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a) De la prison physique…

Dans les deux romans, le désert ou ses éléments emprisonnent le sujet, lui prennent sa liberté ou sont la raison principale de la perte de cette dernière. Les raisons de cette peine sont multiples et peuvent provenir du désert en lui-même lorsqu’il constitue en tant que tel une prison ou d’une situation tierce se trouvant être la conséquence d’une cause liée au désert.

Chez Kôbô Abe, le désert est en lui-même une prison physique. Chez Albert Camus, seul la prison finale, liée à l’élément roche peut être vue comme cela, cependant c’est directement à cause du soleil, de la chaleur et de la lumière que Meursault commet un crime et se voit privé de sa liberté, rendant indirectement le désert coupable.

Chez le premier des deux auteurs, le fait que le sujet se retrouve privé de toute échappatoire sert à le forcer à se confronter lui-même, à ses pensées mais aussi au monde qui l’entoure, qu’il soit le désert en lui-même ou le monde en dehors dont il vient d’être privé. De cette confrontation naît une reconnaissance du caractère absurde du monde et du soi, une sensation, un sentiment d’impuissance couplée à une totale torpeur. Comme nous l’avons vu dans la première partie, Kôbô Abe emprunte pour mettre en place ce désert-prison des éléments au fantastique, ce qui lui permet d’imaginer un monde à part, isolé, qui ne laisse au sujet aucun espoir de retour une fois emprisonné : « This novel’s literalization of the motif of the world as

penal colony powerfully tropes the crimes of modern man »75. Le monde créé par l’auteur, puisqu’il est investi de fantastique, s’affranchit des limites liées au réel et rien n’est laissé de côté pour mettre en scène le mieux possible la philosophie que le penseur cherche à montrer.

Abe Kôbô reprend sans cesse les problèmes de l’identité de l’individu qu’il examine sur un arrière-plan de critique sociale implicite.

Pour forcer ses personnages à s’interroger sur la réalité de leur existence, il se plaît à les enfermer dans des labyrinthes dont l’opacité fait éclater leur rationalité et leur précaire sentiment de sécurité, empruntant souvent pour ce faire aux structures de la littérature populaire. […] tous les genres sont mis à contribution pour développer sa problématique en de fascinantes intrigues romanesques.76

Cette notion de désert-prison dans La Femme des sables est visible dès le début et le sable est rapidement peint comme oppresseur, comme constricteur : « Le chemin, de plus en plus, se fit abrupte montée ; et il lui parut que, de plus en plus, le sable l’envahissait. »77,

« Bientôt, toutes les maisons lui apparurent comme construites au fond de trous creusés dans la montée du sable ; et ce sable lui-même surpassait de beaucoup la hauteur des toits. Les rangs des maisons, peu à peu, sombraient au profond des creux du sable »78 et le sujet même de ce futur emprisonnement prendra à moitié conscience de ce pouvoir du désert lors de sa première vision du trou : « Nul, à coup sûr, n’eût sans échelle descendu cette falaise de sable ; elle s’élevait à trois hauteurs de toit, si abrupte que, fût-ce avec le secours d’une échelle, on ne pouvait dire que la descente en fût chose si facile »79, moitié qui se verra complétée lors de l’actualisation de son emprisonnement lorsqu’il se rendra compte qu’il est physiquement bloqué.

L’homme fut, d’un coup, ébloui, et ferma les yeux. Quand, l’instant d’après, il les rouvrit, il en oublia son éblouissement, tant son regard fut heurté, accroché par le mur de sable qui lui faisait face.

75 MARROUM, Marianne, « Sands of Imprisonment, Subjugation, and Empowerment : Reading Foucault in Kobo Abe’s The Woman in the Dunes », in The Comparatist, vol. 31, 2007, p. 89 Nous traduisons : « Dans le roman, cette description du monde en tant que colonie pénitentiaire représente fortement les crimes de l’homme moderne ».

