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Un paradigme de gestion publique en plein renouvellement, favorisant l'émergence de

m. Evolution historique de la légitimité du secteur public

IV. Un paradigme de gestion publique en plein renouvellement, favorisant l'émergence de

nouvelles légitimités

Longtemps inspirée de l'idéal-type wébérien (WEBER, 1956), la gestion des organisations publiques s'est profondément transformée sous l'impulsion du courant de la nouvelle gestion publique (POLLITT et BOUKAERT, 2003). Les transformations intervenues depuis le début des années 1980 sont telles que les fondements du modèle bureaucratique sont en pleine redéfinition, au point que certains analystes parlent d'un changemenl de paradigme. L'introduc-tion de pratiques de management el de gesL'introduc-tion des ressources humaines axées sur la performance, de systèmes d'incitations financières, la redéfini-tion des rôles et des attentes formulées à l'encontre des employés publics, et singulièrement des managers publics, ainsi que les nouvelles valeurs orien-tées sur la qualité, la compétitivité et l'entrepreneuriat public (DU GAY, 2000;

EMERY, 2oooa), représentent quelques-uns des changements suscités par les principes de la NGP.

De fait, les analystes s'accordent à souligner qu'il n'y a pas une nouvelle gestion publique, mais bien un ensemble de «facettes» et d'outils de moder-nisation de la gestion publique qui sont mis en œuvre de manière très différenciée selon les contextes administratifs et les cultures politiques. Avec MONIcs (MONCKS, 1998) et BOLGIANI notamment (BOLGIANI, 2002), la NGP présente des orientations principales comprenant au moins trois logiques bien distinctes.

Tout d'abord, nous trouvons la recherche pointue de l'efficience, qui pro-longe la tradition de l'analyse de la valeur et correspond à une forme d'économisation - par analogie avec politisation - des activités publiques.

Une tendance résumée par LANE il y a quelques années (LANE, 1997) avec les trois lettres DPM

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= Deregulation, P = Privatisation, et M = Mar-ketization), montrant la proximité avec l'approche dure des économistes de l'école de Chicago. GlAUQUE (GlAUQUE, 2004) développe sous un angle critique cette introduction massive d'une logique marchande, basée sur la supériorité réelle ou supposée des mécanismes de marché, au sein de l'administration publique, qui représente le monde civique au sens de BOLTANSKI et THÉVENOT (BOLTANSKI et THÉvENoT, 1991). Dans cette première logique de NGP, l'on voit la place prééminente d'une légitimation puisant dans les forces du marché,

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de la compétitivité et saluant les vertus de la main invisible pour redynamiser un secteur public apparemment englué dans des logiques bureaucratiques durablement déconnectées des pressions concurrentielles. Portés par les courants politiques de droite, cette légitimité du marché a paru, dans certains contextes y compris en Suisse, «la» panacée pour résoudre à la fois la crise des fmances publiques, mais également, d'une manière plus large, la plupart des dysfonctionnements identifiés au sein de l'appareil administratif. Entre-temps, après quelques crises de services publics privatisés (notamment en Grande-Bretagne et aux Etats-Unis), fortement médiatisées, le «tout-marché» a pris du plomb dans l'aile et ses vertus rédemptrices sont fortement relativisées.

Deuxième logique de la NGP, celle mettant en avant la qualité des presta-tions et le rapprochement des usagers, rebaptisés «clients» des services pu-blics. Cette logique intègre le courant déjà fort ancien du management de la qualité (GOOUE, 1997) et l'idée que les services publics sont évalués avant tout à l'aune des prestations effectivement fournies aux usagers. Dans une approche élargie, il est également possible de lui rattacher l'approche du pilotage et de l'évaluation des politiques publiques (KNOEPFEL et al., 2(01), dont le message essentiel consiste à identi fier et évaluer l'impact (ou/cornes) de l'action publique sur les problèmes de société qu'elle est censée contribuer à résoudre.

Il est alors question d'optimiser la première fonction de production des orga-nisations publiques, soit la production de biens et de services, ainsi que la seconde fonction de production, soit l'influence de groupes-cibles identifiés comme étant à l'origine de problèmes publics (pollueurs, délinquants, etc.)

