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Le service public : Journée de droit administratif 2005

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Conference Proceedings

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Le service public : Journée de droit administratif 2005

TANQUEREL, Thierry (Ed.), BELLANGER, François (Ed.)

TANQUEREL, Thierry (Ed.), BELLANGER, François (Ed.). Le service public : Journée de droit administratif 2005 . Genève : Schulthess, 2006, 264 p.

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:13260

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Journée de droit administratif 2005

Le service public

Edité par

Thierry Tanquerel et François Bellanger

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Information bibliographique de <Die Deutsche Bibliothelo

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<http://dnb.ddb.de>.

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fi:> Schulthess Médias Juridiques SA, Genève· Zurich· Bâle 2006 ISBN 3 7255 5091 3

www.schulthess.com

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VINCENT MARTENET

E VEL YNE CLERC

Sommaire

Avant-propos ... 7 La notion de service public en droit

suisse ... 9 Le service public en droit de 1 'OMC

et de l'Union européenne: à la limite

de l'Etat et du marché ... .47 JACQUELINEMoRAND-DEVILLER Le service public français ... 119 YVESEMERY

DoMINIQUE SPRUMONT FRANÇOIS BELLANGER ET CAROLINE CAVALER! RuoAZ THIERRY TANQUEREL

Réfonnes et légitimités du secteur

public ... 133 Le service public et les services

d'intérêt public: l'exemple de la santé .... 161 La réfonne du service public de

l'eau, du gaz et de l'électricité ... 193 Les services publics de transports ... 221 Table des matières ... 257

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l'

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Avant-propos '

Le présent ouvrage réunit les contributions présentées lors de la 8ème Journée de droit administratif consacrée au service public.

Le vent des libéralisations qui balaye l'Europe a provoqué de grands change- ments dans le domaine des services publics, non seulement dans les secteurs de la téléphonie ou de l'électricité, mais aussi, par exemple, dans ceux des transports, des services postaux ou des soins médicaux.

Cette évolution a suscité une grande inquiétude chez les utilisateurs des services publics, qui craignent de ne plus avoir accès aux mêmes prestations de la part de l'Etat. L'administration s'interroge quant à elle sur l'étendue de ses obligations face aux citoyens, notamment en période de restric- tions budgétaires. Face à cette évolution, il était utile d'essayer de cerner les contours du concept de service public et de définir les droits des citoyens dans ce domaine.

Ce volume s'ouvre sur une présentation générale de la notion de service public en droit suisse, avant d'élargir les perspectives de réflexion dans trois directions. L'examen de l'approche de l'OMC et de l'Union européenne permet de mieux comprendre les influences extérieures que subit la Suisse.

L'exemple de la France illustre la tension qui peut résulter de l'opposition entre les obligations découlant du droit européen et une vision très classique de la notion de service public. Enfin, l'optique de la science administrative offre un regard un peu différent sur la question de la légitimité, qui reste au cœur des réformes du service public. Cette partie générale est complétée par trois études détaillées portant sur des secteurs où le service public est en pleine mutation: la santé, l'eau et l'énergie, les transports.

Les éditeurs ne sauraient conclure cet avant-propos sans remercier de leur précieuse contribution à la préparation du colloque et de ses actes, Mesdames Jacqueline WIDMER, Ursula MARTI, Alexandra RIHs et Ariane TSCHOPP, ainsi que Monsieur Stéphane GRODECKI. Ils remercient également, pour son sou- lien régulier, le Centre d'étude, de technique el d'évaluation législatives de l'Université de Genève (CETEL).

Thierry T ANQUEREL François BELLANGER

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La notion de service public en droit suisse

VINCENT MARTENET

Professeur à l'Université de Lausanne

L Le service public

Le service public est une notion particulièrement délicate à définir. La no- tion de service public ne bénéficie pas, en Suisse, d'une consécration géné- rale à laquelle chacun se rallierait. Du reste, il n'existe même pas de pendant en allemand, les termes «ofJentlicher Diens/>, étant plus larges et corres- pondant plutôt, en français, à la fonction publique.

La notion de service public occupe certes une place importante dans le dis- cours politique, mais elle n'apparaît que çà et là dans la législation fédérale et cantonale. Aussi est-il nécessaire de procéder par tâtonnements en vue de la circonscrire d'un point de vue juridique. Il convient, au préalable, de poser quelques jalons et d'opérer quelques délimitations.

A.

Premiers jalons

J. Des activités d'intérêt général

Le premier point qui semble traditionnellement admis est que le service pu- blic regroupe des activités d'intérêt généra/I . En d'autres termes, le service public ne poursuit pas des finalités purement privées.

Dans un rapport du 23 juin 2004 intitulé «Le service public dans le domaine des infrastructures» (le Rapport)2, le Conseil fédéral a bien mis en évidence cet aspect du service public, puisque, selon lui, les services publics de base

2

Voir DotammentANDRÉ GRJSEL, Traité de droit administratif. vo1. I, Neuchâtel, 1984, p. 109, qui s'appuie sur la jurisprudence et la doctrine françaises. S'agissant de la doctrine française. voir, parmi d'innombrables auteurs, PIERRE-LAURENT FRrER, Précis de droit administratif, Paris, 2001, p. 174-177 ainsi que, dans cet ouvrage,

MORAND-DEVILLlER, passim.

FF 2004, 4309 ss.

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VINCENT MARTENET

doivent être «accessibles à toutes les catégories de la population et offerts dans toutes les régions du pays à des prix abordables et selon les mêmes principes»3.

