• Aucun résultat trouvé

Les groupes de travail européen sur la sensibilisation cutanée et les étapes

II. Les produits cosmétiques et la dermatite de contact allergique

2. Contexte réglementaire et évaluation des produits cosmétiques

2.2 Les groupes de travail européen sur la sensibilisation cutanée et les étapes

Les processus de validation et d’acceptation réglementaire au niveau européen

La validation des méthodes alternatives se décompose en deux phases. La première étant une validation scientifique réalisée par une approche d’inter-comparaison aux tests in vivo validés. Ce type d’analyse a pour but de démontrer l'utilité et l'applicabilité d'une méthode. Les méthodes sont scientifiquement reconnues par le processus classique de la validation par les pairs qui désigne l'activité collective de chercheurs qui jugent de façon critique les travaux d'autres chercheurs. Dans un second temps, la validation réglementaire consiste en l’examen de la méthode pour adoption par les organismes de réglementation. L'acceptation réglementaire (donc son acceptation formelle par les autorités) indique que la méthode peut être utilisée pour fournir des informations afin de répondre à une exigence réglementaire spécifique (EURL-ECVAM, 2016; EURL ECVAM, 2017). Lorsque les méthodes alternatives passent avec succès l’ensemble de ce processus, elles sont alors communément appelées des méthodes « validées ». La validation réglementaire est plus contraignante et longue que la validation scientifique dans la mesure où une méthode recevable doit apporter, outre ce qui est demandé pour la reconnaître scientifiquement valide, les preuves qu’elle est applicable de façon fiable et répétable en dehors des laboratoires de recherche (INERIS, 2013).

Le processus de validation réglementaire est régi par deux instances, l’OCDE et l’ECVAM.  L’OCDE

Au niveau international, l’OCDE (Organisation de Coopération et de Développement Economiques) joue un rôle essentiel dans la mise en place des lignes directrices sur les protocoles expérimentaux ainsi que sur la validation des méthodes alternatives. Les lignes directrices de l’OCDE sur les produits chimiques sont un ensemble de méthodes d’essai internationalement reconnues et utilisées par les gouvernements, les industries et les laboratoires indépendants pour évaluer la sécurité des produits chimiques (INERIS, 2013).

Exemple de processus de validation d’une méthode alternative

Pour accéder au statut de méthode alternative validée, les tests de sécurité mis au point font l’objet de validations scientifiques et réglementaires minutieuses par des organisations internationales spécialisées réparties en Europe, en Amérique du Sud, en Amérique du Nord

et en Asie. Un processus de validation peut durer plus de dix ans, destiné à garantir la fiabilité et la reproductibilité des méthodes d’évaluation prédictive. La validation des méthodes alternatives aux tests sur animaux implique toujours au minimum 3 laboratoires (généralement celui qui développe la méthode et deux autres laboratoires indépendants sélectionnés par l’organisme de validation). Aujourd’hui, cinq centres internationaux de validation des méthodes alternatives à l’expérimentation animale existent : l’ECVAM en Europe, l’ICCVAM aux Etats-Unis, le BRACVAM au Brésil, le JACVAM au Japon et le KOCVAM en Corée.

 Première étape : Vérifier la capacité d’une méthode à être reproductible (Durée de 1 à 4 ans en moyenne).

En général, cette étape consiste en une série de tests en aveugle par les trois laboratoires impliqués dans l’évaluation de la méthode. Une étape essentielle qui permettra de définir la reproductibilité d’une méthode alternative intra et inter-laboratoire.

 Deuxième étape : Valider la capacité d’une méthode à répondre aux exigences attendues (Durée de 1 à 4 ans en moyenne).

Il s’agit de vérifier que le test est efficace et performant. Dans le cas d’un test sur l’irritation cutanée, l’ECVAM peut ainsi définir, par exemple, que la sensibilité à une molécule irritante obtenue par la méthode in vitro (à partir d’un modèle de peau reconstruite) soit à 80% identique aux résultats obtenus in vivo (à partir des tests traditionnels sur le modèle animal). De même, une molécule non-irritante devra également être identifiée comme telle, de manière fiable, par le test in vitro. Ces résultats devront, par ailleurs, être concordants entre les laboratoires au minimum à 85%. Autant de vérifications qui donneront lieu à un rapport final soumis à l’examen d’experts scientifiques indépendants. En Europe, ces experts sont réunis au sein de l’ECVAM Scientific Advisory Committee (ESAC) chargé de statuer et de déclarer si une méthode est (ou non) scientifiquement valide. Dans l’affirmative, l’opinion de l’ESAC est alors partagée et communiquée au journal officiel de la Commission Européenne.

