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I. L’allergie cutanée

4. Méthodes d’évaluation in vivo de la sensibilisation cutanée

4.2 Les tests expérimentaux sur les animaux

4.2.1 Les tests mesurant la phase de révélation

4.2.2.1 Local Lymph Node Assay et ses variantes

Cette méthode de réduction et de raffinement est venue substituer les précédentes méthodes réalisées sur le cobaye en 2002 sous la ligne directrice de l’OCDE 429 (OECD, 2002). Elle repose sur la mesure d’événements induits durant la phase d’induction de la sensibilisation cutanée,

caractéristique principale de la réponse à la sensibilisation cutanée.  LLNA

En pratique, la molécule à tester ou le véhicule seul est appliqué une fois par jour pendant trois jours consécutifs sur la face dorsale des oreilles des souris. La dose maximale non irritante est au préalable déterminée par une évaluation de l’épaississement de l’oreille qui ne doit pas excéder 25%. A partir de cette dose, une gamme d’au moins trois doses est déterminée pour être testée avec un minimum de 4 animaux par groupe de dose, ainsi que dans les groupes contrôles (un positif et un négatif). Les souris sont laissées au repos pendant deux jours complets, puis une injection par la veine caudale de thymidine tritiée (ou autre traceur radioactif) est réalisée le jour suivant. Cinq heures plus tard, les souris sont sacrifiées et les ganglions drainants l’oreille sont prélevés. L’incorporation d’un élément radio marqué correspondant à la prolifération lymphocytaire est mesurée avec un compteur à scintillation qui permet de connaître le nombre de Désintégrations Par Minutes (DPM). Les résultats de radioactivité sont exprimés en indice de stimulation (Stimulation Index, SI) qui est égal au rapport de la radioactivité incorporée dans les ganglions de la souris traitée par la molécule d’intérêt sur celle incorporée dans les ganglions de la souris traitée avec le solvant seul (Basketter et al., 2002; Gerberick et al., 2000). Les composés qui induisent une relation effet-dose et qui ont un SI supérieur au seuil de 3 sont considérés comme sensibilisants (D. A. Basketter et al., 1999; Kimber et al., 1995; Loveless et al., 1996). La concentration pour laquelle le SI est égal à 3 est appelé EC(3) (« Effective dose concentration »). L’EC(3) est déterminé en établissant une courbe effet-dose. Cette valeur permet de classer les substances testées en fonction de leur puissance allergisante.

Sur la base de cet EC(3), différentes classes de potentiel allergisant ont été déterminées (De Jong et al., 2002; van Och et al., 2000).

Ainsi, au-delà de la simple détection des sensibilisants, le LLNA permet d’évaluer leur potentiel de façon quantitative. De plus, l’EC(3) permet de déterminer une dose maximale sans effet chez l’homme par extrapolation, qui est utilisée par les toxicologues lors de leur évaluation du risque. Malgré les avantages du LLNA par rapport à la LD 406, certaines limites lui sont connues comme des résultats faussement négatifs avec certains métaux (par exemple pour le nickel car les souris possèdent un récepteur TLR4 différent de l’homme), des résultats faussement positifs avec certaines substances irritantes pour la peau et de plus un manque de sensibilité

du test pour détecter les molécules les plus faiblement sensibilisantes (D. . Basketter et al., 1999; Ikarashi et al., 1993). Des réponses faussement positives par rapport aux données de références cliniques peuvent être obtenues. Ces faux positifs se trouvent essentiellement parmi les tensioactifs et les surfactants qui peuvent provoquer une irritation engendrant une prolifération non spécifique dans les ganglions drainants (Garcia et al., 2010; Kreiling et al., 2008); la question des irritants qui sortent systématiquement faux positifs dans le LLNA fait toutefois encore débat. Cependant, Basketter et Kimber (2011) déclarent que, si l'étude est réalisée selon le critère de sélection de dose spécifiée dans la ligne directrice de l’OCDE 429, aucun résultat faux positif ne devrait être obtenu sur la seule base des propriétés irritantes de la substance (Basketter and Kimber, 2011).

