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Chapitre 4 : Présentation des résultats

4.3 Les besoins des parents pendant la séparation

4.3.2 La perception des services

De façon unanime, les parents déplorent le manque de ressources du système de santé public ainsi que les coûts élevés qu’implique l’utilisation des services privés.

Le manque de ressources du système public se traduit entre autres par des listes d’attente très longues. Les parents sont d’avis que ces délais, qui s’étendent à plusieurs mois, nuisent tant à leur propre bien-être qu’à celui des enfants en cas de séparation parentale. De plus, pour les services ayant trait au TDA/H, que ce soit pour l’évaluation du trouble ou pour des rendez- vous avec les spécialistes, tous les parents s’entendent sur le fait que la réussite scolaire des enfants ayant un TDA/H peut se voir compromise si les services nécessaires ne sont pas obtenus à temps. Plusieurs participants se sont ainsi tournés vers le système privé pour limiter l’impact de ces délais pour leur enfant aux prises avec des difficultés scolaires notables. Pour la grande majorité des participants, l’utilisation de services privés a été rendue possible par leurs assurances. Cependant, plusieurs parents s’inquiètent des familles québécoises qui n’auraient pas les moyens de se payer des services rapides, mais onéreux.

Cet enjeu financier ne touche pas la médiation familiale, les cinq premières séances étant gratuites pour les couples avec enfants qui se séparent. Les participants ayant eu recours à ce service n’ont pas utilisé les cinq séances. Leurs perceptions face à la médiation sont partagées. Deux parents n’ont pas utilisé les services de médiation et ont réglé plusieurs aspects de leur séparation devant un juge à la cour. Hélène et son ex-partenaire s’entendaient assez bien, selon elle, pour ne pas avoir recours à la médiation. Tout a été réglé à l’amiable. À ce sujet, Danielle est pour sa part d’avis que même en l’absence de conflits, la médiation peut être est aidante du fait qu’elle permet de régler plusieurs détails auxquels on ne pense pas nécessairement quand on se sépare.

La médiation a vraiment été positive parce qu’ils sont allés chercher beaucoup d'aspects auxquels on n’avait pas pensé. Par exemple, oui, de séparer l'enfant 7- 7, ça va, c'est une chose. Mais, qu'est-ce qu'on fait? Est-ce qu'on fait une garde- robe chacun de notre côté? Est-ce que la garde-robe est concentrée chez maman et elle part avec une valise chez papa? Qui garde l'enfant aux jours fériés, ou pas? Qui garde l'enfant si un des deux parents va en voyage? Exemple, un parent a une sortie le soir, est-ce qu'on peut se dire que la première personne qu'on appelle pour garder l'enfant c'est l'autre parent? Ou si on laisse à l'autre parent le choix total du gardien ou de la gardienne? […] Jamais on n’aurait pensé à tout ça par nous-mêmes. Et je pense que n'importe qui dans une séparation devrait aller chercher les services de médiation. Ce n’est pas parce qu’il y avait des conflits, c'est juste parce qu’ils ont amené beaucoup de points auxquels on n’aurait jamais pensé sinon. (Danielle)

Quelques mères présentent un autre point de vue. Pour elles, la médiation aide à régler des détails techniques, en ce qui a trait aux pensions alimentaires par exemple. Cependant, elles expriment ne pas avoir eu une si bonne expérience de ce service. Pour elles, il s’agit d’un processus assez froid, la place laissée aux émotions étant minime. Selon la plupart des parents, la place du TDA/H est quant à elle complètement absente. Chantal, nouvellement avocate après un retour aux études, affirme que la médiation fait renoncer à des droits auxquels on ne renonce habituellement pas, et estime que ce sont plus souvent les femmes qui sont amenées à le faire.

