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I. L’allergie cutanée

3. La dermatite de contact allergique

3.2 La physiopathologie de la dermatite de contact allergique

3.2.3 Les mécanismes immunologiques de la dermatite de contact allergique

3.2.3.2 La phase d’élicitation

La phase d’élicitation, également appelée phase de révélation (ou de challenge) survient après une seconde exposition de l’hôte au même haptène (ou non, via une réaction croisée) que celui de la phase de sensibilisation et constitue l’expression clinique de la DCA. Cette phase symptomatique ou efférente est due à un infiltrat dermique et épidermique de diverses populations cellulaires dont des LT mémoires spécifiques de l’haptène.

Cette phase d’élicitation se déroule en trois étapes (Figure 18) : (1) le recrutement précoce des LT CD8+ effecteurs activés au cours de la sensibilisation environ 2h après réexposition à l’haptène, via l’activation de l’endothélium suite à l’inflammation cutanée induite par l’haptène, (2) la production subséquente de cytokines/chimiokines conduit à l’activation des cellules résidentes de la peau, engendrant la libération de nouveaux médiateurs de la réaction inflammatoire, (3) le recrutement des leucocytes, et tout particulièrement des neutrophiles, des macrophages et des LT, qui induisent progressivement les changements cliniques et morphologiques caractéristiques de la DCA (Honda et al., 2013; Vocanson et al., 2009). La DCA nécessite un certain laps de temps pour se développer. En effet, la migration des LT spécifiques de l’allergène des vaisseaux du derme et la production locale de cytokines nécessitent plusieurs heures. Cette seconde phase va provoquer une mort cellulaire ainsi qu’une forte réaction inflammatoire aboutissant à l’apparition d’un eczéma de contact dans les 6 à 72 heures suivant l’exposition (contre 24 à 48 heures chez la souris). La phase d’élicitation avec ses différentes étapes est schématisée en Figure 18.

Figure 18 : Vue schématique des différentes étapes de la phase d’élicitation (Honda et al., 2013) Étape 1 : Après réexposition aux haptènes, les kératinocytes (KCs) et les mastocytes sont activés et produisent divers médiateurs chimiques, qui activent les cellules endothéliales et provoquent une infiltration cellulaire inflammatoire, comprenant notamment des cellules T spécifiques de l'antigène.

Étape 2 : Les lymphocytes T effecteurs spécifiques de l'antigène sont activés et infiltrés. Ils produisent des cytokines pro-inflammatoires et des chimiokines qui activent les KCs, induisant une infiltration cellulaire inflammatoire.

Étape 3 : En plus des LT effecteurs, les Tregs infiltrent le site de l’inflammation et exercent une fonction suppressive. Certains Tregs infiltrés reviennent au niveau des ganglions lymphatique (LNs) et peuvent contribuer à la résolution de l'inflammation.

Inflammation et recrutement des cellules T

Plusieurs populations cellulaires vont intervenir lors de la phase de révélation et notamment les KC. En effet, il a été démontré que ces cellules sont capables de présenter les antigènes via leurs molécules de CMH de type I et II (Albanesi et al., 2005; Nestle et al., 2009). De plus, une fois activées par l’IFN-γ, les KC produisent des molécules de co-stimulation (CD80) et sont capables d’avoir la fonction de CPA et de faciliter l’activation des LT spécifiques de l’haptène (Casati et al., 2005a; Gaspari, 1997). Par l’activation de leurs TLRs, les KC sont capables de produire un ensemble de cytokines et de chimiokines pro-inflammatoires qui vont permettre le recrutement des DC (Lebre et al., 2007).

La liaison de l’haptène aux molécules et cellules de la peau (CPA ou KC) va induire, de la même façon que lors de la phase de sensibilisation, une libération de TNF-α et d’IL-1β (Enk and Katz, 1992), suivie de la production de cytokines et chimiokines inflammatoires (CCL2, CCL5, CCL20,

