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6. Discussion / Conclusion

6.3 Perspectives

Dans ce travail nous avons vu l’importance des émotions dans la relation d’aide et notamment les difficultés rencontrées par les bénévoles en ce qui concerne la colère de l’autre. Nous avons eu l’impression que la colère était prise dans la plupart des cas comme dirigée contre eux. Il semble que dans le cas de la colère, il y ait souvent confusion entre colère et agressivité qui sont pourtant deux choses bien distinctes (Averill, 1983; Wranik-Odehnal, 2005).

146 La colère apparaît souvent dans des situations où l’on obtient pas ce que l’on veut (Dijk, Zeelenberg, & Pligt, 1999), où il y a un obstacle à nos buts (Scherer, 2001). Averill (1983) montre que dans 85% des cas, la colère survient après un acte jugé volontaire et injustifié, qu’elle survient principalement dans les relations interpersonnelles et lorsqu’il y a un lien préalable. Dans le cas de nos bénévoles, il se peut que la colère contre l’autre puisse être prise pour de la colère contre soi ou de l’agressivité et puisse donc engendrer des réactions de défense ou de l’épuisement. Une recherche a montré des liens entre la colère des appelants et l’épuisement du personnel dans des centres d’appel (Goldberg & Grandey, 2007) ainsi que chez des soignants de patients souffrant de démence (Brodaty, Draper, & Low, 2000;

Kuremyr, Kihlgren, Norberg, Astrom, & Karlsson, 1994). Nous pensons que des formations ciblées sur la gestion de cette émotion pourraient être profitables aux bénévoles et leur éviter ainsi des conséquences sur la santé. Nous avons également constaté quelles pouvaient être les difficultés de régulation des émotions q ue peuvent rencontrer les bénévoles. Une étude qui évaluerait un programme de formation basé sur les compétences émotionnelles en général et plus précisément la régulation des émotions, dont celle de la colère pourrait permettre à ces bénévoles d’acquérir un certain nombre de compétences qui pourraient les aider au quotidien à l’écoute et prévenir les risques d’épuisement professionnel. Différentes mesures pré et post interventions permettraient de voir l’influence sur la santé physique et psychologique des bénévoles et les préparer au mieux ou les maintenir dans ce type de travail.

Nous avons également vu l’importance de ne pas rester uniquement dans l’écoute mais de privilégier des interventions ciblées en fonction de la situation. Parfois il ne faut utiliser que les outils de l’écoute, parfois il faut pouvoir aller plus loin. Des formations incluant des techniques basées sur les interventions ciblées seraient utiles. Que cela soit sur une technique simple mais néanmoins par toujours utilisée dans l’approche centrée sur la personne qui est la question. Développer les compétences des bénévoles en matière de question ouverte ou de validation peut permettre une écoute active qui permet l’auto-exploration de l’appelant. La résolution de problème ainsi que le jeu de rôle tirés de l’approche cognitivo-comportementale décrites par Reicherts (2011) nous paraissent intéressantes. Des supervisions faites en utilisant des jeux de rôle permettraient de s’exposer dans un cadre sécurisant et sont souvent plus révélatrices que les supervisions classiques. La résolution de problèmes permettrait d’accompagner certains appelants qui sont à la recherche d’une solution et que l’écoute seule ne permet pas d’aider.

147 Il s’agit de commencer par définir le problème de manière personnalisée, d’élaborer des buts pour surmonter ce problème, de prendre une décision pour pouvoir mettre en place des actions et d’évaluer si la réalisation du but a été atteinte. Il ne serait évidemment pas possible d’aller jusqu’au bout du processus mais les premières étapes pourraient être faites ensemble avec les appelants et la ligne directrice donnée pour la suite. Des approches basées sur les émotions (Greenberg, 2002, 2006) ou sur l’entretien motivationnel (Miller & Rollnick, 2006; Rollnick, Miller, & Butler, 2009) pourraient donner des outils supplémentaires. L’entretien motivationnel se base grandement sur les approches centrée sur la personne et cognitivo-comportementale. Il s’agit d’accompagner la personne vers un changement tout en faisant attention à ses résistances et en lui laissant sa pleine autonomie. C’est elle qui décide la vitesse, le temps et la direction du changement. L’aidant est là pour l’accompagner dans sa démarche en utilisant certains leviers. Avec ces différentes techniques, les bénévoles auraient ainsi une palette d’outils qu’ils pourraient adapter en fonction de la situation et de la personne à l’autre bout de la ligne.

La régulation des émotions ressort également comme une compétence très importante, notamment celle de la colère mais qui n’est pas sans coût (Mauss, Cook, & Gross, 2007). Un travail sur soi pourrait permettre aux bénévoles de pouvoir vivre l’émotion sans pour autant être perturbé par elle. Cela pourrait être d’autant plus utile pour les personnes d’empathie affective plus marquée qui peuvent être comme des éponges pour les émotions de l’autre et ainsi se mettre en danger elles-mêmes. La pleine conscience (Kabat-Zinn, 1982, 2003) par exemple, amènerait cette distance qui peut faciliter la régulation des émotions (Zermatten, Jermann, & Bondolfi, 2012). Il serait également important que les bénévoles puissent faire une auto-évaluation de leur empathie afin de pouvoir être plus vigilant sur ces aspects de difficultés de régulation des émotions. Cette auto-évaluation pourrait se faire à l’aide du BES et permettrait à la personne de se situer en fonction de sa prédominance affective ou cognitive. Il faudrait mettre en place dans ces centres d’écoute des formations ciblées sur la régulation des émotions puisque c’est une compétence qui peut se développer (Kotsou &

Monseur, 2012; Nelis et al., 2011) ainsi que des supervisions qui soient très attentives à ces aspects de régulation des émotions et de prédominance d’empathie afin de protéger les bénévoles et leur permettre de s’épanouir dans leur travail. Malgré certains « désavantages » de l’empathie à prédominance affective, nous pensons toujours qu’elle est essentielle dans la relation d’aide et, nous l’avons vu, de nombreuses recherches en relation d’aide ou en thérapie vont dans ce sens.

148 Elle est un des liants qui permet que la relation puisse aboutir à une plus-value pour l’interlocuteur. Elle facilite le changement, la relation et l’ouverture aux émotions. Pourtant, au vu de nos résultats, nous pensons qu’il est essentiel pour le bénévole de bien se connaître et, en fonction de son type d’empathie, d’adapter sa manière de faire. Alors pour répondre à la question posée dans le titre : l’empathie oui mais de manière raisonnée.

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