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Paroles de DRH « Contraints »

= > « C’est de mal en pis : maintenant, il y a la mode du stress », « La dématérialisation du travail provoque une destruction des rapports entre les personnes », « Si untel a voulu acheter sa maison avec jardin au fin fond du 78 au lieu d’acheter un appartement sur Paris, s’il fait 3h de transport par jour ce n’est pas le problème de la société ».

= > « Il y a la nécessité d’être attentif à la charge de travail de la part des managers : les paiements des heures supp ne sont pas acceptés mais la charge de travail n’a pas diminué. Du coup, ils continuent à en faire autant sans être payés » ; « le DRH est obligé de se battre pour que les managers prennent leurs congés et leurs jours de repos ».

= > « Pas de réflexion de fond, pas d’organisation du temps de travail… On continue de faire la même chose depuis 30 ans… Chacun se débrouille » ; « le discours officiel est : Vous êtes des cadres ou pas ???? Sous-entendu, vous n’avez pas à vous plaindre c’est comme ça ! » « La normalité c’est : tu ne comptes pas tes heures, tu es là à disposition, tu t’organises comme tu veux, mais en fait tu es corvéable à merci… » ; « On ne se pose pas la question d’options alternatives, d’une organisation différente du temps de travail… La question n’est même pas traitée ».

Les principales pratiques observées dans ces entreprises sont les suivantes:

• Le recours au télétravail seulement en cas de dépannage (grève des transports, enfant malade, etc.). Les demandes des salariés de mettre en place le télétravail comme mode permanent de la relation contractuelle de travail ne sont pas reçues.

• Le forfait jours est souvent détourné de son objectif initial, c’est-à-dire de garantir l’autonomie qui va avec la responsabilité. Dans les cas cités, le forfait jours sert à absorber la charge de travail et faire tampon en cas d’absence des équipes.

• Souvent, les horaires de travail sont volontairement non contrôlés. On sait ce qui se passe mais mieux vaut ne pas laisser de traces…

• La charge de travail n’est pas analysée ou, pire, la surcharge de travail est utilisée comme mode de management. De plus, les heures supplémentaires ne sont pas rémunérées avec comme conséquence la dégradation du climat social

• Les managers ne sont pas responsabilisés et ils sont souvent mis en « position de fliquer», ce qui contribue à dégrader le climat social et démotiver, voire désengager les salariés. Le nombre de RPS, arrêts maladie, burn out, ou de démissions est élevé.

Ces types de pratiques n’ont pas vraiment de points forts. Mais il est difficile de faire la part des choses entre les problèmes qui viennent d’une organisation du temps de travail non pilotée et ceux propres à l’entreprise. Le manque de moyens de ces entreprises les empêche de s’améliorer dans leur organisation et gestion du temps de travail.

Pourtant, comme nous l’avons vu dans le groupe des Vigilants, quand une situation difficile se présente il y a la possibilité de faire concourir une nouvelle organisation du temps de travail à la résolution du problème.

L’analyse du questionnaire et tous ces entretiens nous ont permis de confirmer l’importance pour l’entreprise de l’organisation du temps de travail de ses cadres. L’enjeu est de tenir compte des impératifs économiques, des innovations technologiques, des attentes de la clientèle et des aspirations des salariés grâce au meilleur usage possible du cadre légal. La réflexion que nous avons menée à partir des résultats du questionnaire, nous conforte dans l’idée que le DRH ne doit pas se limiter à une simple lecture de données chiffrées consolidés dans un tableau de bord, au risque de n’observer que les conséquences sans s’intéresser aux causes. Par exemple, les éléments chiffrés de notre questionnaire nous paraissent aussi importants que les verbatim pour aider à contextualiser une simple donnée statistique.

Pour les DRH, cela passe par la mise en place d’un système de recueil d’informations qualitatives qui puisse aider à appréhender la complexité des situations individuelles. Le groupe des Agiles a réussi à mettre en place une organisation du temps de travail dérivée d’une analyse fine à la fois des exigences quantitatives pour l’entreprise et qualitatives pour les personnes, en tenant compte des critères d’âge, de situation familiale, de situation professionnelle (managers ou pas), le type de forfait associé au contrat de travail, la taille de l’entreprise.

CONCLUSION

« La plus coûteuse des dépenses, c'est la perte de temps. » Théophraste Renaudot En conclusion de notre étude, nous sommes en mesure de tirer des enseignements, sur la manière, pour les DRH, d’appréhender l’organisation du temps de travail des cadres de leur entreprise.

1). Réfléchir à la mise en place de nouvelles formes d’organisation du temps de travail, comme relevée tout au long de notre mémoire, permettant d’allier les exigences du business à celles des salariés, négociée avec le corps social, peut avoir des répercussions positives sur la performance globale de l’entreprise. Comme relevé dans le groupe des Vigilants, réfléchir à une nouvelle organisation du temps de travail peut être un outil pour aider à la résolution de problématiques plus larges dans l’entreprise, comme par exemple, la mise en place d’une nouvelle relation client, ou encore s’adapter à des contraintes économiques de différents ordres.

