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Démarche générale de la thèse

3.2. Exemple de conception d’une trajectoire de changements de pratiques

Chaque enquête fait l’objet d’une analyse diachronique des données fournies par l’agriculteur. Les logiques de combinaisons complexes de pratiques qui se sont succédées dans le temps et qui ont un impact sur l’utilisation des engrais azotés et des produits phytosanitaires sont reconstituées pour chaque agriculteur. Pour représenter cette évolution, nous avons conçu une grille qui croise une échelle temporelle et les grands types de pratiques qui peuvent être liées à la réduction des engrais azotés et des pesticides (succession(s) de cultures, semis, fertilisation, traitements phytosanitaires, travail du sol). On note au centre les modalités des pratiques et les dates auxquelles sont apparus les changements (Figure 8).

Figure 8 - Trajectoire de changements de pratiques de Thomas. (Source : Chantre et al. 2010)

(Abréviations : B, blé ; C, colza ; T, tournesol ; Oh, orge d’hiver ; Op, orge de printemps ; OAD, Outil d’Aide à la Décision ; GDA, groupe de développement agricole).

SAU (UTA) Succession de cultures Co ou To/B/Oh ou B ou Op + de bandes enherbées Fertilisation Azotée (U)

Semis + clair / + var. résistantes et précoces/ retard date

Blé >180

Co >180 Co = [150;160]Blé= [140;160] Blé: 300

Co: 3-4 Co: 2,5-3(semis monograine)B:250 Réduction de doses N minéral

Désherbage

Réduction de doses et/ou seuils

Essais pour diversifier, mais problèmes de débouchés

Réduction labour Reprise du labour + Herse-étrille / Binage Faits marquants pour l’agriculteur 1985 1990 1995 2000 2005 2008 80 ha (1) 105 ha (1) 115 ha (1) Installation et

ajustement Réduction de charges GDA: Réflexion sur l’environnement Contrat territorial d’exploitation, biodiversité, circuit court

Trait. phytos Blé: 400 gr/m2 Co: 8-10 kg/ha Densités Date Variétés Blé >15/10; v. résistantes Fongicides Insecticides

65 Culture printemps25 CP + 250ecéréale

Blé > 01/10; v. peu résistantes

Ex: Anti-dicot du blé Foxpro 3L/ha0,5 L/ha

Réduction et impasses Blé > 2 passages

Systématiques, pleine dose

Observation,

reconnaissance maladies et insectes Co ou To/B/Oh Blé: 1 à 2 (1/2 dose) Colza: 1 (sclérotinia) Blé: 0 Colza: 0 à 2 Blé: 2 Colza > 2 Blé > 1 Colza > 3 Comme les voisins

Comme les voisins

Comme les voisins

Plan de fumure prévisionnel + OAD Fractionnement des apports (3)

Travail du sol (% sole labourée)

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Les sous-modèles « pratiques de transition » (parties colorées figure 1-3) et « évolution du système de production » (bande supérieure sur la figure 1-3) nous permettent de découper cette première représentation de la trajectoire en phases. En 1985, lorsque Thomas s’installe, sa succession de cultures est établie sur une rotation de trois ans. Ses pratiques inspirées de celles de ses voisins, consistent à semer les blés le plus tôt possible avec une fertilisation d’au moins 180 unités d’azote pour des potentiels variétaux qui s’établissent à l’époque dans ses terres à 70 quintaux , blés protégés par au moins deux herbicides, deux fongicides et un insecticide à pleines doses. Les colzas très sensibles aux altises, au charançon de la tige, du bourgeon terminal (mais aussi au puceron cendré et au charançon des siliques) supportent trois insecticides systématiques.

Cette première phase (déjà moins intensive que dans d’autres systèmes) va évoluer vers une nouvelle phase à partir de 1990 sous l’influence des changements de la PAC. Thomas et le groupe de développement auquel il appartient cherchent à réduire leurs charges. Trois pratiques-clefs sont concernées : une baisse des doses d’azote sur l’ensemble des cultures avec l’adoption de plans de fumure prévisionnels établis avec la méthode des bilans, une baisse de la densité de semis de 25% sur blé et de 50% sur colza, un désherbage plus précoce et l’abandon des traitements systématiques (fongicide et insecticide surtout), permis par un raisonnement des traitements phytosanitaires appuyé sur une combinaison d’informations (observations, bulletins techniques des institutions locales, utilisation de seuils de traitement diffusés par les institutions). Cela a pour effet une réduction des doses et du nombre de passage de fongicides et insecticides sur toutes les cultures.

Le retard de la date de semis du blé et le choix de variétés résistantes aux maladies n’apparaissent qu’en 1995 conduisant à un itinéraire technique intégré pour le blé (faible densité de semis, fractionnement de l’azote en trois passages, certaines impasses sur l’insecticide) mais le désherbage et la protection sanitaire du colza restent encore fortement consommateurs d’intrants. A la même époque et toujours dans l’esprit de réduire les charges, ici de travail, Thomas limite le labour aux quelques parcelles destinées au tournesol. Enfin, à partir des années 2000, Thomas avec son groupe de développement met en place un contrat territorial d’exploitation (CTE) visant à rémunérer les efforts réalisés pour réduire son utilisation d’intrants, donc l’impact environnemental de son exploitation ce qui lui ouvre de nouvelles perspectives. Au-delà des réductions d’intrants « directes », le cahier des charges du CTE introduit de nouvelles pratiques de transition qui mobilise de nouvelles régulations au sein de l’agroécosystème : changements au niveau de l’assolement (introduction d’une autre culture de printemps, l’orge), réduction de la taille de certaines parcelles pour favoriser la circulation des auxiliaires des cultures, mise en place de bandes enherbées attractives pour les auxiliaires et enfin protection des réservoirs écologiques. Il reprend le labour sur 50% de la SAU et introduit du désherbage mécanique pour mieux maîtriser les adventices en maintenant un niveau d’herbicides réduit. Il n’utilise plus d’insecticides sur blé.

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Ces différentes phases qui se succèdent peuvent être caractérisées grâce au sous-modèle « phases de cohérence agronomique » : une première phase de cohérence agronomique de type « 0b », puis une phase à l’interface entre les classes 1 et 2a (en effet, l’ensemble la réduction de la densité de semis du blé n’est complétée par le décalage de la date de semis et par l’introduction de variétés résistantes que dans une second temps), puis une phase à l’interface entre 2a et 2b (ITK intégré du blé et réduction de la densité de semis du colza), et enfin une phase 2c.

Sous réserve de créer des « phases intermédiaires » entre les phases types du sous-modèle « Phases de cohérence agronomique, on est bien en mesure de retracer a posteriori, une trajectoire simplifiée des changements techniques au sein de l’exploitation sur vingt ou trente ans, à l’aide de quelques variables d’entrée clés qu’il faut d’abord repérer comme essentielles dans les transitions.

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