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Réflexion théorique autour de la notion de discours

Chapitre 2 Vers une Sémantique Discursive cognitive

2.2. Constructions et grammaire de constructions

2.2.3. Les évolutions structurelles de Lasch

2.2.3.2. Perspectivité : Köller 2004

L’apport de Köller (2004) est épistémologique et s’actualise essentiellement dans la schématisation visuelle de la construction. Il permet d’apprécier une construction à la fois dans sa configuration individuelle, situationnelle, actualisée et en même temps de la saisie en tant que catégorie

174 « In the current account, children begin to acquire language when they do because the learning process depends crucially on the more fundamental skills of joint attention, intention-reading, and cultural learning—which emerge near the end of the first year of life. And importantly, a number of studies have found that children’s earliest skills of joint attentional engagement with their mothers correlate highly with their earliest skills of language comprehension and production (see Carpenter, Nagell, and Tomasello, 1998, for a review; and see Chapter 3 for studies of joint attention and word learning). This correlation derives from the simple fact that language is nothing more than another type—albeit a very special type— of joint attentional skill; people use language to inºuence and manipulate one another’s attention. » (Tomasello 2003 : 21 ; cf. Diessel 2006b)

175 In general, we can distinguish two different ways in which the context affects the semantic interpretation of a lexeme. If the context is compatible with the semantic specifications of the base nodes of a particular frame, the access node is elaborated by contextual cues within its default domain; but if the context is not compatible with the semantic specifications of a particular frame, the whole system of concepts evoked by a lexeme is shifted to a different domain in order to construct a coherent semantic representation from the various cues that are co-present in a particular situation.

176 Je n’entre pas davantage dans les détails, ce qui m’éloignerait de la présente argumentation ; néanmoins, il convient de spécifier le fait que les linguistes fonctionnels-cognitifs reconnaissent le parallélisme entre un lexème et une construction à structure argumentale (Tomasello 2003 ; Goldberg 2019 ; Diessel 2019), et de remarquer à quel point il est nécessaire de travailler, au niveau théorique, le lien entre un ou des frame/s et une construction (et sa réalisation constructionnelle).

sociocognitive partagée. En effet, Köller (2004) introduit le concept de perspectivité qui reprend l’idée de « focale » chez certains chercheurs : il s’agit d’observer la réalité langagière de deux perspectives, la première est communicative, la seconde cognitive (Lasch 2016 : §5.1.1 ; cf. pour une perspective (!) similaire Tomasello 2003 : 169–173). Lasch (2016 : 100) introduit la notion de perspectivité comme suit :

Perspectivisation signifie toujours sélection, à savoir le choix des options de perception. Si l’on choisit une perspective, on n’en choisit pas une autre, si l’on choisit une option de perception, on ne choisit pas l’autre – toute perception du monde, perception de la langue et donc aussi la production et la réception de la langue parlée et décrite est basée sur ce principe : il n’y a pas de perception sans perspective. Bien sûr, cela a une influence massive sur la constitution des faits par le langage, mais les processus de sélection qui accompagnent et précèdent la mise en perspective s’appliquent, comme brièvement esquissé, à tous les processus de perception dans lesquels un être parle du monde tel qu’il se présente à lui : les contenus de perception à médiation linguistique sont des perceptions de la « réalité » ou de ce qui doit être promis, traitées cognitivement, guidées par les intérêts et en partie déjà pré-interprétées.177

Lasch exploite ensuite la proposition de Köller (2004 : 10), qui amorce l’idée selon laquelle la perspectivité est construite et reflète la structure de la langue ; son analyse doit donc opérer à un niveau empirique en examinant des résultats concrets tels que des énoncés. Mais cette analyse fondée sur l’emploi et la réalité langagière peut être réalisée en prenant deux approches, deux perspectives : l’une revient à considérer la langue comme substrat synchronique d’un processus abstrait (la perspectivité communicative) ; l’autre monte en abstraction en observant la structure conceptuelle et abstraite d’un ensemble d’entités similaires (la perspectivité cognitive) (Lasch 2016 : 102–103). Il est à noter que les deux perspectivités sont complémentaires et doivent être menées de pair pour saisir l’entièreté d’une entité langagière donnée.

La perspectivité communicative est le niveau de l’analyse concrète de la production langagière ; elle permet d’accéder à la réalisation perceptuelle d’un individu vis-à-vis de la situation d’énonciation et de l’énoncé. Il s’agit donc d’observer une instance particulière de l’abstraction langagière partagée par des individus et actualisée sous différentes formes à différents lieux et moments :

On peut toujours parler de perspectivité communicative lorsque l’on s’interroge sur le niveau d’analyse de l’utilisation du langage, dans laquelle perspective de perception les contenus concrets de l’imagination

