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Chapitre 4 : Présentation des résultats

4.2 L’expérience de la séparation parentale dans les familles où un enfant a reçu un

4.2.5 Les particularités d’être séparé(e) quand ton enfant est TDA/H

au fait d’avoir un enfant présentant un TDA/H lorsqu’on est un parent séparé. Celui qui revient le plus souvent concerne les pratiques parentales qui englobent les façons d’encadrer et de soutenir l’enfant dans son développement optimal.

Selon les participants, l’enfant avec un TDA/H est sujet à faire des crises lorsqu’il est désorganisé, anxieux, trop excité ou que la routine n’est pas respectée. Le soutien à l’enfant dans ces situations hautes en émotions peut s’avérer plus difficile. Les parents n’ont pas le sentiment d’être bien outillés pour intervenir avec assurance, ce qui atteint le sentiment de compétence parental. C’est ce que mentionnent plusieurs parents. Isabelle explique même que l’approche autoritaire de son ex-partenaire, qu’elle lui reprochait auparavant, lui manque lorsque Jérôme fait une crise particulièrement intense et qu’elle se sent impuissante.

Parfois, quand il est difficile à gérer comme ça, j'aimerais ça que mon ex soit là, avec son autorité. *Rires* Autant qu'il m'énervait quand il était là, là. Des fois je trouve ça difficile, oui. Quand il me fait certaines crises, là... […] Et même à l’aéroport, j'aurais aimé que son père soit là et qu'il le brasse par les épaules. Parce qu’il était complètement déconnecté. Au moins quelqu'un aurait pu le tenir, tu vois ? Pour pas qu'il se blesse, ou qu'il me blesse ou quelqu'un d'autre. Oui, des fois je me sens un peu... je me sens un peu désemparée dans tout ça. (Isabelle) Comme dans le couple d’origine, les couples recomposés subissent parfois les contrecoups des difficultés liées à la gestion des crises ou des comportements des enfants présentant un TDA/H, ce qui peut générer des conflits dans la relation. Le parent et le beau-parent n’ont pas toujours la même vision de la façon de soutenir l’enfant qui présente un TDA/H. Les parents qui l’ont vécu expriment qu’avoir un enfant qui présente un TDA/H peut rendre plus difficile la création d’une relation durable avec un nouveau partenaire.

Déjà qu’élever un enfant, ce n’est pas évident, quand justement il faut que tu surmontes des défis comme ça à tous les jours, c'est encore pire. Fait que quand c'est le parent, c'est une chose. Mais quand c'est le beau-parent, ça en est... c'est une tout autre chose, fait que... Non, avoir un enfant TDA/H, ce n’est pas facile. (Danielle)

Même avec mon conjoint, des fois c'est difficile. Pourtant, il est médecin. Il n’arrive pas à se mettre dans la peau d’Henri, tu vois ? Tu sais, tu le regardes [en parlant d’Henri], il a l'air très intelligent, et pourtant, il fait des choses que tu penses que c'est volontaire, mais ça ne l'est pas. […] J'étais retournée avec mon conjoint présentement, voir une psychoéducatrice. Ça, ça nous avait aidés beaucoup comme couple. Comme je te disais, lui comprenait un peu moins le TDA/H, et des fois les comportements d’Henri. (Geneviève)

Avoir un enfant présentant un TDA/H peut rapidement devenir difficile et demandant, tellement que parfois, la solution du parent se trouve dans la garde partagée. Celle-ci lui

permet de se reposer entre les périodes où l’enfant est chez lui à temps plein. Les parents qui en ont parlé expriment aussi qu’ils se sentent coupables d’être contents d’avoir une période d’accalmie, bien qu’elle leur permette de s’ennuyer de leur enfant et d’avoir hâte de le revoir.

Là, il n’est pas là, et je vous dirais que j'avais hâte. *Rires* Après une semaine, là, je dirais que je suis contente d'avoir un petit break. Je l'adore, mon fils, mais je suis contente d'avoir mon petit break. Et je suis contente quand il revient. *Rires* (Isabelle)

De plus, l’encadrement en lien avec les devoirs et les leçons est particulier dans les familles où un enfant présente un TDA/H. Pour les parents, cela demande plus d’énergie et ils doivent répéter, encourager continuellement leur enfant à poursuivre leurs leçons ou même choisir leurs batailles en décidant de lâcher prise pour un moment. C’est ce que disent les six parents qui ont plus d’un enfant. Les participants qui ont un enfant unique mentionnent qu’ils ne peuvent pas comparer, mais affirment quand même que l’encadrement doit être soutenu et qu’il demande de l’énergie. Danielle, qui a trois enfants et Brigitte qui n’en a qu’une affirment presque exactement la même chose par rapport aux devoirs, soit que cela demande plus de temps, plus d’engagement et plus d’encadrement. Hélène compare le moment des devoirs à un sport pour imager l’énergie que cela demandait d’encadrer son fils.