76 TSCHUDIN, Jean-Jacques – STRUVE, Daniel, La Littérature Japonaise, coll. « Que sais-je ? », Presses universitaires de France, Paris, 2016, [2008], p. 112

77 ABE Kôbô, Op. cit., p. 18

78 Idem, p. 19

79 Idem, p. 35

Que ses yeux pussent ne pas y voir ce qu’ils devaient voir, il n’arrivait point à le croire : la falaise était nue ; l’échelle de corde qui pendait là la nuit précédente, l’échelle avait disparu.80

Ce trou dans le désert est le parfait symbole de la prison philosophique. Il est impossible de s’y opposer, il est là et le sujet ne peut plus une fois dedans, ni sans échapper, ni l’ignorer sans risque pour sa vie. C’est une bolge naturelle et inéluctable faite pour éprouver le sujet, pour le forcer à prendre conscience du monde et de son caractère absurde : « Comme il braquait son appareil photographique, d’un coup, sous ses pieds, avec un froissement, le sable se mit à couler. Il tressaillit, recula ; mais, un temps, le sable continua de couler. »81, « L’impression pénétrait l’homme qu’il venait de descendre, pour l’habiter, au profond d’une forteresse que la Nature même eût creusée »82.

Cette prison désertique est dans le roman englobante. Ce que nous entendons par là, c’est qu’elle se comporte comme une dimension à part entière, comme un monde clos. Tous les éléments du désert se mettent en branle et, dans toute leur violence, réduisent les possibilités du personnage à néant : « L’enveloppant de la tête aux pieds, une sévère douche de sable s’abattit sur l’homme. »83, « […] et autant dire qu’à cette heure-là l’éclat du soleil était déjà l’éclat du plein midi »84, « Du côté de l’ouest, là où finissait la dune, les rochers dénudés d’une basse colline qui s’avançait vers la mer. Le soleil la surplombait, et, comme une gerbe de pointes d’aiguilles acérées, éparpillait en plein ciel son éclat. »85, « Le sable, cuit de soleil, lui roussissait les paumes. De son corps entier, la sueur jaillissait ; et comme, aussitôt, le sable s’y attachait, il ne pouvait plus même tenir les yeux ouverts »86. Le sable, la roche, le soleil, la lumière, la chaleur et la sueur sont ici comme autant de gardiens d’une prison, veillant à chaque instant sur le sujet. L’omniprésence de ces éléments souligne parfaitement la toute puissance du désert philosophique dans le roman et ne font que confirmer le fait qu’il est un monde dont on ne peut s’échapper.

De plus, toute tentative de fuir est nulle, et ce pour plusieurs raisons. Premièrement, et comme nous l’avons dit, le trou dans le désert, forme du fait du caractère friable des parois, une

cage quasi-parfaite. A la mention de la notion de fuite, la femme des sables sera d’ailleurs la première à mettre en garde le sujet et douter de sa capacité à mener à bien son projet.

- Pardon ! La vérité vraie, voyez-vous, c’est que des gens qui aient réussi à s’enfuir de cet endroit-ci, eh bien, il n’y en a encore jamais eu… Jamais !

[…]

- Fort bien, se promit l’homme : je surmonterai tout. Et si quelqu’un, le premier, leur aura montré qu’on peut s’enfuir de cette prison, eh bien, ce sera moi !87

Secondement, le trou est entouré d’un désert lui-même entouré de sables mouvants et emprunter une autre voie que l’unique chemin du village fait risquer au sujet, s’il n’est pas aidé, une mort certaine : « Qu’est ce qui se passait ? Il avait bien entendu raconter qu’il existe comme une sorte de sable qui mange l’homme, mais… »88. Enfin, le sable est partout, même hors des limites directes et physiques du désert. Niki Jumpei, se rend compte de cela lorsqu’il lit un article de journal mentionnant la mort d’un homme due à un éboulement de sable sur un chantier (donc dans la ville) et mettant en parallèle sa situation avec celle des autres hommes89. Il est aussi possible de voir la maison au fond du trou comme une part de la prison elle aussi. Bien que cette dernière constitue un refuge contre le soleil, la chaleur et en partie le sable : « A la vitesse de l’éclair, l’impression frappa d’entrer dans un paysage embrasé où, sous le souffle du feu, il se fût comme dissous des talons à la tête, tandis que, dans le même temps, tout au long de sa moelle, fût demeuré intact une sorte de bâton de glace. Indéfinissable, un sentiment l’envahissait, où il y avait de la souffrance et de la honte »90, elle porte en elle un double sens puisqu’elle se trouve aussi être en réalité l’une des raisons de l’emprisonnement du sujet puisque ce dernier est là pour empêcher le sable de la détruire, reboucher le trou et par conséquent de l’ensevelir.