 Troisième étape : Faire approuver la méthode d’un point de vue réglementaire (1 à 4 ans en moyenne).

Afin de satisfaire aux exigences des toxicologues, garants de la sécurité des produits, la méthode alternative doit également être approuvée d’un point de vue réglementaire. Ce processus final implique la participation d’un expert par Etat membre, d’une association

d’instances réglementaires nationales. Son inclusion dans une ligne directrice de l’OCDE facilite sa reconnaissance et son acceptation, l’intégrant dans le cadre d’un ensemble de méthodes agréées internationalement. A noter qu’une ligne directrice reste susceptible d’être révisée à tout moment si nécessaire.

L’ECVAM

Le Centre Européen de Validation des Méthodes Alternatives (ECVAM) fait partie du Centre Commun de Recherche (Joint Research Centre, JRC) de l’UE, situé à Ispra en Italie, et dépend de l’Institut pour la santé et la protection du consommateur (Institut of Health and Consumer Protection, IHCP). Face aux besoins croissants de développement et de validation de nouvelles méthodes, l’ECVAM est devenu le laboratoire européen de référence pour les méthodes alternatives en expérimentation animale, EURL ECVAM, en 2011. En 2013, EURL ECVAM met en place et coordonne le Réseau européen de laboratoires pour la validation des méthodes alternatives (EU-NETVAL). Le Réseau accompagne le laboratoire de référence dans ses projets de validation, y compris sur les aspects formation, dissémination et identification des méthodes qui ont le potentiel de réduire, raffiner ou remplacer les animaux utilisés à des fins scientifiques. L’objectif de l’ECVAM est d’évaluer la performance de ces méthodes, leur reproductibilité et leur prédictivité. Il contribue aussi au développement de documents, guides, procédures, matériels de formation et outils de collaboration pour faciliter le développement, la validation et l’acceptation des méthodes alternatives. Le 3 juillet 2013, l’EURL ECVAM a annoncé les 14 premiers laboratoires (dont l'ECVAM lui-même) du réseau EU-NETVAL. Ces laboratoires disposent d’infrastructures de tests in vitro respectant les « Bonnes Pratiques de Laboratoires » (BPL). À cette date, l’INERIS est le seul institut français au sein de ce réseau. Cette instance coordonne au niveau européen l’évaluation indépendante de la pertinence et de la fiabilité des tests alternatifs à l’expérimentation animale. Enfin, l'EURL ECVAM s'appuie sur le réseau PARERE pour l'évaluation préliminaire de la pertinence réglementaire d'une nouvelle méthode alternative (INERIS, 2013).

Les groupes de travail européen sur la sensibilisation cutanée

L’ancienne Directive cosmétique 76/768/CEE abrogée par le Règlement n°1223/2009 exige simultanément des preuves sur la sécurité pour le consommateur tout en requérant une interdiction totale des tests sur les animaux pour les produits finis et leurs ingrédients. Voici des exemples de projets dans lesquels l'UE s’est investie pour s'assurer que les hommes ainsi

que les animaux soient en sécurité. o Le projet Sens-it-iv

De 2005 à 2010, le projet Sens-it-iv a permis le développement de méthodes in vitro pour évaluer le risque de sensibilisants cutanés ou pulmonaires potentiels. Ce projet de 13,7 millions d'euros a été financé de façon égale par l'industrie et les gouvernements, et a conduit à un ensemble de tests de remplacement pour le cobaye et la souris. Un des objectifs de ce projet était d’acquérir une meilleure connaissance des processus in vivo. Ce projet a permis de mettre en place la stratégie des tests à suivre pour évaluer le potentiel allergisant d’une substance chimique produite par les industries européennes ainsi que la classification et l’étiquetage qui en découle, de même que l’évaluation du risque requise par la Directive Cosmétique. L’ECVAM, l’European Cosmetics Association (ex-COLIPA devenue Cosmetics Europe en 2012), l’European Consensus-Platform for Alternatives (ECOPA), In Vitro Testing Industrial Platform (IVTIP, plateforme informelle de 46 entreprises) ainsi que l’OCDE ce sont impliqués dans ce projet. Différents acteurs industriels (l’Oréal, Unilever) et universitaires (VUB, Université Louis Pasteur) se sont aussi joints au projet Sens-it-iv.