Dans le fond, la médiation, je trouve que ça fait renoncer à beaucoup de choses et malheureusement, c’est principalement les femmes qui le font […] C’était une avocate. Peut-être si j’avais eu une travailleuse sociale ou une psychologue, ça aurait peut-être changé quelque chose. (Chantal)

France exprime avoir l’impression que le TDA/H de son fils ainsi que ses besoins particuliers sur le plan des services spécialisés ne sont pas pris en considération dans les calculs de la pension alimentaire. Ayant la garde presque exclusive de son fils, c’est elle qui doit prendre en charge les coûts occasionnés par les besoins particuliers qu’apporte la présence d’un TDA/H.

Ça va avec le salaire. Le salaire parental. Et lui [en parlant de son ex-partenaire] s'est organisé pour presque pas faire de salaire cette période-là, ça fait qu'il paye un minimum. Non, ils ne prennent pas en compte les diagnostics. Ils ne prennent pas en compte tous les spécialistes que tu vas avoir besoin de voir, il n’y a pas... non. Pas du tout. Ce n’est pas catégorisé là-dessus, du tout. (France)

L’insatisfaction est similaire pour Isabelle, qui n’a pas l’impression qu’il y avait une place pour les émotions dans le processus. Elle exprime ne pas savoir où chercher des ressources qui auraient pu l’aider à ce niveau, la médiatrice n’ayant pas été disponible pour le faire.

Tu sais, on parle beaucoup de la médiation, tout ça. Oui, c'est bon, là, pour régler les côtés techniques. Mais la médiation, ça s'arrête là, finalement. C'est l'argent, et c'est la garde, et les vacances du petit vous gérez ça comment. Mais il n’y a pas vraiment de médiation au niveau des émotions et tout ça. La médiatrice n’était pas là de toute façon si on avait voulu exposer comme ça, nos émotions... Tu sais, elle nous disait « Oui, oui. Vous êtes faciles vous deux, vous jasez et ça va bien, vous avancez. » Mais ça n’allait pas bien. (Isabelle)

On remarque que les moins bonnes expériences en médiation coïncident avec une relation coparentale tendue ou du moins plus difficile, comme c’est le cas pour trois mères. Pour une autre mère, la médiation s’est bien passée et a principalement été utile pour officialiser les papiers et la séparation. Sa relation avec son ex-conjoint est également encore très bonne au moment de l’entrevue.

Les parents qui se séparent et dont au moins un enfant présente un diagnostic de TDA/H ont l’attente que l’école fournisse un soutien dans les circonstances de la séparation. Or, et de façon unanime, tous expriment qu’aucun service n’est offert à l’enfant en lien avec la séparation de ses parents, tant pour ceux dont l’enfant fréquente l’école privée que ceux allant à l’école publique. Tous les participants considèrent pourtant que ce serait pertinent. Plusieurs parents s’expliquent cette réalité par le fait que les professionnels dans les écoles, comme les psychologues ou les travailleurs sociaux, ne sont déjà pas assez nombreux pour

répondre aux besoins courants des enfants et ajouter les besoins ponctuels en raison d’une séparation est impossible. Quant aux services offerts par l’école en lien avec le TDA/H de l’enfant, l’expérience est partagée entre les participants. Plusieurs parents dont l’enfant allait ou va à l’école privée estiment que l’encadrement y est soutenu et aidant de la part du personnel de l’école. Ils considèrent toutefois que ces services sont attendus en raison du coût déboursé pour inscrire leur enfant à l’école privée. Ils ajoutent aussi avoir l’impression qu’ils n’auraient pas eu autant de services si leur enfant allait à l’école publique.

