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RAPPORT LANGUE MATERNELLE- LANGUE ÉTRANGÈRE

1. La situation linguistique en Algérie :

1.1.2. Bilinguisme et diglossie

Le bilinguisme en lato sensu signifie, pour l’individu, l’aptitude de parler deux langues différentes : français et arabe, anglais et allemand, etc. C’est ce qu’on appelle « bilinguisme de masse »24. La différence entre les deux termes parut, au début, flagrante, mais avec le temps le

21 CUQ, Jean Pierre (dir). (2003) « Dictionnaire de didactique du français langue étrangère et seconde ». Paris : ASDIFLE-CLE International France : Hachette. p. 224

22 Rahal S. (2001). « La francophonie en Algérie : Mythe ou réalité ? ». In Colloque organisé par l’Agence

Universitaire de la Francophonie (AUF), 25 et 26 septembre 2001, Beirout, Liban [en ligne]. URL :

www.initiatives.refer.org /initiatives.2001/_notes/sess610.htm. Consulté le : 05/09/2011.

23Ibid.

24Marcellesi J-B. (1981). « Bilinguisme, diglossie, hégémonie : problèmes et tâches ». In Langues, 15e année,

n°61, mars.

URL :http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript//article/lgge_0458726x_1981_num_15_61_1865. Consulté le : 10/09/2011.

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concept de diglossie avait élargi son champ d’utilisation en dépassant les frontières de la Grèce ce qui est à l’origine de certaines confusions entre les deux concepts !

Au début de son apparition, la diglossie qualifiait une situation contenant un contact de deux codes ayant la même origine (c’est-à-dire appartenant à la même langue), mais qui n’ont pas le même prestige. Cette condition qui s’applique exactement au cas de la Grèce, semble ne pas être principale aujourd’hui, et les langues, en situation de diglossie, peuvent être largement différentes (le français et l’anglais au Canada par exemple).

Par contre, la principale condition, retenue toujours, et qui distingue entre diglossie et bilinguisme est le fait que ces deux langues (ou variétés de langues) en contact fonctionnent en cas de diglossie en répartition (ou en complémentarité) fonctionnelle25. Cette répartition peut toucher le canal de communication (la diglossie formelle) c’est-à-dire l’une est orale tandis que l’autre est écrite (comme le cas de l’allemand et le suisse allemand en Suisse). On l’appelle aussi la diglossie littéraire.

Pour Ferguson, la stabilité des deux codes semble être une condition principale mais elle serait contredise dans la réalité car même pour l’état de la Grèce, l’une des deux variétés (la démotiki en l’occurrence) devient plus répandue que l’autre, voire elle l’a substituée dans plusieurs situations de communication !

Ainsi, les critères de définition diffèrent selon les spécialistes qui se basent toujours sur les critères de Ferguson car ils ont été reclassés selon les cas existants. Donc, il y en a ceux qui sont retenus comme essentiels ou fondamentaux, d’autres considérés comme facultatifs ou accessoires et d’autres qui ne sont même pas retenus.

Parmi les critères majeurs, on cite la parenté génétique des deux variétés, considérée importante par Ferguson alors qu’elle a été jugée non pertinente par d’autres comme Gumperz et Fishman. Ce dernier avait évoqué la relation entre diglossie et bilinguisme en proposant une typologie de situations de contacts de langues qui peuvent contenir les deux concepts (ce qui s’applique au cas de l’Algérie si on considère la coexistence des deux variétés de l’arabe comme diglossie et le bilinguisme lorsqu’on parle de l’arabe et du français), ne pas les contenir (il y a aujourd’hui quelques ethnies qui ne sont presque pas en contact avec le monde extérieur

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alors il n’ont qu’une seule langue parlée), ou qui contiennent l’un des deux (diglossie sans bilinguisme et vice-versa).

Dans le but de distinguer entre les deux termes, les sociolinguistes catalans parlent d’une donnée publique de la structure pour la diglossie qui est sociale et d’un désordre de l’individu par rapport à son milieu pour le bilinguisme qui est individuel.

De plus, il a été précédemment mentionné que les fonctions distinctes des deux codes (soient langues ou variétés de langues) permettent de parler de diglossie : « phénomènes de divergences linguistiques selon la fonction sociale »26 pour Mackey. Contrairement au bilinguisme où l’individu utilise les deux langues pour les mêmes fins et objectifs. Mackey27

affirme que les types de diglossie existent selon les situations : la diglossie personnelle, la diglossie locale et même la diglossie institutionnelle. Cette distinction, un peu délicate, a conduit d’autres spécialistes, comme Hamers et Blanc, à aborder, voire à créer une troisième notion qui vient s’ajouter aux deux autres, comme si ces deux notions ne suffisaient pas pour décrire toutes les situations contenant un contact de langues !

