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RAPPORT LANGUE MATERNELLE- LANGUE ÉTRANGÈRE

1. La situation linguistique en Algérie :

1.2.2. La langue arabe : diversité linguistique et géographique

Lorsqu’il s’agit de la langue arabe, on parle d’une langue parlée par 22 pays membres de la ligue arabe ou ce qu’on appelle le monde arabe. Sa diversité géographique (langue de l’Orient, du Maghreb et de la Péninsule arabe), en plus de sa diversité sociolinguistique ne font que compliquer notre tâche. Ainsi, nous voudrons à travers cette partie mettre le point sur l’état actuel (étude synchronique) de la langue arabe, ses parlers et ses dialectes.

En effet, on ne peut pas entamer l’état actuel de cette langue plurielle sans parler de son évolution dans l’histoire c’est-à-dire selon une approche diachronique. Sachant que la langue arabe représente un cas délicat et bien particulier. Alors, nous allons, brièvement, tenter de suivre l’évolution de la langue arabe dans le temps jusqu’à son état actuel en Algérie plus précisément car c’est ce qui nous intéresse le plus.

1.2.2.1. Histoire et origine

La langue arabe est une langue ancienne de grandes civilisations qui recouvre une grande aire géographique avec le plus grand nombre de locuteurs78 dans sa famille linguistique ce qui est à l’origine de la diversité qui se trouve au sein de cette langue. Cette diversité est la cause de la multiplicité des dialectes et des registres également.

Suite à la classification des linguistes du ⅩⅨème siècle, la langue arabe appartient à la famille sémitique venant de celle chamito-sémitique. Contrairement à ce que l’on puisse croire, cette famille de langues n’est pas constituée de deux langues mais de plusieurs dont certaines sont des langues anciennes de civilisation à leur époque telles que l’araméen, le babylonien, l’ancien égyptien et le phénicien. D. Cohen suppose que cette famille de langue « est formée

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non de deux mais au moins de quatre branches, sans qu’il soit possible de supposer des rapports spécialement étroits entre certaines d’entre elles ».79 La famille chamito-sémitique comprend six grandes sous-familles : le chamite (ou l’égyptien ancien), le sémitique, le couchitique80, le tchadique, le berbère et l’omotique81. En revanche, cette appellation fut remplacée par celle de l’Afro-asiatique ou afrasienne, car selon les linguistes auxquels revient cette nouvelle qualification, l’expansion des langues appartenant à cette famille s’est faite de l’Afrique vers l’Asie contrairement à ce qu’on supposait au début82.

Sur la carte ci-dessous, nous pouvons voir clairement les aires géographiques et les régions où chacune des langues chamito-sémitiques était ou est parlée83.

Figure1. Carte de la distribution géographique des langues chamito-sémitiques84

79Cohen D. « CHAMITO-SÉMITIQUES LANGUES ». Encyclopedia Universalis [en ligne] Consulté le 28/03/ 2016. URL : http://www.universalis.fr/encyclopedie/langues-chamito-semitiques/

80 Qui vient de Koush le fils de Cham et le petit-fils du prophète Noé.

81 Qui vient du fleuve « Omo » en Ethiopie.

82 C’est l’idée d’un nouveau courant linguistique et qui n’appartient pas à la globalité des linguistes.

83 Car certaines d’entre elles sont aujourd’hui disparues en donnant naissance à d’autres alors que d’autres sont toujours parlées avec quelques petites différences par rapport à leur ancien état.

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Pour les langues sémitiques, appelées et classées ainsi depuis 1781, ce sont des langues anciennes parlées depuis l’Antiquité au Moyen-Orient, au Proche-Orient et en Afrique septentrionale. En plus, la famille sémitique est l’une des quatre branches de la famille chamito-sémitique qui comporte également : le sémitique oriental, le sémitique occidental avec ses deux branches, le sémitique méridional et septentrional. La langue arabe est classée dans la branche sémitique méridional qui regroupe l’arabe moderne contenant : l’algérien, l’égyptien, le syro-mésopotamien, le libyen, l’arabe du Golfe, le maltais, etc. et l’arabe classique.