Quand il a commencé à avoir des devoirs, ça a été fou! Un sport, tu sais ? Normalement, ils disent que ça ne devrait pas prendre plus que 20 minutes, mais nous au début c'était 1h, 1h30. C'était... il ne voulait pas. Il gossait tout le temps sur plein d'affaires autour. Il n’était jamais focussé sur qu'est-ce qu'il fallait qu'il fasse, tu vois ? C'était vraiment long. (Hélène)

La garde partagée est un facteur qui peut créer des difficultés concernantl’encadrement de l’enfant TDA/H. Alors que ces enfants ont particulièrement besoin d’un encadrement soutenu, le suivi au fil des semaines est coupé et le participant n’a pas toujours le contrôle sur ce qui se passe chez l’ex-partenaire, même lorsque la relation coparentale est bonne selon lui.

Lui, chez sa mère, il est plus laissé à lui-même, moi il est plus en lien… On m'a dit qu'il fallait quand même qu'il soit encadré, j'ai toujours maintenu ça quand même puis toujours en s'adaptant à l'enfant aussi, là. Chez moi, il a une routine. Tout est quand même organisé pour lui faire le moins d'anxiété possible. […] Et c’est que les devoirs, quand il allait chez sa mère, ils ne se faisaient pas. Et lui, il n’avait pas cette autonomie-là. (Alexandre)

Des fois par rapport aux devoirs, des fois le papa est moins constant que maman, fait que... Mais ça c'est normal ! *Rires* Je pense que les gars sont plus comme ça. Mais bon, ça fait que je compense l'autre semaine. (Élyse)

C'est difficile pour moi d'attraper la situation quand je manque une semaine. Parce que quand on habitait tout le monde ensemble, ben je la suivais au quotidien. Fait que là je le savais quel état d'esprit elle avait eu. C'est sûr que c'est plus difficile pour moi de l'encadrer et de la suivre avec une garde partagée, ça c'est clair. (Chantal)

Pour la moitié des participants, la communication entre les ex-partenaires est cruciale, tant pour prévenir les tentatives de manipulation de la part de l’enfant que pour assurer une cohérence entre les deux milieux de vie de celui-ci. Le besoin de stabilité des enfants TDA/H nécessite que la routine soit similaire d’un milieu de vie à l’autre, pour diminuer l’impact des transitions occasionnées par les changements de garde. Le fait d’avoir une bonne relation coparentale favorise la communication entre les parents et l’installation de systèmes similaires dans les deux milieux de vie. Il est intéressant de souligner que Brigitte, qui n’a plus du tout de contact avec son ex-partenaire, considère que la monoparentalité a justement assuré cette stabilité, aidante pour sa fille présentant un diagnostic de TDA/H. Pour Chantal, l’idéal est que les parents prennent un moment pour se faire un résumé de leur semaine avec les enfants, bien qu’elle-même ne soit pas en position de le faire avec son ex-conjoint en raison de leur relation tendue. Danielle mentionne elle aussi l’importance de la communication entre les ex-partenaires pour arriver à maintenir un cadre stable entre les environnements familiaux.

Je pense que ça prend... ça prendrait, et ça doit être très rare après une séparation, une communication TOP, là, que les parents se parlent et qu'ils prennent un 15- 20 minutes pour se faire un compte rendu. Mais ... dans une situation de séparation, je veux dire... tant mieux ceux qui sont capables de le faire, c'est l'idéal. (Chantal)

Il faut quand même conserver une bonne communication entre les deux parents séparés parce que c'est important pour l'enfant. Et pour un TDA/H, d'avoir une certaine routine, d'être encadré de la même façon chez papa que chez maman. (Danielle)

