• Aucun résultat trouvé

1. QUELLE PARTICIPATION POUR LES POPULATIONS ?

1.2. La participation au féminin

La participation féminine était nettement plus marquée au Sénégal qu’en Mauritanie. Lors de nos visites en villages, il nous a été donné de remarquer qu’une certaine proportion de femmes assistaient aux réunions du bureau exécutif de l’AdU de leur village en rive gauche410 alors que ce

n’était pas le cas en rive droite. À Ndiago, on expliquait l’absence des femmes par le fait qu’elles étaient à la plage pour préparer et vendre le poisson et accueillir le retour des pêcheurs. Ainsi, pour le chef du village, il est difficile d’intégrer les femmes dans les activités de l’association en raison de la lourdeur de leurs tâches ménagères quotidiennes et des activités économiques d’appoints qu’elles mènent, essentielles aux ménages411. À R’Kiz, Birette et Gouelit, la question a été éludée.

Malgré leur présence lors des visites en rive gauche, les Sénégalaises rencontrées estiment ne pas être suffisamment impliquées et se heurtent à plusieurs lois et traditions contraignant leur participation. À Khor, par exemple, elles ont expliqué que pour être membre de l’Assemblée générale (AG), il faut être chef de concession. Or, aucune femme n’est propriétaire d’une concession. Certaines femmes ont la possibilité d’assister aux réunions de l’AG en tant que gestionnaires de borne-fontaine, mais elles n’ont pas de pouvoir décisionnel412. À Thiagar, les femmes ont exprimé le

sentiment de ne pas être suffisamment impliquées dans la gestion de l’eau, leur implication sur la question se limitant à leur fonction d’acheteuse ou de vendeuse d’eau, expliquent-elles. Selon elles, elles ne sont pas suffisamment incluses dans les processus décisionnels parce que les hommes présument qu’elles n’ont pas les compétences nécessaires. Toutefois, elles sont persuadées être en mesure d'apporter un savoir et un savoir-faire bénéfiques à l’association, notamment une gestion financière plus saine413. Mbaye Ababacar Ndiaye, quant à lui, certifie que lors de ses animations en

rive gauche, les groupes de promotion féminine sont inexorablement présents414. En rive droite, le

Dr Sy Baba affirme que même si la parité n’est pas toujours atteinte dans les projets, c’est un volet incontournable, maintenant exigé par maints bailleurs de fonds415.

410 Enquêtes à Thiagar, accompagnement du SEMIS (réunion des membres de l’AdU), Sénégal, 17 avril 2012; Enquêtes à Ndombo, op. cit.; Enquêtes à Khor, op. cit.

411 Enquêtes à Ndiago, accompagnement du MCG (réunion du bureau exécutif de l’AdU), Mauritanie, 21 mars 2012. 412 Enquêtes à Khor, op. cit.

413 Enquêtes à Thiagar, op. cit.

414 Entretien avec Mbaye Ababacar Ndiaye, op. cit. 415 Entretien avec le Dr Sy Baba, op. cit.

90

Pour Abderrahmane Ndiaye, il est essentiel d’impliquer les femmes dans les projets locaux puisqu’elles se montrent « entreprenantes et plus sérieuses [que les hommes] » 416. Pour étayer ses

propos, il recourt à l’exemple de certains villages où les hommes ont refusé de faire partie d’un projet d’installation d’un congélateur et où les femmes ont décidé de s’unir afin de rendre ce projet possible. Celles-ci étaient entièrement responsables de rassembler et gérer les fonds ainsi que le matériel une fois installé. Les revenus engendrés par ces microprojets et la bonne gestion des femmes ont permis aux communautés d’investir dans de nouveaux projets permettant d’améliorer le bien-être de la collectivité417. En outre, il indique que dans les vingt-quatre villages où le Gret mène des actions, dans

tous les comités siègent un minimum de trois femmes à des postes-clés comme le secrétariat, la trésorerie et la vérification. Pour Ndiaye, les femmes sont maintenant très impliquées, « ce n’est plus comme avant, elles ont maintenant le pouvoir de décider »418.

En dépit d’une implication plus grande des femmes dans certains villages, les préoccupations et les intérêts de celles-ci ne sont pas toujours pris en compte : Tacko Diallo Gueye pointe le fait que, la femme n’étant pas propriétaire des terres, ses préoccupations seront généralement reléguées au second plan, un fait confirmé par les habitantes de Khor. Elle illustre cette triste réalité par le fait que dans un grand nombre de villages qu’elle a sillonnés, les femmes réclamaient de l’eau pour pratiquer le maraîchage, mais que cette eau était généralement réservée à l’abreuvement des bêtes. Gueye y voit là les ferments d’un conflit latent qu’il importe que l’OMVS prenne en compte419. En somme, les

visites en villages nous ont permis de noter un décalage frappant entre la présence des femmes aux activités liées à la gestion de l’eau entre la Mauritanie et le Sénégal. En Mauritanie, aucune femme n’était présente aux entrevues, et les contacts avec les Mauritaniennes étaient informels (après les entrevues ou lors des repas). Du côté sénégalais, il nous a été donné de constater que les femmes sont plus présentes, bien que celles-ci se heurtent également à de multiples contraintes entravant leur participation et leur pouvoir de décision. Notons néanmoins en rive gauche, comme en rive droite, certains intervenants rencontrés ont partagé des observations plus encourageantes et mettaient de l’avant l’empowerment grandissant des femmes quant à la gestion des ressources hydriques.

Nonobstant certaines observations encourageantes, il appert qu’un long chemin reste à parcourir, tant en rive gauche qu’en rive droite, pour que les femmes puissent prétendre à un égal

416 Entretien avec Mbaye Ababacar Ndiaye, op. cit. 417 Loc. cit.

418 Loc. cit.

91 pouvoir de décision que leurs compères masculins. En effet, il nous a été donné de constater que partage des tâches qui confère généralement aux hommes les activités de pouvoir et de responsabilités en dehors foyer ainsi que la lourde charge des tâches domestiques qu’elles doivent accomplir au quotidien entravent la participation féminine, un fait souligné avec justesse par Dos Santos420.