De sa part, la langue arabe vient du sémitique occidental comme le confirme le linguiste C. Hagège en annonçant que « L’arabe appartient à la branche occidentale et méridionale du sémitique, inclus aujourd’hui dans la famille afro-asiatique [langues du Proche-Orient et d’Afrique du nord et l’est]»85, tout en étant l’idiome le plus ancien du fait que ceux qui l’ont côtoyée ont disparu en cédant leur place à d’autres variétés.

Figure 2. L’arbre linguistique des langues sémitiques86

85 Hagège C. cité par Salam F. (2012). Espace acoustique et patrons coarticulatoires : les voyelles de l’arabe libyen de Tripoli en contexte pharyngalisé. Thèse de doctorat en linguistique, soutenue à l’université de Franche-Comté/France. p. 30

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Du point de vue diachronique, la langue arabe est passée par trois périodes suivant son évolution comme le souligne T. Baccouche dans son article intitulé « Dynamique de la langue arabe »87. Il s’agit de :

- L’arabe ancien, de l’antiquité jusqu’aux débuts du Moyen-âge ;

- L’arabe classique, depuis l’avènement de l’islam jusqu’au XVIIIème siècle ; - L’arabe moderne, depuis la renaissance arabe au XIXème siècle.

L’arabe ancien est la langue qui existait avant l’Islam durant la période appelée préislamique. Après la prédication du prophète Mohammed (QSSSL)88, on parlait l’arabe classique comme on l’appelle aujourd’hui puisqu’il s’agit d’un ancien état de langue. Néanmoins, cette appellation ne contient pas le sens péjoratif que l’adjectif classique peut contenir, mais il est juste relatif à l’aspect temporel de cet état de langue. C’est l’arabe de Quraych89, ou une variété de cette langue, qui n’était à l’origine qu’un dialecte parlée par les mekkois90. C’est aussi la langue dont le sacré Coran91 fut révélé, langue pure dotée d’un vocabulaire riche et d’une grammaire relativement complexe. Sachant que, dans sa lecture, le Coran contient des différences dialectales comme le souligne T. Baccouche92 en écrivant : « […]la lecture coranique a intégré certaines variantes dialectales, notamment phonétiques, comme faisant partie du bon usage[fāšā:ħā] ». Cette forme de langue, autrefois parlée, a subi des changements sur divers plans dans son évolution, ce qui a donné naissance à une nouvelle forme de langue : l’arabe moderne (standard, médian ou littéral), d’un côté ; et les divers dialectes et parlers de l’autre côté.

Pour l’arabe moderne, il s’agit de la langue utilisée par le peuple arabe du XIXème siècle jusqu’à nos jours en passant par la période de l’indépendance des pays arabes qui étaient presque tous sous l’occupation française, anglaise ou italienne.

On peut conclure en disant que l’arabe d’aujourd’hui est un peu différent de celui d’autrefois. En plus, il existe trois variétés principales ou trois états actuels de l’arabe qui sont : l’arabe classique dont le meilleur exemple est le Coran, l’arabe standard ou moderne, langue officielle dans tous les pays arabes qui est une variété surtout écrite utilisée dans des situations

87Baccouche T. (2009). « Dynamique de la langue arabe ». Synergie Tunisie, n°1. p. 18

88Que le Salut Soit Sur Lui.

89 Ancienne tribu se trouvant à la péninsule arabe et plus précisément à la Mecque.

90 Appellation des habitants de la Mecque.

91 Il est défini comme « la forme inimitable rimée et rythmée intermédiaire entre la poésie et la prose ».

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officielles ; et l’arabe parlée dans les pays arabes et qui représente la langue maternelle des locuteurs de ces pays.

