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Modèle physique de l’adhérence armature-béton

5.1.2 Parallèle avec la mécanique des roches

L’idée à la base de la modélisation proposée dans le cadre de ce travail est issue d’un parallèle avec la mécanique des joints rocheux, qui, entre autres, étudie le comportement des discontinuités existant au sein de massifs de roches. Il est en effet remarquable que la courbe résultant d’un essai de cisaillementa entre deux surfaces rocheuses (figure 5.1) possède une allure comparable « montée - descente - plateau » à celle de la courbe τ − s issue d’un essai d’arrachement (figure4.7). En effet, ces deux configurations sont a priori différentes.

Figure 5.1 – Essai de cisaillement sur un joint rocheux [Barton,2013].

Cette similitude invite à relativiser le rôle de la butée exercée par les verrous contre le béton via la formation d’un coin de béton pulvérisé (figure4.4-b), généralement invoquée pour justifier la phase ascendante de la courbe τ − s (enchevêtrement mécanique, figure

4.7). En effet, la rugosité naturelle de surfaces rocheuses, maintenues ensemble par une contrainte normale constante, semble être en mesure de produire un comportement compa-rable. Notons également que la figure5.1montre une phase de dilatance (i.e. éloignement des parois du joint au cours du glissement), qui peut être rapprochée du mécanisme de désenchevêtrement de l’interface a-b (§4.3.1), à l’origine du développement de contraintes radiales σ.

a. Pour rappel : dans un essai de cisaillement, la contrainte normale entre les deux surfaces testées est

Bien que comparables du point de vue de la tendance, l’évolution quasi-trilinéaire du comportement d’un joint rocheux (figure5.1) se différencie de l’allure arrondie de la courbe

τ − s(figure 4.7). Dans le but de conforter l’intérêt de ce parallèle avec la mécanique des roches, nous allons essayer de justifier cette différence.

L’essai de cisaillement, permettant de déterminer le comportement du joint rocheux pour un niveau de contrainte normale donné, peut être répété pour différents niveaux de contrainte normale dans le but de compléter la caractérisation du joint. De tels essais effectués sur des matériaux cimentaires montrent que l’augmentation de la contrainte normale :

— induit une augmentation de la contrainte tangentielle tout au long du glissement (figure 5.2-a). Cette observation est cohérente avec le critère de rupture de Mohr-Coulomb (équation 4.7) et peut également être rapprochée des résultats de Malvar obtenus dans le cadre de l’adhérence a-b (figure4.16) ;

— peut modifier la raideur tangentielle du joint (droites rouges, figure5.2-a) ainsi que les valeurs des glissements associés au pic et au début du plateau (respectivement les points violet et orange, figure 5.2-a).

Figure 5.2 – Comportement d’un joint rugueux sous différents niveaux de contrainte normale : a) essai de cisaillement sur un coulis de ciment Portland (w/c = 0,4) [Moosavi

et Bawden,2003], b) modélisation idéalisée [Saeb et Amadei,1992], c) interprétation proposée ici vis-à-vis de l’adhérence a-b.

Ce comportement peut être idéalisé par le diagramme représenté sur la figure 5.2-b. Maintenant, si la contrainte normale est maintenue constante au cours du glissement, le comportement trilinéaire obtenu parBarton [2013] (figure 5.1) est bien reproduit.

Concernant l’adhérence a-b, nous avons vu que la contrainte radiale σ (i.e. normale à l’interface a-b) varie en fonction du glissement s du fait de l’endommagement du béton d’enrobage. Cette variation progressive de la contrainte normale pourrait alors permettre de « sauter » d’un critère de rupture trilinéaire à un autre au cours du glissement (figure

SECTION 5.1 - Fondements du modèle

Le dernier point que nous aborderons dans ce parallèle avec la mécanique des roches est celui d’une éventuelle variation de l’angle de frottement du joint (car mise en évidence parTepfers et Olsson[1992] dans le cadre de l’adhérence a-b, §4.4.1.5 et figure 4.18).

L’angle de frottement apparent ϕapp d’un joint rocheux peut être défini comme la somme de deux contributions [Patton,1966] :

— l’angle de frottementb ϕ, caractérisant le joint à l’état macroscopiquement lisse ; — l’angle géométriquecides aspérités à l’origine de la rugosité macroscopique du joint.

Ce modèle permet de formaliser mathématiquement, par une baisse de i (et donc de l’angle de frottement apparent ϕapp = ϕ + i), la diminution observée de la résistance au cisaillement d’un joint suite à un endommagement de ses aspérités.

Figure 5.3 – Enveloppe des résistances au cisaillement sous différents niveaux de contrainte normale : a) pour un joint rocheux [Grasselli,2001], b) pour l’interface a-b

[Gambarova et Rosati,1997].

La compréhension des mécanismes physiques qui gouvernent la ruine des aspérités d’un joint n’est à ce jour pas complète [Bahaaddini et al., 2016]. Il est néanmoins pos-sible d’identifier trois comportements déterminés selon la valeur mesurée de l’angle de dilatanced i du joint (valeur instantanée) par rapport à l’angle initial d’inclinaison des aspérités i0 (figure 5.3-a) :

— i = i0, les parois du joint glissent sur les aspérités. L’endommagement des aspérités est négligeable : ϕapp= ϕ + i0;

— 0 < i < i0, le glissement des parois du joint provoque l’usure des aspérités (effet de « labour » [Lafaye et al.,2006]), dont l’angle d’inclinaison moyen initial i0 diminue :

ϕapp= ϕ + x i0 avec (0 < x < 1) ;

— i = 0, le glissement des parois du joint provoque un cisaillement de bloc de l’aspérité, ce qui annule totalement sa contribution au frottement apparent : ϕapp= ϕ. b. True local friction.

c. Geometrical friction.

d. L’angle de dilatance est calculé comme l’arc tangente du rapport entre le déplacement normal

Comme indiqué par la figure 5.3-a, ces phénomènes d’endommagement sont corrélés à l’intensité de la contrainte normale à laquelle est soumis le joint. Or, un comportement similaire à la figure 5.3-a est observé dans le cas de l’adhérence a-b (figure5.3-b).

Ce parallèle avec la mécanique des roches met en évidence de nombreux points de rapprochement entre l’étude du comportement au cisaillement des joints rocheux et le phénomène d’adhérence a-b. En conséquence, il semble envisageable d’étendre le méca-nisme de frottement béton-béton, généralement restreint à la branche adoucissante de la courbe τ − s (i.e. après τmax, figure4.7), à l’ensemble de la plage de glissement (i.e. entre

τadh et τres, figure 4.7).

5.2 Hypothèses du modèle