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Chapitre 4 : Présentation des résultats

4.2 L’expérience de la séparation parentale dans les familles où un enfant a reçu un

4.2.2 Les conséquences de la séparation chez l’enfant

la hausse dans les situations particulièrement stressantes, comme peut l’être la transition familiale importante qu’est la séparation des parents. La grande majorité des participants à la recherche (N=7) ont fait part de l’impact de leur séparation sur l’anxiété de leur enfant et ont donné des exemples de ses manifestations. Ils parlent entre autres de la difficulté à s’endormir, des pleurs au moment de l’échange de garde, d’une augmentation des comportements dérangeants et du nombre de crises. Les changements de milieux de vie en raison de la garde partagée amènent une instabilité nouvelle dans la vie d’un enfant. Cette instabilité est particulièrement difficile à vivre pour les enfants présentant des signes précurseurs d’un TDA/H, la routine et l’encadrement étant pour eux sécurisants et facilitants. C’est d’ailleurs ce qu’explique Alexandre lorsqu’il parle de l’impact des transferts de la garde de Benoît.

Pour lui [en parlant de Benoît], la séparation l'a rendu beaucoup anxieux, et les transferts, ça, ça a amplifié au niveau de l'inattention. […] Et puis, toutes les fois où j'allais le porter chez sa mère, il ne voulait pas. Et il s'attachait à ma jambe. Et ça, ça a été dur. Si par exemple j'allais le porter, il était dans la fenêtre et c'était... c'était très déchirant. Et longtemps, il pleurait. Ça a été comme ça presque deux et trois ans. (Alexandre)

Pour deux enfants, l’anxiété s’est manifestée par une nouvelle inquiétude, exagérée selon le participant, par rapport à l’un ou l’autre de leurs parents. Geneviève explique que dans les premières années de sa séparation, Henri l’appelait très souvent pour savoir ce qu’elle faisait

et comment elle allait quand il était chez son père pour la semaine. Élyse, pour sa part, explique que Fannie appelle son père plusieurs fois par semaine encore aujourd’hui lorsqu’elle est chez elle afin de vérifier comment il se porte. Élyse associe cette inquiétude chez sa fille au fait que son ex-mari n’a pas rencontré de nouvelle partenaire alors qu’elle- même est en couple. Fannie lui a expliqué qu’elle sait que sa mère va bien avec son conjoint actuel.

Le fait d’avoir deux milieux de vie apporte des complications particulières pour l’enfant. Devoir partager et s’adapter à deux environnements différents, où au moins un des deux est complètement nouveau, avec un nombre différent de personnes dans chacun complexifie la situation et peut influencer l’adaptation de l’enfant à la séparation. C’est ce qu’a partagé Danielle, car c’est particulièrement vrai dans le cas de sa fille qui éprouve de la difficulté dans ses interactions sociales.

Je te dirais que le plus gros problème, c'est qu’en ayant un enfant séparé, d'un côté, Éloïse, elle a sa vie chez papa et elle a sa vie chez nous. Sa vie chez papa, c'est papa, sa conjointe et elle. C'est trois personnes. Ça se gère quand même bien. De mon côté, il y a moi, mon conjoint, ma fille, mon gars... Déjà là, plus Éloïse, ça fait beaucoup. Et on fait une semaine, une semaine. Et Éloïse, elle a vraiment beaucoup de difficulté à gérer sa vie ici. (Danielle)

Comme pour certains parents, la séparation est un deuil pour le tiers des enfants. Benoît et Jérôme ont pleuré pendant plus d’un an et demi la séparation de leurs parents, et le rêve qu’ils reviennent ensemble s’est dissipé il y a peu de temps, alors que les parents sont séparés depuis au moins deux ans. Pour deux autres enfants, la perte de la maison familiale est quelque chose de particulièrement difficile à vivre aussi. Il est intéressant de noter les parents dont les enfants souhaitaient qu’ils se remettent en couple sont ceux dont la relation coparentale est de moindre qualité puisque des conflits sont bien présents depuis la séparation.

Les parents ont constaté plusieurs besoins de leurs enfants face à la séparation parentale. Environ la moitié des parents ont l’impression que leur enfant avait besoin de comprendre ce qui se passait. Les enfants qui étaient plus jeunes au moment de la séparation des parents ne semblaient pas bien saisir la rupture et leurs parents ont porté une attention particulière à expliquer ce qui se passait. Danielle souligne la particularité des enfants qui ont un TDA/H. Leur curiosité intellectuelle les amène à poser beaucoup de questions pour comprendre, mais

elle est à double tranchant étant donné la gestion des émotions qui peut être plus difficile pour eux.

