• Aucun résultat trouvé

Petite histoire de la résilience et ses quelques définitions

3. THÉORIE DE LA RÉSILIENCE

3.1 Petite histoire de la résilience et ses quelques définitions

L’histoire de la résilience remonte aux années d’après-guerre mondial selon Le

bulletin d’information du Club RJ9. Emmy Werner a été l’initiatrice de cette notion et

Szerman (2006) rapporte que cette dernière est considérée comme étant « la mère » de la résilience. Dès 1954, Werner a mené une recherche longitudinale sur une cohorte de 698 enfants d’Hawaii, et ce, jusqu’à l’âge adulte. Ces enfants se seraient bien développés malgré le fait qu’ils auraient vécu dans des conditions difficiles. À la vue de ces réussites, Werner décida d’accentuer ses recherches sur cette portion de personnes s’en étant sorties indemnes dans l’optique de découvrir comment ils en étaient arrivés à s’en sortir.

Par la suite, Norman Garmezy est à son tour décrit en 1971 comme étant « le père » de la résilience (Szerman 2006). Ce médecin a concentré ses recherches autour de la notion de compétence qui s’est éventuellement transformée en notion de résilience. Par le biais de plusieurs programmes de recherches lancés à travers le monde, Garmezy a, par la suite, développé la notion de « facteurs de protection » chez des enfants vivant des situations à haut risque et plus tardivement, la notion d’équilibre entre les « facteurs

9 Fondation Ressources-Jeunesse, Le bulletin d'information du Club RJ, (2006) La résilience:une histoire à suivre. Récupéré le 10 août 2009 de http://www.frj.qc.ca/pdf/va_vol8_num1.pdf

de risque et de protections ». Pour ce chercheur, la résilience est le fait d’avoir une bonne capacité à s’adapter face à des situations à haut risque.

Depuis, Szerman (2006) rapporte que d’autres chercheurs ont grandement contribué au développement de la résilience. Il s’agit de Peter Fonagy, psychiatre né aux États-Unis. Il s’est intéressé dès 1992 à la résilience et principalement aux théories de l’attachement chez l’enfant. Pour Fonagy, la résilience est cette capacité à se développer mentalement malgré les événements difficiles de la vie. Michael Rutter, professeur de psychiatrie, a, dès 1993, effectué des recherches sur la résilience. Selon ce dernier, « la résilience peut s’apprendre tout au long de la vie ». (Szerman, 2006 : 128). Puis, vint Grotberg, pour qui la résilience est le fait pour toute personne ou tout groupe, de vaincre l’adversité face à la vie. Enfin, en 1993, Robert Krell, professeur de psychiatrie à l’Université British Colombia, s’est aussi penché sur la recherche au sujet de la résilience en faisant l’étude de différentes stratégies adaptatives dans une cohorte d’enfants ayant survécu à l’Holocauste. Plus récemment entré sur la scène publique, Boris Cyrulnik est l'un des vulgarisateurs les plus connus de la résilience. Ce neuropsychiatre et éthologue s’est d’abord intéressé, selon Szerman (2006) à la résilience par le biais de l’observation des processus d’attachement, à partir d’études sur les comportements des animaux et des humains.

Toujours selon Szerman (2006), Michel Manciaux, professeur de pédiatrie sociale et de santé publique, s’est efforcé d’élargir les horizons de la résilience, tout comme Stanislaw Tomkiewicz, psychiatre décédé en 2003, l’a fait. Tomkiewicz disait que « le concept de vulnérabilité incite à regarder la moitié vide de la bouteille alors que la résilience invite à en regarder la moitié pleine. » (Szerman, 2006 : 37). Pour Manciaux et Tomkiewicz, la résilience est le fait de résister aux épreuves de la vie. Pour Vanistendael, elle est la capacité à vivre et se développer de manière convenable au plan social. Enfin, Cyrulnik la définit comme étant « la capacité à vivre, à réussir, à se développer en dépit de l’adversité. » (Szerman, 2006 : 31).

Toutefois, Serge Tisseron, dans ce même ouvrage, critique cette définition de la résilience. Ce dernier affirme que la définition de la résilience est différente, soit qu’on la définisse à partir d’éléments observables ou prédictifs et encore, si elle est a priori ou a

posteriori du trauma. Si l’on définit la résilience à partir d’éléments strictement observables, nos perceptions peuvent être trompeuses dit-il, car ce que l’on voit dans

personne. D’après Tisseron, l’espace intime est le lieu où l’on peut réellement constater si la personne a ou non surmonté son traumatisme. Enfin, si toutefois la définition de la résilience est de type prédictif, cela implique qu’à n’importe quel moment de sa vie et ce, nonobstant le type de trauma, la personne le surmontera nécessairement, ce qui dans les faits n’est pas toujours exact. À la limite, Tisseron semble s’insurger face à un manque de rigueur intellectuelle des principaux chercheurs en ce domaine.

Enfin, dans Vivre devant soi : être résilient, et après, Jacques Lecomte, psychologue de l’éducation, définit la résilience tout en affirmant la difficulté d’un tel exercice. Bien qu’à mon avis elle soit incomplète, j’ai choisi la définition de cet auteur, car elle fait, en bonne partie, sens pour moi. Bien sûr, je n’en suis pas entièrement satisfaite, mais à tout le moins, il s’agit là d’un bon début. Premièrement, « la résilience n’est pas un état, mais un processus » (op.cit : 11). Par là, Lecomte remet en perspective l’idée que la résilience n’est pas binaire, soit ceux qui s’en sortent et les autres. Pour lui, la résilience est un processus en mouvement qui évolue au fil du temps, de telle sorte que la personne ne se trouve pas figée dans un état.

Deuxièmement, « la résilience est fondée sur le lien et sur le sens » (op.cit : 12). La question du lien, la rencontre, est fondamentale en contexte de résilience. La personne qui expérimente la rencontre se trouve touchée affectivement par l’autre. L’autre n’est pas extraordinaire en soi, mais possède une qualité de présence faisant en sorte que la rencontre devient extraordinaire pour quelqu’un qui, par exemple, n’a pas l’habitude d’être considéré. La question du sens réfère à la signification, c’est-à-dire: quelle signification donner à l’expérience de souffrance? La recherche de sens, lorsque cela est possible, s’avère salvatrice. Sinon, la création de sens est tout aussi valable.

Troisièmement, « être reconnu comme victime, mais ne pas être réduit à ce statut » (op.cit : 17). D’après Lecomte, dans bien des cas, la reconnaissance du statut de victime est un élément qui favorise la construction de la résilience. Cette reconnaissance serait plus facile à obtenir lorsque des lésions physiques sont apparentes. Toutefois, lorsqu’il s’agit de « lésions » psychologiques, les personnes en étant atteintes ne se reconnaissent pas comme victimes. Cet état des choses rendrait l’éventuelle entrée dans un processus de résilience plus délicat. Se reconnaître comme étant victime d’une partie de son histoire est à distinguer du fait de se positionner en statut de victime. Quatrièmement, une enquête aurait démontré que les personnes inscrites dans un

processus de résilience auraient « un optimisme réaliste » (op.cit : 20). Comme le dit Lecomte, elles sauraient reconnaître leurs limites et les gérer.