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Chapitre 4 : Présentation des résultats

4.2 L’expérience de la séparation parentale dans les familles où un enfant a reçu un

4.2.4 Le diagnostic de TDA/H, et ce qu’il implique

un diagnostic de TDA/H. Or, alors que tous les diagnostics de TDA/H chez les enfants des participants sont survenus après la séparation et que ce sont les participants qui se sont impliqués dans les démarches d’évaluation, cela en fait un incontournable de leur expérience de séparation.

Les manifestations du TDA/H chez les enfants des participants sont visibles très tôt dans leur développement. Geneviève explique que « depuis qu’[Henri] est bébé qu’[elle voit] qu'il bouge beaucoup et que c'est un enfant qui est constamment dans l'action ». Hélène, pour sa part, explique qu’« [ils ont vu] des signes : il [fallait] toujours répéter, il ne [les écoutait] pas, il ne [les regardait] pas dans les yeux quand [ils lui parlaient]. Depuis qu’il a deux ou trois ans qu'[ils remarquent] » ces signes. Pour plusieurs, c’étaient des enfants énergiques, incapables de rester assis bien longtemps et qui parlaient beaucoup. Pour d’autres, l’inattention était davantage marquée par une difficulté à persévérer dans les jeux, un besoin de se faire répéter les demandes ou les consignes et par une facilité à être distrait et à tomber dans son monde. Dans presque tous les cas, c’est avec l’entrée à l’école que les inquiétudes des parents se sont concrétisées. Les résultats scolaires instables sont souvent un bon indicateur que quelque chose cloche par rapport à la capacité attentionnelle de leur enfant. Le personnel de l’école ou d’autres professionnels, comme le médecin de famille, apportent des observations et soulèvent la possibilité du TDA/H. Plus de la moitié des parents indiquent que c’est même dès la maternelle que l’école leur souligne que leur enfant présente des particularités significatives en lien avec l’hyperactivité ou l’inattention. Le dépistage du TDA/H s’est fait plus tard chez Danika, soit à l’entrée au secondaire. En effet, chez celle-ci, la présence marquée de l’anxiété, qui vient souvent de pair avec un TDA/H, a brouillé les pistes : un trouble anxieux lui a été diagnostiqué au primaire, alors qu’il s’agit plutôt d’une manifestation du TDA/H, comme ils l’ont remarqué plus tard.

Souvent, c’est ensuite avec le médecin de famille, ou le pédiatre, que les parents discutent pour en apprendre un peu plus sur le TDA/H ou pour connaitre la marche à suivre quant à l’obtention du diagnostic. Dans tous les cas, c’est le participant qui a initié les démarches d’évaluation du trouble chez son enfant. Le médecin les réfère à une clinique privée, ou au

CLSC, et donne une prescription pour une évaluation psychologique complète, la plupart du temps réalisée par un neuropsychologue. Geneviève regrette que le médecin de son fils à l’époque ne l’ait pas orientée vers une neuropsychologue, plutôt qu’une psychologue.

Si j'étais allée en neuropsychologie dès le départ, je pense qu’ils auraient vu les troubles d'apprentissage. Je pense qu'on aurait pu prévenir. […] Fait que si j'étais allée en neuropsychologie, je pense que ce n’est pas juste les problèmes de comportement qu’ils auraient évalué. Et maintenant je travaille, je suis infirmière et j'ai pris des cours pour l'évaluation du TDA/H, ils disent que ça ne vient souvent pas tout seul, hein? (Geneviève)

Concernant le diagnostic de TDA/H chez les enfants des participants, il est dans tous les cas accompagné d’anxiété. Des troubles d’apprentissages sont aussi présents chez le tiers des enfants. Chez deux autres, la présence de certaines caractéristiques laisse planer un doute sur la possibilité d’un diagnostic de trouble du spectre de l’autisme. Une autre présente des difficultés marquées dans ses relations interpersonnelles et possède aussi un diagnostic de trouble d’opposition. D’ailleurs, une mère exprime bien la complexité d’avoir un enfant présentant un diagnostic de TDA/H.