En somme, le bi/plurilinguisme est généralement défini comme les comportements légitimes attestés dans une société par rapport à l’usage de deux ou plusieurs langues alors que la diglossie sera un phénomène de contact de langues abordé sous l’angle du statut des langues en présence, et la bilingualité sera la compétence des individus.28

En sociolinguistique, l’utilisation du mot diglossie et de celui de bilinguisme n’est pas gratuite et aucun terme ne remplace l’autre. Mais le bilinguisme, qui est d’origine latine, paraît plus vieux que diglossie, lui qui vient du grec.

Le terme de diglossie a été employé par les sociolinguistes américains pour qualifier certaines situations, de contact de langues, autres que celles du bilinguisme après avoir été créé pour qualifier le cas de la Grèce où deux variétés de langues existaient : la Katharevoussa (qui veut dire langue pure) et la Démotiki (ou langue populaire). Ces deux langues sont génétiquement apparentées comme le soulignent J. Dubois et al :

26 Beniamino M. op. cit., p. 128.

27Ibid.

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« Historiquement, la diglossie caractérisait la situation linguistique issue de l’installation

d’une monarchie bavaroise à la tête de la Grèce indépendante et dans laquelle la Katharevoussa (langue grecque archaïsante) était la seule langue reconnue par l’Etat, alors que les formes, tournures, prononciation et mots quotidiens étaient dénommés démotique (dhémotiki) ».29

Donc, la diglossie est le fruit de cette situation qui n’a pas pu être identifiée comme un cas de bilinguisme. Après, on l’a généralisée dans tous les cas semblables à celui de la Grèce :

« Dans une situation de diglossie se trouvent donc en présence une variété haute –variété

H-prestigieuse (la langue de culture et des relations formelles). Et une variété basse – variété B ou variété L(ow)-(la langue commune, celle de la vie quotidienne…), généralement stigmatisée ».30

S’agissant du cas de la Grèce, on constate l’existence (ou plutôt la coexistence) de deux codes qui fonctionnent différemment, c’est-à-dire chacun des deux codes est réservé à des situations différentes les unes des autres au point que les deux langues vivent en symbiose, toujours selon les propos de Dubois et autres :« L’idée majeure est celle d’une répartition relativement harmonieuse et non conflictuelle des langues en situation de diglossie »31.

En effet, Fishman32 estime que chacune de ces deux variétés de langue est réservée à des situations bien déterminées. Autrement dit, les deux variétés de langue remplissent des fonctions différentes dans la même communauté. Donc, il s’agit d’un contact, voire d’une coexistence et non d’un conflit !

Et le nombre d’individus diglottes n’est pas important même si l’une des deux variétés des langues serait parlée par la minorité.

Au début et selon la définition de Ferguson, la principale condition pour qu’il y aurait une situation de diglossie était que les deux langues (ou variétés de langues) soient génétiquement apparentées car l’:« Un des problèmes posés par le concept de diglossie est qu’il

29 Dubois J. et al. (2002). Dictionnaire de la linguistique. Paris : Larousse-Bordas. P. 148.

30Beniamino M. op. cit. p. 125.

31 Cuq J-P. (2003). Op. cit., p. 72.

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risque d’interférer avec celui de bilinguisme connu depuis plus longtemps : en particulier, une confusion est possible entre le bilinguisme social et la diglossie »33.

Suivant Fishman, cette condition n’est pas prise en considération du fait que, aujourd’hui, ce terme est omniprésent dans toute situation de contact de langues, et là justement on risque de le confondre avec celui de bilinguisme. Ce qu’il faut prendre en considération en cas de contact de langues est la nature des langues en contact ou ce que Ferguson34 appelle distance inter linguistique en plus de la nature de ce contact.

Le champ d’utilisation du mot diglossie s’est élargi, par la suite et on l’a utilisé dans d’autres contextes, plus ou moins différents tels : les pays du Maghreb et du Moyen-Orient, la Suisse, quelques pays africains et Haïti. Pour le cas des pays du Maghreb, y compris celui de l’Algérie, il s’agit de l’arabe moderne (ou scolaire) ; langue de l’école puisqu’écrite qui est issue de l’arabe classique (ou littéraire), langue d’autrefois non utilisée aujourd’hui ; et l’arabe dialectal algérien35qui est la langue de tous les jours. D’ailleurs, c’est la première langue de la plupart des Algériens.

Dans cette situation, la diglossie concerne les deux variétés de la langue arabe. Le français ne risque pas d’être cité dans ce cas. En revanche, l’arabe dialectal n’est pas la langue première de tous les algériens car le berbère (avec toutes ses variétés) est, aussi, un dialecte algérien.