Une autre particularité du fait d’être séparé et d’avoir un enfant qui présente un TDA/H relève des finances de la famille. Plusieurs parents nomment avoir vécu un stress financier en raison

de la séparation. Or, la venue du processus d’évaluation de l’enfant et le fait qu’il obtienne un diagnostic de TDA/H engendrent des coûts supplémentaires, difficiles à couvrir par des parents séparés. L’évaluation en elle-même coûte entre 1500$ et 2000$, et d’autres coûts viennent avec le fait de voir des spécialistes si les services à l’école ne sont pas disponibles. La plupart des parents ont des assurances qui remboursent une partie ou la totalité des frais immédiats liés à l’évaluation. Par contre, ils réclament souvent tout ce qu’ils peuvent pour le TDA/H de l’enfant, il n’y a donc plus de montants disponibles pour d’autres réclamations. Aussi, tous ceux qui ont des assurances expriment clairement se trouver chanceux d’en avoir et manifestent leurs inquiétudes pour les familles à plus faibles revenus qui n’ont pas cette aide monétaire. À ce sujet, France a vécu plus difficilement l’impact financier d’avoir un enfant qui a des besoins particuliers comme un TDA/H. Elle soulève le jugement reçu de la part des autres en raison d’être la mère d’un enfant aux besoins particuliers alors qu’elle ne peut pas lui offrir toutes les ressources dont il a besoin.

J'ai été chanceuse parce que j'ai des bonnes assurances. […] Parce que ça a couté 2000$, 2200 quelques. Mais au bout de la ligne, on s'en est bien sorti. Mais c'est que j'ai vidé tout ce à quoi j'avais droit. Ça fait que là, les médicaments à Fannie, il faut les payer au complet. (Élyse)

Si j'avais été quelqu'un qui gagnait un bon salaire, ça aurait été différent. Mais il y a énormément de coûts qui viennent avec le fait d'avoir un enfant TDA/H. Parce que si tu ne les amènes pas voir un ergothérapeute, une psychoéducatrice, une... Si tu ne vas pas voir le plus de spécialistes possible, pour les gens de la société normale, pour eux, tu ne fais pas les efforts que ça demande quand tu as un enfant comme ça. Sauf que, je veux dire, c'est 100 $ de l'heure juste avoir une orthophoniste. Quand tu n’as pas d'assurances et que le gouvernement ne donne pas d'argent pour ce genre de problématique-là… Je pense que le plus gros

challenge en tant que parent, c'est d'arriver à faire en sorte que les gens acceptent

que ce n’est pas parce que tu ne veux pas, mais parce que tu ne peux pas aller voir autant de spécialistes. (France)

C'est comme si tu avais un enfant et demi. Au niveau de l'énergie que ça te demande, des coûts que ça te demande, du temps que ça te demande. (Danielle) Quelques parents affirment qu’il n’y a pas vraiment de différence entre avoir un enfant TDA/H en étant séparé ou en ne l’étant pas. Pour Brigitte et Élyse, il est normal de s’adapter à l’enfant et cela ne leur demande pas un effort supplémentaire. Il peut être intéressant par contre de souligner que les enfants de ces deux mères n’ont pas présenté de difficultés

comportementales particulières, que Brigitte n’a pas eu à faire de compromis avec un ex- partenaire et qu’Élyse a une très bonne relation coparentale avec son ex-partenaire. Une autre mère, pour sa part, considère que les deux parents doivent partager les tâches et les rôles parentaux, qu’ils soient séparés ou non.

Je veux dire, ce n’est pas juste à la mère de faire les choses ou pas juste au père de faire certaines choses. Je pense que les deux doivent s'impliquer dans comment ils élèvent les enfants. Fait que le fait d'être séparée, pour moi, je me dis que c'est juste ne pas être dans la même maison, là, tu vois ? (Hélène)

En résumé, ce qui est particulier au fait d’être séparé et d’avoir un enfant avec un TDA/H concerne principalement les pratiques parentales. À ce sujet, les propos des participants révèlent que la garde partagée est à la fois négative et positive. D’abord, elle est négative pour les parents en ce sens où elle complexifie le soutien et l’encadrement à l’enfant TDA/H, de par la perte de contrôle de ce qui se passe chez l’ex-partenaire. Avoir une bonne relation coparentale où la communication se fait facilement est aidant selon les participants. Aussi, la garde partagée implique de devoir gérer seul(e) les comportements difficiles de l’enfant. Le fait d’avoir un nouveau conjoint ou une nouvelle conjointe n’est pas obligatoirement facilitant, car des conflits concernant la bonne façon de soutenir l’enfant peuvent aussi être présents dans cette relation, au même titre qu’ils l’étaient dans la relation conjugale entre les parents biologiques. D’un autre côté, la garde partagée permet aux parents de se reposer entre les périodes où l’enfant est chez lui, ce qui la rend positive pour certains. Il semble que ce soit particulièrement apprécié par les participants en raison des quantités plus grandes d’énergie, de temps et d’encadrement demandées par l’enfant TDA/H. Finalement, le TDA/H de l’enfant implique plusieurs dépenses pour le parent séparé, déjà appauvri par la séparation en elle-même. Il s’agit d’un élément important de leur expérience.