Il ne faut pas tomber dans le « on explique trop ». Ils posent tellement de questions, et ils sont tellement intelligents que ça devient facile de leur donner trop d'information, qu'ils ne sont peut-être pas capables de gérer émotionnellement. C'est ça le problème avec eux, c'est qu’ils ont beaucoup d’intelligence, ici [elle pointe la tête], mais un peu moins au niveau de l'émotion. Et je pense que c'est généralisé au niveau des TDA/H, d'être assez rapide d'esprit, mais d’avoir de la misère à gérer les émotions. Fait que plus tu leur en expliques, plus ça peut risquer de bloquer tout ça en dedans, émotionnellement. (Danielle) Le besoin de parler, de ventiler, auprès d’une personne extérieure à la situation fait aussi partie des besoins de quatre des enfants des participants. Danika et Éloïse ont consulté respectivement l’éducatrice spécialisée de son école et une psychologue, ce qui leur a fait du bien selon leurs mères. Deux parents nomment que leurs enfants en auraient eu besoin, et regrettent de ne pas leur avoir offert la possibilité de consulter un professionnel. Les deux expliquent avoir écouté leurs enfants lorsqu’il en manifestait le besoin, mais nomment avoir l’impression qu’ils auraient eu besoin de plus. Deux autres parents expriment que leur fils a eu particulièrement besoin d’attention après la séparation, ce besoin se manifestant entre autres par des comportements dérangeants multipliés. C’est encore une fois près de la moitié des participants qui soulignent le besoin de réassurance des enfants dont les parents se séparent, au-delà du fait qu’ils présentent des manifestations comportementales issues d’un TDA/H, et ce tant pour des parents dont la relation coparentale est bonne que pour des parents dont la relation est tendue ou conflictuelle. France explicite ce besoin, universel selon elle, qu’avait son fils.

Tu sais, je pense qu'un enfant, ce que ça demande, et ce dont mes enfants avaient besoin, c'est de savoir qu'on les aime. Et que, peu importe ce qui s'est passé, par rapport à moi et son père, que mon fils sache... qu’il ne pense pas que c'était premièrement à cause de lui, deuxièmement parce qu’on ne l'aimait pas. (France) Isabelle, quant à elle, a remarqué que son fils demandait plus de réconfort depuis la séparation qu’avant celle-ci.

Il a besoin vraiment plus de ma présence depuis la séparation. […] Je ne peux pas le laisser beaucoup, il veut toujours que je sois là. Que je ne sois pas loin. Il dort encore de temps en temps dans mon lit. Le soir, pour le coucher, c'est

difficile de le coucher tout seul. Il faut que je ne sois pas loin. Son papa dit qu'il réussit, mais bon. Son papa, on l'a dit tantôt, c'est plus autoritaire. Mais, dans mon cas, il aime ça quand je ne suis pas loin. Quand je le flatte, quand je le rassure pour s'endormir. Ça l'aide beaucoup, sinon il a beaucoup de difficulté à s'endormir. Oui. Donc, oui, il a besoin d'être rassuré beaucoup, beaucoup, beaucoup. (Isabelle)

Pour les deux enfants qui ont peu ou pas du tout de contact avec leur père, les mères parlent du besoin d’une figure paternelle. France insiste sur ce besoin, crucial selon elle pour son fils et les autres enfants, d’avoir un père qui s’implique dans la vie de son enfant, surtout lorsqu’il est encore jeune. Brigitte évoque plutôt le fait que ce besoin peut être comblé par d’autres membres masculins de la famille, comme un oncle ou un grand-père. Dans les deux cas, les mères participantes n’attribuent pas ce besoin au fait que leur enfant présente maintenant un diagnostic de TDA/H.

Les propos des parents révèlent que le besoin qui semble le plus fondamental pour les enfants TDA/H est celui de stabilité, car il en influence plusieurs autres. La structure, la constance et la routine sont rassurantes pour un enfant qui a besoin d’un encadrement serré afin de se sentir bien. Un environnement stable et cohérent diminue l’anxiété et favorise une bonne adaptation. Tous les participants en parlent d’une façon ou d’une autre.

