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D/ Les facteurs du choix du lieu d’accueil.

Le choix du lieu d’accueil en Thaïlande dépend de facteurs variés et combinés. Trois d’entre eux sont abordés dans le développement qui suit : la nature de la pathologie qui affecte le patient (1), les transferts médicaux (2) et le choix personnel du patient (3).

•••• La maladie

On suppose que la pathologie de recours, sa nature, sa gravité et son urgence, constitue un facteur essentiel de désignation de la structure d’accueil.

Ainsi dans le cas de pathologies aigües et/ou à caractère urgent, l’orientation des patients transfrontaliers se porterait de préférence vers une offre de soins en bordure de la frontière, là où l’accessibilité est la plus aisée et la plus rapide. A l’inverse, la recherche d’un traitement spécifique ou d’équipements médicaux sophistiqués pour soigner des pathologies sévères, chroniques ou rares conduirait les patients laotiens concernés vers des hôpitaux hautement spécialisés. Or ces centres de soins se situent en règle générale plutôt dans des villes de grande taille telles que Khon Kaen, Chiang Rai, Chiang Mai ou Ubon Ratchatani, toutes situées loin de la frontière.

La consultation des registres des structures publiques thaïlandaises, et qui mentionnent les diagnostics relevés par les médecins, nous permettent de vérifier cette hypothèse. Les registres de cinq structures de soins réparties dans trois zones frontalières distinctes ont été sélectionnés: Chiang Khong, Chiang Rai, Nong Khai, Khon Kaen et Ubon Ratchatani.

En ce qui concerne la méthode, il convient de préciser qu’après un examen général des pathologies de recours dans chacune de ces structures pour l’année 2004, nous avons conduit une double analyse comparative entre les hôpitaux de Nong Khai et de Khon Kaen, et de Chiang Khong et Chiang Rai, dans le but de vérifier l’existence d’une association entre les pathologies traitées et la distance des structures à la frontière.

Concernant l’exploitation des informations, à partir des diagnostics suffisamment précis, nous

avons établi des regroupements par grandes familles de pathologies sur le modèle de la 10ème

Classification Internationale des Maladies.

La figure présentée ci-dessous synthétise pour chacune des cinq structures publiques étudiées, les trois premiers motifs de recours en consultation externe et sous le régime de l’hospitalisation. Des tableaux détaillés englobant l’ensemble des causes de recours échelonnés sur plusieurs années sont présentés en annexe 10.

Figure 36 – Les principaux motifs de recours des Laotiens en Thaïlande en 2004 : une hétérogénéité de profils pathologiques en fonction des structures de soins visitées

De manière générale, on observe une grande variété de causes de recours d’une structure frontalière à l’autre avec néanmoins l’émergence de quelques traits communs.

Les recours liés aux accidents domestiques et aux accidents de la route (lésions traumatiques, empoisonnements et autres causes externes de morbidité) représentent une large part du total des hospitalisations dans l’ensemble des hôpitaux (de 9 à 16%). Ainsi, malgré la distance qui sépare les Laotiens des premières structures de soins thaïlandaises, obstacle évident au moment d’une urgence sanitaire, certains accidentés (ou leurs proches) optent toutefois pour les hôpitaux voisins quitte à risquer leur vie durant le temps de parcours, signe fort de la désaffection de ces derniers pour leur système de soins national.

Les recours liés à la grossesse et à l’accouchement apparaissent en première position des séjours hospitaliers dans les hôpitaux frontaliers de Chiang Khong (27%) et de Nong Khai (36%), ils sont relativement moins fréquents dans les hôpitaux d’Ubon Ratchatani et de Chiang Rai (12%

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et 13% des hospitalisations). Il convient de préciser que les accouchements ne sont pas motivés par l’obtention de la nationalité thaïlandaise, le droit du sang étant en vigueur en Thaïlande. Les Laotiennes qui partent accoucher dans le pays voisin, le font donc uniquement en vue d’une bonne prise en charge pour elles-mêmes et leur enfant.

Concernant les consultations externes, on remarque que les demandes de soins liées à l’appareil digestif, l’appareil respiratoire et l’appareil génito-urinaire (toutes hors cancer) sont fréquents dans l’ensemble des hôpitaux étudiés.