- C’est que le sable, voyez-vous… - et la femme, elle aussi, attachait au plafond son regard - … oui, c’est que, d’endroits d’où le sable ne tombe, d’endroits où le sable ne passe, eh bien, il n’y en a pas…

87 Idem, p. 160

88 Idem, p. 256

89 Idem, p. 126-127

90 Idem, p. 91

et que, si on néglige de l’enlever, alors, dans l’espace d’un seul jour, partout, il y en a déjà l’épaisseur d’un pouce !

- Dites-moi : le toit ne serait pas en mauvais état, par hasard ? - Oh, non ! Même à travers une toiture refaite à neuf, moi je vous le dis, le sable, coup sur coup, finit par passer, le sable arrive. Le sable, c’est terrible, y a pas à dire. Le sable, de nature, c’est bien plus mauvais encore que l’insecte perce-bois !91

Dans le film La Femme des sables, la maison est d’ailleurs activement considérée comme une prison du fait qu’elle constitue du point de vue du personnage un élément à part entière de ce désert dans lequel il se voit enfermé et ce, malgré le fait qu’elle s’oppose à certains autres éléments comme nous l’avons dit plus haut. Premièrement, lorsqu’elle est montrée de l’extérieur, elle l’est principalement grâce à une contre plongée (Voir Fig. 9) qui appuie l’impression de symbiose entre elle et le sable du trou tant elle paraît dévorée par ce dernier.

Secondement, lorsqu’elle est montrée de l’intérieur, la composition du plan utilise des éléments de la maison pour représenter physiquement les barreaux d’une prison (Voir Fig. 10 à Fig. 10 à Fig. 12), confirmant sans réelle subtilité son rôle réel par rapport au sujet.

91 Idem, p. 38

Fig. 9, 34ème minute du film La Femme des sables

Fig. 9, 47ème minute du film La Tortue rouge

Dans L’Etranger, la prison physique est tout aussi multiple que dans La Femme des sables, cependant, elle ne se décline pas de la même manière. Dans ce roman, la relation entre prison, désert et absurde est complexe puisque le personnage subit deux types d’emprisonnement physiques différents. Premièrement, il se retrouve à la fin au tribunal et en prison : « Et dans la salle d’assises où Meursault est jugé, voici enfin un soleil sec, un soleil-poussière, le rayon vétuste et l’hypogée »92, « Peu de temps après, j’étais conduit de nouveau devant le juge d’instruction. Il était deux heures de l’après-midi et cette fois, son bureau était plein d’une lumière à peine tamisée par un rideau de voile. Il faisait très chaud »93 et est donc, littéralement, enfermé entre quatre murs ; prisonnier de l’élément roche, de l’élément pierre ; pour y être torturé physiquement et psychologiquement par le désert, ce dernier se nourrissant de ses pensées d’homme libre pour ne le laisser finalement qu’avec la conscience d’un prisonnier.