Ce premier point est important dans la mesure où il contribue à justifier le rattachement du service public au droit public. Par ailleurs, cette finalité collective concourt à légitimer, dans certains cas, un régime juridique propre au service public, dérogatoire - en tout ou en partie - au droit commun, en particulier au droit de la concurrence et, plus largeme.nt, au droit privé4.

Il faut cependant relever que la notion d'intérêt général n'est pas immuable et varie selon les époques ainsi que les conceptions politiques5• En ce sens, la notion de service public est relative, à l'instar de l'intérêt général lui-même.

2. Des prestations offertes aux particuliers

Le service public se traduit, dans une importante mesure, par des presta- tions offertes aux particuliers. Ainsi, par exemple, PIERRE MOOR définit le service public comme «une activité qui consiste généralement en prestations offertes aux administrés: enseignement, transports publics, distribution d'eau et d'énergie»6. BLAISE KNAPP s'inscrit dans une perspective assez proche, quoiqu'il semble élargir la portée de la notion7• Dans son Rapport, le Conseil fédéral met clairement l'a~cent sur <des prestations d'intérêt général» four- nies par le service publics.

Pour certains services, ces prestations nécessitent d'importantes infrastruc- tures (transports publics, distribution d'énergie, par exemple). Dans son Rap- port, le Conseil fédéral entend ainsi, par service public, «des services de base de qualité, défmis selon des critères politiques, comprenant certains biens et

3 4 5 6

7

8

FF 2004, 4310 et 4316.

Voir infra 1, A, 5.

Voir notamment PIERRE ESPLUGAS, Le service public, 2ème éd., Paris, 2002, p. 46-48~

JACQUES CHEVALLIER, Le service public, 5ème éd., Paris, 2003, p. 49-51.

PIERRE MooR, Droil administratif, voL 1 «Les fondements généraUX»), 2ème éd., Berne, 1994, p. 17. Voir égalemen~ dans cet ouvrage, TANQUEREl,lI, A, 3; MARTIN PHILIPP WYSS, «Bildung aIs Service Public? - Verfassungsrechtliche Konturen eines politischen Schlagwortes», in BOVAY!NGUYEN (éd.). Mélanges Pierre Maor. Berne, 2005, p. 609-621, 611.

BLAISE KNAPP, Précis de droit administratif. 4ème éd., Bâle et Francfort-sur-le-Main, 1990, p. 31, nO 139.

FF2004,4317.

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La notion de service public en droit suisse

prestations d'infraslructure»9. Diverses lois fédérales mettent en exergue l'offre de prestations aux particuliers et, à travers eux, à la collectivitélO•

Cette approche contribue à délimiter les activités de service public des autres activités de l'Etat. Ainsi, par exemple, les règles relatives au fonctionnement des organes de l'Etats ou des tâches de pure surveillance ne ressortissent généralement pas au service public.

Il serait cependant erroné de tracer une ligne de démarcation absolue entre l'administration de police et l'administration de prestation, en assinùlant cette dernière au service public. Outre qu'elle est quelque peu surannée, cette distinction appelle deux remarques très générales.

En premier lieu, certains domaines de l'activité étatique se situent à cheval sur une telle ligne. Le domaine de la santé en offre un bon exemple, puisque l'Etat fournit certes des prestations, mais assume aussi des tâches de contrôle - des denrées alimentaires, par exemple - qui relèvent, elles aussi, de l'inté- rêt général et qui concourent également à assurer la santé publiquell .

En second lieu, les activités d'intérêt général consistant à fournir des presta- tions impliquent, en même temps, des mesures de contrôle. Le domaine des transports publics illustre bien le double rôle de l'Etat, à la fois prestataire de service et régulateur12. A cet égard, dans son Rapport, le Conseil fédéral insiste - à juste titre - sur la nécessité de séparer, sur le plan fonctionnel, les rôles de régulateur et d'acteur du marché de l'Etat13 .

3. Un besoin social non satisfait par le seul secteur privé

Le service public répond, en principe, à un besoin social qui n'est pas satis- fait par le seul secteur privé. Ce point est important à plus d'un titre.

9 10

11 12 13

FF 2004, 4310 et4316.

Voir notamment l'art. 3, al. t, de la loi fédérale sur les Chemins de fer fédéraux du 20 mars 1998 (LCFF; RS 742.31): <<La tâche essentielle des CFF est d'offrir des prestations de transports publics, notamment dans le domaine de l'infrastructure, du trafic voyageurs régional ou à grande distance, et du trafic marchandises et les sec- leurs annexes). Voir également l'art. l, al. l, de la loi fédérale sur la poste du 30 avril 1997 (LPO; RS 783.0), l'art. 3, al. l,de la loi fédéralesurl'organisation de la Poste du 30 avril 1997 (LOP; RS 783.l)ainsi que l'art. 3, al. 1, de la loi fédérale sur l'organisa·

tian de l'entreprise fédérale de télécommunications du 30 avril 1997 (LET; RS 784.11).

Voir, dans cet ouvrage, SPRUMONT, l, A et n, A.

Voir, dans cet ouvrage, T ANQUEREL, passim.

FF 2004, 4312 et 4368. Dans le même sens, JEAN-FRANÇOIS AUBY, Les services publics en Europe, Paris, 1998, p. 91-92, à propos du droit de l'Union européenne.

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VINCENT MARTENET

L'existence du service public s'explique, partiellement en tout cas, par le fait que le marché ne répond pas de manière satisfaisante à certains besoins sociaux. Il en résulte une délimitation négative du service public. Ainsi, le service public ne devrait pas couvrir les activités que les citoyens peuvent accomplir de manière satisfaisante, dans le cadre d'un marché fonctionnant normalement, par la mobilisation de leurs propres ressourcesl4. Aussi faut-il y voir une certaine forme de subsidiarité du service publicls . Il convient cependant d'être prudent à propos de cette notion de subsidiarité. Ainsi ne constitue-t-elle qu'un critère parmi d'autres permettant de déterminer si un service public bénéficiant d'un régime juridique particulier se justifie dans un domaine déterminél6.