En sus de ces motifs de recours communs aux différentes structures, des spécificités locales apparaissent, en fonction des caractéristiques propres aux populations laotiennes vivant dans tel ou tel couple frontalier.

A Chiang Khong [B], 15,5% des hospitalisations sont motivées par des maladies parasitaires et infectieuses, dont près de 40% concernent des diarrhées et des gastroentérites d’origine infectieuse. Les autres sources d’infection sont la dengue hémorragique, la fièvre typhoïde et la tuberculose. On en déduit la persistance de maladies parasitaires et infectieuses dans les territoires ruraux laotiens en marge des villes et c’est précisément cet aspect des recours transfrontaliers qui inquiète ponctuellement les autorités sanitaires thaïlandaises. Celles-ci craignent en effet la diffusion rapide de ces maladies transportées par des patients transfrontaliers, car bien qu’elles existent toujours sur le sol thaïlandais, elles sont néanmoins relativement bien maîtrisées à travers des campagnes de prévention comme dans le cas de la dengue par exemple. Leur réintroduction via les mobilités des populations limitrophes donne l’image d’une frontière qui n’agit non pas comme une protection mais devient au contraire une menace propre à mettre en péril les efforts de la nation thaïlandaise. La discontinuité sanitaire, entendue ici comme la capacité différenciée des états à organiser la prévention des risques sanitaires, est forte et, avec la perméabilité de la frontière, peut apparaître comme un danger. La question du VIH/sida s’inscrit directement dans cette problématique et on a vu que la littérature sur ce sujet le long de la frontière lao-thaïlandaise était considérable (cf. partie 1). Toutefois à Chiang Khong comme dans l’ensemble des structures visitées, aucune information sur le nombre de patients laotiens atteints du virus et soignés en Thaïlande n’a été obtenue. Cette question sensible aurait nécessité, pour pouvoir être approfondie, une démarche spécifique auprès de nos interlocuteurs dans les hôpitaux ainsi que d’obtenir des autorisations particulières auprès du Ministère de la Santé thaïlandais. Sans statistique à l’appui, on peut néanmoins affirmer que des Laotiens recourent à des traitements (de type trithérapie) en Thaïlande et une intervenante d’un programme de prévention de l’ONG Siam Care à Mukdahan nous a révélé que l’hôpital provincial traitait à leur propre frais des habitants de Savannakhet où un programme de Médecins Sans Frontière (aujourd’hui fermé) pouvait pourtant les prendre en charge gratuitement ; dans le cas de ces patients, le recours transfrontalier est choisi précisément dans le but de garder le secret de la maladie et réduire par là les risques de stigmatisation au sein de leur environnement proche.

A Chiang Rai [A], une consultation externe sur cinq concerne des migrants laotiens qui viennent passer un examen médical à l’hôpital régional en vue d’obtenir un certificat de travail et accéder

à un emploi en Thaïlande72. Cette information sanitaire met l’accent sur l’importance des

migrations de travail de la province de Houayxay au Laos vers la province de Chiang Rai en Thaïlande. Les deux provinces entretiennent historiquement des liens forts et ont aujourd’hui des intérêts économiques partagés : d’un côté, le besoin de main d’œuvre peu qualifiée et de

72 Les hommes travaillent dans l’industrie lourde et la construction. Certains travaillent aussi sur des bateaux de pêche ou dans des plantations. Concernant les femmes, celles-ci trouvent des emplois dans des usines ou dans les services comme la restauration, l’hôtellerie, les bars ; beaucoup d’entre elles travaillent aussi comme employé de maison. [Bertrand 2007]

l’autre côté, le besoin pour les populations tournées exclusivement vers les travaux agricoles de trouver un emploi rémunérateur au moment de la saison creuse.

