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B. En droit pénal 1. La culpabilité

IX. La pluralité de responsables A. En droit civil

1. La participation principale et accessoire à l’infraction intentionnelle

L’intervention de plus d’un protagoniste dans la perpétration d’une infrac-tion inteninfrac-tionnelle fait l’objet d’une réglementainfrac-tion différenciée, qui oppose la participation principale à la participation accessoire. La première, à laquelle le code pénal ne consacre aucune disposition générale parce qu’une interpré-tation extensive des termes « celui qui » ou « quiconque » figurant générale-ment en tête des incriminations de la partie spéciale suffit à l’appréhender, recouvre les institutions de l’activité médiate et de la coactivité. La seconde, qui regroupe l’instigation (art. 24 CP) et la complicité (art. 25 CP), connaît en revanche une codification, indispensable pour sanctionner des contribu-tions plus marginales à l’infraction considérée. La participation principale est caractérisée par l’existence d’une maîtrise des opérations (Tatherrschaft) qui manque au participant accessoire.

L’activité médiate255 met en scène deux personnes, l’auteur médiat et son instrument humain, celui-ci commettant l’infraction voulue par celui-là sous l’emprise d’une manipulation. La maîtrise des opérations qu’exerce l’auteur médiat sur l’instrument humain peut être volitive, cognitive ou combiner ces

252 Werro (note 11), p. 455.

253 ATF 115 II 24.

254 Widmer / Wessner (note 1), p. 172.

255 Sur l’ensemble de la question, voir Sträuli Bernhard, in : Robert Roth / Laurent Moreillon (éd.), Commentaire romand, Code pénal I, Art. 1-110 CP, Bâle 2009, Intro aux art. 24 à 27 CP, nos 32-75.

deux facteurs. Il y a maîtrise volitive des opérations lorsque l’auteur médiat engage la contrainte psychique (art. 181 CP) envers son instrument humain – alors justifié par l’état de nécessité justificative (art. 17 CP ; supra VI B 2) ou du moins absout par l’excès absolutoire de nécessité justificative (art. 18 al. 2 CP ; supra VII B 2) – pour l’amener à violer la loi pénale, par exemple si A menace B de la défigurer d’un coup de rasoir (cf. art. 122 al. 2 in fine CP) si elle refuse d’injurier Z par téléphone (art. 177 al. 1 CP, couvert par l’art. 17 CP en ce qui concerne B) ou d’éborgner Y avec un poinçon (art. 122 al. 2 hypo. 3 CP, couvert par l’art. 18 al. 2 CP en ce qui concerne B). Une maîtrise cognitive des opérations est donnée lorsque l’auteur médiat suscite une erreur ou exploite une erreur préexistante dans l’esprit de l’instrument humain, cette erreur pouvant porter sur les éléments objectifs de la typicité (supra IV B 2) et exclure l’intention (art. 13 al. 1 CP ; cf. supra IV B 3 a) ou alors sur l’illicéité et exclure la culpabilité (art. 21 phr. 1 CP ; supra VII B 2), par exemple si C invite D à viser la tête de X et appuyer sur la détente en lui faisant croire que son pistolet n’est pas chargé (meurtre selon l’art. 111 CP s’agissant de C ; cas échéant, homi-cide par négligence selon l’art. 117 CP s’agissant de D), respectivement si le restaurateur E pousse son apprenti F à refuser de servir un client de couleur en lui faisant croire qu’un tel comportement n’est pas constitutif de discri-mination raciale (art. 261bis al. 5 CP, dont E sera reconnu coupable, mais dont F sera absous). Dans la configuration d’une maîtrise cognitive et/ou volitive des opérations, l’auteur médiat utilise un instrument humain irresponsable parce qu’âgé de moins de 10 ans (art. 3 al. 1 DPMin) ou affecté d’un grave trouble mental (art. 19 al. 1 CP), tous deux étant privés de la faculté d’appré-cier le caractère illicite de leur acte et/ou de celle de se déterminer d’après cette appréciation (supra VII B 2), par exemple si G ordonne à son fils H de 8 ans ou au malade mental J de crever les pneus de la voiture de W (dom-mage à la propriété selon l’art. 144 al. 1 CP, dont G sera reconnu coupable, mais dont H et J seront absous). On relèvera encore que l’activité médiate peut également consister dans la manipulation de l’instrument à son propre préju-dice, notamment si C précité amène D précité à se tirer une balle dans la tête (et accomplir en ce qui le concerne un acte atypique puisque le suicide est pénalement indifférent).

