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2. Partie théorique

2.6 L’ouverture émotionnelle

Le modèle d’ouverture émotionnelle développé par Reicherts (2007; Reicherts, Kaiser, Genoud, & Zimmermaann, 2012) ne se focalise par sur le traitement émotionnel avec ses niveaux et leurs articulations comme les théories de l’appraisal par exemple, mais se concentre sur la perception, les représentations que la personne a de ses expériences émotionnelles. Ce modèle se distingue de ceux de l’intelligence émotionnelle (centrés sur les compétences) ou de l’alexithymie (centrés sur les lacunes) dans le sens où il ne postule pas de fonctionnalité préétablie. Ce modèle permet de décrire et d’appréhender les émotions et phénomènes affectifs dans leur multi dimensionnalité en observant leur processus et leur évolution.

En effet ce modèle permet de prendre en compte plusieurs aspects du processus émotionnel.

L’aspect corporel tout d’abord, qui met l’accent sur les sensations internes et externes ressenties par une personne lors d’une situation émotionnelle. L’asp ect cognitif ensuite qui fait état de la compréhension et la représentation des états émotionnels.

Enfin l’aspect social qui implique les activités d’expression, de communication des émotions entre les personnes pour permettre une bonne transmission de l’état émotionnel ainsi qu’une bonne régulation interpersonnelle (Reicherts, Casellini, Duc, & Genoud, 2007). Le modèle permet également de faire une évaluation globale de l’affectivité d’une personne et d’en tenir compte pour mettre en place une intervention ciblée sur les émotions.

50 Le modèle d’ouverture émotionnelle permet en fonction de ses différentes dimensions d’établir un profil émotionnel. Les dimensions de ce modèle sont au nombre de cinq. La première dimension est la représentation cognitive et conceptuelle des émotions (REPC OG).

Elle permet à la personne de prendre conscience de ses émotions et des changements qui se produisent au niveau des différentes composantes de l’émotion. Cette dimension se focalise sur la capacité à discerner les différents états affectifs, à les différencier entre eux et d’autres sensations, à prendre conscience des situations qui induisent les émotions et à pouvoir les nommer. La deuxième dimension est la communication des émotions (COMEMO). On s’intéresse ici plus à l’aspect d’expression des émotions, qu’elle soit implicite ou explicite.

Cette communication est utilisée en interaction avec autrui pour faire connaître, dévoiler ou partager son expérience affective. La troisième dimension est la perception des indicateurs émotionnels internes et externes (PERINT et PEREXT). La centration sur certains indicateurs corporels va permettre un accès privilégié à l’état émotionnel.

La quatrième dimension est la régulation des émotions (REGEMO) qui est définie par les auteurs comme un processus visant à initier, éviter, inhiber, maintenir ou moduler la survenue, la forme, l’intensité ou la durée des états émotionnels, des processus physiologiques ou attentionnels et/ou des réactions comportementales. La cinquième et dernière dimension concerne les restrictions normatives de l’affectivité (RESNOR) qui vont dépendre des règles et conventions sociales dans un contexte donné.

En parallèle de ce modèle, différents outils ont été développés (Reicherts, 2007; Reicherts &

Genoud, 2012). Le questionnaire d’ouverture émotionnelle permet non seulement de mesurer tous les aspects du processus émotionnel développés plus haut mais il permet aussi de mesurer cette ouverture émotionnelle aussi bien comme un trait que comme un état en fonction des variations intra- individuelles ou situationnelles. Ces questionnaires ont été appliqués dans différents contextes et ont permis de constater des différences entre des groupes contrôles et des personnes souffrant de troubles de la dépenda nce (Reicherts et al., 2007), de symptômes somatoformes (Salamin, 2012), de phobies (Reicherts, Rossier, &

Rossier, 2012) ou de burnout (Genoud & Brodard, 2012).

Des mesures pré et post interventions ont également permis de montrer des résultats prometteurs d’interventions psychologiques basées sur l’affectivité (Reicherts, Pauls, Rossier,

& Haymoz, 2012).

51 Il existe également une version dyadique (Reicherts & Genoud, 2012) de laquelle a été dérivée une version interaction (Schenkel, Kaiser, Wranik, & Reicherts, 2012) qui nous paraît être un outil important dans la mesure des interactions dyadiques en relation d’aide notamment. En effet, dans une interaction il est souvent important de se « régler l’un sur l’autre ». Il s’agit pour cela de comprendre ce qui se passe pour l’autre et pour soi à un niveau affectif, de le percevoir, d’arriver à communiquer l’émotion et d’ensuite se réguler pour maintenir la meilleure interaction possible. Le modèle d’ouverture émotionnelle peut ainsi être un outil important dans la mesure des interactions dyadiques en relation d’aide notamment. Le questionnaire d’ouverture émotionnelle interaction contient deux versions.

Une version offerte, qui explore les dimensions d’ouverture émotionnelle du point de vue de l’aidant vis-à-vis des émotions de la personne aidée. Il s’agit de la manière dont l’aidant a perçu et abordé les émotions de son interlocuteur (ex. J’ai trouvé important de lui faire part des émotions que j’ai dénotées chez lui/elle). La deuxième version dyadique est la version reçue, qui explore les dimensions émotionnelles du point de vue de la personne aidée cette fois.

On se centre sur la perception de la personne aidée des réactions de l’aidant sur ses propres émotions (ex. Il/elle a trouvé important de me faire part des émotions qu’il/elle a dénotées chez moi). Ces versions dyadiques permettent de dépasser l’auto-évaluation d’un aidant de ses propres compétences émotionnelles en demandant également à la personne aidée (client ou patient) de donner son avis sur les compétences du thérapeute. L’ouverture à ses émotions et à ce qu’elles impliquent, peut ainsi permettre à l’aidant de mieux comprendre les émotions et d’aider à les réguler de façon adéquate.

Nous avons parcouru au travers de ces différents chapitres de cette partie théorique la littérature sur la relation d’aide et découvert que l’empathie faisait partie des conditions nécessaires au changement dans ce type de relation. Nous avons vu également l’importance de certaines techniques d’intervention comme les reformulations et les questions. Etant donné que les émotions sont très présentes en relation d’aide, nous avons vu l’intérêt qu’il peut y avoir à y être ouvert, à bien identifier les émotions et à pouvoir les réguler ou non en fonction de la situation. Il est important pour un aidant de pouvoir être en empathie tout en étant pleinement à l’écoute de la personne sans être perturbé outre mesure par ses émotions ou celles de son interlocuteur. Nous avons vu également ce que pouvait dire une expression émotionnelle et toute la précaution avec laquelle il fallait l’interpréter. Nous allons maintenant passer à nos questions de recherche.

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