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2. Partie théorique

2.3 Les émotions

2.3.4 La fonction des émotions

Quoidbach (2009) par exemple, reporte les nombreux avantages des émotions positives qui apparaissent essentiellement dans les situations où nous ne sommes pa s en danger et permettent d’élargir notre façon de penser et notre répertoire de comportement (Fredrickson, 2001), de faire de nouvelles connexions entre nos idées (Isen, 2001), d’augmenter notre tendance à nous engager dans des activités variées (Fridja & Mesquita, 1994, cité par Quoidbach & Hansenne, 2009) ou de faciliter les comportements d’aide et de coopération (Isen, 2001).

De nombreux auteurs s’accordent à dire que les émotions sont indispensable s à notre survie (Kring & Werner, 2004; Mikolajczak, 2009c; Shiota, Campos, Keltner, & Hertenstein, 2004).

Les émotions peuvent avoir différentes fonctions. Tout d’abord, les émotions sont une source d’information, elles nous renseignent sur nos besoins et objectifs pour peu qu’on les écoute.

27 Par exemple, une émotion négative va nous indiquer que l’atteinte d’un de nos objectifs est entravée alors qu’une émotion positive va nous signaler l’inverse. Les émotions sont également des facilitateurs de l’action. Selon Fridja, le propre d’une émotion est de faciliter certains comportements et d’en inhiber d’autres (Fridja & Tcherkassof, 1997). Elle permet donc à l’individu d’agir vite et bien et de « choisir » sa réaction parmi une large palette de comportements possibles tout en se distinguant de l’instinct car elle crée une tendance à agir mais elle ne l’impose pas. L’émotion peut également servir de support à la décision. Les personnes qui ne peuvent pas traiter l’information émotionnelle, ont de grandes difficultés à prendre une décision. L’émotion enfin est un outil indispensable à l’adaptation. Darwin (Darwin, 1872/1998) voyait les émotions comme un héritage d’une sélection naturelle. Elles augmentent ainsi nos chances de survie. Des recherches ont ainsi montré (Susskind et al., 2008) que les expressions faciales de peur étaient configurées pour ouvrir les yeux, le nez et la bouche au contraire du dégoût. Cette configuration était apparue en interaction avec l’environnement et pour la survie de l’espèce.

Sander et Scherer (Sander & Scherer, 2009) rajoutent une fonction de l’émotion comme système social de signalisation. Elle permet à notre interlocuteur de deviner notre réaction mais aussi notre tendance à l’action. Ceci va alors influencer le processus d’interaction qui va suivre. Stemmler (Stemmler, 2004) parle de fonction de communication. L’émotion permet de communiquer, selon lui, notre état interne aux autres à travers nos postures, nos expressions faciales, la coloration de notre peau ou la prosodie de notre discours.

Il est assez courant de penser que le fait d’exprimer ses émotions peut être utile . Cependant, l’expression libre de ses émotions n’est pas forcément adaptée en toute circonstance. Nous avons des règles qui, dès le plus jeune âge, nous apprennent ce que nous pouvons ou non exprimer selon le contexte (Saarni, 1979). Ces règles vont nous permettre de réguler nos émotions pour être le plus adéquat possible dans l’interaction. Ces règles ont été appelées

« display rules » par Ekman et Friesen (1992b; 1969). Ces règles sont apprises socialement, assez tôt dans la vie et dépendent de notre culture et même de notre famille. Selon ces auteurs, il existe quatre display rules : modérer, intensifier, neutraliser, masquer. Modérer serait de paraître un peu effrayé alors que la situation est extrêmement effrayante. Intensifier serait l’inverse, c’est-à-dire de paraître extrêmement effrayé alors que l’on ne l’est que très peu.

Neutraliser serait de ne montrer aucun affect alors que la situa tion est terrifiante. Il peut être utile de garder ce que l’on appelle un « poker face », c’est-à-dire un visage qui ne laisse rien transparaître de notre émotion.