CCL22, CCL17) qui induisent le recrutement des LT mémoires spécifiques de l’haptène du sang vers le derme et l’épiderme. Les LT activés produisent les cytokines spécifiques des Th1 et Th17 telles que l’IFN-γ, l’IL-12, l’IL-17 et l’IL-23 (Kimber et al., 2002; Zhao et al., 2009). Les cytokines produites par les LT comme l’IFN-γ et l’IL-17 activent ensuite les cellules résidentes de la peau. Ces cellules activées sécrètent ensuite des cytokines et chimiokines, aux propriétés chimiotactiques, qui vont permettre le recrutement cellulaire au niveau du site d’exposition. L’IL-17 est une cytokine pro-inflammatoire impliquée dans l’infiltration des leucocytes dans les tissus inflammatoires, mais également impliquée dans la production de diverses cytokines et chimiokines comme MCP-1, MIP-1 et l’IL-10 (He et al., 2009). Les souris invalidées pour le gène codant pour l’il-17 ou pour l’ifn ne développent pas d’HSC en réponse au DNFB et l’infiltrat de cellules inflammatoires (PN, LT CD8+) au niveau cutané est diminué (Kish et al., 2009). L’IL-17 est produite en grande quantité par les LT CD8+. Les LT CD8+ producteur d’IL-17 et les LT CD8+ producteur d’IFN-γ sont deux sous-populations bien distinctes. L’IL-17 et l’IFN-γ sont nécessaires pour la phase de révélation de la DCA mais agissent par des mécanismes différents (He et al., 2009). De plus, d’autres cellules (basophiles, mastocytes et éosinophiles) impliquées dans le développement de l’inflammation sont recrutées grâce à leur récepteur chemoattractant (CCR3, CCR4, CCR8). Le recrutement continu de cellules circulantes engendre une infiltration cutanée cellulaire et la persistance de l’inflammation pendant plusieurs jours. Dans un premier temps, ce sont les LT effecteurs CD8+ de type 1 qui sont recrutés, suivis des autres populations régulatrices (Akiba et al., 2002). Askenase et al. (2008) ont également rapporté une contribution des lymphocytes B et des cellules NKT au recrutement des LT effecteurs (TEFF) sur le site du challenge (Campos et al., 2006; Kerfoot et al., 2008). Une fois les LT recrutés dans la peau, ces derniers reconnaissent le complexe haptène-protéine présenté par les cellules cutanées, via les molécules du CMH de classes I et II. L’engagement du TCR des cellules T induit la libération d’IFN-γ et de TNF-α activant la production par la peau d’un certain nombre de cytokines/chimiokines (IL-1, TNF-α, IL-6, GM-CSF, CXCL10, CXCL11, CXCL9, CCL17, CCL18) qui amplifient la réponse inflammatoire initiée par l’haptène, et aboutit à une infiltration massive de leucocytes (neutrophiles polynucléaires, monocytes inflammatoires capables de se différencier en macrophages et dendritiques, cellules T…). Les LT de type 17 contribuent également activement et en synergie avec l’IFN-γ et le TNF-α à la production de cytokines inflammatoires par les KC (Albanesi et al., 1999). En effet, un nombre important de

1999). De plus, des souris déficientes pour cette cytokine montrent une HSC diminuée (Nakae

et al., 2002) et la neutralisation de la sécrétion d’IL-17 par les LT CD8+ lors de la phase

d’élicitationinhibe la HSC chez la souris (He et al., 2006). Toutefois, les mêmes observations ont pu être faites pour des souris déficientes en IFN-γ ou pour son récepteur (Wakabayashi et

al., 2005).

Activité cytotoxique des LT CD8+

La libération d’IFN-γ, de TNF-α et d’IL-17 par les LT CD8+ n’est cependant pas suffisante pour le développement complet de la réaction de DCA. En effet, l’activité cytotoxique des LT CD8+, événement majeur du processus, est indispensable, puisqu’il a été montré que des souris déficientes pour les deux voies de signalisation Fas/Fas-L (Apoptosis Stimulating Fragment, ou fragment inducteur d’apoptose) et pour la perforine sont incapables de développer une HSC même si de l’IFN-γ est produit (Kehren et al., 1999). Les LT CD8+ vont être différenciés en LT cytotoxiques (CTL) libérant de la perforine, protéine cytolytique qui va former des pores dans les cellules cibles, ainsi que des granzymes, sérine-protéases qui rentrent par les pores générés par la perforine, entrainant ainsi l’apoptose des cellules cibles. Des études ont montré que les LT effecteurs de la DCA correspondent aux cellules Tc1 CD8+ produisant de l’IFN-γ, responsable de l’apoptose des KC via le mécanisme de cytotoxicité direct (libération des granules cytolytiques) (Xu et al., 1996). En effet, l’apoptose des KC est concomitante avec l’arrivée des LT CD8+ dans l’épiderme, et augmente proportionnellement avec le nombre de LT CD8+ infiltrés (Akiba et al., 2002). Parallèlement, les LT CD4+ sont différenciés en cellules Th1 et vont également produire de l’IFN-γ, du TNF-α ainsi que de l’IL-2 (Kaech and Cui, 2012). Les lymphocytes T CD8+ participent donc avec les cellules de l’immunité innée à la destruction des cellules portant l’Ag grâce à des facteurs solubles (perforine/granzyme/granulyzine) ou membranaires (Fas/Fas ligand). La libération de perforine est également associée à la production des médiateurs CCL5/RANTES (« Regulated upon Activation, Normal T-cell Expressed, and Secreted »), MIP-1α (« Macrophage Inflammatory Protein ») et MIP-1β qui viennent amplifier le recrutement des monocytes et granulocytes exprimant les récepteurs CCR1 et CCR5. Tous ces facteurs et cellules migrent vers la surface de la peau et entraînent une réaction inflammatoire dont le pic d’inflammation est situé généralement entre 24 à 48 heures après le contact avec l’allergène. Les modifications histologiques et cliniques de la réaction allergique sont apparentes. Les lésions d’eczéma s’installent et peuvent durer de

