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CHAPITRE II : LES ELEMENTS CONTEXTUELS

2.2. La genèse des accords : éléments de

2.2.9. Petrochim : vers un accord sur les 35 heures

Un site pétrochimique, dit Petrochim, a été intégré à l’étude en guise de "témoin expérimental" d’un passage aux 35 heures obligatoire, non anticipé et non aidé. Il pourrait être représentatif de bon nombre d’entreprises qui n’ont pas devancé l’échéance d’application de la nouvelle durée du travail. En effet, à ce jour, les dirigeants sont seulement entrés en phase de maturation d’un projet de passage aux 35 heures au 1er janvier 2000. Car, contrairement aux neuf situations observées jusqu’ici, aucun argument a priori ne pourrait être véritablement trouvé pour plaider en faveur d’une réduction du temps de travail.

C’est que, tout d’abord, si la situation du groupe mondial paraît plutôt saine, elle s’assoit sur des résultats "comptables" plutôt médiocres des filiales françaises. Ensuite, comme l’expliquait le Président de Petrochim France à un journaliste "nous sommes confrontés à la

crise asiatique et aux problèmes de la Russie. Les deux ont généré une crise générale et une rupture de croissance. Il faut savoir que l’Asie est revenue à une consommation pétrolière égale à celle de 1988, tandis que la Russie, avec d’autres pays émergents producteurs, vendent à tout prix pour ramasser des devises"136. Dans un tel contexte, et sachant le niveau de concurrence

par les coûts auxquels se livrent les grands trusts dans les secteurs du pétrole et de la chimie des pétroles, les dirigeants ne sont pas prêts à relâcher aussi peu que ce soit la pression sur les coûts de production.

Cette contrainte posée par la direction mondiale du groupe est clairement exprimée par nos informateurs, dirigeants du site137 : "Nous venons de réaliser des plans sociaux -sans

licenciement sec- qui ont conduit à une diminution de prés de la moitié des effectifs sur le site. Cela a demandé beaucoup d’efforts, notamment en gains de productivité. Nous sommes sous contrainte de diminution des coûts -moins de 1% par an- car si notre site n’est pas aussi rentable que les autres, nous sommes sous la menace d’une fermeture, en tout cas, à terme, suite à un arrêt des investissements". La concurrence entre les établissements de production

du groupe est ainsi posée au niveau mondial : les actionnaires peuvent demain décider de mettre fin aux investissements sur le site et de développer en Asie du sud-est -ou autres- une nouvelle usine. Plusieurs petites raffineries ont déjà été fermées en France -dans ce groupe comme dans d’autres- et semble se développer une stratégie de recentrage sur les "points forts" de certaines unités et de vente à des concurrents des unités "points faibles". C’est déjà le cas sur le site étudié où, en même temps certaines unités (de chimie, généralement) ont déjà changé de mains et d’autres138 -c’est le cas actuellement- se construisent sous l’égide d’une alliance avec d’autres groupes italiens ou allemands.

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La Provence, Archives, Economie 1988 : site www.laprovence-presse.fr. 137

Il s’agit du DRH, du directeur de l’entité Chimie et de l’ancien directeur technique, actuellement attaché de direction générale.

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Par exemple Petrochim est en train de se séparer de sa branche chlorure de polyvinyle 'et PVC) tout en construisant, sur le site, en alliance avec un leader allemand, une usine triplant sa production de polyéthylène.

Ce contexte de restructuration permanente du secteur et de pression quasiment "substantielle" -aux yeux de nos interlocuteurs- sur les coûts de production rend les marges de manœ uvre pour une RTT d’autant plus minces qu’aujourd’hui l’effectif est déjà réduit au minimum, les coûts liés à de nouvelles embauches ne seraient pas envisageables et plus aucun jeu significatif n’est désormais possible sur des rendements des équipements déjà optimisés ou sur les prix d’achat des matières premières, produits et consommations. De plus, en dehors du fait qu'"il n’est pas question de parler des 35 heures aux actionnaires américains, ça les dépasserait complètement", les dirigeants du site se font parfois rappeler l’exemple des unités de production britanniques où les salariés travaillent 42 heures par semaine, ont moins de congés et perçoivent des salaires plus bas : d’où des coûts de main d’œ uvre qui seraient inférieurs de 50%.

Il n’est pas possible de présumer aujourd’hui quelle forme exacte prendra alors l’accord de RTT applicable au 1er janvier 2000 sur le site139 de Petrochim. Mais il est certain que les dirigeants s’orienteront vers l’introduction d’un changement à coûts constants, même si il leur faut un peu habiller les choses et donner du "grain à moudre" aux partenaires sociaux140. Une des préoccupations des dirigeants réside dans le fait que les opérateurs postés sur des cycles de production en 3x8 continu (800 salariés environ), qui travaillent déjà sur une base hebdomadaire de 33 h.55, ne pourront accepter de ne pas bénéficier du tout des effets de la réduction du temps de travail, ne serait-ce que sous la forme d’une légère revalorisation du salaires horaire. Pour le reste du personnel non cadre, d’intéressantes réflexions sont engagées par nos interlocuteurs sur des solutions de RTT allant de l’utilisation maximale des 10 heures légalement possibles de travail quotidien sur des cycles de 3 journées et demi141 jusqu’à l'"idéal" avancé d’une modulation pluriannuelle du temps de travail qui permettrait d’intégrer les arrêts quinquennaux de révision et /ou remplacement des équipements. Les dirigeants de Petrochim font par ailleurs l’hypothèse que les salariés et leurs représentants sont conscients, comme eux- mêmes, des contraintes économiques qui pèsent sur l’unité. Sans doute faudra-t-il que les organisations syndicales paraissent, aux yeux de la base, avoir obtenu quelque chose dans l’opération : alors, peut-être, une centaine d’embauches pourraient-elles être annoncées, "comme

ça se passe dans l’automobile", même si elles ne correspondent finalement qu’à des

recrutements qui seraient intervenus de toute manière, compte tenu du turn-over habituel et du développement normal de l’activité.

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Le site est un énorme complexe développé depuis 1929 sur prés de 1 000 hectares. Il est actuellement organisé, en dehors des unités cédées ou partagées, autour de trois entités de gestion autonome (raffinerie, chimie, oléfines/polyoléfines).et des supports et services communs (sécurité incendie, médical, RH, formation, juridique, services techniques, achats, sûreté, optimisation économique, gestion des utilités). Chacune des entité a son propre directeur, qui coiffe plusieurs chefs d’unités de production, et ses propres services de maintenance, technologie/laboratoire et hygiène/sécurité/environnement.

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La CGT est l’organisation syndicale majoritaire sur le site. 141

Solution susceptible de dégager quelques gains de productivité compensatoires pour l’entreprise à condition que l’on suppose que les temps improductifs quotidiens (temps de mise au travail, temps de pause) restent invariables et fixes quelle que soit la longueur de la journée de travail.