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B. En droit pénal

VI. L’illicéité A. En droit civil

3. Les motifs justificatifs extra-légaux

Pour les auteurs qui le distinguent de l’accord de l’ayant droit (supra IV B 4), le consentement de l’ayant droit est le motif justificatif extra-légal par excel-lence. Son fondement coutumier est incontesté. Ses conditions d’application ont été détaillées précédemment (ibidem).

186 Cf. les intitulés des titres 1 à 5 de la partie spéciale du code pénal, chapeautant les art. 111 à 200 CP.

187 Sur l’ensemble de la question, voir Donatsch / Tag (note 88), p. 224-236 ; Stratenwerth (note 33), § 10 nos 66-83.

188 Cf. supra note 186.

189 Sur l’ensemble de la question, voir Donatsch / Tag (note 88), p. 238-248 ; Stratenwerth (note 33), § 10 nos 36-52.

190 Graven (note 110), p. 123.

Lorsque l’accord (ou le consentement) de l’ayant droit est impossible à obtenir à temps, une exclusion de la typicité (ou de l’illicéité) se heurtant alors à l’absence de manifestation extérieure de l’approbation de l’intéressé (supra IV B 4), la pratique191 ouvre la voie à une justification – et à elle seule, les avis sont ici unanimes – par le consentement présumé. Une partie de la doc-trine rapproche l’institution de la gestion d’affaires et pose la double exigence d’une intervention conforme « aux intérêts et aux intentions présumables du maître » (art. 419 CO). D’autres auteurs192 se satisfont du second élément, à juste titre : d’une part, l’ayant droit peut en principe valablement renoncer à un bien juridique dont il est le titulaire et prendre une décision objective-ment contraire à ses intérêts ; d’autre part, une volonté déduite des circons-tances n’apparaît pas moins respectable qu’une détermination expresse. Afin d’identifier l’intention présumable de l’ayant droit, il s’agira de prendre en considération ses préférences personnelles, ses souhaits, ses besoins et sa propre échelle des valeurs, étant précisé que des conceptions marginales ou même déraisonnables aux yeux d’un tiers observateur moyen doivent être respectées. A défaut d’indices de cet ordre ou en présence de doutes sur la volonté que l’ayant droit aurait exprimée, mais alors seulement, il est légitime de déduire l’intention présumable du « lésé » de son intérêt bien compris.

Le consentement présumé doit être soigneusement distingué du consen-tement hypothétique de l’ayant droit193. En Allemagne, la jurisprudence et une partie (probablement minoritaire) de la doctrine retiennent que le méde-cin ayant failli à son devoir d’informer complètement son patient verra les voies de fait (art. 126 al. 1 CP) ou les lésions corporelles infligées à ce der-nier (art. 122-123 CP) être justifiées s’il est possible d’affirmer que le patient – dont la consultation préalable était parfaitement possible – aurait de toute manière consenti à l’intervention, également s’il avait reçu une information exhaustive. En l’état de la discussion, il convient de se montrer prudent face à un tel mécanisme, qui comporte non seulement le risque de vider de sa substance le droit du patient à l’autodétermination en lui retirant sa protec-tion par le droit pénal194, mais également celui de légitimer ex post somme toute n’importe quelle infraction dirigée contre un bien juridique individuel au motif que l’ayant droit aurait approuvé si l’auteur avait simplement pris la peine de lui demander d’abord son avis ; pareille dérogation à l’exigence

191 Cf. ATF 99 IV 208 c. 3 in fine ; ATF 100 IV 155 c. 4 ; ATF 115 IV 26 c. 3b ; ATF 124 IV 258 c. 3.

192 Pour une présentation des enjeux et des positions ici défendues, voir Stratenwerth (note 33),

§ 10 nos 25-31 et les références citées.

