• Aucun résultat trouvé

2. Partie théorique

2.5 Communication non verbale

2.5.3 Les gestes

Comme dans l’étude des expressions faciales, nous trouvons des courants divergents sur les gestes. A noter que la littérature développée sur la signification de l’expression émotionnelle au niveau du visage pourrait se généraliser à l’expression gestuelle mais cette modalité a été moins étudiée et la littérature principale concerne les liens entre langage et gestes. Pour certains les gestes accompagnent et aident le discours, pour d’autres ils sont un langage à part entière. Avant d’opposer ces deux points de vue, nous allons décrire ce que nous entendons par gestes à travers la définition des différentes catégories de gestes.

45 2.5.3.1 Les types de gestes

Krauss (Krauss, Chen, & Gottesman, 2000) propose une catégorisation inspirée de Efron en quatre types de gestes. Les premiers sont les gestes symboliques. Ces gestes sont des gestes qui ont une relation forme et signification qui est lexicalisée. Ils ont un sens reconnaissable dans une culture donnée et peuvent se faire sans le discours (Ricci-Bitti & Poggi, 2004). Ce sont les « emblèmes » d’Ekman et Friesen ou les « gestes autonomes » de Kendon. Les deuxièmes sont les gestes déictiques. Ce sont les gestes de pointage d’un objet en général fait avec l’index tendu en direction de ce que l’on veut montrer. Ces gestes accompagnent souvent le discours. Les troisièmes sont les gestes moteurs. Ce sont des gestes simples, répétitifs, rythmiques qui ne sont pas en lien avec ce qui est dit. Ce sont les gestes « bâtons » de Efron et Ekman et Friesent et les « beats » de McNeill. Les derniers sont les gestes lexicaux. Ce sont les gestes « illustrators » de Ekman et Friesen ou les « gesticulations » de Kendon.

Selon Krauss (Krauss et al., 2000) ces différents gestes ont plusieurs fonctions. Une fonction de communication comme nous l’avons vu plus haut, une fonction de réduction de tensio n lors des moments de « blanc » lorsque l’on cherche son vocabulaire et une fonction d’aide pour retrouver ses mots.

McNeill (1992) distingue cinq catégories de gestes. Les gestes iconiques qui accompagnent le contenu du discours. Les méthaphoriques qui représentent une idée abstraite. Les gestes déictiques qui sont les gestes de pointage. Les gestes « beat » qui sont des mouvements rythmiques des mains ou des doigts et finalement les gestes « Butterworth » qui ont été rajoutés et qui décrivent les gestes présents lorsqu’une personne cherche un mot.

McNeill (McNeill & Duncan, 2000) décrit différentes catégories de gestes en fonction de leur position sur ce qu’il appelle le « continuum de Kendon ». Ainsi nous avons les gestes de gesticulation, les pantomimes, les emblèmes et les signes du langage des sourds. La relation de ces gestes avec le discours est décrit dans le schéma ci-dessous.

Gesticulation Emblème Pantomime Langage des signes Présence

obligatoire de parole

Présence optionnelle de parole

Absence obligatoire de parole

Absence de parole

Figure 6. Continuum des liens entre gestes et parole. Tiré de McNeill (McNeill, 2000)

46 Ekman et Friesen définissent également cinq catégories de signaux non verbaux (Ekman &

Friesen, 1969). Les emblèmes, les illustrateurs, les régulateurs, les expressions d’affect et les adaptateurs. Les emblèmes comme nous l’avons vu sont des gestes avec une signification particulière qui peuvent directement être traduit en mots (ex. le signe ok). Ces gestes sont compris à l’intérieur des membres d’un groupe. Ils ont conduit à de nombreux quiproquos quand ils sont utilisés dans une autre culture par exemple.

Les illustrateurs sont directement liés au langage verbal et ils illustrent ce qui est dit verbalement. Il y a en a six catégories : les bâtons, qui ponctuent le discours, les idéographes, qui illustrent une idée, les déictiques, qui sont les gestes de pointage, les mouvements spatiaux qui montrent les relations spatiales, les kinétographes qui décrivent une action corporelle et les pictographes qui dessinent une image de leur référent.

