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II. Les produits cosmétiques et la dermatite de contact allergique

3. L’Adverse Outcome Pathway de la sensibilisation cutanée

3.3 Les méthodes in silico

Données expérimentales disponibles dans les bases de données

Avant la réalisation de tests toxicologiques in vitro, un ensemble d’informations pertinentes peuvent être disponibles sur la substance à tester afin de caractériser au mieux son danger potentiel. Ces données peuvent déjà être disponibles dans les dossiers d'enregistrement REACH via le site de l'Agence européenne des produits chimiques (ECHA). Les données publiques peuvent également être trouvées dans les boîtes à outils QSAR de l'OCDE2 ou dans le eChemPortal3. Les logiciels comme TIMES, Ambit, Topkat, Vitic Nexus, DEREK et d'autres sont également une source précieuse de données expérimentales. Toutes ces sources compilent des résultats hétérogènes provenant de différents tests standards et non standards. Il est très important d'évaluer comment les données originales ont été interprétées et renseignées dans ces outils et une consultation ou vérification vers les informations source est toujours recommandée, si possible.

Read-across

Le read-across, ou « lecture croisée » est une approche in silico qui peut être utilisée dans le cadre de REACH pour combler les lacunes de données. Les informations concernant l'effet mesuré (ou « endpoint ») d'une substance sont utilisées pour prédire le même effet mesuré pour une autre substance (substance cible), qui est considérée comme étant « similaire » basé en général sur leur similarité structurelle. Le read-across permet d'évaluer les propriétés physico-chimiques, la toxicité, l'écotoxicité et le devenir environnemental d’une substance. Il est effectué soit de manière qualitative soit quantitative. Il peut être effectué par comparaison à un analogue ou à une catégorie. Les similarités peuvent être fondées sur les éléments suivants :

- un groupe fonctionnel commun (par exemple un aldéhyde, un époxyde, un ester…), - des constituants communs ou des classes chimiques,

- un changement progressif et constant dans la catégorie (par exemple, une catégorie de longueur de chaîne)

- la présence de précurseurs communs et/ou de produits de dégradation, par des procédés

physiques ou biologiques donnant naissance à des substances structurellement similaires. Une approche par analogue est une catégorie limitée, généralement de deux substances : la substance cible et la substance source. La principale limite à cette approche est le choix de l'analogue ou de la catégorie. En effet, cette étape est l'étape charnière qui permettra de combler les lacunes des données. Mais si le choix d’une catégorie ou d’un analogue est inapproprié, le résultat obtenu sera alors moins fiable.

Le développement et l'évaluation du read-across pour la sensibilisation cutanée ont été discutés et illustrés dans le travail de Patlewicz et al. (Patlewicz et al., 2015).

Les modèles (Q)SAR

Le (Q)SAR ou relation quantitative structure à activité (Quantitative structure-activity relationship, QSAR) est le procédé par lequel une structure chimique est corrélée à un effet bien déterminé, tel que l'activité biologique ou la réactivité chimique. L'activité biologique peut ainsi être exprimée de manière quantitative, comme pour la concentration de substance nécessaire pour obtenir une certaine réponse biologique. De plus, lorsque les propriétés ou structures physico-chimiques sont exprimées par des chiffres, on peut proposer une relation mathématique, ou relation quantitative structure à activité, entre les deux. L'expression mathématique obtenue peut alors être utilisée comme moyen prédictif de la réponse biologique pour des structures similaires. La forme la plus commune du (Q)SAR correspond à : activité = f(propriétés physico-chimiques et/ou structurales). Il est nécessaire de différencier les relations SAR des QSAR. Une relation structure-activité (SAR) est l'association (qualitative) entre une sous-structure chimique et le potentiel qu'un composé chimique contenant cette sous-structure démontre un effet biologique (par exemple un effet toxique). A l'inverse, une relation quantitative structure-activité (QSAR) est la corrélation statistique établie faisant le lien entre un paramètre quantitatif dérivé de la structure chimique, ou bien déterminé par mesure expérimentale, et la mesure quantitative de l'activité biologique.