A Nong Khai [C], 15% des consultations externes et 36% des séjours passés à l’hôpital provincial concernent les grossesses et les accouchements : sous cette appellation sont compris les tests de grossesse, les suivis prénataux, les accouchements avec ou sans hospitalisation, les examens post-partum et autres complications. Ces fortes proportions mettent l’accent sur la transformation des comportements autour de l’enfantement au sein de la jeune génération de femmes vivant à Vientiane. Un groupe de discussion organisé avec des jeunes femmes de la capitale confirme cette tendance, liée tant à la recherche d’un service confortable que d’un environnement thérapeutique sécurisant. Nous développerons les changements de mentalité et de pratiques en lien avec la grossesse et l’accouchement ultérieurement. Les questions des méthodes de contraception, de stérilisation ne peuvent pas être abordées faute d’information précise dans les registres mais il est très vraisemblable que certains recours transfrontaliers soient réalisés dans ce cadre ; il serait intéressant d’approfondir ce sujet en lien avec l’influence culturelle thaïlandaise grandissante et qui modèle peu à peu les jeunes Laotiennes dans leurs tenues vestimentaires et certains comportements sociaux : ce mimétisme trouve-t-il un

prolongement dans le champ de la santé ? Enfin concernant les avortements73, leur caractère

illégal tant au Laos qu’en Thaïlande guide les patientes vers des structures cachées ce qui a rendu la collecte d’information sur la question très difficile.

Les lésions traumatiques représentent la deuxième cause d’hospitalisation des Laotiens à Nong Khai, ce qui met directement l’accent sur l’importance des accidents de la route à Vientiane. L’étude menée par Jérémy Ferrand montre en effet qu’ils sont étonnamment élevés dans la

capitale, si petite soit-elle : « entre 1990 et 2004, dans la Préfecture de Vientiane74, le nombre de véhicules75

a été multiplié par 4, le nombre d’accident par 5, le nombre de décès par 3,8. En moyenne depuis 1990, le nombre d’accidents a augmenté de 14% par an, le nombre de blessés de 13% par an et le nombre de décès de

12% par an. » [Ferrand 2005, p.31]. Dans ce contexte et sachant que les services d’urgence de

Vientiane ont des limites en matière d’équipement, de compétence humaines et ferment parfois la nuit ou durant les week-ends, il n’est pas étonnant que certains patients (ou leur proches quand celui-ci est inconscient) décident d’aller directement en Thaïlande en cas d’accident. Cette question des accidents de la route est intéressante puisqu’elle illustre le décalage entre d’un côté les bouleversements que traverse la société urbaine laotienne et de l’autre l’incapacité du système de soins à prendre en charge ces nouveaux maux qui trouvent finalement une réponse en Thaïlande.

Enfin concernant les consultations externes à Nong Khai, les maladies endocriniennes, nutritionnelles et métaboliques apparaissent en seconde position (9%). Elles se partagent à égalité entre des problèmes liés au diabète (48%) et des problèmes liés à la thyroïde (47%). Initialement maladie des pays riches, le diabète (de type 2) touche aujourd’hui les citadins laotiens et en premier lieu les habitants de la capitale. D’après l’enquête de santé menée dans les 27 villages de Vientiane, la prévalence brute de diabète calculée auprès des adultes âgés de plus de 35 ans est de 9,3% [Vallée 2008, p.175]. Cette prévalence élevée explique donc l’importance des consultations liées aux maladies nutritionnelles et métaboliques au sein de l’hôpital provincial de Nong Khai.

L’hôpital universitaire de Khon Kaen [D] se distingue très nettement des autres structures de soins s’agissant des causes de recours des patients laotiens. En effet, pour les consultations externes comme pour les hospitalisations, les recours liés aux cancers et aux tumeurs malignes arrivent largement dans les premiers motifs de recours (respectivement 22% et 42%). Maladie

73 L’avortement est une pratique illégale au Laos comme en Thaïlande.

74 Ancien nom pour désigner la province Capitale de Vientiane

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grave et qui engage le pronostic vital, le cancer76 nécessite à la fois une compétence et des

moyens qu’un hôpital de district ou même de rang provincial n’a pas. Cela explique la concentration des recours concernant le cancer au sein du plus grand hôpital universitaire de la région Isan. On observe aussi que des recours liés aux maladies de l’œil (8% des consultations externes) ainsi qu’à des malformations congénitales et anomalies chromosomiques (7% des hospitalisations) apparaissent parmi les trois premières causes de recours à Khon Kaen. L’hôpital universitaire se caractérise donc par la particularité des pathologies traitées en lien avec les spécialités médicales disponibles sur place ; il est vraisemblable aussi que l’hôpital soit connu pour ces prises en charge spécifique, le bouche à oreille guidant ainsi les malades vers l’établissement en question.