Cela ne signifie toutefois pas qu'il existe une séparation nette entre le ser- vice public et le secteur privé. Au contraire, celui-ci est très présent dans la réflexion sur celui-là. En réalité,le cœur du débat sur le service public porte précisément sur les besoins sociaux à propos desquels l'on ne saurait d'em- blée exclure qu'ils puissent être satisfaits, en partie à tout le moins, par le secteur privé. Autrement dit, les débats relatifs au service public concernent essentiellement les besoins sociaux pour lesquels entrent potentiellement en concurrence le service public et l'économie privée. Ce sont donc sinon uni- quement, du moins principalement les activités de nature économique ou services économiques d'intérêt général, selon la terminologie employée dans l'Union européennel7, qui soulèvent le plus grand nombre de questions quant à la légitimité et au champ du service public.

A l'inverse, les fonctions régaliennes de l'Etat, c'est-à-dire celles qui sont traditionnellement assurées par l'Etat et qui correspondent aux exigences

14 IS

16

17

Voir, dans cet ouvrage, SPRUMONT,

n.

C; voir également le rapport du Conseil fédéral, du 23 juin 2004, FF 2004, 4316.

Comp., s'agissant du droit français. FRiER (n. 1), p. 232: <<II reste que subsiste. à J'heure actuelle, une large pari d';ncer/Î1ude sur les effets de la soumission des servi- ces publics, à un litre ou à un autre, au droit spécifique de la concurrence. Quelles conséquences pour le service public tant dans son existence même que dans ses «pri- vilèges»? Subsidiarité, peut-être; proportionnalité, sans doute; mais pas à fi 'importe quel prix!». Voir également. dans cet ouvrage. MORAND-DEVILLŒR, II, B.

Pour une analyse plus approfondie sur ce point, voir ANDREAS MÜLLER, «Staats- und vcrwaltungsrechtliche Kriterien für die Privatisierung von Staatsaufgabem>, PJA 1998, p. 65-83, spécialement 77 et les références doctrinales.

Voir notamment AUBY (n. 13), p. 87-88 ainsi que, dans cet ouvrage, CLERC, II, A.

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La notion deservice public en droit suisse

primaires de la solidarité politique18, sont moins exposées aux réflexions et aux critiques sur le service public. Ces fonctions régaliennes englobent no- tamment les affaires étrangères, la défense, la justice ou encore la police19.

Dans la même optique, les tâches de l'Etat qui impliquent essentiellement le versement de prestations (aide sociale, subventions), sans que ces presta- tions soient versées du fait de l'existence de mécanisme d'assurance com- parables à ceux existant dans le secteur privé, semblent quelque peu échap- per au débat sur le service public.

4. Un rattachement à l'Etat

Le service public suppose un certain rattachement à l'Etat. Ce rattachement est particulièrement marqué lorsque le service public est géré par l'Etat, soit en régie ou par le biais d'un établissement autonome de droit public. Dans ce cas, le service public est, selon la terminologie française, directement pris en charge par une personne publique2°.

Ce rattachement existe néanmoins aussi, quoiqu'indirectement21, lorsque le service public est concédé à un tiers, y compris à une entreprise privée.

Dans ce dernier cas, la concession de service public impose certaines obliga- tions à l'entreprise concessionnaire et prévoit un contrôle étatique particulier sur les activités de celle-ci. Par ces obligations et ce contrôle, le rattache- ment à l'Etat est maintenu22 .

5. Un régime juridique particulier

Du moment que le service public répond à un besoin social que les activités de secteur privé ne suffisent pas à satisfaire, il bénéficie souvent, assez logi- quement, d'un régime juridique dérogatoire au droit privé, en particulier au droit de la concurrence. Le droit privé n'est cependant pas nécessairement exclu; il est plutôt aménagé afin de ne pas entraver la finalité du service public.

18 19 20 21 22

Voir notamment AUBY (n. 13), p. 21.

Voir notamment AUBY (n. 13), p. 9.

Voir notamment JOEL CARBAJO .. Droit des services publics, 3~me éd., Paris. 1997, p.17-18; FRlER(n. I),p. 177-178.

FRIER (n. 1), p. 177; voir également ESPLUGAS (n. 5), p. 46.

Voir notamment, en France, CARBAJO (n. 20), p. 17 et la référence à la jurisprudence du Conseil d'Etat français.

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VINCENT MAlrrENET

Cette dernière caractéristique est probablement celle qui est la plus contro- versée à l'heure actuelle23 • La volonté de libéraliser le service public conduit à contester vivement le régime juridique particulier dont il bénéficie. Plus généralement, le droit de la concurrence - tant européen que suisse - connaît un développement sans précédent qui bat en brèche divers bastions du service public24Cela entraîne une redéfinition permanente du service public et des missions qui lui sont confiées.

A cet égard, l'évolution du droit suisse est largement influencée par celle du droit de l'Union européenne. Il suffit pour s'en convaincre de parcourir le Rapport du Conseil fédéral. On peut notanunent y lire que ce qui snit à pro- pos du service public:

«L ~ évolution que connait l'Union européelUle est déterminante pour le service public en Suisse. Bien que non membre, la Suisse est cependant liée au marché intérieur européen et ne saurait échapper aux processus économiques et politi- ques que connaît l'Europe. Le Conseil fédéral souhaite assurer la compatibilité avec [l'Union européenne] dans les domaines où [et le Conseil fédéral de faire un lapsus révélateur sur la vision boutiquière de la Suisse s' agissant de ces relations avec l'Union européenne!) cette comptabilité est judicieuse, tout en réservant le droit de s'écarter des normes de [l'Union européenne] pour des raisons majeures»25.

