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L’adhérence armature-béton

4.3.2 Étude expérimentale

Nous avons vu que la mise en tension du béton d’enrobage induite par l’interaction a-b provoque, au delà d’un seuil de contrainte proche de la résistance en traction du béton

fctm, le développement de fissures de scission. En théorie, ces fissures s’initient le long de l’interface a-b (par exemple au coeur de l’éprouvette d’arrachement, figure 4.6) et se développent radialement vers la surface latérale du béton (figure4.9-c).

Or, si l’on considère l’exemple courant des essais de flexion, le suivi de la fissuration du béton est traditionnellement réalisé à partir de ladite surface latérale du béton où, contrairement au cas de la fissuration de scission, l’ouverture de fissure est maximale.

De ce fait, pour ce qui est de l’adhérence a-b, de nombreux auteurs [Giuriani et Plizzari,

1998; Lura et al., 2002; Dominguez, 2005; Tastani et Pantazopoulou, 2013] déplorent le manque de données expérimentales relatives au développement de la fissuration de scission avant qu’elle ne débouche à la surface du béton.

Des résultats expérimentaux issus de la littérature, relatifs au développement de la fissuration de scission à travers l’enrobage de béton, sont introduits dans les paragraphes suivants.

4.3.2.1 L’étude de Plizarri et al.

Plizzari et al. [1998] ont étudié expérimentalement le développement de la fissuration de scission à travers un disque de béton (fcm = 45 MPa, Ecm = 26 GPa, dg = 8 mm) de 60 mm de hauteur et de 210 mm d’épaisseur (figure 4.10-a). Le chargement, ayant pour objectif de simuler la contrainte radiale σ exercée par l’armature à l’interface a-b, consiste en une pression uniforme appliquée par déplacement imposé via un dispositif mécanique repoussant la paroi interne du disque de béton.

Le suivi de la fissuration est réalisé au moyen de 16 jauges de déformation de 40 mm de base collées sur le béton tout autour de la paroi interne du disque où le chargement est appliqué (figure 4.10-a). Les 4 premières jauges sont disposées à 90° l’une de l’autre et orientées selon la direction radiale r afin de suivre l’évolution du chargement via une mesure de la contrainte de compression agissant près de la paroi interne du disque. Les 12 autres jauges sont orientées selon la direction circonférentielle θ afin de suivre le dévelop-pement de la contrainte de traction et de la fissuration de scission.

Les résultats de cette étude (figure 4.10-b) mettent en évidence une première phase de comportement linéaire où les jauges orientées selon θ s’allongent de manière similaire indépendamment de leur position autour de la zone centrale de chargement ; confirmant ainsi une distribution relativement uniforme de la contrainte de traction circonférentielle. Une différentiation des courbes est observée à l’approche d’une valeur de déformation circonférentielle correspondant à la résistance en traction fctm du béton testé. Deux com-portements peuvent alors être identifiés (figure4.10-b) :

— dans la zone de mesure de la jauge 11 : un retour élastique, indiquant un décharge-ment du béton ;

— dans la zone de mesure de la jauge 13 : une augmentation non linéaire de la défor-mation, caractéristique de l’endommagement du béton, indiquant la localisation de

la rupture (chapitre 3) préfigurant la formation d’une fissure de scission.

Figure 4.10 – Étude expérimentale de la fissuration de scission d’un disque de béton soumis à une pression interne : a) instrumentation de l’échantillon, b) comportement du

disque [Plizzari et al.,1998].

La géométrie de l’éprouvette et le chargement étant symétriques (figure 4.10-a), la localisation de la rupture peut donc être attribuée à la présence de défauts aléatoirement répartis dans le béton, qui conduisent à des faiblesses locales de sa résistance en traction. C’est alors l’hétérogénéité du béton qui justifie l’origine de la perte de symétrie observée à la rupture.

De nombreuses armatures européennes standardisées (dont fait partie le modèle utilisé dans le cadre du présent travail) sont conçues sur la base de deux rangées de verrous de hauteur variable en forme de « croissants » (figure 4.11-a). Le volet numérique de l’étude de Plizzari et al. [1998] confirme que l’utilisation de ce type d’armatures conduit à la formation de seulement deux fissures de scission qui se développent (figure4.11-b) :

— à partir de l’armature ;

— selon la même direction (perpendiculaire à celle définie par l’axe passant par le sommet des verrous) ;

— dans un sens opposé.

Ce faciès de fissuration indique l’existence d’un plan préférentiel de rupture (PPR) et suggère donc que les armatures à deux rangées de verrous interagissent majoritairement avec le béton selon le plan principal de poussée défini par l’axe passant par le sommet des verrous (figure 4.11-b). Ce résultat sera illustré au chapitre 6 par un suivi des émissions acoustiques réalisé dans le cadre du présent travail.