92 BARTHES, Roland, « L’Etranger, roman solaire », in Œuvres complètes, tome I, 2002, [1954], p. 481

93 CAMUS, Albert, L’Etranger, Op. cit., p. 68 Fig. 10, 31ème minute du film La

Femme des sables

Fig. 9, 47ème minute du film La Tortue rouge

Fig. 11, 40ème minute du film La Femme des sables

Fig. 9, 47ème minute du film La Tortue rouge

Fig. 12, 71ème minute du film La Femme des sables

Fig. 9, 47ème minute du film La Tortue rouge

De toute façon, il ne faut rien exagérer et cela m’a été plus facile qu’à d’autres. Au début de ma détention, pourtant, ce qui a été le plus dur, c’est que j’avais des pensées d’homme libre. Par exemple, l’envie me prenait d’être sur une plage et de descendre vers la mer. A imaginer le bruit des premières vagues sous la plante de mes pieds, l’entrée du corps dans l’eau et la délivrance que j’y trouvais, je sentais tout d’un coup combien les murs de la prison étaient rapprochés. Mais cela dura quelques mois. Ensuite, je n’avais que des pensées de prisonnier.94

Secondement, Meursault est conduit dans cette prison à cause du soleil, de la chaleur et de la lumière qui l’ont forcé à commettre un meurtre. Ce fait est très important puisqu’il constitue en réalité la preuve de l’impuissance totale du personnage. L’oppression ressentie par Meursault lors de la scène de la plage est palpable, et cette oppression est la manifestation du destin que le désert a choisi pour Meursault, c’est la manifestation de son action supérieure :

« […] je suis resté devant la première marche, la tête retentissante de soleil, […]. Mais la chaleur était telle qu’il m’était pénible aussi de rester immobile sous la pluie aveuglante qui tombait du ciel »95.

C’était le même éclatement rouge. Sur le sable, la mer haletait de toute la respiration rapide et étouffante de ses petites vagues. Je marchais lentement vers les rochers et je sentais mon front se gonfler sous le soleil. Toute cette chaleur s’appuyait sur moi et s’opposait à mon avance. Et chaque fois que je sentais son grand souffle chaud sur mon visage, je serrais les dents, je fermais les poings dans les poches de mon pantalon, je me tendais tout entier pour triompher du soleil et de cette ivresse opaque qu’il me déversait. A chaque épée de lumière jaillie du sable, d’un coquillage blanchi ou d’un débris de verre, mes mâchoires se crispaient. J’ai marché longtemps. Je voyais de loin la petite masse sombre du rocher entourée d’un halo aveuglant de lumière et la poussière de mer.96

Le fait que les éléments du désert soient la cause directe et totale de la perte de liberté et de l’aliénation de Meursault : « Le soleil tombait presque d’aplomb sur le sable et son éclat sur la mer était insoutenable. Il n’y avait plus personne sur la plage. »97, « Je ne pensais à rien parce que j’étais à moitié endormi par ce soleil sur ma tête »98, font d’eux, d’une certaine

manière, une extension de la prison. La chaine de cause à effet déclenchée par le désert est en un sens une preuve en faveur de l’innocence de Meursault.

Non seulement Meursault est innocent de son crime, mais encore étranger à son crime, au sens propre du terme ; il a succombé à un aliénation passagère, entraînée par une défaillance physiologique dont les causes, du moins, ont été clairement mises en lumière.99

En tant qu’homme contraint, Meursault peut-il être tenu responsable de son crime ? Peut-il être jugé pour ce dernier ? Le soleil à l’inverse, en tant que « commanditaire », doit lui être vu comme le coupable premier du meurtre.

Meursault ne présente pas la chaleur et la lumière comme un mobile psychologique, une excuse (ce qui donnerait une tragédie sociale, ou un drame), mais comme l’explication (un sens non-déterministe), la « cause » physique et naturelle de son acte.100

Il est cependant très important de noter une différence fondamentale entre les deux œuvres, différence en rapport direct avec la notion de désert-prison et qui est le traitement du sujet emprisonné. En effet, dans L’Etranger et comme nous le verrons plus tard, le travail a une place bien à part, et l’absurde dans l’œuvre ne tourne pas nécessairement autour de cette notion et ce, même si Albert Camus aime particulièrement la figure de Sisyphe. De cette figure l’auteur tire en effet plus la notion de tâche que celle de travail au sens propre du terme. A l’inverse, chez Kôbô Abe, le travail, très sisyphéen qui plus est, est un élément central de la réflexion et de sa philosophie de l’absurde. Ce travail ne doit pas être analysé comme parfaitement sociétal comme dans L’Etranger où Meursault n’est jamais directement menacé par le fait d’accomplir ou non ce qu’il a à faire, mais comme vital et comme nécessaire à la prolongation de la vie du sujet, mais aussi comme sentence, comme punition utile, et prend de ce fait place au cœur même de la prison, au plus profond du trou dans le désert : « - C’est affreux… un terrible tueur, ce

