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RAPPORT LANGUE MATERNELLE- LANGUE ÉTRANGÈRE

1. La situation linguistique en Algérie :

1.1.4. L’interculturel : un terme qui s’impose !

On rencontre ce terme à chaque fois que le sujet de bi/plurilinguisme est abordé car la langue, en étroite relation avec la culture, une fois mise en contact avec d’autres langues le dialogue entre les cultures existera : « Le bilinguisme […] s’inscrit dans une perspective interculturelle du fait qu’il développe chez tout apprenant des attitudes et des comportements nouveaux dérivant de la langue étrangère qui n’est que le véhicule de sa propre culture ».57

1.1.4.1. La notion d’interculturel

D’abord, la notion de langue, ayant une épaisseur sémantique et qui inclut celle de culture, englobe plusieurs concepts tels : la religion, la civilisation, les traditions, l’histoire, les croyances, les coutumes, etc.

D’une part, apprendre une nouvelle langue signifie apprendre ou (re)connaître une nouvelle culture. Beacco confirme ceci en annonçant que: « la connaissance des langues étrangères est un moyen voire même un accès privilégié à d’autres cultures ».58

D’autre part, apprendre une nouvelle langue signifie aussi acquérir une nouvelle vision du monde, plus ou moins différente de la sienne. D’ailleurs, connaître une nouvelle culture veut dire (re)connaître l’Autre, et en (re)connaissant l’Autre on (re)connaît soi-même. Cela implique, voire impose le dialogue avec l’Autre et moi, entre sa culture et la mienne quelques soient les différences.

Pour mieux cerner cette notion, on s’intéressera d’abord à l’étymologie de l’interculturel. Ce terme, étant né aux années 7059, puisqu’à cette époque-là on a commencé à s’intéresser à l’enseignement des langues étrangères et par conséquent la(les) relation(s) entretenue(s) entre

57Dakhia A. (2005). « Dimension pragmatique et ressources didactiques d’une connivence culturelle en FLE ». p. 30. Thèse de doctorat en didactique, soutenue à l’université de Batna.

58 Cité in thèse Moussa A (2012). « Acquérir une compétence interculturelle en classe de langue, entre objectifs visés, méthodes adoptées et difficultés rencontrées. Le cas spécifique de l’apprenant jordanien ». p. 15

59 C’est au cours des années 70 qu’on a, d’une part, pu distinguer entre didactique et pédagogie ; et d’autre part, on a utilisé didactique comme substantif signifiant la discipline s’intéressant à l’enseignement des langues.

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la langue maternelle des apprenants et la(les) langue(s) étrangère(s) apprise(s) car on a observé à cette époque en France que les enfants des immigrés, issus d’une autre culture, avaient quelques particularités, et donc avaient besoin d’un outil leur facilitant l’initiation à une autre société, voire à une autre culture. On a utilisé ce terme en Suisse pour signifier le fédéralisme et aux Etats-Unis celui du melting pot car « il [melting pot] symbolisait la réduction de la distance culturelle entre les communautés composant la nation américaine ».60

L’adjectif interculturel est formé du préfixe inter, d’origine latine, signifiant entre ou parmi ; et culturel venant de culture. Ce préfixe évoque l’idée de la réciprocité ce qui fait, d’ailleurs, la distinction entre l’interculturel et le multiculturel :« L’adjectif ‘interculturel’, qui inclut une notion de réciprocité, se distingue de ‘multiculturel’ qui correspond à une coexistence, à une juxtaposition des cultures ».61

Entre autres, le dictionnaire de la didactique nous précise que le multiculturel suppose la juxtaposition de cultures, plus ou moins, différentes « sans qu’il y ait une communication entre celles-ci »62 ; ce qui n’est pas le cas pour l’interculturel. C’est plutôt le contraire car « l’interculturel suppose, en effet, l’échange entre les différentes cultures, l’articulation, les connexions, les enrichissements mutuels ».63

L’échange veut dire le dialogue (pacifique), l’interaction, la réciprocité mais aussi l’interdépendance puisque chaque individu, chaque groupe ou même chaque société dépend d’une autre pour exister et/ou subsister. La société n’est que cette stratification de culture(s), de religion(s), de civilisation, de principes, etc.

En revanche, on parle d’interculturel également lorsqu’on aborde le sujet de la prononciation de la langue étrangère et son enseignement. En effet, la phonation avec tous les éléments prosodiques et les gestes qui l’accompagnent touche à l’identité du sujet et de son égo comme le souligne B. Lauret.64En d’autres termes, si le sujet acquiert un accent étranger, cela va lui permettre de s’intégrer dans une autre communauté linguistique, en plus de la sienne, s’il

60 Selon les spécialistes

61 Toupictionnaire : le dictionnaire de politique. http://www.toupie.org/Dictionnaire/Interculturalité.htm. Consulté le : 06/12/2013.