La plupart des recherches sur les gestes se sont intéressées au lien entre les gestes et le langage. Pour certains, le langage verbal et non verbal est lié (Kendon, 2000, 2004; McNeill, 1992; Nobe, 2000) alors que pour d’autres, il peut être indépendant. Nous allons développer ici uniquement la littérature qui postule une certaine indépendance.

2.5.3.2 Les gestes comme signal indépendant

Les résultats des études ont montré que la relation entre gestes et langage pouvait parfois être facilitatrice mais parfois aussi en compétition (Feyereisen & deLannoy, 1991).

Cosnier (Cosnier, Coulon, Berrendonner, & Orecchioni, 1982) indique que même si le langage humain est essentiellement verbal, il y a bien d’autres canaux de communication tout aussi fonctionnels.

Il parle dans un premier temps du paralangage (ton de la voix, vitesse,…) qui participe à la réalisation des fonctions expressives. Cosnier, en se basant sur les catégories fonctionnelles notamment d’Efron et d’Ekman et Friesen, propose une classification des gestes, que nous allons développer plus tard dans la partie sur le codage des gestes, qui séparent les gestes communicatifs des gestes extracomunicatifs.

Les gestes extra-communicatifs font partie d’une famille plus large qui est celle des activités de déplacement que nous allons développer plus tard.

47 2.5.3.3 Le codage des gestes

Il n’y a pas eu beaucoup de systèmes proposé pour le codage des gestes. Le système de codage de Frey (cité par Wallbott, 1998) a été un des premiers. Ensuite quelques auteurs ont proposé des systèmes de codage des gestes (Dael, 2011; Heller, 1997; Wallbott, 1998). On peut distinguer les systèmes qui s’intéressent à la posture de ceux qui se centrent sur l’action.

La posture représente l’alignement du corps dans une certaine position fixe. L’action est un mouvement local d’une partie du corps en dehors de la position au repos avec un début, une durée et une fin. Certains systèmes se sont également intéressés à la fonctionnalité des gestes comme celui d’Ekman et Friesen (1969), que nous avons décrit plus haut. Nous avons choisi pour notre part le système de Cosnier (1982). Cosnier distingue plusieurs catégories de gestes décrit dans le tableau ci-après :

Gestes Communicatifs

Quasi linguistiques

Syllinguistiques

Phonogènes

Coverbaux Paraverbaux Expressifs Illustratifs Synchronisateurs Phatiques

Régulateurs Gestes

Extracommunicatifs

Autocentrés

Ludiques (manipulation d’objet) De confort

Figure 7. Catégories de gestes selon Cosnier (1982)

Nous nous sommes centrés sur les gestes communicatifs et les gestes extracommunicatifs. Les gestes communicatifs comprennent les quasi linguistiques qui sont des gestes mimogestuels capables d’assurer une communication sans l’usage de la parole et les gestes syllinguistiques qui sont composés des phonogènes, des coverbaux et des synchronisateurs. Les phonogènes sont les mouvements phonatoires nécessaires à l’émission du langage parlé. Les gestes coverbaux sont associés au discours pour l’illustrer (illustratifs), le connoter (expressifs) ou le renforcer (parverbaux).

On trouve parmi ces gestes les illustratifs qui sont composés des déictiques (pointage), des spatiographiques (schématisent la structure spatiale : ex. escalier en colimaçon), des

48 kinémimiques (miment l’action du discours ; ex. mouvement du train), des pictomimiques (schématisent la forme ou certaines qualités du référent ; ex. un poisson grand comme ça). Les expressifs sont surtout faciaux et nous les avons développés précédemment dans le chapitre sur le visage. Les paraverbaux sont liés aux traits phonétique et syntaxiques. Par exemple des hochements de tête pour mettre une emphase sur ce qui vient d’être dit. Les synchronisateurs permettent notamment grâce aux régulateurs un bon déroulement de l’interaction. Les gestes extra-communicatifs sont des gestes qui paraissent étrangers à la communication et à sa stratégie même s’ils surviennent pendant l’interaction. Ils sont répartis en 3 catégories : les gestes autocentrés qui sont des mouvements centrés sur le corps (ex. se gratter la tête), les gestes ludiques qui sont des gestes faits avec un objet (ex. jouer avec son crayon) ainsi que les gestes de confort qui regroupent les changements de posture (ex. croiser les jambes).