits d’auteurs » Un conseiller extérieur à la zone ou d’un institut technique peut

Être source d’innovation technique ou méthodologique (faire des notations) Baisse des prix liée à la réforme de la PAC et introduction des normes

194 Les connaissances pragmatiques

Dans cette phase de cohérence, les critères d’évaluation de l’activité de Thomas sont le rendement et les charges opérationnelles, mais aussi le niveau d’affluence au GDA, c’est-à-dire le nombre d’agriculteurs présents aux réunions du GDA. En effet, le GDA a connu une scission suite à des désaccords sur le projet de fond, et il ressort de son récit sur la « crise du GDA » que Thomas a été un acteur majeur dans le remaniement du GDA, et notamment pour motiver les autres agriculteurs à rester en adoptant une autre dynamique. Thomas étant très impliqué au sein de son groupe de développement dans cette phase de cohérence, il est au moins « moteur » dans le groupe, voire « animateur » du groupe, puisque dans son discours les interventions du conseiller du groupe sont absentes.

Thomas a donc deux objectifs conjoints :

• l’optimisation technico-économique de ses pratiques, ce qui correspond à la maximisation du rendement dans la limite des potentialités de son sol conjointe à la suppression des intrants inutiles (permettant de réduire les charges opérationnelles) ;

• faire venir le maximum d’agriculteurs au GDA pour développer une activité du groupe, des débats techniques et des expérimentations collectives.

Afin de maximiser le rendement dans la limite des potentialités de son sol, Thomas continue à rechercher des espèces qui peuvent s’adapter dans les sols séchants de son exploitation mais joue aussi sur le choix des variétés. Il commence à chercher à réduire ses charges en jouant à la fois sur l’azote, le fioul, les pesticides et les semences. L’apport d’azote est raisonné en réalisant un bilan global par culture en estimant les reliquats azotés à l’aide des abaques du CORPEN. Les analyses de sol contribuent également à affiner le bilan azoté. Thomas supprime certains passages de labour afin de réduire son utilisation de fioul. Concernant les produits phytosanitaires, deux grandes pratiques sont développées pour permettre l’optimisation de leur utilisation :

- la réduction de la densité de semis de céréales, permettant d’éviter le développement de certaines maladies (et permettant également d’optimiser l’intrant semences)

- la mise en place de règles de décision pour le déclenchement des traitements.

Pour cette dernière pratique, deux compétences sont développées à la fois : l’observation et la reconnaissance des bioagresseurs et de leur stade de développement, mais aussi la capacité de l’agriculteur à évaluer l’état sanitaire de la parcelle. Ainsi, pour les adventices, le désherbage à un stade de développement précoce permet d’utiliser des désherbants à dose réduite et de répondre à l’objectif d’optimisation.

Pour « faire venir le maximum d’agriculteurs au GDA », Thomas développe un argumentaire sur l’anticipation des changements réglementaires à venir et leurs impacts (réforme de la PAC et mise en place de la directive nitrates). Il suggère qu’il est plus prudent d’anticiper les changements

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réglementaires que de se trouver face à la réglementation sans savoir comment agir, voire qu’il est avantageux économiquement de réduire ses charges avant même que les prix ne baissent suite à la réforme de la PAC. La seconde pratique développée pour faire venir les agriculteurs au GDA est l’invitation de conseillers indépendants reconnus par les agriculteurs de la zone.

La grande majorité des processus d’apprentissage qui sont à l’origine des changements de pratiques et des jugements pragmatiques qui les sous-tendent et qui sont décrits ici sont classé dans les styles d’apprentissage 1 et 2 « Dans un GDA avec ou sans conseiller extérieur ».

Comme dans la phase précédente, sa représentation de l’agrosystème donne une place importante aux qualités physico-chimiques du sol. Mais dorénavant, il cherche aussi à mieux saisir l’hétérogénéité spatio-temporelle présente dans son exploitation qu’elle soit liée aux caractéristiques physico- chimiques de ses sols, mais aussi, comme il l’avait déjà perçu précédemment, à la dynamique des bioagresseurs. Il accroît ici ses moyens d’analyse des états du milieu que ce soit en réalisant des bilans azotés ou en développant des outils d’observation et de diagnostic lui permettant d’établir des règles de décision pour le déclenchement des traitements. Ainsi, il acquiert une représentation plus fine des spécificités des dynamiques des bioagresseurs. L’exploration de techniques comme la réduction de la densité de semis ou la suppression du labour avant colza traduit son souci de mettre en place des techniques qui là encore s’ajustent à des potentialités du milieu, tout en cherchant une réduction des coûts. « Un colza qui est implanté après un labour fin août, il lui faudra au minimum 20 millimètres de pluviométrie pour lever. Alors que sans labour, il commence à lever avec 8/10 millimètres ».

Les principes organisateurs de l’action sur les cultures ne semblent pas réellement évoluer dans cette phase, même si la capacité à appréhender les potentialités du milieu est mieux dotée en instruments permettant d’en faire un diagnostic plus précis.

Connaissances sur les façons d’apprendre.

Avec son engagement au sein du GDA, Thomas va développer un discours sur la façon dont il envisage le rapport à autrui, que ce soit pour acquérir de nouvelles idées ou pour les mettre à l’épreuve. Ainsi, comme auparavant, il considère que le GDA est important pour étendre son réseau et participer à des débats techniques. Mais, dorénavant, il insiste sur le fait que les méthodes de travail en groupe sont efficaces et valorisantes, notamment les expérimentations en groupe avec un intervenant extérieur. Enfin, pour lui, lors des expérimentations collectives, il est important d’être nombreux pour pouvoir faire des moyennes et comparer les résultats, mais aussi d’appliquer un protocole similaire, avec un témoin 0. Il considère enfin que les techniques développées dans le GDA doivent être en libre accès aux autres agriculteurs, sans « droits d’auteurs ».

Sa position sur les façons d’apprendre est aussi, comme précédemment, que les échecs sont source d’apprentissage, et qu’il est important de mobiliser différentes sources pour être à jour sur l’information technique. Mais à partir de cette phase, il va aussi chercher dans son environnement des

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informations pour anticiper sur l’évolution du contexte réglementaire (réforme de la PAC, normes CORPEN) afin d’en faire des opportunités pour changer de pratiques, et va diversifier ses sources de conseil (conseillers extérieurs à la zone ou ingénieurs des instituts techniques) pour développer ses compétences (par exemple apprendre à faire des notations). Comme pour les connaissances portant sur les pratiques, ces connaissances sur les façons d’apprendre ont été formulées suite à des processus d’apprentissage relevant du style « Dans un GDA avec ou sans conseiller extérieur ».

On peut considérer que pour cet agriculteur, au-delà de principes d’action touchant directement à la stratégie de conduire des cultures, se met en place un principe d’action pour faire évoluer ses pratiques : « mobiliser autrui et faire de l’évolution de son environnement une opportunité pour changer ». Ceci le place dans un positionnement leader dans un processus de changement.

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