99 CASTEX, Pierre-George, « Albert Camus et « L’Etranger » », coll. « J. Corti Ess. », José Corti Editions, Paris, 1989, p. 87-88

100 MAILHOT, Laurent, Op. cit., p. 195-196

sable… Oui, affreux ! »101. Condamné à enlever le sable que les tempêtes viennent déposer aux abords de la maison, sous peine que cette dernière soit ensevelie et lui avec, Niki Jumpei est dans l’œuvre forcé par le désert et ses habitants à continuer jour après jour sa besogne absurde et sans fin et ce, malgré le fait qu’il soit vraisemblablement conscient de l’apparente inutilité de sa tâche.

Comme la femme venait d’emplir de sable deux bidons, elle vint dans sa direction, un bidon à chaque main, et, le croisant, leva vers lui les yeux :

- Le sable, n’est-ce pas ! Lui dit-elle seulement, à voix nasillarde.

Près de l’arrière-chemin où pendait l’échelle, elle vida les bidons de leur sable, du coin d’une serviette essuya sa sueur. A son côté, le sable qu’elle n’avait cessé d’apporter formait déjà un gros tas.

- On enlève le sable, hein ? … Et votre besogne, c’était donc ça ! Mais, ma pauvre, vous y travailleriez votre vie durant que jamais vous n’en verriez le bout ! …102

- Dame ! Est-ce que le sable nous fait la charité de se reposer, lui ? Alors, les paniers, le triporteur, et le reste, il faut bien que toute la nuit, toutes les nuits, ça se remue, ça aussi !

- Oui, probablement, ça doit être comme vous le dites… ! Il laissait place au doute : mais il voyait bien, au fond de lui, que les choses étaient réellement telles, et que le sable ni ne s’accorde à lui-même ni ne nous accorde à nous-lui-mêmes de jamais être en repos.103

101 ABE, Kôbô, Op. cit., p. 43

102 Idem, p. 46

103 Idem, p. 53

b) … à la prison mentale

Dans L’Etranger, et comme nous l’avons dit, le soleil, la chaleur et la lumière ont sur Meursault une emprise très forte, très marquée. Meursault est « dominé par le soleil »104. Dans le roman, la perte de liberté physique peut en réalité être vue comme la conséquence de la perte de liberté mentale, et inversement. En effet, l’agression physique subie engendre une perte de repères, de connaissance et de conscience menant à son tour à un emprisonnement physique et de ce fait à une totale perte de liberté. Le désert se fait destin, l’homme n’est plus ni libre ni réellement vivant. L’absurde naît ici de l’influence totale du désert sur le sujet : « J’ai dit rapidement, en mêlant un peu les mots et en me rendant compte de mon ridicule, que c’était à cause du soleil »105. La notion de soumission est dans le roman profondément ancrée et le

Dans L’Etranger, et comme nous l’avons dit, le soleil, la chaleur et la lumière ont sur Meursault une emprise très forte, très marquée. Meursault est « dominé par le soleil »104. Dans le roman, la perte de liberté physique peut en réalité être vue comme la conséquence de la perte de liberté mentale, et inversement. En effet, l’agression physique subie engendre une perte de repères, de connaissance et de conscience menant à son tour à un emprisonnement physique et de ce fait à une totale perte de liberté. Le désert se fait destin, l’homme n’est plus ni libre ni réellement vivant. L’absurde naît ici de l’influence totale du désert sur le sujet : « J’ai dit rapidement, en mêlant un peu les mots et en me rendant compte de mon ridicule, que c’était à cause du soleil »105. La notion de soumission est dans le roman profondément ancrée et le