Le LLNA est considéré cependant comme étant LA méthode de référence lors de la validation d’une méthode alternative in vitro puisque de nombreuses données ont été collectées (Anderson et al., 2011). Le protocole du LLNA est schématisé dans la Figure 23.

rLLNA

Un LLNA réduit ou rLLNA (reduced Local Lymph Node Assay) a été mis au point et validé sous la version modifiée de la ligne directrice de l’OCDE 429 en 2010. Ce test est le même que celui du LLNA mais il permet de restreindre le nombre d’animaux de 40% et respecte donc mieux la règle des 3R. Une seule concentration est testée et moins d'animaux sont utilisés. Cette méthode de réduction est recommandée lorqu’une confirmation d'un résultat négatif obtenu avec une autre méthode d'essai est requise. Étant donné qu'une seule dose est utilisée dans le plan d'étude, le rLLNA ne peut actuellement pas être utilisé pour estimer le potentiel de sensibilisation cutanée d'une substance (van der Veen et al., 2013), même si une proposition a récemment été publiée pour prédire la puissance d'une dose unique (Roberts, 2015).

LLNA : DA

La méthode d'essai LLNA: DA décrite dans la ligne directrice de l’OCDE 442A estune variante non radioactive du LLNA, validée en 2010 (OECD, 2010a). Cette méthode vise à identifier les substances chimiques sensibilisantes et à mesurer la prolifération lymphocytaire qu’ils induisent dans les ganglions lymphatiques auriculaires. Cette méthode, décrite chez la souris (de souche CBA/J), se base sur la quantification par bioluminescence du contenu en adénosine triphosphate (ATP), indicateur de cette prolifération. Quatre animaux au minimum sont utilisés par groupe de dose, avec au minimum trois concentrations de la substance d'essai, plus un groupe contrôle négatif traité seulement avec le véhicule, et au besoin un contrôle positif. Le protocole expérimental dure 8 jours. La teneur en ATP doit être quantifiée dans les 30 minutes qui suivent l’euthanasie. La procédure appliquée, de l’excision des ganglions lymphatiques au dosage de l’ATP, doit être identique pour chaque animal et ne doit pas excéder 20 minutes. La méthode luciférine/luciférase est appliquée pour quantifier la bioluminescence exprimée en unités relatives de luminescence (RLU). L’essai inclut des mesures (pesée, RLU) et des observations cliniques quotidiennes. Les résultats sont exprimés par le SI qui est obtenu par calcul. Une évaluation complémentaire de la substance d’essai comme sensibilisant potentiel est justifiée lorsque le SI obtenu est supérieur ou égal à 1,8. En cas de résultats positifs limites (1,8 ≤ SI ≤ 2,5), liés à la sensibilité de la méthode de détection, des informations supplémentaires peuvent être considérées telles que la relation dose-réponse, la toxicité systémique ou l'irritation excessive et, le cas échéant, les valeurs

significatives de SI sont à utiliser pour confirmer que ces résultats sont effectivement positifs.  LLNA : BrdU-ELISA

La méthode d'essai LLNA: BrdU-ELISA est une variante non radioactive de la méthode du LLNA décrite dans la ligne directrice de l’OCDE 442B et validée en 2010 (OECD, 2010b). Cette méthode vise à identifier les substances chimiques sensibilisantes et à mesurer la prolifération lymphocytaire qu’ils induisent dans les ganglions lymphatiques auriculaires.

