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La résilience: une question d’équilibre entre les

3. THÉORIE DE LA RÉSILIENCE

3.4 La résilience: une question d’équilibre entre les

En plus de prendre appui sur la théorie de l'attachement, la compréhension de la résilience chez certains auteurs passe par le strict biais de la prise en compte d'éléments qui, selon eux, sont favorables ou non à l'instauration d'un tel phénomène. Il reste à

espérer qu'une ouverture sur d'autres dimensions de l'être humain émerge en cours de route. Bien que les notions d’équilibre entre les facteurs de risque et de protection aient été effleurées dans certaines sections de mon mémoire, j'introduis ici ces notions avec un peu plus de consistance afin de prendre connaissance d'autres points de vue.

Bien que ma recherche ne s'inscrive absolument pas dans un type de recherche épidémiologique, je considère, à tout le moins, le modèle des facteurs de risque et de protection comme un outil pouvant nous guider dans l'évaluation d'une personne qui encourt à priori ou à posteriori un trauma. Sans nier le fait qu'un équilibre entre les différents facteurs est sans soute souhaitable, j'ajoute, tout comme d'autres auteurs l'ont déjà fait, que la résilience est bien davantage qu'une simple question d'équation mathématique. Cela, d'autant plus qu'il m'arrive de faire la rencontre de personnes, dans le cadre de ma pratique, qui ont davantage de facteurs de protection que de risque et qui tout de même, croulent sous le poids d'un trauma. Bien que je n'aie pas recours dans le cadre de ma recherche aux termes de facteurs de risque et de protection, je parle « d'événements » favorables ou défavorables qui se sont produits dans ma vie.

Lighezzolo et De Tychey (2004) rapportent que la recherche longitudinale élaborée par Emmy Werner a littéralement ébranlé les a-priori chez certains chercheurs en tant que déterminisme face à l’avenir. Cette recherche échelonnée sur 30 ans portait sur les enfants dont les perspectives d’avenir auraient pu être désastreuses tant ils cumulaient de facteurs de risque comme « naissance difficile, pauvreté chronique de l’environnement familial, disputes violentes ou éclatement de la cellule familiale, alcoolisme ou maladie mentale de l’un des parents » (op.cit : 47). La recherche de Werner a démontré, disent les auteurs, que le tiers de ces enfants étudiés, à l’âge de dix ans, se sont bien développés et qu’à l'âge adulte ils sont parvenus à vivre des relations affectives stables. Par contre, les autres enfants auraient démontré des troubles graves dont des troubles d’apprentissage. De là, l’idée est venue aux chercheurs de saisir dans leur ensemble les notions de facteurs de risque et de protection. Il s’agit de facteurs de risque et de protection dans l’approche médicale en santé publique.

Voici une « liste » des facteurs de risque provenant de l’extérieur à la personne élaborée à partir d’un consensus chez les auteurs suivants : « Werner (1989), Gottlieb (1991), Rutter (1991), Master & Coatsworth (1998, 2001), Fortin & Bigras (2000), Anaut (2002) » (op.cit :49) :

une pauvreté chronique de l’environnement familial; une absence d’emploi prolongée; un logement surpeuplé; un isolement relationnel; un placement de l’enfant dans une institution spécialisée ou une séparation prolongée durant la première année de la vie; une situation de migrant; une maladie somatique parentale chronique; une maladie mentale ou une psychopathologie parentale prolongée; un membre de la fratrie ayant un handicap, des difficultés d’apprentissage ou des troubles de comportement; la naissance d’un frère ou d’une sœur alors que l’enfant n’a pas encore deux ans; un père absent; la perte d’un membre de la famille; le remariage et l’entrée de beaux-parents dans la maison; la violence ou l’alcoolisme familial; la confrontation directe à une catastrophe naturelle ou à une action terroriste. (Lighezzolo et De Tychey, 2004; 49).

Puis, voici les facteurs de risque en lien direct avec la personne :

Un premier facteur de vulnérabilisation est constitué par les conditions de naissance, lorsque ces dernières sont plus ou moins traumatiques (prématurité, souffrance néonatale, gémellité, pathologie somatique précoce, faible poids de naissance, atteintes cérébrales, handicap); une séparation précoce d’avec la mère; un faible QI; une pauvreté générale ou élective du fonctionnement mental; une faible estime de soi. (op.cit : 50).

Par ailleurs, « Gottlieb (1999), Masten & Coatsworth (1998), Cyrulnik (1999, 2001), Vanistendael & Lecomte (2000), Anaut (2002) » (op.cit : 50) en sont venus à un consensus sur la question des facteurs de protection. Voici dans un premier temps, la liste des facteurs de protection provenant de l’extérieur à la personne :

Posséder une relation sécurisante chaleureuse avec un ou ses deux parents; vivre dans une famille de niveau socio-économique élevé; avoir de bonnes relations parents-enfants; vivre dans une famille en harmonie; avoir un réseau de soutien social à l’extérieur de la famille (notamment une figure d’attachement privilégié). (op.cit :50).

De plus, voici les facteurs de protection propres à la personne :

Être capable de donner un sens à la vie malgré les difficultés rencontrées; avoir un tempérament actif; genre : être une fille avant l’adolescence ou être un garçon durant l’adolescence; avoir une bonne sociabilité (qualité du contact avec les autres); être un enfant attractif (charme, charisme); avoir un QI élevé; avoir un « locus of control » (lieu de contrôle) interne; avoir un sentiment d’auto-efficacité et d’estime de soi; avoir une bonne capacité de compréhension d’autrui et d’empathie (assez proche de l’intelligence sociale); avoir une foi religieuse; être capable de mettre en place des moyens de défense efficaces face aux agressions. (op.cit : 51).