Je te dirais que j'ai vu l'importance... Parce que la psychologue m'avait dit qu'un enfant, ça a besoin d'un cadre. Mais, elle m’a dit : « un enfant TDA/H, ça en a besoin encore plus, parce que ça a besoin de sécurité, ça a besoin de... ». Ça fait que j'ai senti plus l'importance encore là de bien l’encadrer, parce qu'elle me disait « c'est important que ce soit les mêmes règlements chez vous que chez son père ». Parce que sinon il [en parlant de Henri], va devenir anxieux. (Geneviève) C'est sûr qu'on avait chacun notre petite routine aussi. Je me suis rendu compte récemment qu'on avait chacun une routine différente. Et... avec Jérôme, ça ne marchait pas très bien, tu sais? Donc, là, je me suis dit : « je vais essayer d'adopter la même routine que papa ». Et je trouve que ça va un petit peu mieux, depuis quelque temps, de prendre à peu près les mêmes heures qu'il prend. (Isabelle) Parce que chez nous, il a quand même un temps [en parlant du temps d’écran], puis chez sa mère c'est illimité si on veut. Puis, ça crée des problèmes. Ça engendre des problèmes qui n’existent pas. Fait que là, c'est à ce niveau-là, c'est lié à son anxiété et les TDA/H sont sujets aussi à ça. Fait qu'un parent averti en vaut deux, je travaille là-dessus. […] Mais ça l'aiderait si on pouvait faire le même système ou un système similaire, mais ce n’est pas le cas, et je ne peux pas le faire à sa place. (Alexandre)

Dans ce dernier extrait, Alexandre explique que, selon lui, les problèmes de Jérôme auxquels il fait face à la maison seraient facilement évitables. Si son ex-partenaire maintenait un encadrement similaire au sien, adapté aux besoins de Jérôme, Alexandre estime que les problèmes d’anxiété, entre autres, pourraient même disparaître.

De façon générale, tous les parents nomment que leur manière de répondre aux besoins de leurs enfants par rapport à la séparation a été d’être présent en faisant des activités avec eux pour leur montrer qu’ils voyaient l’importance de s’impliquer. Selon les participants, il faut placer l’enfant en premier et essayer d’être assez matures pour oublier les différends qui séparent les parents afin de miser sur le bien-être de l’enfant. Tous parlent d’adapter leur routine ou leur horaire en fonction de la présence de l’enfant TDA/H maintenant qu’il a reçu un diagnostic.

J'organise vraiment mon horaire pour que « Ok, cette semaine-là, je vais faire toutes mes choses que j'ai à faire, et la semaine prochaine, ben là je suis pas mal dédiée à Jérôme », tu vois ? (Isabelle)

Avec le temps, l’adaptation de l’enfant à la séparation s’est bien faite selon tous les participants. Certains enfants ont vécu plus de répercussions que d’autres à la suite de la séparation, mais tous les parents nomment que leur enfant fonctionne bien au moment de l’entrevue.

Ce n’était pas facile, mais elles ont été vraiment fortes. Elles ont été super bonnes, les deux. Et Danika, avec tout ce qu’elle vivait aussi. Vraiment, là. Somme toute, ça n’a pas été désastreux comme adaptation. Ça s'est fait tranquillement, mais quand même bien. (Chantal)

Là, on réussit bien depuis, je te dirais, une bonne année, là. Il est calme. (Alexandre)

Aussi, plusieurs parents mentionnent que puisque leur enfant était plutôt jeune au moment de la séparation, l’impact de la séparation en a été amoindri selon eux et avoir deux parents séparés est devenu normal pour l’enfant qui a grandi dans ce contexte familial.

Elle était petite, ça fait que pour elle, c'est comme si ça a juste embarqué comme « Ok, bien maintenant, c'est comme ça ». Je ne suis pas sûre que de vivre une

séparation à 8 ans en ce moment ça aurait été mieux. Le plus tôt a été le mieux pour elle à ce moment-là. Elle a pu bien s'adapter. (Danielle)

Les parents remarquent que l’anxiété est exacerbée dans les années qui suivent la séparation, mais qui précèdent l’obtention du diagnostic. Avec le diagnostic de TDA/H et la prise de médication, les manifestations d’anxiété de l’enfant sont mieux contrôlées. Malgré la présence de certains besoins plus marqués pendant le processus de séparation, les parents ont alors le sentiment que leur enfant s’est bien adapté à la séparation. Somme toute, l’adaptation se fait avec le temps.

4.2.3 Les conséquences de la séparation chez le parent. La plupart des