• Aucun résultat trouvé

L’adhérence armature-béton

4.4 Couplage longitudinal/transversal

4.4.1 Couplage des contraintes

4.4.1.1 Le critère de rupture de Mohr-Coulomb

Considérons deux prismes rectangulaires 1 et 2 (figure 4.14) maintenus serrés l’un contre l’autre par un effort vertical V constant produisant une contrainte normale σ à l’interface entre 1 et 2. Le prisme inférieur 1 est indéplaçable par rapport à un support. On applique progressivement au prisme supérieur 2 un effort horizontal H croissant produisant une contrainte tangentielle τ à l’interface entre 1 et 2. Pour une certaine valeur de H (et donc de τ), un glissement entre les prismes 1 et 2 se produit. On reporte dans un diagramme

τ = f(σ) le point représentatif du couple de valeurs (σ, τ) qui produit le glissement. On répète cette expérience pour différentes valeurs de l’effort vertical V (et donc de

σ)g. La courbe ainsi obtenue, qui matérialise l’ensemble des couples (σ, τ) correspondant à la transition entre la staticité et le glissement, permet de séparer l’espace en deux zones :

— une zone de staticité, située sous la courbe, où le glissement ne se produit pas ; — une zone dynamique, située au dessus de la courbe, où le glissement se produit.

Dans un cadre idéalisé, cette courbe a la forme d’une droite dont l’équation (équation

4.7) fait intervenir deux paramètres :

— la cohésion c : c’est l’ordonnée à l’origine de la fonction (σ = 0), elle représente la capacité de l’interface à équilibrer une contrainte de cisaillement pur (i.e. supporter un effort horizontal H en l’absence d’effort vertical V) ;

— le coefficient de frottement µ : c’est la pente de la droite, ce coefficient (généralement positif) quantifie l’augmentation dτ de la résistance au glissement de l’interface ré-sultant d’une augmentation dσ de la contrainte normale. Le coefficient de frottement

µpeut être exprimé sous la forme d’un angle, appelé « angle de frottement » et noté

ϕ, via l’équivalence tan(ϕ) = µ.

g. Cette introduction au critère de rupture de Mohr-Coulomb se limite au cas particulier mais courant

où les propriétés mécaniques de chaque surface de contact sont identiques dans toutes les directions. Du fait de cette isotropie, on raisonnera donc uniquement sur la « droite de Coulomb », et non pas sur le cône, plus général.

SECTION 4.4 - Couplage longitudinal/transversal

τ = µ σ + c (4.7)

Nous avons vu au § 4.2 que le comportement longitudinal de l’adhérence a-b fait intervenir le glissement s entre l’armature et le béton. Compte tenu de l’analyse précédente et du fait que, vraisemblablement, la contrainte normale à l’interface a-b varie au cours du glissement, le glissement continu de l’armature peut être décomposé en une succession de petits pas de glissement dont chacun peut être interprété comme l’atteinte du critère de rupture de Mohr-Coulomb au niveau de l’interface a-b. Il est alors possible de rapprocher : — la contrainte normale issue de l’effort vertical V à la contrainte radiale de confinement

σ;

— la contrainte tangentielle issue de l’effort horizontal H à la contrainte d’adhérence τ. Par la suite, quatre études appuyant la pertinence de l’utilisation du critère de Mohr-Coulomb pour la description de l’interaction a-b sont introduites.

Figure 4.14 – Représentation du critère de rupture de Mohr-Coulomb.

4.4.1.2 Les travaux de Ghandehari et al. (suite)

Les travaux menés parGhandehari et al.[1999,2000], (déjà introduits en4.3.2.2), ont permis d’estimer l’évolution conjointe de la contrainte d’adhérence τ et de la contrainte radiale σ agissant à l’interface a-b. Pour cela, les résultats expérimentaux obtenus sur la base du goujon étalon (figure 4.12-a), où la contrainte radiale σ est contrôlée et la fissuration suivie, sont utilisés pour calibrer un modèle de comportement σD− w du bé-ton endommagé (chapitre 3) via une simulation numérique de l’essai. Ce comportement

σD−west ensuite utilisé comme donnée d’entrée dans une simulation du test avec la barre HA. Ainsi, la pression radiale agissant à l’interface a-b peut être évaluée. Cette valeur est ensuite confirmée en vérifiant l’adéquation entre le développement de la fissure issu du modèle numérique et celui mesuré expérimentalement.