Enfin l’hôpital universitaire Sappasit à Ubon Ratchatani [E] apparaît comme une structure mixte puisqu’elle accueille aussi bien des patients atteints de problèmes aigus et à traiter dans l’urgence (accidents domestiques ou de la route et accouchements) que des patients atteints de cancer. Bien que nous ne disposions pas des données diagnostics de l’hôpital Sirindhorn situé plus à proximité de la frontière, il semblerait que ce dernier soit doté d’équipements insuffisants pour prendre en charge des pathologies très graves. Cela expliquerait ainsi la diversité des pathologies dont souffrent les patients laotiens soignés à l’hôpital Sappasit.

Les motifs de recours reflètent donc les différents contextes urbains et ruraux dans lesquels vivent les populations frontalières. Tandis que les Laotiens soignés à Chiang Khong présentent des maladies parasitaires et infectieuses, les Vientiannais consultent eux pour l’hypertension et le diabète, maladies dites de pays développés. Le profil pathologique des consultants constitue donc un bon révélateur des inégalités présentes au sein du territoire laotien.

L’influence de la proximité et de la capacité de l’hôpital à soigner telle ou telle pathologie est vérifiée par le test d’indépendance, dont les résultats apparaissent dans les deux tableaux ci-dessous

Tableau 10 – Comparaison de la distribution des motifs de recours entre l’hôpital provincial de Nong Khai et l’hôpital universitaire de Khon Kaen ainsi qu’entre l’hôpital de district de Chiang Khong et l’hôpital régional de Chiang Rai (2004)

76 L’appellation cancer comporte en réalité plusieurs types de maladies elles-mêmes déterminées par des facteurs de risque d’origine variée : infectieux (cancer du col de l’utérus, cancer du foie, leucémie), lié aux modes de vie (cancer des poumons) ou encore d’origine indéterminée (cancer du sein).

Source : registres hospitaliers, Thaïlande

Ainsi les hôpitaux limitrophes du Laos (ici Nong Khai et Chiang Khong) prennent en charge des patients atteints de pathologies relativement courantes et/ou faciles à traiter ainsi que ceux atteints de problèmes à caractère urgent et pour lesquels la question du temps apparaît comme vitale. Les hôpitaux situés en dehors des confins du territoire thaïlandais prennent en charge des malades atteints de troubles plus rares et/ou plus complexes à soigner. Dans ce cas, la question de la distance-temps n’est plus capitale, c’est plutôt la recherche du traitement adapté qui est essentielle.

La maladie dont souffrent les patients transfrontaliers, constitue donc un facteur déterminant des distances parcourues en Thaïlande. Celles-ci sont aussi fonction de la structuration territoriale de la Thaïlande, de la position périphérique des capitales provinciales et au contraire de la position plus intérieure des capitales régionales qui abritent les grands établissements de soins.

Néanmoins d’autres facteurs sont susceptibles d’expliquer les variations observées entre proximité et éloignement.

•••• Le jeu des transferts médicaux

Si certains Laotiens, de part leur bonne connaissance du système de soins thaïlandais, se rendent directement dans les structures d’accueil adaptées à leur pathologie, d’autres moins renseignés y parviennent suite à un ou plusieurs transferts médicaux effectués entre les hôpitaux thaïlandais, qu’ils soient publics ou privés.

Une jeune femme du village de Kokluang : le jour de son accouchement, elle a fait venir à son

domicile la sage-femme traditionnelle qui est aussi la volontaire de santé du village. Celle-ci remarque que l’enfant n’est pas dans une position normale et lui conseille d’aller accoucher en Thaïlande, plus précisément à Wiang Kaen. Elle traverse alors le Mékong avec son mari et sa mère. Une fois arrivée à l’hôpital, le médecin thaïlandais fait une échographie et constate la position anormale de l’enfant. Il lui explique que l’hôpital n’a pas le matériel adapté pour qu’elle puisse accoucher en toute sécurité sur place et lui

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remet une lettre par laquelle il l’adresse aux médecins de l’hôpital régional de Chiang Rai. Elle s’y rend en ambulance accompagnée de son mari où elle accouche enfin.