Cette méthode décrite chez la souris (de souche CBA/JN) se base sur la quantification de la 5-bromo-2-désoxyuridine (BrdU), un analogue de la thymidine dans l’ADN des lymphocytes, comme indicateur de cette prolifération. Quatre animaux au minimum sont employés par groupe de dose, avec au minimum trois concentrations de la substance d'essai, plus un groupe contrôle négatif traité avec le véhicule seul, et un contrôle positif, au besoin. Le protocole expérimental dure 6 jours. Ensuite, les animaux sont euthanasiés et une suspension unicellulaire de cellules de ganglions lymphatiques (CGL) est préparée. La procédure de dispersion des CGL est une étape cruciale, en particulier pour les ganglions lymphocytaires très petits chez les animaux du groupe contrôle négatif. Ensuite la BrdU dans l’ADN des lymphocytes est quantifiée à l’aide d’un kit de dosage ELISA. L’essai inclut des mesures (pesée, BrdU) et des observations cliniques quotidiennes. Les résultats sont exprimés par le SI obtenu par calcul à partir des indices moyens de marquage BrdU pour les différents groupes. Un SI supérieur ou égal à 1,6 permet de classer la substance d’essai comme sensibilisant potentiel. En cas de résultats positifs limites (1,6 ≤ SI ≤ 1,9), liés à la sensibilité de la méthode de détection, des informations supplémentaires peuvent être considérées telles que la relation dose-réponse, la toxicité systémique ou l'irritation excessive et, le cas échéant, les valeurs significatives de SI sont à utiliser pour confirmer que ces résultats sont effectivement positifs. Les limitations de toutes les variantes de LLNA présentées ci-dessus sont les suivantes : - des prédictions faussement négatives peuvent être obtenues avec certains métaux, par exemple le nickel (Schmidt and Goebeler, 2015), et des prédictions faussement positives peuvent être obtenues avec certaines substances de type surfactant (Ball et al., 2011; Garcia

et al., 2010; Kreiling et al., 2008) ou des siloxanes (Petry et al., 2012),

solvant polaire peut améliorer la biodisponibilité dermique de certaines substances d'essai et le propylène glycol peut supprimer les effets prolifératifs de certaines substances d'essai (par exemple le DNCB) (Anderson et al., 2011). Par conséquent, il est important de bien sélectionner le véhicule utilisé dans l'étude.

Un récapitulatif des tests sur les animaux est présenté dans le tableau 5.

TEST Critère de positivité Ligne Directrice de l’OCDE

Guinea Pig Maximisation Test

(GPMT) Réponse positive si ≥ 30% des animaux testés OCDE 406 (1992) Buehler Test Réponse positive si ≥ 15% des animaux testés OCDE 406 (1992) Mouse local lymph node assay

(LLNA) Stimulation Index (SI)≥ 3 OCDE 429 (2002) Reduced Mouse local lymph node

assay (rLLNA) Stimulation Index (SI)≥ 3 OCDE 429 (2010) LLNA: DA SI≥ 1,8 OCDE 442A (2010) LLNA: BrdU-ELISA SI≥ 1,6 OCDE 442B (2010)

Tableau 5 : Les différents tests in vivo pour évaluer la sensibilisation cutanée

Un certain nombre de tests in vivo réglementaires et notamment le LLNA qui prédit le potentiel allergisant d’une molécule, permettaient aux toxicologues d’évaluer le risque et de garantir l’innocuité des produits cosmétiques. Toutefois, le 7ème amendement à la Directive cosmétique européenne 76/768/CEE adopté en 2003 (2003/15/CE) ainsi que le nouveau Règlement cosmétique n°1223/2009 entré en vigueur en mars 2009 ont interdit l’ensemble des tests sur les animaux pour les produits cosmétiques que ce soit pour le produit fini mais aussi pour l’ingrédient (depuis Mars 2013). Ainsi, il a été nécessaire et urgent de développer et mettre en place des méthodes alternatives à l’animal pour l’ensemble des études de toxicité chronique et notamment la sensibilisation cutanée. Un certain nombre de tests alternatifs ont donc été développés afin de modéliser les événements précoces pré-immuns. Ainsi, dans la prochaine partie de cette introduction, après avoir défini la notion de produit cosmétique, nous allons faire un état de l’art des méthodes in vitro substitutives au LLNA pour évaluer la sensibilisation cutanée.

II. Les produits cosmétiques et la dermatite de contact allergique