Certaines conclusions peuvent être tirées de ces études :

— une corrélation entre les évolutions, relativement linéaires, de la contrainte radiale

σ (figure 4.15-a) et de la contrainte d’adhérence τ (figure 4.15-b) durant la phase d’endommagement préfigurant la localisation de la fissure de scission (point A, figure

4.15) ;

— l’angle de frottement ϕ dépend de la position de l’armature par rapport au bord de l’enrobage. Les valeurs obtenues varient entre 20 et 65° mais se concentrent majori-tairement autour de 40° (µ = 0, 84) pour les barres situées au bord de l’enrobage et 60° (µ = 1, 73) pour celles situées au centre [Ghandehari et al.,2000].

— une relation linéaire, avant le point A (figure4.15-c), entre le glissement s de l’arma-ture et l’ouverl’arma-ture de fissure δnà l’interface a-b. Le rapport δn/speut être estimé à 20 µm/mm.

Figure 4.15 – Aperçu des résultats de [Ghandehari et al.,1999].

4.4.1.3 L’étude de Malvar

L’étude expérimentale menée parMalvar[1992] est basée sur la réalisation d’un essai d’arrachement modifié (figure4.16-a). Une armature HA de 19 mm de diamètre conforme à la norme américaine ASTM-A615 est utilisée dans le cadre de cette étude. L’armature est noyée au centre d’un cylindre de béton (fcm= 40 MPa, fctm = 4,8 MPa, w/c = 0,56) de 75 mm de diamètre et de 100 mm de hauteur. La longueur d’ancrage retenue est fixée de manière à ce que 5 verrous soient en contact avec le béton, soit environ 65 mm. Les éprouvettes d’arrachement sont disposées dans un anneau permettant d’appliquer, par l’intermédiaire d’un vérin, une pression de confinement constante sur la paroi extérieure de l’enrobage de béton.

L’arrachement de la barre est contrôlé en déplacement et effectué de manière mono-tone à une vitesse constante de 2 mm/min jusqu’à un glissement d’environ 12 mm. La contrainte radiale agissant à l’interface a-b (σ, figure 4.16-b) est déterminée par le calcul

SECTION 4.4 - Couplage longitudinal/transversal à partir de la pression externe de confinement.

Certaines conclusions peuvent être tirées de cette étude (figure4.16-b) :

— à l’exception du test 5, les contraintes d’adhérence maximale τmaxet résiduelles τres

sont d’autant plus importantes que la contrainte radiale σ à l’interface a-b est élevée. Un coefficient de frottement d’environ 0,3 (ϕ = 17°) peut être évalué à partir des différents couples (τmax, σ) et (τres, σ) ;

— l’approche du pic du comportement longitudinal τ −s est associée à une expansion de l’enrobage. Cette expansion tend à être d’autant plus réduite que la pression externe de confinement est élevée.

— une portion de la branche adoucissante du comportement longitudinal τ − s est associée à une expansion de l’enrobage. Cette expansion est d’autant réduite que la pression externe de confinement est élevée (points A, B et C, figure4.16-b) ;

— une portion de la branche adoucissante du comportement longitudinal τ − s est associée à une contraction de l’enrobage. Cette contraction d’autant importante que la pression externe de confinement est élevée (points A, B et C, figure4.16-b) ; — la contraction de l’enrobage n’est jamais totale (i.e. expansion résiduelle), et ce,

malgré un glissement d’une dizaine de millimètres.

4.4.1.4 Les travaux de Gambarova et al.

Dans le cadre des travaux de Gambarova et al. [1989b,a], le problème complexe que représente l’ancrage d’une armature HA dans le béton a été approximé en utilisant un spécimen constitué d’une barre HA de 18 mm de diamètre prise en étau entre deux blocs de béton (fcm = 36 MPa, fctm = 3,6 MPa, w/c = 0,65), désolidarisés l’un de l’autre et maintenus ensemble par l’application d’un effort de serrage (figure 4.17-a). Une armature standard européenne, similaire à celle utilisée par Plizzari et al. [1998] (figure 4.11-a), ancrée sur une longueur de 3 × dnom correspondant à 5 verrous, est utilisée. Du fait de la non-uniformité des verrous en forme de croissants, la barre est disposée de manière à ce que le plan principal de poussée soit orienté vers la masse de béton ; le PPR est, de ce fait, confondu avec la fissure préformée par la ligne de séparation entre les deux blocs de béton indépendants (figure4.17-a).

Les essais sont menés à ouverture de fissure (i.e écartement entre les deux blocs de béton qui enserrent l’armature) constante, pour des niveaux d’ouverture de 0 à 0,3 mm par pas de 0,1 mm. Pour maintenir cet écartement, l’effort de serrage appliqué au deux blocs de béton est adapté manuellement en cours d’essai, ce qui implique un chargement par palier. Compte tenu de la complexité du dispositif expérimental (figure4.17-a) et de la quantité de paliers à effectuer pour obtenir suffisamment de points de mesures, ces essais sont menés jusqu’à un glissement de 5 mm à une vitesse de chargement moyenne de 0,05 mm/h (et durent donc quelques jours).