Notons de plus que, dans une situation expérimentale, la formation d’un unique PPR lié à la géométrie des verrous de l’armature implique que l’influence de la non-uniformité du champ de contrainte de compression radiale σ autour de la barre est supérieure à l’influence de la distribution des défauts dans le béton mis en évidence précédemment. Ce point sera abordé au chapitre 7 dans le cadre d’une modélisation numérique.

SECTION 4.3 - Comportement transversal

Figure 4.11 – Simulation numérique du faciès de fissuration de scission : a) géométrie de l’armature HA, b) faciès de fissuration [Plizzari et al.,1998].

4.3.2.2 Les travaux de Ghandehari et al.

Ghandehari et al. [1999] ont effectué des travaux incluant une mesure expérimentale du développement de la fissuration de scission du béton d’enrobage, cette fois-ci provoquée par l’arrachement d’une armature HA. Cette mesure se base sur une technique d’inter-férométrie optique permettant, par détermination du champ de déplacement autour de l’armature avec une précision annoncée de l’ordre de 10−7 m, de suivre l’évolution (figure

4.12-a) :

— de l’ouverture δn de la fissuref de scission à l’interface a-b ;

— de la progression du front de fissuration de scission (i.e. de la longueur L de la fissure). Afin de contrôler l’orientation du PPR, deux surfaces planes opposées diamétralement sont usinées le long de l’axe longitudinal de l’armature HA testée. L’armature est ancrée à proximité du bord d’un prisme rectangulaire de béton de 50 mm de hauteur (fcm = 33 MPa, Ecm = 25 GPa, dg = 8 mm) de manière à ce qu’une seule fissure de scission ne se forme (figure 4.12-a). Un goujon en acier constitué de deux pans inclinés à 13° est testé dans les mêmes conditions que l’armature (figure 4.12-a) afin de servir d’étalon pour le calcul de la contrainte radiale agissant à l’interface a-b. Les figures4.12-b,4.12-c et4.12-d permettent d’identifier différentes phases du comportement transversal de l’enrobage en fonction de la valeur δn de l’ouverture de fissure :

— entre 0 et environ 2 µm : le charge augmente sans impact mesurable sur l’ouverture de fissure δn (figure 4.12-b et figure 4.12-d), ce qui peut être rapproché d’un état très peu endommagé du béton d’enrobage. L’adjectif « très peu » est ici employé du fait de la détection d’une progression de la fissure sur une distance de 15 mm (figure f . Notons que le terme « ouverture de fissure » est ici, compte tenu du caractère micrométrique de la

me-sure, employé par abus de langage. Avant coalescence des microfissures, le déplacement mesuré correspond plutôt au cumul de déformations inélastiques locales issues de l’endommagement diffus du béton.

4.12-c), possiblement due à l’amorçage de la germination des défauts dans le béton (repère A-B, figure 3.6) ;

— entre environ 2 µm et une quinzaine de micromètres : la charge augmente avec l’ouverture de fissure δnde manière non proportionnelle (figure4.12-b et figure4.12 -d). Ce comportement peut être associé à l’endommagement du béton : germination des défauts et microfissuration diffuse (repères A-B et B-C, figure 3.6) ;

— autour d’une quinzaine de micromètres : la charge atteint un pic (figure 4.12-b et figure 4.12-d) ;

— entre une quinzaine et quelques dizaines de micromètres : une nette diminution de la charge est observée (-30 %, figure4.12-b et4.12-d). De plus, l’absence de point de mesure de l’ouverture de fissure δnentre 20 et 35 µm (figure4.12-c) peut indiquer, à fréquence d’acquisition des mesures constante, une augmentation momentanée de la vitesse de progression de la fissure. Ces deux observations peuvent être rapprochées du phénomène de localisation de la rupture suite à la coalescence des microfissures et à la rupture des ponts de matière (repères C-D et D-E, figure 3.6) ;

— au delà de quelques dizaines de micromètres : la charge diminue peu par rapport à l’augmentation de l’ouverture de fissure δn(figure4.12-b et figure4.12-d). Cela peut être justifié par la mobilisation des sources macroscopiques de contrainte cohésive comme l’engrènement (repère E-F, figure3.6).

Figure 4.12 – Étude expérimentale du développement d’une fissure de scission induite par l’arrachement d’une armature HA [Ghandehari et al.,1999].

Il est important de souligner que des mesures similaires réalisées sur des armatures HA, cette fois-ci disposées au centre des prismes rectangulaires en béton [Ghandehari et al.,

SECTION 4.3 - Comportement transversal

2000], n’ont pas abouti à des mesures expérimentales concluantes vis-à-vis du développe-ment la fissuration de scission.