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Accroître la légitimité en travaillant l'image des organisations et agents publics

m. Evolution historique de la légitimité du secteur public

D. Accroître la légitimité en travaillant l'image des organisations et agents publics

Au plan international, force est de constater que le secteur public souffre d'une image négative quasiment depuis toujours, comme si celle-ci était consubstantiellement liée à son existence. Cette image négative est bien sûr aussi le fait des agents publics eux-mêmes, en ce qu'ils incarnent et person-nalisent les dysfonctions de l'appareil administratif. Dans sa forme la plus extrême, ce «handicap», que doivent porter les agents publics, pourrait se transformer en complexe du fonctionnaire et produire, par une forme d'effet

Pygmalion, une véritable spirale de la non-performance, minant durablement les efforts par ailleurs très importants de modernisation. En effet, il faut rele-ver la persistance d'une image négative, tant du secteur public en général que des agents publics en particulier, en dépit d'appréciations positives sur les qualités des fonctionnaires et prestations fournies par l'administration, relevées lors d'enquêtes spécifiques et ciblées (KERNAGHAN, 1999). Nous sommes donc en face d'une lacune de légitimité qui apparaît en partie infondée, mais que peut-on faire?

Nous avons analysé ailleurs les fondements de cette image négative (EMERY et al., 1997), dont les origines sont multiples, en particulier une opinion géné-rale peu favorable à un interventionnisme de l'Etat dans la société, l'exercice d'une fonction régalienne qui implique souvent de pas exaucer les vœux des citoyens, quand il ne s'agit pas d'intervenir par la force publique pour restreindre leurs libertés, et le stéréotype tenace du «fonctionnaire-rond-de-cuiT» que l'on doit notanunent à COURTELINE depuis plus d'un siècle.

L'agent public incarne très concrètement une administration vue tradition-nellement comme étant insaisissable, impersonnelle, coûteuse et hautaine (DEBBASCH, 1989: 783ss). De plus, il bénéficie encore d'un statut particulier qui le protège des aléas de la conjoncture et lui assure une forme de sécurité de l'emploi fort enviée dans les temps difficiles que nous connaissons actuel-lement. L'usager des services publics, au-delà de l'homme ou de la femme qu'il a en face de lui, perçoit alors le représentant d'un système qui, lui aussi, véhicule une image plutôt négative. Invité à humaniser les relations de ser-vice entretenues avec les usagers, l'agent public se retrouve souvent porteur des travers d'un système bureaucratique qu'il ne maîtrise que dans une faible proportion.

Il est clair que les médias perpétuent et amplifient l'image négative des fonc-tionnaires. C'est que l'exploitation de ce fond de culture satirique est tellement ancrée dans les mœurs qu'il n'y paraît rien au premier abord. Un examen systématique des articles publiés sur les services publics, en particulier au moment où des transformations sont présentées, ferait probablement appa-raître une hypertrophie des points négatifs par rapports aux aspects positifs.

A titre d'exemple, le bref extrait de critiques sélectionnées par BOSETZKY/

HEINRICH (BosETZKYet HEINRICH, 1994: 35) dans la presse allemande témoigne en tous cas de la facilité à trouver un langage critique, parfois acerbe, commentant les faits et gestes des fonctionnaires.

Réformes et légitimités du secteur public

Sans disposer d'une analyse objective en la matière, nous avons le sentiment que la presse porte un regard généralement critique sur les performances et innovations des services publics, y compris dans le cadre de rubriques humo-ristiques où les travers bureaucratiques constituent une matière première toujours attractive.

Ainsi, accroître la légitimité de l'action publique nécessite impérativement d'intégrer également la question de l'image, en trouvant les voies appro-priées à son amélioration au sein de l'opinion publique. Cette démarche consistant à valoriser le secteur public passe par un processus d'exorcisme des vieux démons qui hantent encore les administrations modernes. En effet, nous pensons qu'à l'amélioration objective de la performance publique et à toutes les stratégies politiques et managériales qui lui sont associées actuelle-ment, il convient d'associer également une amélioration dans la perception qu'en ont les principaux partenaires externes de l'administration, en particu-lier le grand public. C'est donc sur le plan de la perceptinn de la performance publique que l'effort doit également être porté, en usant des stratégies et outils du marketing et de la communication publics.

En développer les principaux aspects dépasserait largement le cadre de cette contribution, mais précisons simplement qu'il ne s'agit pas de «vendre» une image surfaite du secteur public, de ses prestations et de ses agents publics;

au contraire, l'idée consiste à mettre en exergue, à leur juste valeur, les très nombreuses démarches de modernisation et la qualité des prestations four-nies dans beaucoup de domaines d'action publique, le dévouement et le pro-fessionnalisme des agents publics, donnant le meilleur d'eux-mêmes dans un environnement, il faut le répéter, qui est parfois difficile à supporter sans recourir à certaines facettes de la schizophrénie.

Ces quelques pistes destinées à asseoir durablement les nouvelles légitimités de l'action publique ne sont bien entendu guère exhaustives. Nous avons voulu mettre en évidence celles qui, de notre expérience et en fonction des convictions qui nous animent, paraissent les plus porteuses. Mais tout reste maintenant à faire! Nous souhaitons aux acteurs concernés enthousiasme et endurance pour relever les nombreux défis qui se présentent.

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