1.2.2.2. Les dialectes arabes

Du point de vue synchronique et selon la dialectologie, il existe une certaine typologie des dialectes arabes, basée sur des données géolinguistiques mais aussi sociolinguistiques. Selon Versteegh93, les dialectes arabes sont classés en cinq zones géographiques:

- Les dialectes de la Péninsule Arabique,

- Les dialectes syro-libanais ou les parlers levantins ou de‘bilādiiṧṧām’, - Les dialectes Mésopotamiens,

- Les dialectes Égyptiens, et enfin, - Les dialectes Maghrébins »94.

Ce classement rend compte de la diversité des dialectes arabes selon les pays et leur situation géographique. Quoique ces dialectes aient la même origine, elles sont distinctes l’une de l’autre en dépendant des facteurs historico-culturels des pays où elles sont parlées car chacun de ces dialectes est un brassage de plusieurs autres idiomes.

D’ailleurs, on parle de deux registres ou formes de la langue arabe qui n’ont pas le même contexte : l’arabe oral et l’arabe écrit. Pour la première forme, orale, elle diffère selon l’appartenance géographique en recouvrant plusieurs dialectes : c’est la variété basse qui existe sous plusieurs formes. Quant à la seconde, on peut dire d’une manière générale qu’elle est relativement homogène dans les 22 pays arabes : c’est la langue des situations officielles, langue de tous les médias arabes alors internationale et véhiculaire car elle sert à l’intercompréhension entre les locuteurs arabophones c’est pourquoi elle marque l’identité arabe.

Cependant, cette langue vivante internationale, enseignée à l’école et réservée uniquement aux situations officielles n’est la langue maternelle de personne puisqu’elle n’est pas utilisée dans les situations ordinaires de la vie quotidienne. En outre, ces deux variétés reflètent une situation diglossique95 dans tous les pays arabes. L’arabe dialectal englobe les

93 Cité par Al-Tamimi J-E. (2007). Indices dynamiques et perception des voyelles: étude translinguistique en arabe dialectal et en français. Thèse de doctorat. Soutenue en France. p. 32.

94Al-Tammi J-E, op. cit., p. 32

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dialectes arabes plus ou moins différents. En Algérie, le dialecte arabe ou algérien diffère selon les régions, mais aussi selon les locuteurs.

En somme, nous pouvons dire que l’arabe a subi, comme toute langue d’ailleurs, des changements durant son évolution à travers l’histoire ce qui a donné naissance à des variétés et des formes, dialectes et parlers en l’occurrence, qui, à leur tour, ont été influencés par d’autres langues pour arriver à leur état actuel.

1.2.3. L’Algérie : une situation linguistique particulière : 1.2.3.1. La situation géographique :

Faisant partie des pays du Maghreb (par opposition aux pays du Mashreq, c’est-à-dire l’Orient), l’Algérie se situe au nord de l’Afrique entre la Tunisie à l’est et le Maroc à l’ouest, limitée par la Mer Méditerranée au nord et le Mali, le Niger et le Tchad au sud. Devenant le plus grand pays arabe, après la division du Soudan, avec une superficie estimée à 2 381 741 km². Le nombre de ses habitants est de 39 millions (2013).

1.2.3.2. Le contexte linguistique :

S’agissant d’un pays arabophone, l’Algérie a la langue arabe comme langue officielle avec, notamment, l’amazigh qui a bénéficié récemment de ce statut. Cependant, le terme arabe recouvre plusieurs réalités et représentations : s’agit-il d’une ou de plusieurs langues maternelles ? S’il y en a plusieurs, qu’est ce qui fait la différence entre elles ? S’agit-il plus précisément de langues, de dialectes ou de parlers ?

Nous allons, justement, dans la partie qui va suivre, tenter de répondre à toutes ces questions dans les pages suivantes.

D’ailleurs, l’Algérie présente un cas particulier vis-à-vis de sa richesse linguistique du fait que ses habitants ont différentes langues maternelles. Par contre, on ne va pas aborder le dialecte algérien en général, ni les dialectes de chaque région ; mais on va décrire celui qui nous intéresse et qui relève de notre cas : le parler de M’Sila en l’occurrence.