Le projet a permis d’identifier 7 tests in vitro potentiels qui sont en cours d’évaluation ou ont été évalués.

o Le projet SEURAT-1 (Safety Evaluation Ultimately Replacing Animal Testing)

SEURAT-1 (http://www.seurat-1.eu/) est un projet de 50 millions d'euros financé sur 5 ans par des fonds publics et privés (Cosmetics Europe, la Commission européenne et l’industrie cosmétique). SEURAT-1 a été cofinancé par le 7ème programme cadre de l’UE (le programme européen de financement de la recherche et de l’innovation pour la période 2007-2013) et par Cosmetics Europe, l’association professionnelle qui représente l’industrie des cosmétiques en Europe. Chacun des deux partenaires ont contribué au projet à hauteur de 25 millions d’euros. Ce projet s’est déroulé en partenariat avec plus de 70 universités européennes, instituts de recherche publique et entreprises qui ont commencé en Janvier 2011 à travailler sur le remplacement des tests de toxicité systémique in vivo à doses répétées. Il comprend six sous-projets coordonnés qui adressent, en utilisant les méthodes informatiques in silico et in vitro, tous les aspects de la toxicité systémique, tels que les

comme Sens-it-iv. Ce projet a permis la construction de nouveaux outils et technologies, ainsi que du cadre permettant de les relier. Remplacer les expérimentations animales traditionnelles par de la toxicologie prédictive a nécessité aussi une compréhension profonde et détaillée de la façon dont les produits chimiques provoquent des effets indésirables sur l’homme. SEURAT-1 a mis en évidence les mécanismes dits d’Adverse Outcome Pathways (AOP), avec le détail des étapes biologiques conduisant à un effet néfaste sur la santé, en commençant par l’événement moléculaire initiateur.

o EU-ToxRisk

SEURAT-1 a conduit à une extension, appelée EU-ToxRisk, qui sera le prochain grand programme européen sur les alternatives aux tests sur animaux ; celui-ci reprendra entre autre les conclusions du projet SEURAT-1. Cosmetics Europe va poursuivre ses efforts en matière de recherche, à la fois via son partenariat avec le programme EU-ToxRisk (http://www.eu-toxrisk.eu/) et via son programme Long Range Science Strategy (LRSS) (2016-2020), qui utilisera également les acquis de SEURAT-1.

o Cosmetics Europe

Skin Tolerance Task Force (STTF) : groupe de travail « sensibilisation cutanée »

Ce groupe de travail est composé uniquement d’industriels. L’objectif de ce groupe de travail est de faire valider certains tests ainsi que des stratégies qui permettent d’évaluer la sensibilisation cutanée sans utiliser les animaux.

La biologie complexe de la sensibilisation cutanée a conduit à la conclusion scientifique que seule une combinaison de tests alternatifs permettrait aux industriels de la cosmétique d'effectuer des évaluations de la sécurité des produits chimiques.

L'objectif de ce groupe de travail est de fournir de telles stratégies d'essai, ainsi que des données évaluées par des pairs qui sont appropriées soit pour initier, soutenir ou faciliter le processus d'acceptation réglementaire des méthodes développées.

Afin de développer des stratégies de tests alternatifs aux animaux, la « Skin Tolerance Task Force » a identifié et évalué 16 différentes méthodes d'essai in vitro (Tableau 6) qui, dans une mesure différente, donnent un aperçu des caractéristiques sensibilisantes des produits chimiques (Reisinger et al., 2015). Les six méthodes les plus avancées ont été sélectionnées pour la Phase II du projet.

Tableau 6 : Méthodes alternatives sélectionnées pour les évaluations

Les méthodes alternatives évaluées sont représentées ci-dessus. À partir d'un exercice de sélection, 16 méthodes ont été identifiées. Après les essais de Phase I sur un set restreint de molécules, 10 des 16 méthodes ont été classées par ordre de priorité au vu des résultats obtenus. Parmi celles-ci, les méthodes 1-6 (en noir) ont finalement été retenues pour les tests de Phase II, qui sont quant à eux finalisés. Les méthodes 7 à 9 ont été dépriorisées pour différentes raisons. Au cours de la Phase III, les essais ont été réalisés sur des produits chimiques de la plus haute importance pour les industriels de la cosmétique et se sont terminés au quatrième trimestre de 2016.