28 Enfin masquer serait de dissimuler complètement ce que l’on ressent en montrant un autre affect. Le nombre de ces display rules varie en fonction des auteurs. Elles peuvent être au nombre de quatre comme on vient de le voir, de cinq (Andersen & Guerrero, 1998) ou même de six (Zaalberg, Manstead, & Fischer, 2004). Les displays rules requièrent une motivation et une capacité à contrôler son comportement et ceci en accord avec sa connaissance de ce qui est approprié d’exprimer en fonction de la situation (Reissland & Harris cité par Zaalberg et al., 2004). Le fait de savoir utiliser les displays rules pour conformer son expression de l’émotion à ce qui est attendu socialement procure un avantage à celui qui sait le faire car il sera évalué comme plus compétent socialement (Liew, Eisenberg, & Reiser, 2004).

2.3.4.1 Les émotions : adaptées ou inadaptées ?

Greenberg (2002, 2006) a mis les émotions au centre de son travail thérapeutique en stipulant qu’il faut distinguer les émotions qui sont fonctionnelles (qu’il faut encourager) et les émotions dysfonctionnelles (qu’il faut modifier). Dans la même lignée, pour Philippot (2007), les émotions sont aussi bien régulatrices que devant parfois être régulées.

Elles sont régulatrices dans le sens où ce sont elles qui régulent les interactions entre l’individu et son environnement. C’est par la perception que l’on a d’un évènement que l’émotion va se déclencher ou pas. C’est également cette émotion qui va déclencher des tendances à l’action qui vont nous faire choisir le meilleur comportement à adopter dans la situation. Malgré les différentes fonctions que nous avons passées en revue et qui ont pe rmis à l’être humain de s’adapter et d’interagir avec ses congénères, les émotions ne sont pas toujours fonctionnelles et doivent donc être régulées. Thoits (1985) rapporte que 85% des troubles psychologiques comme le trouble majeur dépressif, les troubles bipolaires ou la schizophrénie comportent des perturba tions du processus émotionnel. Philippot (2007) distingue quatre cas de figure dans lesquels les émotions posent problème. Le premier concerne la suractivation émotionnelle. La personne souffre d’une émotion car elle se manifeste de façon trop intense ou incontrôlée dans des situations ne le justifiant pas. La réponse émotionnelle est donc adéquate mais disproportionnée. Le deuxième cas de figure est celui de la sous-activation émotionnelle. Il s’agit d’un manque d’émotion. Un exemple e n est l’anhédonie dans laquelle la personne ne ressent plus d’émotion positive. Cette sous-activation peut être due à un épuisement consécutif à une activité trop importante ou à la confrontation à des stresseurs, à des évitements émotionnels ou à la personnalité de l’individu.

Le troisième cas de figure est l’inhibition émotionnelle. Cela peut être une manière de faire face à une situation en limitant les aspects expressifs ou le ressenti subjectif de l’émotion.

29 On parle également de suppression qui est une stratégie de régulation que nous développerons par la suite. Le dernier cas de figure est un déficit de compétence émotionnelle. Certaines personnes ne savent pas comment exprimer leurs émotions selon les circo nstances. Cette catégorie regroupe également les personnes souffrant d’alexithymie qui ont des difficultés à se représenter les émotions, à imaginer des scénarios émotionnels et à communiquer verbalement leurs expériences émotionnelles. L’alexythimie peut être considérée comme un antécédent à des déficits de régulation des émotions (Bausseron, Luminet, & de Groote, 2012). Malgré un grand nombre de conséquences psychologiques, sociales et physiques, l’alexithymie répond bien à des thérapies de groupe, à des formations en compétences émotionnelles et à l’hypnose (Bausseron et al., 2012; Kotsou, Nelis, Grégoire, & Mikolajczak, 2011; Nelis et al., 2011).