• Aucun résultat trouvé

PRODUCTIONS DES VOYELLES / PARAMÈTRES PHONÉTIQUES

4. La perception auditive et la notion de « crible phonologique » :

Ce sont des concepts essentiels à prendre en considération dans tout apprentissage de la langue.

4.1. La perception auditive :

La perception auditive est complètement différente de l’écoute car la première est un acte involontaire, puisque l’écoute est une attitude avant tout, tandis que la seconde est volontaire. L’oreille humaine perçoit les sons selon des fréquences allant de 16 Hertz341, seuil de l’audibilité, jusqu’à 16 000 ou même 20 000 Hertz, seuil de la douleur.

340Troubetzkoy N.S. (1970) « Principes de phonologie », Paris : Klincksieck. p. 54

154

Il nous parait nécessaire voire indispensable de parler de la perception car c’est la base de la production : on perçoit les sons puis on les (re)produira par la suite. On dit généralement que la bonne perception donnera une bonne production et vice-versa. Toutefois, certains spécialistes évoquent le terme de « crible psychologique » comme M. Billières qui réduit la présence de certains types d’erreurs aux paramètres psychiques, loin de la perception, tels que : le stress et la situation de communication.

En réalité, la perception auditive est « sélective » du fait qu’« on perçoit linguistiquement ce que l’on a appris » selon B. Malmberg342. Ce qui veut dire que l’individu sera toujours marqué par le premier système de sa langue maternelle qu’il a acquis depuis son enfance et qui devient une référence pour lui. Ainsi, la perception ne sera pas un acte purement involontaire puisqu’on perçoit des éléments choisis par notre oreille. Ce choix et cette sélection dépendent de notre « expérience antérieure » et « individuelle ».

Par ailleurs, les didacticiens parlent d’éducation de l’oreille surtout dans le travail de correction phonétique pour que cette dernière s’habitue peu à peu au nouveau système phonologique, qui est plus ou moins différent, de celui qui lui est familier.

4.2. Le crible phonologique

Le terme de « crible phonologique » appartient au linguiste et phonologue russe N. Troubetzkoi. Selon le principe de « surdité phonologique » :

« Le système d’écoute de l’apprenant d’une langue étrangère est influencé par les habitudes sélectives contractées dès l’enfance par la perception des sons de sa langue maternelle dont il devient un « auditeur expert ». En tant que tel, il a, selon les théories toujours en usage, développé un « crible phonologique » composé de différents sons de sa langue maternelle343».

Donc, au début de son apprentissage l’apprenant serait « dur d’oreille » du fait qu’il est difficile, pour lui, d’entendre tous les sons de la langue étrangère surtout ceux qu’il n’a pas l’habitude d’entendre puisqu’il n’est pas sensible à leurs particularités. Alors, à chaque fois qu’il perçoit ces sons, il les compare à ceux appartenant à sa langue maternelle et qui lui sont

342 Cité par Boyer H, Butzbach M. et Pendanx M. (2001) « Nouvelle introduction à la didactique du français langue étrangère », Paris, CLE International. p. 95

343 Cité par Benkhelil R. in « Impact de la méthode verbo-tonale sur les carences d’articulation », mémoire de magister soutenu en 2009 à l’université de M’sila. p. 44

155

familiers. En bref, tout individu, selon cette théorie, conçoit les sons de la langue étrangère par rapport à ceux de sa langue maternelle qu’il a acquise.

Le principe de « crible phonologique » est expliqué avec les propos de son théoricien comme suit :

« Le système phonologique d’une langue est semblable à un crible à travers lequel passe tout ce qui est dit. Seules restent dans le crible les marques phoniques pertinentes pour individualiser les phonèmes. Tout le reste tombe dans un autre crible où restent les marques ayant une valeur d’appel : plus bas se trouve encore un crible où sont triés les traits phoniques caractérisant le sujet parlant. Chaque homme s’habitue dès l’enfance à analyser ainsi ce qui est dit et cette analyse se fait d’une façon tout à fait automatique et inconsciente. Mais, en outre, le système des cribles, qui rend cette analyse possible, est construit différemment dans chaque langue. L’homme s’approprie le système de la langue maternelle. Mais, s’il entend parler une autre langue, il emploie involontairement pour l’analyse de ce qu’il entend le « crible phonologique » de sa langue maternelle qui lui est familier. Et comme ce crible ne convient pas pour la langue étrangère entendue, il se produit de nombreuses erreurs et incompréhensions. Les sons de la langue étrangère reçoivent une interprétation phonologiquement inexacte, puisqu’on les fait passer par le « crible phonologique » de sa propre langue».344

En outre, le concept de « surdité phonologique », concept utilisé par le linguiste russe Polivanov345 tout en étant en étroite relation avec celui de « crible phonologique », explique le comportement de l’individu lors de son apprentissage d’une langue cible. En gros, influencé par le système phonologique de sa langue maternelle, l’apprenant se comportera comme un malentendant vis-à-vis du système phonologique de la langue étrangère. Par conséquent, les sons n’appartenant pas au premier système seront perçus autrement c’est-à-dire ils ne seront pas entendus comme ils étaient prononcés car l’individu devient sourd envers ces sons d’où l’idée de la « surdité phonologique ».

344 Troubetzkoy N.S. Op. cit., p. 54

156 Conclusion :

Nous avons vu, dans ce chapitre, que le français et l’arabe sont deux langues complètement différentes dans leur structure tant que leur forme. Ceci dit, les apprenants arabophones doivent être sensibilisés dès le début de leur apprentissage à la spécificité de la langue qu’ils apprennent, d’une part, et de celle qu’ils ont acquise d’autre part. L’enseignant, de son côté, tout en étant initié à l’aspect phonétique de la langue source, doit prendre en considération toutes ces différences existantes afin qu’il puisse en faire un enrichissement et non une entrave pour l’enseignement/ apprentissage de la langue étrangère, en général, et de sa phonétique en particulier.

En définitive, il nous semble que tout individu est influencé par les spécificités sonores « originales » de sa langue maternelle, ce qui conditionnera la manière dont il va percevoir la matière phonique de la langue cible.

Cependant, cette différence, tout à fait naturelle, n’est pas toujours responsable des difficultés rencontrées lors de l’apprentissage des sons de la langue étrangère !

157

PARTIE II :

DU RECUEIL DES DONNÉES À LA MÉTHODOLOGIE