Lors de la Phase II, des informations expérimentales sur environ 130 produits chimiques ont été générées et collectées afin de parvenir à une matrice de données expérimentales complète. Les informations sur les six tests in vitro, ainsi que sur les données humaines, le LLNA et les données générées in silico ont été utilisées pour remplir une base de données AMBIT. Des partenariats externes (Integrated Laboratory Systems/NTP Interagency Center for the Evaluation of Alternative Toxicological Methods (NICEATM)) spécialisés dans l’intégration de données principalement axées sur la prédiction de la sensibilisation cutanée ont permis d’avancer. Cet exercice intègre l’utilisation d’informations déjà disponibles pour évaluer les

développement d’une stratégie de test, par exemple en y intégrant des tests comme le PPRA et/ou le SENS-IS aux approches existantes.

Parallèlement à l’évaluation des différentes stratégies, le groupe de travail a entamé des essais dits de Phase III qui se concentrent sur les produits chimiques de première importance pour les industries cosmétiques (colorants capillaires, filtres UV, mélanges, extraits de plantes ou conservateurs). Sur la base des choix des entreprises membres, une liste de 43 substances prioritaires a été testée dans une approche à deux niveaux. Dans un premier temps, quinze produits chimiques ayant des propriétés physico-chimiques complexes ont été testés dans des conditions à l’aveugle. Les données ont été examinées par le groupe de travail et il a été convenu de poursuivre les essais des substances restantes. Aucun écart majeur inattendu pour les composés cosmétiques sélectionnés n'a été identifié. Il est attendu que des chimiques aux propriétés particulières entraîneront éventuellement une adaptation des protocoles d'essai existants ou, a contrario, une exclusion en raison des limites de leur domaine d'application. Dans un deuxième temps, les essais sur les autres substances ont été achevés au quatrième trimestre 2016 et des discussions sur les résultats sont toujours en cours. Au regard de ces nouvelles informations, les stratégies de test existantes pourront être contestées. Cette partie du projet décrira plus en détail l'applicabilité d'une stratégie d'essai selon les produits chimiques à tester. En parallèle, afin d'exploiter les opportunités d'accélération du programme, le groupe de travail recherche des options de collaboration avec d'autres organismes menant des projets similaires. L'objectif de telles collaborations est de générer conjointement des données en utilisant les méthodes alternatives et de convenir d'un partage de celles-ci tout en évitant le travail redondant.

En Juillet 2014, le groupe de travail a signé un contrat pour un programme de recherche conjoint avec le Research Institute for Fragrance Materials (RIFM). Début septembre 2015, les données sur environ 60 parfums testés en DPRA, KeratinoSens™, h-CLAT et U-SENS® ont été partagées. Sur la base des résultats obtenus, il a été décidé de procéder à des tests dans deux autres méthodes, le SENS-IS et le PPRA.

De plus, le groupe de travail a convenu d'une coopération avec l'industrie des silicones afin de générer des données compréhensibles et complètes pour six silanes/siloxanes, dont les résultats obtenus en LLNA et in vitro (données limitées) ont été partagées. Le programme conjoint détaille le partage des coûts, le calendrier et la publication des résultats. L’ensemble des tests ont été finalisés au deuxième trimestre 2016.

De même, le groupe de travail STTF soutient actuellement le programme de recherche pour l’évaluation de la sensibilisation cutanée de l’European Partnership for Alternative Approaches to Animal Testing (EPAA). L'EPAA a évalué 12 substances complexes, selectionnées dans leur base de données, testées sur 3 modèles utilisant les épidermes 3D reconstruits, SenCeeTox, RHE-IL-18 et SENS-IS.

Pour préparer au mieux les processus d'acceptation réglementaire, le groupe de travail STTF est désireux de maintenir une relation étroite avec les organismes de validation. Par conséquent, les scientifiques des autorités sont fréquemment mis au courant des évolutions du projet et le groupe de travail a présenté les résultats de l'évaluation des stratégies de tests lors de la réunion du SCCS WG Methodology en Octobre 2016.

De plus, des communications au sein de la communauté scientifique sont régulièrement menées. Par exemple, le travail de la STTF a été présenté lors d'un cours de formation continue à EUROTOX en 2016. Par ailleurs, deux prochaines publications sont actuellement en cours de soumission, reprenant les différentes activités du groupe :

- S. Hoffmann et al.; Cosmetics Europe’s skin sensitisation database of non-animal test methods and human and LLNA reference data (article soumis dans Critical Reviews in Toxicology),

- N. Kleinstreuer et al.; Assessment of Non-Animal Defined Approaches for Predicting Skin Sensitization (article soumis dans Critical Reviews in Toxicology).