La souveraineté de la Confédération suisse réside ainsi dans quelques rai- sons majeures ...

B. Quelques délimitations

1. Service public et service d'intérêt public

Le service public implique, comme nous l'avons vu, un rattachement à l'Etat ainsi qu'un régime juridique particulier.

Le service d'intérêt public- terminologie parfois utilisée en Suisse-poursuit également une finalité collective. Il s'agit cependant d'une notion plus vaste qui se base notamment sur le droit de l'Union européenne, même si la termi-

23

24 25

Voir notamment, à propos de la France, CHEVALLIER (n. 5), p. 52, 82-83 et 88: «[ ... ] les privilèges dont les services publics étaient dotés tendent à se tarir. au nom du principe de libre concurrence: les services publics sont de plus en plus considérés comme des opérateurs parmi d'autres, insérés dans un marché ouvert et tenus de jouer le jeu de la concurrence.» (p. 52).

Voir infra III, E, à propos de la Suisse, ainsi que, dans cet ouvrage, CLERC, II,passim à propos de l'Union européenne.

FF 2004, 4368.

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La notion de service public en droit suisse

nologie diffère légèrement puisqu'il y est question de services d'intérêt gé- néral26 .

Un service d'intérêt public n'est pas nécessairement rattacbé à l'Etat. Il peut, selon les cas, relever du secteur privé. En somme, lorsque l'on parle de service d'intérêt public, l'on se désintéresse généralement de l'organisme fournissant le service, pour se focaliser sur les tâcbes en cause et les objec- tifs qui leur sont liés27Ces tâcbes relèvent donc de l'intérêt général et sont soumises à des obligations spécifiques qui en découlent28 •

2. Service public et service universel

Le service public regroupe des activités d'intérêt général. Cela ne signifie toutefois pas que les prestations doivent être offertes à tous les individus.

Des distinctions demeurent possibles pour autant qu'elles soient justifiées de manière objective et non discriminatoire, conformément au principe d' éga- lité.

Développé par les institutions de l'Union européenne dans des domaines bien précis, le service universel se définit, dans les grandes lignes, comme un ensemble minimal de services d'une qualité donnée auquel tous les utilisa- teurs et les consommateurs ont accès à un prix abordable29. En Suisse, cette notion est ancrée à l'article 92, alinéa 2, de la Constitution fédérale du 18 avril 1999 (Cst.)30, s'agissant des services postaux et des télécommunica- tions'I. Dans son Rapport, le Conseil fédéral en fait une notion plus générale puisque, traitant des services postaux, des télécommunications, des médias électroniques (radio et télévision) et des routes, il considère que les presta- tions qui en résultent «doivent être foumies pour tous et dans toutes les régions selon les mêmes principes»32.

En somme, le service public suppose le respect de l' égalité33, tandis que le service universel se fonde sur l'idée d'universalité - plus large et, à certains

26 27 28 29

30 31 J2 13

Voir, dans cet ouvrage, CLERC, II, A, 1.

Voir, dans cet ouvrage, SPRUMONT, II, B, 2, b et HL Voir notamment AUBY (n. 13), p. 87-88.

Voir notamment AUBY (n. 13), p. 88; CHEVALLIER (n. 5), p. 89; CLERC, dans cet ouvrage, II, A, 3.

RSIOI.

Voir infra II, C, 2.

FF 2004, 4318.

Voir infra II, D, 4 et III, B, 2.

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VINCENT MARTENET

égards, plus généreuse. Il est vrai qu'égalité et universalité se recoupenttrès largement. Il n'en demeure pas moins que l'on pourrait isoler des situations conformes au principe d'égalité, mais contraires à celui d'universalité.

3. Service public et monopole

Dans le passé, le service public est souvent allé de pair avec un monopole de droit ou de fait. Ainsi, le service public était fourni par un prestataire étatique, voire privé sur la base d'une concession de service public, jouissant d'une position monopolistique prévue en droit - fédéral.ou cantonal- ou résultant de la maîtrise sur le domaine public, ce qui exclut de facto la concurrence.

Aujourd'hui, la tendance consiste, dans de nombreux domaines, à concilier le service public avec la concurrence. Ainsi une collectivité publique peut-elle, par exemple, octroyer des concessions de service public ou même de sim- ples autorisations à plusieurs acteurs économiques concurrents. Cette voie doit même être privilégiée lorsqu'elle s'avère praticable. Dans son Rapport, le Conseil fédéral souligne que des éléments de concurrence sont «essentiels pour améliorer l'efficacité du service public et accroître la qualité des pres- tations,,34.

En fin de compte, on peut aujourd'hui nettement affirmer que le service public ne va aucunement de pair avec l'existence d'un monopole. Il faut bien plus se demander, dans chaque cas, si l'existence d'un monopole est prévue par la loi, répond à un but légitime et constitue une mesure adéquate, néces- saire et proportionnée au but poursuivi par le service public35 et, singulière- ment, aux missions confiées à celui-ci. Idéalement, tout monopole devrait être périodiquement évalué36.

34

35

36

FF 2004, 4368.

Le Tribunal fédéral semble préconiser une telle approche dans son arrêt de principe sur la concurrence dans le marché de l'électricité (ATF 12912003 II 497,516,528 et 535, Entreprises Electriques Fribourgeo-ises).