L'OCDE a décrit les (Q)SAR comme étant « la relation (mathématique) quantitative entre la mesure numérique d'une structure chimique, et/ou une propriété physico-chimique, et un effet/une activité qui soit sur une échelle continue ou à intervalles. Dans de nombreux cas, les (Q)SAR sont des modèles quantitatifs basés sur des processus mécaniques clés et qui résultent en une activité mesurée ». En général, le processus de développement des (Q)SAR peut être décrit comme une série d'étapes définies. Un set de produits chimiques avec les données biologiques correspondantes est collecté. Les produits sont caractérisés par des

représentations numériques, appelées descripteurs, et des techniques statistiques sont ensuite appliquées pour en dériver un algorithme qui relie les informations chimiques pertinentes à l'activité biologique. L'accès à des données de bonne qualité est donc manifestement une condition nécessaire pour le développement des (Q)SAR. Le développement de (Q)SAR utiles en toxicologie provient de la disponibilité de données suffisantes pour la construction et la validation de modèles informatiques. Cependant, pour développer des bases de données de toxicité humaine pour ces modèles, la quantité et la qualité des données nécessaires pour la construction du modèle sont souvent insuffisantes. La collecte de données additionnelles de toxicité sur l'animal n'est pas toujours réalisable ni pertinente. Les différences mécanistiques entre le système testé et l'espèce humaine sont un facteur additionnel à considérer. Les données humaines sont bien plus utiles mais souvent indisponibles. Des efforts dirigés vers la construction de modèles basés sur des mesures toxicologiques moléculaires sont désormais explorés comme un moyen prometteur. Concernant la sensibilisation cutanée, de nombreux modèles quantitatifs corrélant le potentiel sensibilisant avec les paramètres chimiques ont été reportés. La plupart sont basés sur la combinaison d’un paramètre de réactivité avec un paramètre d’hydrophobicité. La formation d’une association stable avec une protéine transporteuse est le facteur clé qui détermine le potentiel allergisant d’une substance. Les mécanismes de réactivité chimique entre un électrophile et un nucléophile dans la sensibilisation cutanée les plus fréquemment rencontrés sont : les réactions de type Michael, les réactions SN2, les réactions SNAr (substitution nucléophile aromatique), les réactions d'acylation et la formation de base de Schiff qui peuvent servir à décrire le domaine d'applicabilité d'un modèle (Q)SAR et constituer la base pour le regroupement des substances en catégorie chimique (European Chemicals Agency, 2016). Parallèlement aux modèles (Q)SAR, des systèmes informatiques dits « systèmes experts » (computer-based Expert Systems) ont été développés afin de prédire la sensibilisation cutanée. Certains sont des systèmes basés sur le savoir (comme DEREK), d’autres des systèmes statistiques (comme Leadscope, MultiCase), et enfin il existe également des hybrides entre les deux (comme Tissue Metabolism Simulator : Time-SS). La fiabilité de chaque prédiction doit être évaluée pour chaque substance en fonction de l'information sur l’applicabilité du modèle (European Chemicals Agency, 2016). Le tableau 7 reprend l’ensemble des outils in silico disponibles. L’ECHA recommande d'utiliser autant de logiciels différents que

Nom commercial Modèle Type du modèle Mesure finale et/ou type de données

QSAR Toolbox, gratuit

http://www.qsartoolbox.org/

Profileurs de liaisons aux protéines :

• OASIS v1.3 • OECD • Puissance

• Alertes pour la sensibilisation cutanée par OASIS v1.3

Structures d’alerte Liaison protéique

Mesure finale :

• Sensibilisation cutanée • Sensibilisation cutanée ECETOC • ECHA Chem

Résidence des données Principalement le LLNA et GPMT

Remplissage des données manquantes :