Un villageois de Dongchik : en décembre 2006, cet homme d’une soixantaine d’années a été

pris d’une toux chronique, source de grande fatigue et d’insomnies nocturnes. Après un mois de démarches au Laos et plusieurs recours inutiles à l’hôpital de district, l’hôpital provincial et une clinique de Pakse, sa fille décide de le conduire à l’hôpital de Sirindhorn où les médecins thaïlandais diagnostiquent une bronchite à un stade critique. Au bout de deux jours, son état préoccupant ne s’améliorant pas, le médecin suggère de le véhiculer à l’hôpital provincial d’Ubon Ratchatani. Il est transféré le jour-même par ambulance. La reconstitution des itinéraires des patients a ainsi révélé que l’allongement des parcours peut souvent être attribué à des transferts inter-hospitaliers dans le cadre d’une organisation pyramidale des soins. Une fois la frontière traversée, les Laotiens intègrent l’organisation des structures thaïlandaises au même titre que les patients nationaux et bénéficient de ces transferts quand leur état de santé l’impose. Une assistante sociale de l’hôpital régional de Chiang Rai souligne ainsi le rôle joué par l’hôpital de district de Chiang Khong :

− « c’est un bon système hospitalier, il nous aide à filtrer les patients laotiens ».

Beaucoup des patients n’avaient ainsi pas prévu de suivre un itinéraire les éloignant autant de leur domicile car ces transferts n’existent pas au Laos. Lorsqu’un médecin laotien recommande de recourir dans telle ou telle structure, son implication s’arrête souvent à la formulation du conseil. Le patient décide ensuite lui-même de suivre ou non la suggestion du médecin. Les patients transfrontaliers, surpris de leur transfert, sont satisfaits de l’efficacité de la prise en charge. De manière pratique, le fait d’être en possession d’un document médical l’introduisant auprès d’un autre médecin, rassure le patient dans la mesure où il n’a pas à expliquer à nouveau ses symptômes et où il partage la responsabilité du recours.

− « c’est bien quand le premier médecin fait une lettre pour le second comme çà, tout est écrit, on n’a pas

besoin de répéter » (jeune femme de Kokluang ayant accouché à Chiang Rai, citée plus haut)

Finalement le principe de proximité reste d’usage et c’est le jeu des transferts qui conduit les patients à recourir dans des structures lointaines.

Les structures de soins situées près de la frontière captent ainsi l’essentiel des recours initiés au Laos et si elles constituent un point de chute pour la majorité des patients transfrontaliers, elles jouent aussi le rôle de relais vers des structures plus éloignées.

•••• Des raisons psychologiques

Parmi les patients qui se rendent spontanément dans une structure thaïlandaise éloignée de la frontière, certains sont animés par une recherche de distinction sociale. Ils affichent leur appartenance à une classe favorisée qui a une connaissance fine de l’offre de soins thaïlandaise et qui n’est pas arrêtée par le coût d’un déplacement éloigné. Tandis que près des deux-tiers des Vientiannais traités en Thaïlande consultent dans un hôpital ou une clinique de Nong Khai, certains émettent le besoin de se démarquer. Prolonger le recours plus loin, là où peu de Laotiens s’aventurent, constitue finalement une manière de se différencier du flot de patients transfrontaliers.

Cet aspect est illustré par le cas de Monsieur J., qui est un commerçant laotien d’origine

vietnamienne, dont le magasin se situe à proximité du Talat Sao77, centre d’échanges de

Vientiane. Ce dernier se rend quatre fois par an à l’hôpital privé de Khon Kaen Ram pour contrôler son hypertension et son cholestérol. S’il se comprend qu’une personne parcourt de longues distances à la recherche de soins spécialisés ou d’un médecin de renom, il est surprenant qu’elle fasse un long trajet pour un motif médical relativement courant et facile à traiter, comme