Voir, en dernier lieu, J'évaluation relative au projet d'abaisser à 100 grammes la limite du monopole de la Poste en matière de courrier (voir le communiqué de presse du Département de l'environnement, des transports, de l'énergie et de la communication, du 18 août 2005). Le rapport, réalisé par WIK-Consu/t, entreprise allemande spéciali- sée dans le secteur postal, conclut qu'un tel abaissement ne menace ni le service universel offert sur l'ensemble du territoire ni son financement (le rapport, daté du 31 juillet 2005, peut être consulté sur Internet à l'adresse suivante:

www.postreg.admin.chlpos/regl).

(16)

~''''''

La notion de service public en droit suisse

fi. Le service public dans la Constitution fédérale

A.

L'absence de consécration générale

La Constitution fédérale suisse du 18 avril 1999 ne contient aucune disposi- tion consacrant la notion de service public. Il existe quelques bribes en la matière, mais une consécration générale fait indiscutablement défaut.

Cela signifie que le service public relève essentiellement de la législation ordinaire en Suisse. Il convient cependant de réserver les dispositions en matière de service public figurant dans certaines constitutions cantonales, au premier rang desquelles figurent celles des cantons de Fribourg37, Vaud38 et Genève39

B. La liberté lors de la mise en œuvre des tâches étatiques

La Constitution fédérale laisse au législateur - fédéral ou cantonal selon le domaine en cause - le soin de mettre en œuvre les tâches étatiques et de définir, le cas échéant, le mode de gestion du service public lorsqu'un tel service est assumé ou concédé par la Confédération ou les cantons. Cette liberté se déduit notamment de l'article 42, alinéa l, Cst., quant à la Confédé- ration, et des articles 3 et 43 Cst., quant aux cantons4C, dans la mesure où ces dispositions n'imposent aucune lintite quant aux modes de gestion des tâches étatiques.

Evidemment, cette liberté est restreinte s'agissant de tâches intimement liées à la puissance publique et, en particulier, à l'exercice de la contrainte publique.

On pourrait parler, à ce propos, de tâches étatiques stricto sensu. Sont concernées notamment l'armée, la police, les affaires extérieures ou encore la justice. Seul l'Etat est, en principe, habilité à assumer de telles tâches et - qui plus est - il est tenu de le faire41 . Concrètement, une privatisation totale

37 38

39 40

41

Voicl'art. 52, al. 2, de l,Constitution du canton de Fribourg, du 16 mai 2004 (Cst. FR;

RS 131.219); voir infra lV,AetC.

Voir l'art. 39 de la Constitution du canton de Vaud, du 14 ,vril 2003 (Cst. VD;

RS 131.231); voir infra lV,A, B et C.

Voir les art. 158 à 160 (services industriels) et 160 C (transports publics) de la Cons- titution de la République et canton de Genève, du 24 mai 1847 (Cst. GE; RS 131.234).

Sur ce point, voir notamment JEAN-FRANÇOIS AUBERT in AUBERTIMAHON, Petit commentaire de la Constitutionfédéralede la Confédération suisse du 18 avril/999, Zurich 2003, p. 395, nO 2 ad art. 43 Cst.

Voir, par exemple, MÜLLER (n. 16), p. 68-69~ voir également, dans cet ouvrage, SPRUMONT, II, B, 1.

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VINCENT MAlrrENET

de ces tâches est exclue. Certains aspects de ces tâches peuvent néanmoins être accomplis parallèlement par le secteur privé, comme la surveillance42 ou certaines formes de justice privée (médiation, arbitrage par exemple).

S'agissant d'autres tâches qui sont a priori susceptibles d'être assumées par le secteur privé - qui nous retiendront dans la présente contribution, car elles soulèvent les questions les plus intéressantes sous l'angle du service public -, la liberté du législateur lors de leur mise en œuvre est plus large. On qualifie parfois ces tâches de tâches publiques, par opposition aux tâches étatiques stricto sensu.

Quoiqu'importante, cette liberté n'est cependant pas absolue. Ainsi, certains principes généraux relevant du droit constitutionnel et du droit administratif doivent être respectés, y compris dans le cadre d'une libéralisation, voire d'une privatisation du service public43Au reste, il est parfois soutenu que, s'agissant de certaines tâches dites obligatoires, l'Etat doit garantir une offre de base, par le biais de la construction et de l'exploitation des diffé- rentes infrastructures de base44• Sur ce point, il faut cependant être prudent.

A notre sens, il convient de déterminer, secteur par secteur, l'étendue des obligations de l'Etat en tenant compte de la législation en vigueur et de l'offre émanant du secteur privé. L'entrée en vigueur de l'article 43a Cst. n'entraî- nera vraisemblablement pas de bouleversements sur ce point45• En revanche, la situation pourrait changer à moyen terme puisque le Conseil des Etats a récemment approuvé une motion de sa commission des transports et des télécommunications chargeant le Conseil fédéral de préparer une norme cons- titutionnelle relative à la desserte de base46. Enfm, la liberté du législateur est limitée notamment par l'article 94, alinéa l, Cst. qui garantit le principe de la liberté économique, sur lequel nous reviendrons47 .

42

43 44 45 46 47

Voir, à ce sujet, le dossier deL 'Hebdono 33 du 18 août 2005, p. 12-19, qui met bien en évidence le danger pour la démocratie qui peut résulter du développement des orga- nismes privés assurant la sécurité (interview du Professeur MARCEL NIGGLI, p. 19).

Voir spécialement MÜLLER (n. 16), p. 73·82 et les références.

Voir MÜLLER (n. 16), p. 69; voir également, dans cet ouvrage, SPRUMONT, II, B, 1, b.

Voir i'!fra II, D, 4.

BO 2005 CE 658-662 (16 juin 2005).

Voir infra n, D, 5.