C'est une petite fille avec vraiment beaucoup d'énergie, super super intelligente. Elle avait à peine 18 mois et elle me faisait des phrases complètes de 10 mots. Ça c'est... c'est incroyable, comment elle peut être allumée cette enfant-là. Mais elle a aussi les problèmes de comportement qui vont avec : trouble d'opposition, l'anxiété aussi. C'est comme un gros package deal qui fait que ce n’est pas évident de dealer avec. (Danielle)

L’obtention du diagnostic de TDA/H chez l’enfant génère deux principales réactions chez les parents. Tous se disent soulagés de pouvoir mettre des mots sur un ensemble de manifestations et de savoir qu’il y a une solution. Certains nomment aussi des inquiétudes par rapport au futur de leur enfant et sa réussite scolaire ainsi que face à la prise de médication.

C'est sûr que quand tu reçois un diagnostic comme le TDA/H et que je savais que mon fils aurait des difficultés... pour moi ça a été difficile. Parce que je le sais dans quoi on s'embarque quand même, même pas moi, mais lui. Tout ce qu'il va avoir à traverser. Et c'est difficile l'école. C'est très très difficile. Fait que... le diagnostic, ça a été… j'ai pris ça difficile, mais en même temps c'est un soulagement, parce que tu te dis au moins il y a une solution à ça. (France)

Depuis qu'on a le diagnostic, ça a été facile à ce moment-là de dire « Ok. C'est pour ça qu'on... qu’il est comme ça ». En tout cas, ça explique en partie pourquoi il est comme ça. Ce n’était pas une surprise. Parce qu'on s'en doutait. Et quelque part, moi je l'ai vu comme un soulagement. (Isabelle)

Le fait de donner une médication à leur enfant pour réguler les symptômes du trouble préoccupe quelques participants et leur ex-partenaire, c’est encore aujourd’hui une source de frictions pour les parents dans certains cas. Tous le font pourtant, sauf Isabelle, car le diagnostic de Jérôme est encore trop récent. Elle envisage toutefois cette possibilité, espérant faciliter l’encadrement et le soutien qu’elle pourra lui offrir si les manifestations du trouble s’en trouvent atténuées. Les effets de la médication sont parlants selon les parents : tous les enfants des participants qui en prennent ont vu les symptômes du TDA/H s’estomper et le rendement scolaire se stabiliser et s’améliorer.

Ça va quand même bien là. Je trouve avec la médication, surprenamment… J'ai toujours des petites inquiétudes sur les effets à long terme et les effets secondaires, ça... ça me trotte tout le temps un peu dans la tête. Mais en même temps... je me dis, là elle en a besoin, on verra plus tard. (Chantal)

Les devoirs, c'était pénible parce que c'était 1h, 1h30. Fannie perdait le fil, et on avait de la misère à la faire focusser. Mais depuis qu'elle est sur la médication, elle prend ses devoirs, et je n’ai même plus besoin de l'encadrer. […] C'est vraiment le jour et la nuit. (Élyse)

Dans tous les cas, le diagnostic de TDA/H apporte dans la famille une compréhension nouvelle de la situation et des comportements de l’enfant. Cette compréhension permet entre autres au parent d’ajuster ses attentes envers son enfant qui présente des besoins particuliers.

C'est sûr que, tu sais, l'élever en 1980 ou en 2019, c'est le même enfant, là. Ça existait dans ce temps-là. Mais là, le fait de le savoir, tu as un volet hyper positif que tu comprends ce que ton enfant a et tu ne le trouves pas paresseux ou, tu sais, un peu déficient ! *Rires* Tu sais, quand ils ne sont pas là ? Tu le sais pourquoi ils ne sont pas là. (Chantal)

Avant d’avoir le diagnostic, ça peut être questionnant pour un parent qu’un enfant écoute moins bien les consignes. Pour Hélène, le fait de recevoir le diagnostic d’Isaac lui a supprimé une pression qu’elle se mettait face à son sentiment de compétence

parentale comme mère. Son ex-conjoint avait beaucoup plus de facilité qu’elle à se faire écouter par leur fils.

Je doutais même de mes capacités en tant que mère ! *Rires* Parce que je me disais : « Ben là, câline, je ne suis pas capable qu’il m’écoute et je ne suis pas capable d’avoir son attention ! » Tu sais, quand même qu’à l’école, quand ça n’allait pas bien, on en discutait avec lui, mais pour moi c'était difficile de donner une conséquence parce que je me disais : « Il l'a eu sa conséquence à l'école. » J'avais de la misère à comprendre c'était quoi ma place. Mais maintenant qu'on a le diagnostic, je pense que même les grands-parents autour, ils comprennent mieux et je pense que ça, ça l'aide (Hélène).