plusieurs jours à plusieurs mois en fonction de la persistance de l’antigène au niveau cutané et de la mise en place de mécanismes de régulation anti-inflammatoires. Il s’engage peu à peu ensuite une phase de résolution grâce à un mécanisme de rétrocontrôle négatif, limitant les dommages tissulaires et rétablissant l’intégrité de la peau.

La résolution de la DCA et le rôle des T régulateurs

La réponse inflammatoire atteint son maximum 24h à 48h après la réexposition à l’haptène. La résolution de la phase inflammatoire est alors médiée par le recrutement de différentes cellules telles que les LT régulateurs CD4+. A l’état d’homéostasie et en l’absence d’Ag exogène, les DC induisent la prolifération de Treg CD4+CD25+FoxP3+CD127-, maintenant ainsi une tolérance immunitaire cutanée (Seneschal et al., 2012). Les Treg sont caractérisés par l’expression du CD25, du facteur de transcription Forkhead box P3 (FoxP3), de l’antigène lymphocytaire cutané CLA et du récepteur CCR4. L’expression de FoxP3 est requise pour le maintien des fonctions suppressives des Treg. Les Treg sont particulièrement induits dans le thymus où l’expression de FoxP3 est initiée par la combinaison de la reconnaissance antigénique et du microenvironnement (Liston and Gray, 2014). Cependant les Treg peuvent être différenciés à la périphérie, à partir de Treg FoxP3- émigrants. Ainsi, au cours de l’inflammation, les Treg sont capables de proliférer in situ en présence de l’IL-15 sécrétée par les fibroblastes dermiques activés par le TNF-α. Cette cytokine peut aussi être produite par les KC durant une inflammation chronique (Clark and Kupper, 2007).

Les Treg peuvent être divisés en trois sous-populations. Parmi elles, les Treg centraux ou Treg naïfs, sont présents dans la circulation et les organes lymphoïdes secondaires. Ces cellules sont décrites comme ayant un phénotype CD62LhighCCR7+ ou CD45RAhighCD25low.

Les Treg effecteurs ou Treg activés ont été en contact avec un Ag et sont présents à court terme dans la plupart des organes non-lymphoïdes. Ils sont caractérisés par un phénotype CD62LlowCCR7lowCD44highCD103+KLRG1+ (killer cell lectin-like receptor subfamily G member 1-positive) ou CD45RAlowCD25high. Ils ont activé des Treg résidant dans les tissus et ont par ailleurs une capacité migratoire importante.

Enfin, les Treg résidant dans les tissus sont les Treg qui ont rencontré l’Ag et qui résident à long terme dans les tissus non-lymphoïdes, contrairement aux Treg effecteurs. Chaque tissu abrite une population de Treg résidents distincte. Les Treg jouent un rôle important dans la

Les LT CD4+CD25+FoxP3+ représentent 5 à 10% des LT CD4+ chez l’Homme et la souris. Ils sont impliqués tant dans la tolérance aux auto-Ag que dans le contrôle des réponses immunitaires contre les pathogènes, les alloAg et les allergènes (S. Sakaguchi et al., 2006). Ces LT sont divisés en deux familles : les Treg naturels (nTreg) se développant dans le thymus, et les Treg inductibles iTreg, différenciés à partir de LT naïfs en présence de TGF-β se développant en périphérie.