La contrainte radiale σ agissant à l’interface a-b est déterminée par le calcul à partir de l’effort de serrage contrôlé.

Figure 4.17 – Dispositif expérimental et aperçu des résultats de Gambarova et al.

SECTION 4.4 - Couplage longitudinal/transversal

Certaines conclusions peuvent être tirées de ces travaux :

— une corrélation linéaire entre la contrainte d’adhérence τ et la contrainte radiale σ à l’interface a-b (figure4.17-b). Les coefficients de frottement µ issus de ces travaux varient entre 1,6 (ϕ = 58°) et 1,9 (ϕ = 62°) [Gambarova et Rosati,1997].

— une corrélation linéaire entre le coefficient de frottement µ de l’interface a-b et le diamètre dnom de l’armature : le coefficient de frottement est d’autant plus élevé que le diamètre de la barre est grand [Gambarova et Rosati, 1997]. Les auteurs interprètent avec prudence cet effet comme pouvant résulter de l’espacement plus important entre les verrous des barres de grand diamètre ; ce qui laisse plus de place aux gros granulats pour s’intercaler, et s’opposer ainsi plus efficacement au glissement de la barre [op. cit.] ;

— le pic de la contrainte d’adhérence est atteint avant le pic de la contrainte radiale [Gambarova et al.,1989b].

4.4.1.5 L’étude de Tepfers et Olsson

L’étude de Tepfers et Olsson [1992] est, elle aussi, basée sur la réalisation d’un essai d’arrachement modifié, dit « ring test » (figure4.18-a). Les éprouvettes de ring test testées se composent d’armatures HA Ks400 et Ks600 définies par la norme suédoise SIS 212 ainsi que de barres HA spécialement usinées afin d’étudier l’influence de l’espacement et de la hauteur des verrous. Chaque armature est noyée au centre d’un cylindre de béton (fcm' 25 MPa, fctm '2,5 MPa) de 114 mm de diamètre et de 48 mm de hauteur. La longueur d’ancrage de l’armature est de 3 × dnom. Les éprouvettes sont coulées à l’intérieur d’un anneau en acier aux parois très fines et donc facilement déformables (0,65 mm d’épaisseur). La contrainte radiale σ agissant à l’interface a-b est déterminée par le calcul à partir des mesures d’allongement  renvoyées par deux jauges de déformation, opposées diamé-tralement, collées selon la direction circonférentielle sur la paroi extérieure de l’anneau en acier servant de coffrage au béton (figure4.18-a).

Certaines conclusions peuvent être tirées de cette étude :

— le pic de la contrainte d’adhérence τ est atteint avant le pic de la contrainte ra-diale σ (figure 4.18-a), ce qui rejoint l’observation de Gambarova et Rosati [1997] précédemment introduite ;

— l’angle de frottement ϕ de l’interface a-b varie entre 70 à 80° en début d’essai et 20 à 40° après un glissement de 5 mm (figure4.18-b). Ce résultat suggère une dégradation de la capacité d’adhérence de l’interface a-b au cours du glissement.

Les quatre approches présentées dans cette section indiquent toutes, via des dispositifs expérimentaux très différents en termes de géométrie, de chargement et de moyens de mesure, une corrélation entre la contrainte d’adhérence τ et la contrainte radiale σ agissant à l’interface a-b. Le couplage entre ces contraintes, par l’intermédiaire d’un critère de Mohr-Coulomb via le paramètre physique du coefficient de frottement µ caractérisant l’interface a-b, apparait adapté.

Il est cependant nécessaire de souligner l’importante dispersion des valeurs du coeffi-cient de frottement issues de ces travaux. De plus ces mesures ont été réalisées :

— soit sur la base d’une configuration non représentative (figure 4.12-a) [Ghandehari et al.,1999] ;

— soit après scission complète du béton d’enrobage (i.e. existence de fissures de scis-sion traversantes dès le début de l’essai) [Malvar,1992;Gambarova et Rosati,1997;

Tepfers et Olsson,1992].

L’extrapolation de ces résultats au comportement de l’interface a-b vis-à-vis du confi-nement exercé par l’enrobage de béton endommagé mais non fissuré n’est pas triviale ou doit, à minima, être confirmée. Une telle mesure sera réalisée dans le cadre du présent travail.