De l’avis des parents, le diagnostic officialise le fait que l’enfant présente des besoins particuliers et lui donne accès à des services spécialisés. Des recommandations du rapport d’évaluation écrit par la professionnelle sont transmises à l’école, qui met en place un plan d’intervention pour aider l’enfant à mieux fonctionner en classe et favorise sa réussite scolaire. Par exemple, les enfants présentant un diagnostic de TDA/H se voient accorder davantage de temps pour faire un examen ainsi que la possibilité de le réaliser dans un local avec beaucoup moins de personnes et de sources de distractions. Plusieurs parents expliquent que les recommandations du rapport sont presque exclusivement centrées sur l’école, et déplorent de ne pas recevoir d’outils pour aider leur enfant à la maison. Une mère affirme même qu’une recommandation du rapport pour aider à la maison est d’aller consulter un psychoéducateur, ce qui implique d’autres délais d’attente et des coûts supplémentaires. Lorsqu’un seul des deux parents s’implique dans les rendez-vous avec les spécialistes, c’est aussi ce parent qui doit prendre plus de congés au travail et qui en assume les conséquences financières.

Plusieurs parents parlent d’un besoin des enfants présentant un TDA/H qui est directement lié à leur problématique selon eux : celui d’être valorisé autrement que par la performance scolaire. La moitié des participants explicitent le risque de faible estime de soi auquel sont sujets les enfants TDA/H, et parlent de la difficulté pour un parent de voir son enfant avoir une faible estime de lui-même. La société et le système scolaire qui valorisent la performance scolaire nuisent à l’estime de soi des enfants qui ont un TDA/H, selon les participants. Les parents voient leur enfant persévérer, étudier énormément, mais ne pas recevoir les résultats attendus en raison de ces efforts soutenus. Il est important pour les parents de trouver d’autres

sources de valorisation que la performance scolaire pour aider à favoriser une bonne estime de soi chez l’enfant TDA/H.

C'est ça que la psychologue a dit : « Imaginez comment il se sent, Henri. » Moi j'ai un bac., mon conjoint a un doctorat, et son frère, c'est un premier de classe. Elle a dit : « Imaginez, lui, comment il se sent dans votre famille, parce que lui, il ne performe pas. » Ça fait qu'elle a dit qu’il faut valoriser beaucoup son côté manuel, son côté plus … Il est très très débrouillard. Justement, parce qu'il fonce, il n’est pas gêné. […] Et le sport, je pense que ça l'a aidé beaucoup. Il était au profil hockey, ça, je pense que ça l'a aidé pour son estime de lui-même. (Geneviève)

Ça fait qu'à un moment donné, il faut arrêter de tout le temps mettre : les sciences, les sciences, les sciences. Elle a d'autres qualités. Elle est très empathique, créative, tout ça. C'est des qualités aussi qui sont là et je pense qu'il faut les valoriser auprès de l'enfant. […] Je pense que c'est important, aussi, elle a fait des activités comme le sport, où ce sont des réussites autres que scolaires. Ça fait que ça, je pense que c'est important. (Brigitte)

Les manifestations du trouble sont remarquées par les parents assez tôt dans le développement de l’enfant. Souvent, elles sont perçues dès que l’enfant fréquente un nouveau milieu, comme la garderie ou l’école. Le diagnostic de TDA/H prend une place considérable dans la famille, car la compréhension qu’il apporte face aux comportements difficiles de l’enfant permet un ajustement des attentes des parents envers celui-ci, mais aussi de la part de l’entourage. La médication est parfois une source d’inquiétude pour les parents, mais semble bénéfique pour l’enfant en période scolaire. Les enfants présentant un TDA/H et qui expérimentent la séparation de leurs parents ont plusieurs besoins, parfois particuliers à leur problématique, mais aussi universels à tous les enfants qui vivent cette transition familiale selon les participants.

4.2.5 Les particularités d’être séparé(e) quand ton enfant est TDA/H. Les