• Read-across

• Analyse de la tendance

Qualitative1 ou

quantitative Principalement le LLNA et GPMT ToxTree, gratuit

http://toxtree.sourceforge.ne t/skinsensitisation.html

Domaines de réactivité en

sensibilisation cutanée Structures d’alerte Mode d’action de la réactivité VEGA, gratuit

http://www.vega-qsar.eu/ Sensibilisation cutanée CAESAR Qualitative2 LLNA

CASE Ultra, commercial

http://www.multicase.com/ca se-ultra Modèle de toxicité SkinEye Qualitative3 Beaucoup (GPMT, LLNA

et autres) Derek Nexus, commercial

http://www.lhasalimited.org/ products/derek-nexus.htm

Sensibilisation cutanée Qualitative4 GPMT et LLNA TIMES, commercial

http://oasis-

lmc.org/products/models/hu man-health-endpoints/skin- sensitization.aspx

Sensibilisation cutanée TIMES Qualitative5 (Simulateur métabolique+QSAR « locaux ») Principalement le LLNA et GPMT TOPKAT, commercial http://accelrys.com/products /collaborative-science/biovia- discovery-studio/qsar-admet- and-predictive- toxicology.htm Deux modèles : • Non-sensibilisant vs. Sensibilisant •Faible/Moderate vs. Sensibilisants forts Qualitative6 GPMT

Base de données (Q)SAR Danemark

http://qsar.food.dtu.dk/

Sensibilisation cutanée (CASE

Ultra, Leadscope et SciQSAR) Qualitative

7 GPMT et données de

DCA chez l’homme

1 Échelle OASIS dans la boîte à outils QSAR : Non-sensibilisant (EC3 ≥50%), Sensibilisant faible (10% ≤EC3 <50%), Sensibilisant puissant (EC3 <10%).

2 Modèle de sensibilisation cutanée pour VEGA : données issues de Gerberick et al., (2005) (sensibilisants extrêmes, forts et faibles codés positifs, NC négatifs)

3 Modèle CASE Ultra provenant du LLNA : faible (EC3 <100%), modéré (EC3 <10%), fort (EC3 <1%).

4 Les résultats de Derek qui peuvent être considérés comme des alertes «positives» sont : CERTAIN, PROBABLE, PLAUSIBLE ou EQUIVOQUE (par ordre décroissant de probabilité), car la molécule de requête contient un toxicophore qui correspond à l'une des alertes qui ont été codées. EQUIVOQUE est recommandé comme étant un résultat « positif » dans Derek parce que l'alerte est ressortie pour la molécule, mais il y a une indication qu'il y ait un(des) autre(s) aspect(s) que Derek a considéré dans son calcul (telles que les propriétés physico-chimiques).

5 Données provenant de différentes sources et tests convertis en trois catégories (Fort, Faible et Non sensibilisant) selon le schéma suivant : (i) Données de LLNA : extrême, fort et modéré convertis en « Fort », faible à « Faible » et non sensibilisant en « Non sensibilisant »; (ii) Données du GPMT : données GPMT fortes et modérées converties en « Fort », faible en « Faible » et non sensibilisant en « Non sensibilisant »; (iii) Les données du BfR (Schlede et al., 2003) : catégorie A convertie en « forte », catégorie B en « faible », catégorie C en « non sensibilisant ».

6 Échelle TOPKAT (GPMT, % d'animaux positifs) : Faible (1-30%), Modérée (30-70%), Forte (70-100%).

7 Plusieurs facteurs ont été pris en compte dans la classification des activités, notamment : le type de test utilisé, c'est-à-dire le test de maximisation chez l'homme ou le cobaye; utilisation d'adjuvant; dose utilisée pour le challenge; et le taux de sensibilisation. Les sensibilisants faibles, modérés, forts et extrêmes ont été inclus dans l'ensemble du modèle comme positifs et les non sensibilisants ont été inclus comme négatifs.

Si les approches in silico sont fortement recommandées par différentes instances, elles ne sont pour autant pas clairement validées comme méthodes de remplacement.