193 Voir Eicker Andreas, « Die hypothetische bzw. fi ngierte Einwilligung als Begrenzung der straf-Die hypothetische bzw. fingierte Einwilligung als Begrenzung der straf-rechtlichen Arzthaftung, Der fehlende Nexus zwischen Auf�lärungsmangel und Einwilligungs-defizit als strafrechtsdogmatischer Grund der Rechtfertigung », FP 2014 p. 238-243 ; Eicker Andreas / Fisch Stefanie, « Die hypothetische Einwilligung im Medizinrecht – eine umstrittene und dem Schweizer Strafrecht (noch) fremde Rechtsfigur », Jusletter du 28 avril 2014.

194 Cf. ATF 99 IV 208 c. 3-4 ; ATF 124 IV 258 c. 2.

d’une manifestation préalable et non viciée de la volonté priverait de facto l’accord (ou le consentement) lui-même de tout objet.

Le dernier motif justificatif extra-légal qui mérite d’être mentionné est celui de la sauvegarde d’intérêts légitimes. D’une part, cette dernière est ap-pelée à intervenir comme succédané de la légitime défense (art. 15 CP) ou de l’état de nécessité justificative (art. 17 CP) lorsque le bien juridique attaqué ou menacé d’un danger n’est pas individuel (supra 1), mais collectif195, et permet par exemple de rendre licite l’excès de vitesse (art. 32 al. 2, art. 90 al. 1-2 LCR ; art. 4a al. 1 et 5 OCR) commis par un motocycliste pour assurer la sécurité des participants à une course cycliste dont il est l’accompagnateur autorisé196. D’autre part, la jurisprudence fédérale n’exclut pas la justification d’infrac-tions commises « simplement » pour sauvegarder des intérêts légitimes, c’est-à-dire hors situations de danger proprement dit, mais se montre alors particu-lièrement exigeante s’agissant de l’observation des conditions de subsidiarité (absence de moyen pénalement atypique), de nécessité (absence de moyen moins dommageable) et de proportionnalité au sens strict (prépondérance notable de l’intérêt préservé). Ainsi a-t-elle déclaré licite l’usage par un apa-tride sans papiers d’un passeport étranger falsifié (art. 252, art. 255 CP) afin d’entrer en Suisse et d’y préparer son mariage avec la mère de son enfant en bas âge, les efforts accomplis par l’intéressé pour obtenir les autorisations et documents nécessaires étant restés vains197. Inversement, le Tribunal fédéral a par exemple refusé de légitimer des infractions d’enregistrement non auto-risé de conversations (art. 179ter al. 1 CP)198, de violation du domaine secret ou du domaine privé au moyen d’un appareil de prise de vues (art. 179quater al. 1 CP)199, de publication de débats officiels secrets (art. 293 al. 1 CP)200 et de violation du secret de fonction (art. 320 ch. 1 al. 1 CP)201, commises notam-ment dans le but d’attirer l’attention du public sur des disfonctionnenotam-ments au sein d’une administration ou d’une entreprise.

195 Cf. ATF 94 IV 68 c. 2 ; ATF 132 IV 29 c. 3.4.3 ; Graven (note 110), p. 160. Méconnu par l’ATF 82 IV 15 c. 3 (justification par la sauvegarde d’intérêts légitimes alors que le danger détourné menaçait le patrimoine du prévenu) et par l’ATF 106 IV 65 c. 4 (justification par l’état de nécessité justificatif alors que le danger détourné menaçait la sécurité du trafic routier).

196 ATF 113 IV 4 c. 3.

197 ATF 117 IV 170 c. 3a-c.

198 TF 6B_225/2008 c. 3 = FP 2009 p. 27. Contra : CourEDH, arrêt no 21830/09 du 24.2.2015 dans la cause Haldimann et autres c/ Suisse, c. 44-68.

199 Ibidem.

200 ATF 126 IV 236 c. 4d + 8 ; cf. RAD 2007 V 205 Stoll c/ Suisse c. 101-161.

201 ATF 94 IV 68 c. 2 ; TF 6B_305/2011 c. 4 = FP 2012 p. 66.

VII. Le reproche individuel