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a) Les différentes mesures

Le code pénal40 distingue les mesures thérapeutiques et l’internement (art. 56-65 CP), d’une part, les autres mesures (art. 66-73 CP), d’autre part.

Les mesures thérapeutiques se divisent à leur tour en deux catégories.

Les mesures thérapeutiques dites institutionnelles recouvrent le traitement des troubles mentaux (art. 59 CP), le traitement des addictions (art. 60 CP) et les mesures applicables aux jeunes adultes (art. 61 CP). Le traitement ambula-toire (art. 63 CP) complète la réglementation.

L’internement peut être « ordinaire » (art. 64 al. 1 CP) ou « à vie » (art. 64 al. 1bis CP)41.

Les autres mesures sont le cautionnement préventif (art. 66 CP), l’inter-diction d’exercer une activité (art. 67-67a CP), l’interl’inter-diction de contact et l’in-terdiction géographique (art. 67b CP), l’inl’in-terdiction de conduire (art. 67e CP), la publication du jugement (art. 68 CP), la confiscation (art. 69-72 CP) et l’allo-cation au lésé (art. 73 CP).

39 Sur les conditions d’application de l’art. 53 CP, voir TF 6B_152/2007 c. 5.2-5.2.4 = FP 2008 p. 285 ; ATF 135 IV 12 c. 3.4-3.6 ; ATF 135 IV 27 c. 2.3 ; ATF 136 IV 41 c. 1.2-1.2.2 ; ATF 137 I 16 c. 2.3 ; TF 6B_278/2012 c. 1.4-1.7 = FP 2013 p. 4 ; TF 6B_344/2013 c. 4.3-4.4 = FP 2014 p. 139 ; TF 6B_215/2013 c. 2.4-2.5.4 = FP 2014 p. 194.

40 Pour le droit pénal des mineurs (art. 3 al. 1 DPMin), qui traite symptomatiquement des mesures (dites de protection) avant les peines, voir l’art. 12 (surveillance), l’art. 13 (assistance person-nelle), l’art. 14 (traitement ambulatoire), l’art. 15 al. 1 (placement en établissement ouvert) et l’art. 15 al. 2 (placement en établissement fermé) DPMin. La confiscation et l’allocation au lésé selon le code pénal trouvent également à s’appliquer (art. 1 al. 2 let. d DPMin).

41 Sur l’interprétation de la notion d’auteur « durablement non amendable » (art. 64 al. 1bis let. c CP), voir ATF 140 IV 1 c. 3.2-3.3.

b) La caractéristique des mesures

Les mesures ont en commun avec les peines (supra 1 b) le désagrément que l’Etat impose à l’auteur d’une infraction. Ce désagrément consiste ici aussi en une atteinte à certains droits fondamentaux de la personne concernée, no-tamment sa liberté personnelle (art. 5 ch. 1 phr. 1 CEDH ; art. 10 al. 2 Cst.) en cas de mesures thérapeutiques, d’internement, d’interdiction d’exercer une activité non professionnelle, d’interdiction géographique et d’interdiction de conduire, sa sphère privée (art. 8 ch. 1 CEDH ; art. 13 al. 1 Cst.) dans l’hypo-thèse de l’interdiction de contact, de l’interdiction géographique et de la pu-blication du jugement, sa propriété (art. 26 al. 1 Cst.) s’agissant d’une confis-cation, enfin sa liberté économique (art. 27 al. 1 Cst.) pour ce qui concerne l’interdiction d’exercer une activité professionnelle.

A l’inverse de ce qui vaut pour les peines, le prononcé d’une mesure n’en-globe aucun jugement de valeur socio-éthique négatif sur le comportement de la personne ainsi sanctionnée. Aussi peut-il s’avérer légitime même si l’in-fraction commise ne saurait être reprochée individuellement à son auteur. La loi prévoit par exemple expressément qu’un prévenu irresponsable (art.  19 al. 1 CP) est susceptible de faire l’objet d’un traitement des troubles mentaux ou des addictions, d’une mesure applicables aux jeunes adultes, d’un traite-ment ambulatoire, d’un internetraite-ment, d’une interdiction d’exercer une acti-vité, d’une interdiction de contact, d’une interdiction géographique ou encore d’une interdiction de conduire (art. 19 al. 3 CP). Elle précise également que la confiscation d’un objet dangereux doit être ordonnée « alors même qu’aucune personne déterminée n’est punissable » (art. 69 al. 1 in limine CP), une formule qui permet de passer outre l’intervention de l’un des motifs d’absolution re-connus par le droit (infra VII B 2).

c) La prévention comme but des mesures

Les mesures thérapeutiques et l’internement poursuivent un objectif de pure prévention spéciale (cf. supra 1 c), également positive (guérison ou éducation) pour les premières au regard des chances de succès du traitement correspon-dant (art. 59 al. 1 let. b, art. 60 al. 1 let. b, art. 61 al. 1 let. b, art. 63 al. 1 let. b CP), exclusivement négative (neutralisation) pour le second au regard des « carac-téristiques de la personnalité de l’auteur » (art. 64 al. 1 let. a CP) ou de la vanité de tout traitement du « grave trouble mental chronique ou récurrent » diagnostiqué (art. 64 al. 1 let. b CP).