C'est sûr que l'école, dans les services qu'ils offrent, c'est ce qu'on a eu de mieux comme services. Mais... en même temps, c'est privé, on paie. (Chantal)

Au secondaire, elle est allée à l'école privée. Donc petite école, meilleur encadrement des professeurs. Je pense que ça lui a donné une chance. (Brigitte) Les parents dont les enfants sont allés à l’école publique semblent moins satisfaits du soutien et de l’accompagnement reçus. Par exemple, Hélène parle des délais entre les rencontres de suivi par rapport au plan d’intervention et de comment elle ne sent pas être informée du progrès de son fils autrement que par les résultats scolaires. Geneviève a pour sa part dû insister plus d’une fois auprès de la direction d’école pour qu’Henri obtienne les services auxquels il a droit. Elle a dû débourser pour l’achat d’un ordinateur et d’autres services spécialisés alors que son fils y avait droit gratuitement en raison de son TDA/H. Les parents ont le sentiment que l’information ne se transmet pas efficacement entre eux et les professionnels, en ce sens où ils ne savent pas à quelles ressources sont éligibles leurs enfants. Une mère exprime d’ailleurs avoir l’impression que le personnel de l’école entrait en contact pour la première fois avec un enfant présentant un TDA/H, alors qu’elle entend souvent qu’il est question de surdiagnostics dans la société.

Plusieurs parents expriment avoir fait face à des préjugés de la part de membres du personnel de l’école vis-à-vis leur enfant présentant un TDA/H. Ce dernier a été perçu comme étant lâche, distrait et ne faisant aucun effort pour réussir. Deux mères expriment que ces préjugés ont profondément affecté l’estime de soi de leur enfant. En parlant de ce qui a pu nuire dans les services reçus pendant la séparation, une mère explique qu’une enseignante du primaire a eu un impact très négatif sur son fils.

Le professeur de 6e année de mon fils l'a complètement anéanti avant qu'il entre

au secondaire. […] Oui, il y a eu une période où il avait envie de mourir. Elle l'a complètement anéanti. J'y en ai tellement voulu, à ce professeur-là. Le côté des gens qui apportent du négatif c'est quand... Je pense que c'est quand tu n’es pas assez outillé pour justement voir ce que tu peux faire pour les personnes ayant un TDA/H. (France)

Les médecins sont importants dans le processus d’évaluation du TDA/H, car ce sont vers eux que se tournent d’abord les parents en questionnement. Plusieurs participants se comptent chanceux d’avoir eu accès à « un bon médecin », disponible pour répondre à leurs questions. Geneviève et Hélène ont quant à elles été déçues de l’orientation donnée au dossier par le médecin. Geneviève déplore avoir été référée à une psychologue plutôt qu’une neuropsychologue pour l’évaluation du trouble d’Henri et Hélène a été orientée vers le CLSC, où l’attente était très longue. Plusieurs parents ont aussi eu l’impression que la médication était la solution miracle des médecins, qui, selon leur expérience, ne se fiaient qu’à un court questionnaire pour ensuite la prescrire à l’enfant, parfois même avant l’obtention du diagnostic. C’est entre autres pour ces raisons que plusieurs parents ont eu l’impression que les médecins ne connaissaient pas la problématique du TDA/H autant qu’ils s’y attendaient.

En gros, les parents ne sont pas satisfaits de l’offre de services du système public. Le manque de ressources génère des listes d’attentes très longues qui nuisent aux enfants TDA/H selon eux. Les services privés ajoutent pour leur part au fardeau financier particulier à leur situation. L’expérience du soutien offert par les écoles est similaire : on ressent une insatisfaction face aux écoles publiques et bien que les services des écoles privées soient appréciés, les parents soulèvent les coûts élevés qui s’y rattachent. Bien qu’elle soit gratuite, l’expérience de la médiation n’est pas unanime. Certains la trouvent utile alors que d’autres déplorent que le TDA/H et les émotions ne semblent pas y avoir leur place. Les parents ont l’impression ne de pas être bien outillés pour aider leurs enfants et les préjugés encore présents dans la société face au TDA/H sont nuisibles pour eux. La section suivante présente les améliorations suggérées par les parents en lien avec leurs insatisfactions.

4.3.3 Vers une meilleure adéquation des services. Les participants ont été invités à