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PARTIE 1

DISCONTINUITE FRONTALIERE – DISCONTINUITE SANITAIRE 17

C

HAPITRE

1 :L

A FRONTIERE

:

COUPURE

COUTURE

.L

A CREATION DE DEUX ETATS SOUVERAINS

... 23

I - De l’imbrication à la séparation : création de la frontière

lao-thaïlandaise. ... 24

A/ Période pré-coloniale : le temps des müang

B/ La colonisation : délimitation des deux Etats

C/ De l’indépendance en 1954 à 1975 : bipartition du Laos / intégration accélérée

des marges thaïlandaises

II - 1975 – 1990 : la frontière barrière ... 28

A/ Au Laos : une nouvelle ère politique

B/ Des relations lao-thaïlandaises conflictuelles

C/ Fin des années 80 : des signes de rapprochement

III -L’ouverture prudente : rapprochement et maintien à distance. ... 33

A/ De la signature d’accords aux infrastructures : une coopération croissante

• Traités et accords

• Des aménagements transfrontaliers en plein essor -Le pont de l’Amitié : infrastructure symbole

-Multiplication des transports transfrontaliers

B/ Les rapports de force : entre continuité et changement

• Persistance de la domination thaïlandaise -Une culture sous influence

-Des conflits d’un genre nouveau

-Réactiver une tradition et des symboles en guise de résistance

• Nostalgie et recherche d’authenticité : nouveau regard des Thaïlandais sur le Laos

C

HAPITRE

2 :D

ES DEVELOPPEMENTS DECALES

:

UN ECART ECONOMIQUE ET

SANITAIRE

... 45

I - Un pays émergent, un pays en développement... 45

A/ Des histoires économiques singulières

B/ Le Laos entre développement et dépendance

• La crise asiatique : un moment révélateur et un tournant

• Des migrations à sens unique

• Commerce informel et corruption

II - Des situations sanitaires contrastées ... 52

A/ Caractéristiques de l’offre de soins

• En Thaïlande, un système de santé performant - Le rôle prépondérant de la monarchie

- La crise asiatique et l’essor du tourisme médical

- Vers une médecine à deux vitesses ?

• Au Laos, un système de soins en difficulté - 1975 : la santé publique comme secteur stratégique - Vers un désengagement progressif de l’état - Dysfonctionnements et inégalités territoriales

B/ Collaborations bilatérales

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INTRODUCTION

Suivant Claude Raffestin (1990), l’étude d’une frontière consiste, outre le fait de décrire et de

cartographier la discontinuité géographique, à « procéder à une recherche sur l’archéologie des

représentations » [p.302]. La référence de l’auteur à « l’archéologie » fait écho à « l’épaisseur » de la

frontière, résultat des différentes significations héritées de l’histoire « au gré des projets sociaux des

collectivités politiques ».

Dans cette optique, le rôle du chercheur est d’extraire la pluralité de sens prêtés à la frontière, dans le passé comme au présent, et d’en user comme d’un révélateur des comportements et des mentalités.

Les recours aux soins des Laotiens en Thaïlande, passages renouvelés au-dessus de l’actuel tracé frontalier, résultent d’enjeux et d’attentes propres à la période contemporaine. Néanmoins la lecture de ce phénomène passe aussi par un retour aux origines de la frontière, sa formation et la construction tant séparée que conjointe des deux Etats-nations.

L’objectif de cette partie est de présenter le contexte de production des recours transfrontaliers. Quels sont les facteurs qui, tant au Laos qu’en Thaïlande, concourent à l’apparition de ces itinéraires thérapeutiques ? Si la discontinuité géographique et sanitaire constitue objectivement le moteur des mobilités, le contexte relationnel - pris dans le temps long - et le système de représentations des populations riveraines du Mékong doivent aussi nous permettre de comprendre cette pratique. Comment les recours transfrontaliers sont-ils perçus et mis en parole par les patients concernés et plus généralement par les acteurs de la santé des deux pays ?

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CHAPITRE 1 : LA FRONTIERE : COUPURE –

COUTURE. LA CREATION DE DEUX ETATS

SOUVERAINS

L’espace frontalier lao-thaïlandais présente des spécificités sur plusieurs plans. Tout d’abord, les Laotiens et les Thaïlandais partagent un patrimoine culturel, linguistique et religieux – le bouddhisme - commun, témoignant de la grande proximité des populations situées sur les rives opposées du Mékong. Plus qu’une proximité de voisinage, les liens qui unissent les deux peuples

sont d’ordre filial, puisque « les ethnies dominantes en Thaïlande et au Laos partagent le même arbre

généalogique » [Pholsena & Banomyong 2004, p.69]. Si les membres de l’ethnie lao représente à

peine plus de la moitié des Laotiens3 avec environ 3,5 millions d’individus, on estime qu’ils sont

cinq fois plus nombreux côté thaïlandais avec environ 20 millions d’individus, la plupart

regroupés dans le Nord-Est du pays, appelé plus couramment la région Isan4.

Aussi l’espace frontalier lao-thaïlandais se caractérise par une géographie singulière. Vientiane, la capitale du Laos, se situe en effet sur les rives du Mékong à proximité de la frontière avec la Thaïlande. Cette position de capitale-frontière est peu courante, les zones frontalières étant le plus souvent éloignées des zones de pouvoir, voire marginalisées. En outre, une grande part de l’activité économique et commerciale du Laos se situe le long de l’axe frontalier, dans les villes secondaires du pays, Savannakhet et Pakse. Cette organisation particulière du territoire laotien, résultat de longs développements historiques, met en évidence un Etat-nation largement tourné vers son voisin thaïlandais.

Malgré ces liens de parenté et la contigüité géographique, on peut souvent lire au sujet des deux pays qu’ils sont « frères ennemis », soulignant par là le caractère ambivalent de leur relation,

entre proximité et extranéité. Tel « un jeu de miroirs déformants » [Ibid p.77], les représentations de

l’Autre s’inscrivent dans un mouvement d’attraction-répulsion né des vicissitudes de l’histoire et qui rend compte de la nature équivoque des liens tissés par delà le fleuve.

Ce premier chapitre retrace l’épisode de création de la frontière puis les périodes d’ouverture et de fermeture de la frontière lao-thaïlandaise, passant alternativement d’une fonction de coupure à une fonction de couture. Nous verrons néanmoins au fil du développement que ces deux états plus ou moins perméables de la frontière, antagonistes dans l’énoncé, se combinent parfois, donnant à l’espace frontalier toute sa dimension ambivalente et complexe.

3 Nous entendons par laotien les personnes de nationalité laotienne. 55% des Laotiens appartiennent à l’ethnie majoritaire lao tandis que les autres appartiennent à des minorités ethniques.

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I - De l’imbrication à la séparation : création de la