2). Sortir de la logique du « je contrôle si tu es là » pour entrer dans celle du « je contrôle la manière dont tu fais ton travail et les résultats de tes actions ». La réflexion sur l’organisation du temps de travail des cadres doit donc être liée à celle sur l’organisation et la mesure de leur charge de travail. Il est nécessaire de ne pas se limiter à l’exigence légale de mesure du temps de travail. Dit autrement, il s’agit, en lien avec les aspirations des cadres, comme le fait ressortir notre questionnaire, de préserver leur liberté de choix dans leurs horaires de travail, et de s’engager davantage dans le management par les objectifs et les résultats. Mais liberté de choix dans les horaires ne signifie pas désir des cadres de travailler sans supervision, sans directive sur la manière de s’organiser, de hiérarchiser les tâches. Manager les cadres, manager les managers, sont aussi de vrais défis pour l’entreprise. Les cadres ont aussi besoin d’encadrement et de soutien, davantage que de direction et de contrôle.

3). Prendre conscience que l’organisation du temps de travail des cadres est un élément de différenciation.

Il est donc important que les DRH soient prospectifs et proactifs sur le sujet, plutôt que d’être en « réaction à ». En fonction de la pratique de l’entreprise sur ce sujet et si ce point est évoqué en entretien de recrutement, il peut participer à l’attractivité de l’entreprise, au fait de pouvoir attirer des talents en dehors des arguments classiques d’un salaire élevé et de la renommée de l’entreprise. La nouvelle génération de cadres arrivant sur le marché est particulièrement sensible à cette question. Elle « achète » en priorité le projet, les conditions de travail, la conciliation vie privée/vie professionnelle. C’est donc un vrai défi pour l’entreprise et une valeur ajoutée pour sa marque employeur

4). Développer une utilisation raisonnée et raisonnable des TIC pour les cadres. Cela doit être une préoccupation majeure des entreprises. La régulation de l’usage des TIC est aussi indispensable d’un point de vue réglementaire pour éviter à l’entreprise de s’exposer à de possibles contentieux. La mise en place de charte négociée/co-écrite avec les IRP, et des périodes de déconnexion peuvent participer de cette régulation.

Les recommandations sur la manière de piloter l’organisation du temps de travail pour les DRH sont :

• être dans l’anticipation plutôt que dans l’urgence. L’organisation du temps de travail peut être un outil au service de la mise en place de la stratégie de l’entreprise ;

• ne pas entretenir un système à 2 vitesses entre les cadres et les autres employés. L’organisation du temps de travail des cadres doit faire l’objet d’une articulation globale avec celle des non cadres.

• mettre en place une organisation du temps de travail dérivée d’une analyse fine à la fois des exigences quantitatives pour l’entreprise et qualitatives pour les personnes.

L’organisation du temps de travail peut être utilisée comme un outil de supervision et de contrôle de la qualité du travail des cadres. Si l’on arrive à mettre en relation le nombre d’heures travaillées et la qualité du travail rendu, cela devient un dispositif discriminant. Il y a dès lors deux possibilités :

- Soit le ratio pointe un nombre important d’heures travaillées pour un résultat médiocre. Pour trouver les causes de ce déséquilibre, des entretiens individuels de chaque cadre avec son N+1 et son N+2, permettraient d’apporter des mesures correctives. Un salarié cadre qui, de part son statut est souvent autonome, a parfois du mal à parler de ses problèmes. Son N+1 doit pouvoir trouver un moyen factuel de l’aider à les résoudre.

- Soit le ratio relève un travail de qualité réalisé dans un nombre limité d’heures, auquel cas, on peut s’interroger sur la sous-exploitation du cadre et la manière d’enrichir ses tâches ou de lui donner davantage de responsabilités.

Philippe Lamblin, DRH de l’année 2015, lors de notre rencontre, met l’accent sur l’imagination, l’audace et le courage à avoir dans ce domaine : « Il faut créer de l’adhésion. Vous avez une tache et est-ce que vous êtes capable de l’accomplir dans un temps établi ? Vous pouvez le faire ? Vous avez toutes les compétences nécessaires ? Tout cela, il faut l’analyser calmement. Pour faire ça, il faut avoir des managers avec du courage et qui donnent l’exemple, en ne transmettant pas son propre stress par exemple. (…) Le climat de confiance entre le manager et ses subordonnés est inimaginablement puissant. (…) Et les problèmes du cadre quand le climat de confiance est instauré, refont surface et peuvent être traitées, sereinement, sans le faire culpabiliser. (…)Le meilleur ambassadeur d’une boite n’est pas le DRH mais les managers. »

L’enjeu dans les entreprises aujourd'hui n’est pas forcément de travailler plus, pas forcément de travailler moins, mais plutôt de travailler mieux.