(THOENIG, 20(0). Le maître-mot de cette deuxième logique est la fmalisation, soit l'orientation des organisations publiques sur des prestations concrètes à fournir et des effets à générer au sein de la population, ouvrant la voie à une forme de légimité «fonctionnelle» ou «fonctionnaliste». Contrairement aux critiques classiques de l'appareil administratif, soulignant son caractère autar-cique et auto-reproducteur, contrairement aussi à l'analyse du fonctionne-ment interne, portée sur la légalité et l'efficience des procédures mises en œuvre, ce deuxième courant invite à porter l'attention sur les «sorties» ou les

<<extrants» du système administratif. Dans le fond, mais également dans la forme, ces prestations vont se révéler plus ou moins en adéquation avec les besoins et attentes des différentes parties prenantes auxquelles elles sont

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Réformes et légitimités dusecteur public

destinées: destinataires directs - ou groupes-cibles dans le langage des poli-tiques publiques - bénéficiaires indirects, citoyens-fmanceurs en général, pour ne mentionner que les principaux. Ce courant est sans doute le mieux illustré par la «Citizen 's Charter» du programme Nert Steps mis en œuvre en Grande-Bretagne (BENDELL et al., 1994). En effet, cette charte du citoyen invitait tous les services publics à identifier clairement leurs prestations, à les soumettre régulièrement à une évaluation, pour ensuite les commuuiquer et mettre en œuvre les mesures d'amélioration appropriées. Il est intéressant de consta-ter que l'évolution du programme de modemisation à l'origine de cette charte a conduit le Gouvernement britannique à intégrer non seulement la qualité des services fouruis aux citoyens, mais également les effets produits, dans une logique plus proche de celle des politiques publiques.

Finalement, un troisième courant développé en particulier dans les pays nor-diques à tradition sociale-démocrate, est celui de la participation communau-taire et du renouveau des processus démocratiques, qui tendent à une réappropriation, respectivement une re-démocratisation des services publics, en transformant le citoyen trop souvent passif en acteur des services publics.

Plutôt que de mettre l'accent sur «l'aval» de l'appareil admiuistratif, il sera porté ici sur <<l'amonl>>, soit la formation de la volonté politique. Un exemple tout à fait intéressant de ce courant est représenté par l'ambitieux projet mené à Bâle, projet baptisé «Werkstadl» (WIENER, 2001). Soucieuses d'im-pliquer le plus largement possible et de manière innovante les habitants de cette agglomération dans le développement harmonieux de leur lieu de vie, les autorités politiques ont investi plus d'un million de francs dans un projet qui a finalement permis d'aboutir à un plan de mesures contenant près de 200 actions spécifiques planifiées sur les années à venir (début des années 2000), programme inscrit régulièrement dans le processus d'appro-bation du Parlement. Parmi les formes d'implication des habitants, relevons l'établissement de structure d'expression et de commuuication par quartiers (Quartierstrukturen), la condllile de près de 40 «ateliers d'innovation»

(lnnovationswerkstiitlen), auimés par des professionnels, et permettant à la population (suisse et étrangère) de s'exprimer sur les besoins spécifiques à leur quartier. L'ensemble des propositions récoltées ont été ensuite résu-mées en 25 thématiques spécifiques qui, à leur tour, ont donné lieu à des conférences de consensus (Konsens-Konferenzen) auxquelles ont été conviés les principaux acteurs locaux impliqués. L'on mesure dans cette

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démarche à quel point le processus démocratique classique, permettant aux citoyens (et seulement à ceux-ci!) d'élire leurs représentants, puis de se prononcer sur des objets spécifiques, peut être élargi, surtout lorsque l'on considère les taux élevé d'abstentionnisme. A l'inverse du premier courant porté par une pensée d'inspiration néo-libérale, ce courant de redé-mocratisation prend ses racines dans une conception de l'Etat soutenue par les partis politiques du centre ou de la gauche.

De fait, au niveau suisse et international, ces trois courants se sont concréti-sés de manière très différente, combinant le plus souvent certaines idées de chacun d'entre eux pour aboutir à des formes hybrides de modernisation. Le paragraphe snivant détaille les principales orientations prises en insistant plus particulièrement sur le contexte helvétique.

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V. Nouvelles légitimités émergeant des réformes