Une étude réalisée sur des souris transgéniques FoxP3 exprimant les protéines chimériques CD2 et CD52 humaines a mis en avant l’existence de LT CD4+ FoxP3+ mémoires et naïfs à l’état basal au niveau cutané. Au cours d’une réaction d’HSC, ces Treg migrent jusqu’aux dLN puis regagnent la peau pour y réguler localement l’inflammation (Tomura et al., 2010). Les LT CD4+ CD25+ FoxP3+ sont décrits comme étant la première ligne de contrôle de la DCA. En effet, la déplétion in vivo de ces cellules chez la souris par un traitement avec un mAb anti-CD25, au moment de la sensibilisation avec du DNFB, conduit à une augmentation de l’activation des LT CD8+ et une augmentation de la réaction d’HSC (Kish et al., 2005). L’IL-2, sécrétée essentiellement par les LT CD8+ spécifiques de l’haptène dans les dLN durant la phase de sensibilisation, serait requise pour la régulation des TEFF par les LT CD4+ CD25+ (Kish et al., 2005). Le traitement de souris par de l’IL-2 conduit à une diminution de la réaction d’HSC en réponse au DNFB et une augmentation de la population de LT CD4+ CD25+ (Ruckert et al., 2002). Il semblerait que les Treg CD4+ CD25+ suppriment la réaction d’HSC en bloquant l’influx de TEFF dans les tissus inflammés (Ring et al., 2006). Par ailleurs, l’injection de Treg CD4+CD25+FoxP3+ 2h avant de sensibiliser des souris au TNCB supprime la réaction d’HSC en régulant la réponse effectrice CD8+ (Ring et al., 2006). Récemment, Vocanson et al. ont identifié une nouvelle population de Treg qui exprime le marqueur ICOS : CD4+CD25+FoxP3+ICOS+, aux propriétés hautement suppressives, impliquée dans le contrôle de la réaction inflammatoire en réponse au DNFB. Lors de la phase de sensibilisation, ces Treg inhibent la prolifération des LT CD8+ spécifiques de l’haptène au sein des dLN. Cette population de Treg exprime fortement le facteur de transcription FoxP3 et CTLA-4 (molécule inhibitrice) et produit de l’IL-10, l’IL-17 et de l’IFN-γ (Vocanson et al., 2010). L’expression de FoxP3 est requise pour le maintien des fonctions suppressives des Treg. Enfin, les Treg peuvent également interagir dans les dLN avec les DC via des « gap junctions », inhibant ainsi l’interaction des DC avec les LT CD8+ (Ring et al., 2010). Enfin, chez l’Homme, Cavani et al. ont démontré que les LT CD4+CD25+ isolés de patients allergiques au nickel ont une capacité

limitée à réguler les LT spécifiques du nickel, contrairement aux LT CD4+CD25+ isolés d’individus sains (Cavani et al., 2003). Ceci suggère que les individus qui développent une DCA ont une fonction Treg défectueuse.

Bien que les NKT représentent un faible taux des LT totaux (1 à 2% dans la rate de la souris et 0,01 à 2% dans le sang périphérique humain), ils sont décrits comme régulateurs négatifs de la DCA. Ils interagissent avec les CPA exprimant le CD1d, présentant préférentiellement les glycolipides aux NKT. L’exposition de LC murines aux UVB induit une augmentation de l’expression de CD1d à leur surface. Les LC CD1d+ assurent le transport des Ag cutanés jusqu’aux dLN, où elles activent les NKT qui vont dès lors sécréter de l’IL-4, aux propriétés anti-inflammatoires (Fukunaga et al., 2010).

Les LT ne sont pas les seules cellules régulatrices de l’HSC : les LB régulateurs (Breg) sont également décrits comme pouvant intervenir durant la phase d’élicitation dans le contrôle de la DCA. Les Breg sont identifiés par leur expression CD1highCD5+CD19 (Bouaziz et al., 2008). Ils représentent 1% à 2% des cellules B220+ présentes au niveau de la rate (Yanaba et al., 2008). La fonction régulatrice des Breg est surtout due à leur forte production d'IL-10 d'où leur nom de B10. Ainsi, les souris déficientes en LB, les souris (cd19-/-) montrent une exacerbation de la réaction d'HSC en réponse au DNFB. Le transfert de Breg, isolés à partir de souris sauvages sensibilisées par le DNFB, chez des souris cd19-/- normalise la réaction inflammatoire d'origine

allergique (R. Watanabe et al., 2007).

Ainsi nous venons de voir que la DCA est une pathologie complexe qui se situe dans différents compartiments (peau, ganglions) et qui fait intervenir un nombre important d’acteurs cellulaires et moléculaires. Dans la suite de cette partie introductive, nous allons nous intéresser à décrire les aspects cliniques de son diagnostic ainsi que les tests réglementaires utilisés chez l’homme ou anciennement chez l’animal pour prédire le potentiel allergisant des molécules.