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III - Acteurs des réseaux, des réseaux d’acteurs

C

HAPITRE

8 :

DES LOGIQUES SOCIALES A L

ŒUVRE

:

RECOURS TRANSFRONTALIERS

ET RESEAUX SOCIAUX

... 241

I - Utilité de l’approche par les réseaux sociaux : transversalité

socio-géographique... 241

A/ Réseau social et capital social B/ Réseau social et territoire

II - Appui matériel, soutien moral ... 243

A/ Faire circuler l’information : la force du bouche à oreille

B/ Rendre le recours financièrement possible

C/ Accompagner le patient

D/ Le soutien moral ou comment légitimer le recours

III -Acteurs des réseaux, des réseaux d’acteurs ... 249

A/ Protagonistes de la diffusion au Laos

• Le statut des informateurs

- Des influences dominantes

- Le rôle des commerçants : pouvoir économique et position centrale dans les échanges

• Le rôle de la jeunesse laotienne

• Les farangs, les étrangers

B/ Protagonistes de la diffusion en Thaïlande

• Un réseau de relations par-delà la frontière

• Des réseaux de l’instantané

• La publicité : un impact relatif ?

C/ Protagonistes transnationaux

C

HAPITRE DE SYNTHESE

... 265

I - Apport de l’analyse multivariée ... 265

II - Solidarités réticulaires : conclusions socio-géographiques ... 270

• L’insertion sociale comme modérateur des inégalités de santé

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INTRODUCTION

L’étude des flux et de l’offre de soins dans différents couples frontaliers a mis en évidence la construction socio-territoriale des recours aux soins en Thaïlande. Mais en dépit de la grande hétérogénéité des zones frontalières étudiées, il est apparu que le facteur géographique, au sens classique, n’expliquait finalement que partiellement le phénomène.

L’analyse se tourne ainsi naturellement vers une approche plus sociale qui examine le rôle déterminant des facteurs culturels et socio-économiques dans la production des recours transfrontaliers. L’objet de cette troisième partie, dont l’analyse repose sur les données des enquêtes villageoises au Laos, est d’identifier les caractéristiques des patients transfrontaliers. Au-delà de la variété des situations socio-territoriales influant sur les formes et les volumes des recours en Thaïlande, existe-t-il des déterminants individuels et sociaux qui sont communs à l’ensemble des patients itinérants ? Il s’agit donc de nous affranchir des effets de contexte pour concentrer l’analyse sur les facteurs individuels et sociaux des recours.

Le développement s’organise en deux chapitres. Dans un premier temps, les déterminants individuels des patients transfrontaliers seront étudiés, comprenant aussi bien des caractéristiques propres à la personne (âge, sexe) que des éléments pris à l’échelle du ménage (revenus, profession du chef de ménage, etc.). Dans un second temps, nous aborderons les déterminants sociaux des recours transfrontaliers et plus particulièrement la question des réseaux sociaux et de leur implication dans la mise en œuvre des mobilités transfrontalières.

Cependant avant d’entrer dans le cœur du développement, il nous paraît important d’introduire

la notion de capital. Celle-ci guide en effet l’ensemble de notre réflexion sur les déterminants des

recours et il convient d’expliquer les raisons qui ont conduit à ce choix. Nous présenterons ensuite brièvement la méthode qui a été adoptée pour mener les analyses.

•••• Recours aux soins et inégalités : une approche par le capital

Si l’âge, le sexe, le niveau de revenus, le niveau d’éducation, la profession, la connaissance du système de soins constituent les déterminants du recours aux soins les plus classiquement étudiés, nous nous sommes interrogés sur la meilleure hiérarchisation possible de ces différents éléments, afin d’éviter l’effet catalogue de données.

Les recours transfrontaliers constituent une réponse aux insuffisances du système de soins laotien, cependant tous les habitants des bordures frontalières n’ont pas les moyens (financiers, culturels, etc.) de se soigner en Thaïlande et d’atteindre par là un meilleur état de santé. La

question des inégalités sociales de santé, « la manière dont les inégalités produites par les sociétés

s'expriment dans les corps, dont le social se transcrit dans le biologique » [Fassin et al. 2000], est donc au cœur des recours transfrontaliers, en considérant cette pratique comme le moyen pour un

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certain nombre de Laotiens de recouvrer la santé. C’est donc sous l’angle des inégalités que nous choisissons d’aborder la question des déterminants.