177 Perspektivierung heißt immer Selektion, nämlich Selektion von Wahrnehmungsoptionen. Wählt man eine Perspektive, wählt man zugleich eine andere nicht, wählt man eine Wahrnehmungsoption, wählt man die andere zugleich nicht – jeder Wahrnehmung von Welt, Wahrnehmung von Sprache und damit auch Produktion wie Rezeption gesprochener wie beschriebener Sprache liegt dieses Prinzip zu Grunde: Wahrnehmung ist ohne Perspektivierung nicht zu haben. Das beeinflusst die Sachverhaltskonstitution durch Sprache freilich massiv, aber die Selektionsprozesse, die der Perspektivierung vor und mit ihr einhergehen, gelten wie kurz skizziert für alle Wahrnehmungsprozesse, in denen ein Ich über die Welt, wie sie sich ihm darstellt, spricht: Sprachlich vermittelte Wahrnehmungsinhalte sind kognitiv verarbeitete, interessengeleitete und z.T. schon vorinterpretierte Perzeption der ‚Wirklichkeit‘ bzw. dessen, was versprachlicht werden soll.

sont objectivés pour un destinataire. Nous nous intéressons ensuite au produit concret d’un processus linguistique d’objectivation et de symbolisation.178 (Köller 2004 : 21)

La perspectivité cognitive opère à un degré d’abstraction supérieure dans la mesure où elle permet la macroanalyse de phénomènes langagiers situationnels similaires. L’objet d’étude passe d’un objet concret à une généralisation immanente et transcendentale reconstruite par des figements langagiers et conceptuels (Köller 2004 : 22). C’est cela qui permet de tirer des conclusions de l’analyse successive de cas précis.

Au contraire [de la perspectivité communicationnelle], nous pouvons toujours parler de la perspectivité cognitive des formes linguistiques lorsque notre intérêt pour l’analyse n’est pas axé sur la conception de concepts factuels concrets, mais plutôt sur la perspective immanente conventionnelle des modèles linguistiques avec lesquels nous objectivons des concepts concrets. La question de la perspective cognitive des formes linguistiques vise donc la structure du savoir collectif qui a été solidifiée dans des modèles linguistiques et qui prédétermine les possibilités communicatives de mise en perspective de ces modèles.179 (Köller 2004 : 22)

Ce positionnement et l’intégration de modèles établis en sémantique sont l’expression d’une réaffirmation théorique de l’interface épistémo-linguistique des constructions sous un regard neuf et européen, qui complète les positions théoriques psychologiques et linguistiques ainsi qu’empiriques de Goldberg (2006, 2019) et Tomasello (2003). En injectant la double perspectivité à l’intérieur des constructions, Lasch fait un pas supplémentaire vers la reconnaissance de l’emploi, de la réalité langagière et de l’ancrage phénoménal des constructions dans les interactions humaines.

La grammaire de constructions tente d’abstraire la perspective cognitive des structures linguistiques de la perspective communicative des modèles linguistiques et donc de déterminer de façon plausible et adéquate les « lieux » des locuteurs [au sens déictique de Bühler 1934, cf. Lasch 2016 : 104 ; MB] qui utilisent ces modèles.180 (Lasch 2016 : 104–105)

Les perspectivités de Köller (2004) sont donc l’outil conceptuel permettant à Lasch d’asseoir le fondement empirique et structurellement orienté vers l’usage de la grammaire de constructions

178 Von der kommunikativen Perspektivität können wir immer dann sprechen, wenn wir uns auf der Analyseebene der Sprachverwendung danach fragen, in welcher Wahrnehmungsperspektive konkrete Vorstellungsinhalte für einen Adressaten objektiviert werden. Wir interessieren uns dann für das konkrete Produkt eines sprachlichen Objektivierungs- und Sinnbildungsvorgangs.

179 Von der kognitiven Perspektivität sprachlicher Formen können wir dagegen immer dann sprechen, wenn sich unser Analyseinteresse nicht gegenstandsthematisch auf die Gestaltung konkreter Sachvorstellungen richtet, sondern reflexionsthematisch auf die konventionalisierte immanente Perspektivität der sprachlichen Muster, mit denen wir konkrete Vorstellungen objektivieren. Die Frage nach der kognitiven Perspektivität sprachlicher Formen zielt also auf die Struktur des kollektiven Wissens, das sich in sprachlichen Mustern verfestigt hat und das die kommunikativen Perspektivierungsmöglichkeiten dieser Muster vordeterminiert.

180 Die Konstruktionsgrammatik versucht, aus der kommunikativen Perspektivität sprachlicher Muster die kognitive Perspektivität sprachlicher Strukturen zu abstrahieren und so ‚Standorte‘ der Sprecher [im deiktischen Sinne von Bühler 1934, vgl. Lasch 2016 : 104; MB], die diese Muster nutzen, plausibel und adäquat zu bestimmen.

située en s’appuyant sur l’idée fondamentale qu’une construction (ici, construct) est le résultat d’un processus conceptuel complexe répondant aux besoins d’une situation de communication et qu’elle participe du positionnement communicationnel et conceptuel du locuteur sur le monde phénoménal et les autres individus (ce qui est possible suite à l’injection du modèle de Bühler 1934), et qu’elle est en même temps un instantané d’une construction diachronique complexe résultant de la mise en commun, de la généralisation et de la catégorisation d’énoncés similaires au regard de leur emploi pragmasituationnel.