62 Galisson R. et Coste D. op.cit. p. 136.

63Ibid. p. 136.

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garde son accent. Sinon et dans le cas échéant, il perd son accent et fera partie d’une nouvelle communauté linguistique.

De surcroit, une erreur de prononciation est beaucoup plus apparente, remarquable et flagrante qu’une erreur de grammaire par exemple. Certains chercheurs vont aller plus loin encore en parlant de la construction d’une nouvelle image phonétique de soi65ou d’un nouvel« égo linguistique »66 lorsque l’individu apprend à articuler de nouveaux sons. Ce contact des sons, appartenant aux deux langues (maternelle et étrangère), est un contact de langues et de cultures.

Donc, accepter d’apprendre et d’articuler de nouveaux sons veut dire s’ouvrir sur une nouvelle langue (via sa prononciation) et une nouvelle culture voire une nouvelle identité linguistique. Cette nouvelle identité linguistique influencera l’identité de l’individu et l’individu tout court67.

1.1.4.2. L’interculturel : un avantage mais aussi un inconvénient

Il faut remarquer, tout d’abord, que le vocable culture est un concept complexe qui insère de multiples notions, notablement sous-jacentes, mais d’autant abruptes elles aussi telles que la civilisation, la religion, le mode de vie, les traditions, les coutumes, etc. Il est bien admis, selon l’adage de P. Meirieu, que toute langue véhicule une culture dont elle est, à la fois, la productrice et le produit. À ce titre même, la langue peut véhiculer plus d’une culture, spécifique et relative à sa population.

De plus, l’apprentissage d’une langue étrangère, ou autre comme le préfère P. Blanchet par rapport au qualificatif étrangère qu’il trouve réducteur et connoté68, peut être avantageux ou vice-versa. Ce qui veut dire qu’il peut être considéré comme une voie vers l’ouverture sur l’autre sans qu’il y ait une altérité ou un effacement (pour ne pas dire suppression) de l’identité de l’individu.

65 Ibid. p. 16.

66 Sean J. cité par Lauret B. op. cit., p. 15

67 Ibid. p. 17

68 Blanchet P. (2004). L’approche interculturelle en didactique du FLE. P. 06. Cours d’UED de Didactique du Français Langue Étrangère de 3ème année de Licences, Université Rennes 2, Haute Bretagne. p. 3

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De prime abord, et d’un point de vue optimiste, nous pouvons considérer l’apprentissage de toute langue différente de la langue maternelle comme bénéfique pour tout individu car cela va lui permettre de connaître l’Autre, puis de le reconnaître. Connaître l’Autre veut dire, d’une part, connaître une nouvelle vision du monde, un nouvel angle de vue, avoir de nouvelles idées, bref, apercevoir le monde autrement. Mais aussi, et d’autre part, connaître soi-même car je m’aperçois à travers l’Autre, je me situe selon lui et surtout je m’évalue par rapport à lui. A ce sujet G. Gusdorf estime que « La communication donne à chacun la révélation de soi dans la réciprocité avec l’autre ».69 Donc, je me définis à travers l’Autre et je m’impose à côté de cet Autre avec ma langue et ma culture. Il s’agit, donc, d’un savoir être !

L’interculturalité exige le dialogue, la communication et l’interaction entre les cultures. C’est un enrichissement, un ajout, un plus pour, au moins, les deux (ou les multiples) parties. Elle « est fondée sur le dialogue, le respect mutuel et le souci de préserver l’identité culturelle de chacun »70.

Au contraire, si cette nouvelle langue, et donc nouvelle culture, va toucher à l’identité de l’individu négativement, elle sera plutôt un inconvénient pour l’individu. On parle d’effet négatif lorsque le sujet parlant change son accent au détriment de celui de la langue apprise, par exemple, ou lorsqu’il adopte de nouveaux sons en prononçant sa première langue…car c’est une sorte de déculturation.

Définitivement, dans le processus enseignement/apprentissage de toute langue la culture est omniprésente. Ainsi, ma culture a son statut autant que la culture de l’autre, ce qui exige à nous deux de nous respecter et que chacun respecte la culture de l’autre quelques soient les différences. C’est un dialogue entre les cultures et non un mariage. Pour conclure, l’interculturel n’est qu’une arme à double tranchons et c’est au sujet parlant de savoir s’en servir !

69Gusdorf G. in Dakhia A. op.cit., p. 31.

53 1.2. La langue arabe : approche sociolinguistique

Avant d’en parler, il nous parait utile de passer par quelques concepts et définitions de base.