Le cautionnement préventif, l’interdiction d’exercer une activité, l’inter-diction de contact, l’interl’inter-diction géographique et l’interl’inter-diction de conduire s’inscrivent également dans une logique de prévention spéciale.

Dans la mesure où la publication du jugement (de condamnation ; art. 68 al. 1 CP) est appelée à répondre à un « intérêt public », les aspects de préven-tion générale (positive et négative ; cf. supra 1 c) sont ici prédominants.

d) La réparation comme but des mesures ?

De prime abord, la ratio de la confiscation de valeurs patrimoniales (art. 70 al. 1 CP) et l’allocation au lésé (art. 73 al. 1 CP) réside dans la réparation du dommage ou du tort moral42 subi par celui dont les biens juridiques ont été atteints par les agissements de l’auteur. En effet, la première disposition visée se réfère à la restitution « au lésé en rétablissement de ses droits » et la seconde reprend directement du droit privé les notions classiques de la responsabilité civile aquilienne (cf. art. 41 al. 1, art. 43 al. 1 et 3, art. 44, art. 45 al. 1, art. 46 al. 1, art. 47, art. 49 al. 1 CO). Un examen plus attentif révèle toutefois que la réparation du préjudice constitue au mieux un simple effet des institutions considérées, dont la finalité est sensiblement différente.

La confiscation de valeurs patrimoniales, que le juge doit ordonner lorsque ses conditions sont remplies43, tend à éviter que le crime ne paie44 en retirant à l’auteur d’une infraction – voire à un tiers (art. 70 al. 2 CP) – les avantages pécuniaires obtenus grâce à cette dernière45 (quaesitia sceleris)46. Parce qu’il serait inconcevable que l’Etat s’enrichisse sur le dos de la personne au détriment de laquelle l’infraction a été commise47, la loi donne la priorité à la restitution au lésé (art. 70 al. 1 in fine CP)48. Pareille restitution ne représente en définitive qu’un « sous-produit »49 de la confiscation et constitue, comme celle-ci, prioritairement une mesure de droit public poursuivant un intérêt public. La satisfaction de l’intérêt privé du lésé à la reconstitution de son pa-trimoine n’est que sous-jacente et demeure largement marginale si l’on consi-dère que seule une catégorie bien particulière d’infractions – précisément

42 ATF 123 IV 145 c. 4d (ad ancien art. 60 CP), consacrant une pratique aujourd’hui codifiée par l’art. 73 al. 1 CP.

43 ATF 115 IV 173 c. 3 ; ATF 119 IV 17 c. 2a. Imprécis : ATF 140 IV 57 c. 4.1.1 (« autorise »).

44 Jurisprudence constante. Récemment : ATF 137 IV 305 c. 3.1 ; ATF 139 IV 209 c. 5.3 ; ATF 140 IV 57 c. 4.1.1.

45 La loi parle erronément de « résultat » dans sa version française (cf. infra IV B 2) et maladroite-ment de « prodotto » dans sa version italienne. Sont en réalité visées les valeurs patrimoniales qui « erlangt worden sind ».

46 La confiscation des valeurs patrimoniales « destinées à décider ou à récompenser l’auteur » (pre-tium sceleris) sort du présent contexte dès lors que ni commanditaire ni le bénéficiaire d’une infraction ne sont lésés par celle-ci et ne sauraient donc prétendre à quelque réparation.

47 ATF 129 IV 322 c. 2.2.4 in medio.

48 A propos de la subsidiarité de la confiscation par rapport à la restitution, voir ATF 129 IV 322 c. 2.2.4 ; ATF 139 IV 209 c. 5.3.

49 Cf. ATF 129 IV 322 c. 2.2.4.

celles dirigées (principalement ou accessoirement) contre la propriété et le patrimoine – génère des avantages pécuniaires susceptibles d’être restitués.

Le constat est assez similaire s’agissant de l’allocation au lésé. Le cercle des biens concernés par la mesure, loin de se limiter aux valeurs patrimo-niales confisquées (art. 73 al. 1 let. b hypo. 2 CP), englobe certes la peine pé-cuniaire et l’amende acquittées par le condamné (art. 73 al. 1 let. a CP), les objets dangereux confisqués (art. 73 al. 1 let. b hypo. 1 CP), les créances com-pensatrices (art. 73 al. 1 let. c CP) ainsi que le montant d’un cautionnement préventif (art. 73 al. 1 let. d CP). Néanmoins, l’allocation n’intervient qu’à des conditions fort restrictives, à savoir l’absence de couverture du préjudice par une assurance, la vraisemblance que l’auteur ne le réparera pas, la fixation ju-diciaire ou extra-juju-diciaire des dommages-intérêts et de la réparation morale, une demande du lésé et, enfin, une cession à l’Etat de la part correspondante de sa créance50 (art. 73 al. 1 et 3 CP). S’y ajoute de facto l’obstacle inhérent à un éventuel épuisement du substrat consécutivement à l’admission de la requête d’autres plaideurs plus diligents. A la lumière de ces exigences, il apparaît que l’allocation au lésé ne représente pour l’intéressé qu’une simple aide au recouvrement de sa créance contre l’auteur de l’infraction. Le droit pénal n’in-tervient ici qu’en toute fin d’un « parcours du combattant » que le lésé aura préalablement dû effectuer par lui-même, en en assumant seul les risques.

III. Les normes applicables