Or « pour traiter de la question des inégalités sociales, on se réfère fréquemment au capital dont disposent les

individus et par extension les groupes sociaux qu’ils constituent » [Hérin 2003 p.8]. Décliné sous sa forme

économique, culturelle, sociale et même spatiale, cette notion de capital suggère « l’idée d’une

dotation inégale des différents membres d’une société en ressources utilisables pour produire de nouveaux biens » et

s’appuie « sur l’idée caractéristique […] de la pensée utilitariste selon laquelle l’individu utilise les moyens dont

il dispose pour obtenir le maximum de résultats conformes à ses désirs » [Levy & Lussault 2003, p.124]. Le recours aux soins, imposé par un besoin de soins précis à un moment particulier, découle néanmoins d’un processus décisionnel lui-même influencé par la condition du patient et de ses

proches. « Les parcours de soins sont différenciés, plus ou moins ramifiés et de durées variables, selon les

caractéristiques de l’offre disponible et les capacités des patients à se saisir de cette offre. En fonctionde leur capital économique, social, culturel, les patients n’ont en effet pas les mêmes capacités à se mouvoir dans le système de soins » [Fleuret & Séchet 2004,p. 10].

Figure 39 - Le recours aux soins vu à travers la notion de capital

Outre ses caractéristiques démographiques, un individu est donc doté d’un ou plusieurs capitaux qui, seul ou en interaction, lui permettent d’appréhender de multiples manières son quotidien, guident ses comportements et dans le cadre des soins peuvent le conduire à aller dans tel hôpital plutôt que tel autre. Si certaines personnes cumulent tous les capitaux, d’autres n’en ont pas ou peu et il sera intéressant d’appréhender comment ces différences se répercutent sur la pratique transfrontalière. En outre, nous tâcherons de déterminer si une forme de capital prime sur les autres et si tel est le cas, cet équilibre des forces est-il semblable entre les différents espaces frontaliers ou observe-t-on des agencements originaux selon le couple frontalier considéré ? On peut par exemple supposer que si le niveau de revenus constitue un facteur clef des mobilités des citadins, il n’intervient pas de manière aussi déterminante pour les mobilités des ruraux. La notion de capital est donc une notion assez souple qui, par un principe cumulatif, permet plusieurs entrées dans les processus de recours en Thaïlande et n’exclut aucune piste d’analyse.

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A travers cette notion, on aborde directement la question des inégalités de santé, transposition dans le champ des soins des inégalités sociales.

•••• Méthodologie : de l’analyse bivariée à l’approche multivariée

Pour établir s’il existe un lien entre le capital culturel, économique, spatial et social des individus

et les recours transfrontaliers, nous avons réalisé une série de test de χ2 d’indépendance (que

nous noterons khi² par commodité). Ce test permet d’établir s’il existe ou non une liaison entre deux variables qualitatives, à la condition que les effectifs théoriques soient supérieurs ou égaux à 5.

Les différents indicateurs, dont nous émettons l’hypothèse qu’ils influent sur la production des recours en Thaïlande, sont ainsi étudiés un à un, l’intérêt étant de relever les similarités et les différences entre les couples frontaliers et à terme de comparer les variables entre elles. L’analyse bivariée permet donc de décomposer les différentes dimensions influant sur la pratique transfrontalière, toutefois connaissant la nature multifactorielle du recours aux soins, il conviendra de résumer dans un chapitre de synthèse l’ensemble des informations obtenues par l’usage de méthodes d’analyse multivariée.

Les analyses multivariées surmontent les limites des analyses bivariées puisqu’elles prennent en compte simultanément l’ensemble des variables entrant dans les modèles explicatifs et permettent de quantifier le rôle exact de chaque variable.

Au regard des données à disposition, nous avons choisi de fait la méthode de régression

logistique. « L’analyse de régression est une technique statistique permettant d’établir une relation entre une

variable dépendante (ici le recours transfrontalier) et des variables explicatives afin d’étudier les associations et de faire des prévisions » [Taffé 2004 p.1]. On parle de régression logistique « lorsque la variable dépendante n’est pas quantitative mais qualitative ou catégorielle […] c'est-à-dire qu’elle prend comme valeur un attribut et non pas une valeur numérique » [Ibid].

Le principe de la régression logistique est de comparer des ‘cas’, ici les patients transfrontaliers à des ‘témoins’, en l’occurrence l’ensemble des personnes enquêtées. Les variables explicatives seront transformées en catégories et pour chacune d’entre elles, on choisit une catégorie de

référence, à partir de laquelle est calculé l’odds ratio (OR) ou rapport de cotes en français « qui

quantifie la force de l’association entre la survenue d’un événement […] et les facteurs susceptibles de l’influencer » [Aminot et Damon 2002, p.1].

Les deux analyses, bivariées et multivariées, seront par ailleurs nourries de l’apport du qualitatif et de la parole des patients, qui permettent de donner vie au matériau statistique et constituent même à nos yeux le moyen le plus pertinent de rendre compte de la pratique transfrontalière.

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CHAPITRE 7 : LES RECOURS TRANSFRONTALIERS,