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La notion de service public en droit suisse C. Quelques uormes spéciales

Quelques nonnes particulières en matière de service public émaillent cepen- dant le texte de la Constitution fédérale du 18 avril 1999. Nous en mentionne- rons quatre.

J. L'enseignement de base

Le droit à un enseignement de base suffisant et gratuit est garanti, en tant que droit fondamental, par la Constitution fédérale48. Celle-ci contient, de surcroît, des exigences précises sur la mise en œuvre de ce droit- ce qui est d'autant plus intéressant qu'il s'agit d'une compétence des cantons:

«Les cantons pourvoient à un enseignement de base suffisant ouvert à tous les enfants. Cet enseignement est obligatoire et placé sous la direction ou la surveillance des autorités publiques. Il est gratuit dans les écoles publiques.

L'année scolaire débute entre la mi-août et la mi-septembre»49.

Il s'agit d'un droit fondamental pleinement justiciable5°, contrairement au but social énoncé à l'article 41, alinéa 1, lettre f, CSt.51. Le Tribunal fédéral a eu l'occasion de préciser que le droit à l'enseignement gratuit s'étend jusqu'à la fin de la neuvième année scolaire52. Il implique des prestations positives gratuites dont sont responsables les cantons, ce qui paraît exclure une délé- gation de l'intégralité de cette tâche au secteur privé53 , même si une telle délégation n'est pas interdite expressis verbis par la Constitution fédérale54

Quoi qu'il en soit, les écoles privées doivent être placées sous la surveillance des autorités étatiques 55. Ainsi, un rattachement étatique est requis dans tous les cas de figure.

48 Art. 19.

49 50

51 52 53

54

55

Art. 62, al. 2.

Voir notamment PASCAL MAHON in AUBERTIMAHON (n. 40), p. 178, nO 5 ad art. 19 Cst.

ATF 129120031 12, 17, V.

ATF 12912003135,39, MX; ATF 12912003112, 16, V.

Dans le même sens, REGULA KAGI-DIENER in EHRENZELLER/MASTRONARDII SCHWEIZERIV ALLENDER (éd.), Die schweizerische Bundesverfassung - Kommentar, Zurich, Lachen, 2002, p. 278, N. 4 ad art. 19 BV.

Wvss (n. 6), p. 612.

Il convient de noter qu'à ('article 62 al. 2 În înilio Cst.,le verbe <<sorgen ruO) est utilisé dans le texte allemand, tandis que le texte français contient le verbe «pourvoir», en apparence plus contraignant.

Voir notamment PASCAL MAHON in AUBERTIMAHON (n. 40), p. 513-514, nO 10 ad art. 62 Cst.

(19)

VINCENT MARTENET

2. Les services postaux et les télécommunications

La Constitution fédérale assigne à la Confédération une obligation de service universel en matière de services postaux et de télécommunications. Ainsi, la Confédération doit veiller «à ce qu'un service universel suffisant en matière de services postaux et de télécommunications soit assuré à des prix raison- nables dans toutes les régions du pays», les tarifs étant fixés «selon des principes uniformes»56.

Il s'agit d'une disposition constitutionnelle fédérale assez incisive en matière de service public puisqu'elle impose le service wiiversel. Le législateur fédé- raI conserve cependant une marge de manœuvre substantielle s'agissant du mode de gestion des services postaux et de télécommunications57. Le spectre des modes de gestion admissibles va de la régie à la concession octroyée à un fournisseur privé58.

3. La radio et la télévision

La Constitution fédérale fixe aussi certaines règles sur l'activité d'intérêt général de la radio et de la télévision:

«La radio et la télévision contribuent à la formation et au développement cultu- rel, à la libre formation de l'opinion et au divertissement. Elles prennent en considération les particularités du pays et les besoins des cantons. Elles pré- sentent les événements de manière fidèle et reflètent équitablement la diversité des opinions»59.

Cette norme montre bien que le constituant fédéral est axé sur la mission d'intérêt général de la radio et de la télévision60 , et non pas sur la façon dont celles-ci doivent être gérées. Ainsi, le mode de gestion de ce service public est laissé à l'appréciation du législateur ordinaire. De plus, le mandat imposé à la radio et à la télévision concerne l'ensemble de l'offre de programmes, et

56 57

58

59 60

Art. 92, al. 2.

Dans ce sens, voir notamment HERBERT BURKERT in EHRENZELLERIMASTRONARDI/

SCHWEIZERIVALLENDER (n. 53), p. 1009, N. 4-5 ad art. 92 BV.

Voir le message du Conseil fédéral du 20 novembre 1996 relatif à la nouvelle Constitu- tion fédérale (Message Cst.): FF 19971 1 SS, 275. Voir également JEAN-FRANÇOIS AUBERT in AUBERTIMAHON (n. 40), p. 714, nO 8 ad art. 92 Cst.

Art. 93, al. 2.

Voir JEAN-FRANÇOIS AUBERT in AUBERTIMAHON (n. 40), p. 724·725, nO 14 ad art. 93 Cst.

(20)

La notion de service public en droit suisse

non pas chaque diffuseur ou chacun de ses programmes61 . Au reste, la légis- lation en la matière est en cours de révision.

4. Les routes nationales

La Confédération est enfin tenue d'assurer la création d'un réseau de routes nationales et de veiller à ce que ces routes soient utilisables62. Les cantons sont, pour leur part, chargés de construire et d'entretenir les routes nationales, conformément au droit fédéral et sous la surveillance de la Confédération61.