La coactivité256 est la transposition dans le domaine de la délinquance d’un principe cardinal de la vie économique (licite), celui de la maximisa-tion du rendement par une saine division du travail. Parce qu’il fournit une contribution essentielle à la perpétration de l’infraction convenue, chaque coauteur exerce une maîtrise fonctionnelle des opérations. Cette dernière est présente à l’évidence lorsque les comparses accomplissent chacun l’une des

256 Sur l’ensemble de la question, voir Sträuli (note 255), Intro aux art. 24 à 27 CP, nos 81-109.

actions incriminées par la norme pénale : si A s’empare du portefeuille de Z (et commet de la sorte un vol en soustrayant une chose mobilière appartenant à autrui, au sens de l’art. 139 ch. 1 CP) pendant que B tient la victime en res-pect au moyen d’un revolver factice (et menace de la sorte une personne d’un danger imminent pour la vie ou l’intégrité corporelle), ils sont les coauteurs d’un brigandage (art. 140 ch. 1 al. 1 CP). La coactivité peut cependant aussi résider dans la fourniture d’une autre contribution essentielle, par exemple si C dépose D devant la bijouterie qu’ils ont décidé de dévaliser, attend au volant pendant que D neutralise la vendeuse et empoche le contenu des vi-trines d’exposition, puis démarre en trombe une fois son acolyte remonté à bord du véhicule ; si C est l’auteur (direct) du brigandage parce qu’il réalise tous les éléments objectifs et subjectifs de la typicité (art. 140 ch. 1 al. 1 CP ; supra IV B 2, 3 a), D en est le coauteur car sa prestation, au gré d’une apprécia-tion ex ante, s’avère déterminante pour la réussite de l’entreprise.

Aux termes de l’article 24 al. 1 CP, l’instigation257 est définie comme le fait de décider intentionnellement autrui à commettre (intentionnellement) un crime (art. 10 al. 2 CP), un délit (art. 10 al. 3 CP) ou (art. 104 CP) une contra-vention (art. 103 CP). Les moyens engagés pour déterminer l’auteur (direct) sont en principe indifférents et s’entendent notamment de la contrainte, d’un ordre, d’une sommation, d’une invitation, d’une prière ou d’une simple demande258. Il n’est pas nécessaire que l’instigateur vainque une résistance chez l’instigué ; l’idée de l’infraction peut d’ailleurs provenir de celui-ci, auquel celui-là donnera ensuite son « feu vert »259. L’instigation est réputée consommée dès l’instant où l’auteur direct a au moins commencé l’exécu-tion de l’infracl’exécu-tion considérée, au sens de l’article 22 al. 1 CP sur la tentative (condition dite d’accessoriété réelle), sans pouvoir bénéficier d’un motif justi-ficatif (condition dite d’accessoriété limitée ; cf. supra VI B 2-3) ; à défaut, il n’y aura au mieux qu’une tentative d’instigation, punissable exclusivement si elle se rapporte à un crime (art. 24 al. 2 CP).

La complicité (art. 25 CP)260, qui permet d’appréhender des contributions insuffisamment essentielles pour relever de la coactivité, réside dans le fait de prêter intentionnellement assistance à la perpétration (intentionnelle) d’un crime (art. 10 al. 2 CP), d’un délit (art. 10 al. 3 CP) ou d’une contravention (art. 103 CP) ; dans ce dernier cas, toutefois, la loi doit prévoir expressément la punissabilité (art. 105 al. 2 CP ; cf. art. 150bis al. 2, art. 293 al. 2, art. 329 ch. 1 CP ; art. 98a al. 1 let. b LCR). L’assistance prêtée peut être physique ou psychique :

257 Sur l’ensemble de la question, voir Sträuli (note 255), Art. 24 nos 1-40.

258 Cf. ATF 127 IV 122 c. 2b/aa, en partie désavoué par CourEDH, arrêt no 77551/01 du 25.4.2006 dans la cause Dammann c/ Suisse, c. 49-58.

259 ATF 116 IV 1 c. 3c-d.

260 Sur l’ensemble de la question, voir Sträuli (note 255), Art. 25 nos 1-37.

dans la première configuration, elle prendra par exemple la forme de la re-mise à l’auteur direct de l’instrument de la commission de son infraction261 ; dans la seconde, le complice devra faire davantage qu’approuver le projet de l’auteur direct et notamment entretenir ou fortifier la résolution délictueuse de celui-ci262. Les exigences précitées d’accessoriété réelle et d’accessoriété limitée valent également pour la complicité, étant précisé que la tentative de complicité est en toute hypothèse impunissable.