Quant à Rutter (1987) et Cyrulnik (1999), ils ajoutent d’autres facteurs de protection intrinsèques à la personne dont :

Le rôle du clivage qui permet au Moi de se diviser « avec une partie socialement adaptée »; le déni qui permet « de ne pas voir une réalité dangereuse », la rêverie « tellement belle quand le réel est désolé. Elle imagine des refuges merveilleux en sacrifiant les relations trop difficiles »; l’intellectualisation qui permet « d’éviter l’affrontement qui nous impliquerait personnellement »; l’humour qui « métamorphose une situation, transforme une pesante tragédie en légère euphorie », permet « de prendre de la distance, de moins se laisser entamer par l’épreuve; la sublimation quand la force de vivre est orientée vers des activités socialement valorisées, comme les activités artistiques, intellectuelles ou morales »; le contrôle des affects; l’altruisme « qui permet de se faire aimer grâce au bonheur qu’on donne. (op.cit : 51).

Selon ce modèle, une personne qui cumule plus de facteurs de protection que de risque arriverait donc à entrer dans un parcours de résilience. Toutefois, il serait moins probable qu’une personne soit résiliente à partir du moment où celle-ci cumule davantage de facteurs de risque que de protection. D’après Lighezzolo et De Tychey, ce modèle est de type compensatoire et serait, selon les auteurs, réducteur. Par ailleurs, les auteurs questionnent le modèle dont le fait par exemple, de ne tenir compte d’aucune hiérarchie entre les facteurs soit de risque ou de protection; que les aspects dynamiques propres à chaque individu sont en partie occultés; que le modèle ne tient guère compte du fonctionnement psychique, etc.

D'autres points de vue concernant le modèle des facteurs de risque et de protection sont nécessaires pour répondre aux questions comme: Comment par exemple, pour l’un, un facteur de risque devient-il tout à coup un facteur de protection et vice-versa?

Hanus rapporte que pour Cyrulnik, le déni peut être vu comme un facteur de protection si ce mécanisme empêche la personne de « tomber » dans la pathologie. Toutefois, il ajoute que bien que le déni ait une fonction de protection à court terme, ce mécanisme de défense est néanmoins nuisible à long terme, car il « encapsule » les effets du trauma dans l'organisme et ne permet pas l'intégration de ce dernier.

Hanus ajoute que, pour Cyrulnik et Rutter, le regard de l'autre et de la société sur l'appréciation de la personne s'en étant sortie avec succès est essentiel. Ce type de regard ayant fonction de soutien relationnel, est considéré comme étant un facteur de

protection capital dans la construction de la résilience. L'auteur signale que selon Rutter, les Suisses et Cyrulnik, l'enfant module ses réactions d'après les perceptions qu'il a de son entourage, et ce, bien sûr, pour le meilleur et pour le pire. Je précise qu'en cette matière, ce qui s'avère sain pour l'enfant ne peut plus l'être de la même manière pour l'adulte.

Par ailleurs, des facteurs de protection tels l'imaginaire, la rêverie ainsi que la projection dans un monde meilleur sont des facteurs fréquents qui permettent de modifier la réalité pour la rendre plus tolérable. Ainsi, le rêve nierait la réalité et deviendrait par conséquent porteur d'espoir. Ainsi, l'on peut constater à quel point tout est une question de point de vue en matière de facteurs de protection et de risque, puisque chaque situation est unique et contextuelle.

Fait intéressant, Hanus soutient que l'écriture de son récit dans un but de le communiquer est aussi un facteur de protection puisqu'il s'agit là d'une tentative de se faire comprendre. L'humour, comme il a déjà été dit, est aussi un mécanisme de défense dont la fonction est « de mettre les autres à distance » dans un but de préserver certains secteurs de sa vie. Ces mécanismes permettent à la personne résiliente d'être active face au traumatisme.

Puisque l’estime de soi est facteur de protection, j’ai cru bon d’élaborer l’étayage de cette notion. Un « narcissisme sain » serait considéré comme un facteur de protection selon Hanus. Ce dernier affirme que l’expression du narcissisme s’estime par le biais de la confiance en soi, de l’estime de soi et du sentiment d’identité. Le sentiment d’identité se forge à partir de nombreux facteurs. Toutefois, l’on reconnaît un sentiment d’identité solide au fait que la personne se sent à l’aise avec ses limites et n’a pas le sentiment qu’on s’en prend toujours à elle. Quant à la confiance en soi, elle est naturellement transmise à l’enfant dès le début de sa vie par le biais de ses parents. Ceci, à la condition que ces derniers aient cette confiance en eux-mêmes bien implantée. Cette confiance acquise très tôt dans la vie du petit est une gratification narcissique appuyée sur une série de succès. L’estime de soi résulte d’un sentiment d’identité solide et de la confiance en soi. L’investissement des parents envers l’enfant est donc la pierre angulaire des trois éléments mentionnés ci-dessus.

Le milieu familial qui est le lieu des premières gratifications est donc capital dans la construction d’un narcissisme sain. Mais cette construction est parfois entravée par les

limites du milieu familial. Par contre, Rutter, cité par Hanus, rappelle que le narcissisme étant dynamique, l’enfant peut tout aussi bien le développer au travers d’autres liens.

Hanus résume sa pensée en affirmant que l’enfant résilient est celui qui a hérité de qualités narcissiques, d’une confiance de base solide, d’une estime de lui et d’un sentiment d’identité bien établi, et ce, dès sa plus tendre enfance. Ainsi, l’enfant ultérieurement confronté au traumatisme a de puissantes assises affectives lui permettant de construire sa résilience.