Cette disposition constitutionnelle fédérale comporte une obligation claire de mise en place et d'entretien d'un réseau routier64. Elle fait donc un lien par- ticulièrement évident entre service public et infrastructures65 . Il est intéres- sant de relever que le constitnant s'est, par exemple, montré beaucoup plus souple s'agissant du transport ferroviaire, de la navigation ou encore de l'avia- tion, puisqu'il s'est contenté d'attribuer une compétence à la Confédération dans ces domaines66 .

D. Une consécration ou une limitation par les buts sociaux et les droits fondamentaux?

J. Les buts sociaux

La Constitution fédérale énumère divers buts sociaUJ;67. La notion de ser- vice public est sous-jacente à certains d'entre eux. Ainsi, la Confédération et les cantons s'engagent notamment, en complément de la responsabilité indi- viduelle et de l'initiative privée, à ce que toute personne bénéficie des soins nécessaires à sa santé68 ou encore à ce que les enfants et les jeunes, ainsi que les personnes en âge de travailler puissent bénéficier d'une formation initiale et d'une formation continue correspondant à leurs aptitudes69

61

62 63 64 65 66 67 68 69

Message Cst.: FF 19971276. Voir également HERBERT BURKERT, in EHRENZELLERI MASTRONARDIISCHWEIZERIV ALLENDER (n. 53), p. 1015, N. 5 ad art. 93 BV.

Art. 83, al.!.

Art. 83, al. 2.

Sur ce point. voir notamment MARTIN LENDl in EHRENZElLERlMASTRONAROU

SCHWEIZERiV ALLENDER (n. 53), p. 935, N. 15-16 ad art. 83 BV.

Comp. JEAN-FRANÇOIS AUBERT in AUBERT/MAHON (n. 40), p. 662, nO 8 ad art. 83 Cst.

Art. 87.

Art. 41.

Art. 41, al. l,let. b.

Art. 41, al. l, let. f.

(21)

VINCENT MARTENET

Il semble toutefois difficile de déduire de cet article 41 Cst. une obligation générale de mettre en place des services publics. Ce n'était pas le but recherché par le constituant en adoptant cette norme70. Par ailleurs, celle-ci est rédigée de manière peu contraignante. Il y est en particulier indiqué qu'«aucun droit subjectif à des prestations de l'Etat ne peut être déduit directement des buts sociaux»71. De plus, la Confédération et les cantons

(<8' engagent en faveur des buts sociaux dans le cadre de leurs compétences constitutionnelles et des moyens disponibles»72. Enfin, il est précisé que l'en- gagement de la Confédération et des cantons vient (<en complément de la responsabilité individuelle et de l'initiative privée»73.

En somme, cette disposition constitutionnelle appelle l'adoption de lois fédé- rales et cantonales. Ce sont, en réalité, elles qni consacreront le service public dans les domaines en question74. Cela montre bien que le droit du service public est essentiellement de rang législatif5.

Certes, il est tentant de reconnaître une certaine effectivité à l'article 41 de la Constitution fédérale lorsque la Confédération ou les cantons ne respec- tent pas les engagements qui y figurent. La réflexion est cependant un peu théorique du fait que ces buts sociaux ne sont pas, en tant que tels, immédia- tement justiciables76. Cela dit, ils peuvent servir de normes de référence lorsqu'il s'agit d'interpréter des dispositions figurant dans une loi fédérale ou cantonale77 •

Une voie peut-être un peu plus prometteuse consiste à se fonder sur le Pacte international des Nations Unies relatif aux droits économiques, sociaux et 70

71

72 73

74

75 76

77

Voir le Message Cst.: FF 1997 l 205, selon lequel 1 'article sur les buts sociaux constitue (<UIle disposition de porté limitée quifixe des buts de ,'Etat»,

Art. 41, al. 4.

Art. 41, al. 3.

Art. 41, al. 1 in initio. Voir notamment MARGRITH BIGLER-EOGENBERGER in EHRENZELLERIMASTRONARDI/SCHWEIZERIV ALLENDER (n. 53), p. 532-533, N. 25-17 ad art. 41 BV.

Voir notamment PASCAL MAHON in AUBERTJMAHON (n. 40), p. 377, nOS 8 et 10 ad art. 41 Cst.

Voir infra III, A et N, C.

Art. 41, al. 4. Voir notamment ATF 12912003 1 12, 17,

v.;

BIGLER-EGGENBERGER (n. 73), p. 548-549, N. 94-96 ad art. 41 BV; PASCAL MAHON in AUBERTIMAHON (n. 40), p. 377, n09 ad art. 41 Cst.

Voir ULRICH MEYER-BLASER/THOMAS GACHTER, «Der Sozialstaatsgedanke», in THÛRERIAuBERT!MÛLLER (éd.), Droit constitutionnel suisse, Zurich, 2001, p. 549-563, 557, nO 23.

(22)

~'I""

La notion de service public en droit suisse

culturels du 16 décembre 1966 (Pacte 1)18, pour en tirer des droits sociaux conférant des droits subjectifs aux individus. Le Pacte 1 ne contient pas de disposition comparable à l'article 41, alinéa 4, Cst. Sur ce plan, la jurispru- dence manque, pour l'instant, cruellement d'ambition79, mais elle pourrait évoluer à court ou moyen terme tant la doctrine se fait toujours plus pres- sante pour reconnaître une justiciabilité - pleine ou partielle, selon les cas - à certaines garanties figurant dans le Pacte ]110.

Les droits sociaux du Pacte 1 en matière d'éducation81 sont rédigés - pour certains aspects à tout le moins - de manière assez précise et impliquent des prestations de l'Etat. Ils pourraient, en cas d'évolution de la jurisprudence, servir de fondements à des prétentions individuelles et, par ce biais, avoir une influence sur le service public dans ce domaine. S'agissant du droit à la santé, le Pacte 1 contient des obligations toutes générales à la charge des Etats82Aussi paraît-il peu probable que, sur ce point, le Tribunal fédéral soit enclin à faire évoluer sa jurisprudence, pour l'heure très restrictive.

2. Le droit d'obtenir de l'aide dans des situations de détresse Le droit d'obtenir de l'aide dans des situations de détresse est érigé en droit fondamental dans la Constitution fédérale. Ainsi, «quiconque est dans une situation de détresse et n'est pas en mesure de subvenir à son entretien a le droit d'être aidé et assisté et recevoir les moyens indispensables pour mener une existence conforme à la dignité humaine»83.

Ce droit permet donc d'obtenir des prestations des collectivités publiques, de façon à assurer la satisfaction des besoins humains élémentaires en nour- riture, habillement et logemen~. Il convient aussi d'ajouter la prise en charge

78 79

80

81 82 83 84

RSO.103.1

Voir notamment A TF 130/2004 1 113, 123, A. (confirmation de la jurisprudence rela- tive à l'art. 13, al. 2,let. C, du Pacte ONU 1 [accès à l'enseignement supérieur], selon laquelle un particulier ne peUl pas invoquer direclement cette disposition dans un litige en maliêre de taxes universitaires).

Voir notammenl, dans la perspective de la Suisse, GIORGIO MALINVERN!, «Les Pactes dans l'ordre juridique interne», in KALINIMAlINVERNIINOWAK, La Suisse el les Pactes des Nations Unies rela/ifs aux droits de l'homme, 2ème éd., Bâle, Francfort-sur- le-Main, Bruxelles, 1997, p. 71-82, 76-77.

Art. 13 du Pacte ONU 1. Voir notamment MALINVERN! (o. 80), p. 76.

Art. 12 du Pacte ONU 1.

Art. 12 Cst.

ATF 131/20051 166, 172,X;ATF 13012004 1 71, 75,X Voir ootammentJORG PAUL MÜLLER, Grundrechte in der Schweiz, Berne, 1999, p. 173; ANDREAS AUER/GIORGIO

(23)

VINCENT MARrENET

de la prime de l'assurance-maladie de base ou des soins médicaux de base85 ,

voire - mais cela est plus discutable - des factures de télépbone86• Dans ces divers cas, les prestations de la collectivité sont de nature pécuniaire. Elles sont complétées par une assistance sociale et psychologique, notamment par le biais de conseils87.

L'article 12 Cst. recèle un potentiel très intéressant. Néanmoins, il serait probablement exagéré de l'interpréter comme garantissant une obligation générale d'assurer un service public de base. Il ne faut pas perdre de vue que cette norme ne garantit qu' (<tille prestation minimale de la part de l'Etat»88.

En effet, une collectivité publique pourrait mettre en œuvre ce droit en octroyant, outre une assistance humaine (soutien psychologique, etc.), des contributions financières89 permettant aux personnes se trouvant dans une situation de détresse d'obtenir des prestations fournies par le secteur privé (octroi de tickets-restaurant, prise en charge du loyer et des factures médi- cales non couvertes par une assurance maladie, etc.). Dans une telle hypo- thèse, la collectivité publique se conformerait, à notre sens, à l'article 12 Cst.

3. Les limites à la licéité de la grève

Le recours à la grève et au lock-out est encadré par la Constitution fédé- rale. Ainsi, «la grève et le lock-out sont licites quand ils se rapportent aux relations de travail et sont conformes aux obligations de préserver la paix du travail ou de recourir à une conciliatiom)'JO. En outre, le recours à la grève peut être interdit à certaines catégories de personnes9! . Dans la perspective du service public, ces normes sont intéressantes à un double titre, même si la notion de service public n'apparaît pas à l'article 28 Cst., contrairement à ce qui était prévu dans l'avant-projet de 199592.

85 86

87

88 89 90 9!

92

MALfNVERNIlMICHEL HOITELIER. Droit constitutionnel suisse. vol. II «Les droits fondamentaux», Berne, 2000, p. 685, nO 1500.

ATF 131120051 166, 172,X;ATF 130/2004171, 75,X

Voir notamment MARGRlTH BIGLER-EGGENBERGER in EHRENZELLERIMASTRO- NARDJ/SCHWEIZER/V ALLENDER (n. 53), p. 184, N. 21 ad art. 12 BV.

Message Cst.: FF 19971 151. Voir également B!GLER-EGGENBERGER (n. 86), p. 185, N. 24 ad art. 12 BV; KARL HARTMANN, «Vom Recht auf Existenzsicherung zur Nothilfe - eine Chronologie», ZBl2005, p. 410-423, 417-418.

Message Cst.: FF 1997 1 153.

Voir HARTMANN (n. 87), p. 419.

Art. 28, al. 3.

Art. 28, al. 4, Cst.

Message Cst.: FF 19971 182.

(24)

P"i"""""

(' .

La notion de service public en droit suisse

En premier lieu, le fait que l'on soit en présence d'un service public absolument essentiel à la population est susceptible de justifier une limita- tion, voire une interdiction de la grève93 . Ainsi, à titre d'exemple, l'article 24, al. l, de la loi fédérale sur le personnel de la Confédération du 24 mars 2000 (LPers)94, prévoit que «si la sécurité de l'Etat, la sauvegarde d'intérêts importants commandés par les relations extérieures ou la garantie de l' ap- provisionnement du pays en biens et services vitaux l'exigent, le Conseil fédéral peut limiter ou supprimer le droit de grève pour certaines catégories d'employés». Par biens et services vitaux, il faut notamment entendre la défense nationale, la lutte contre la criminalité économique ou encore la garantie de l'infrastructure vitale95 . Cette approche très limitative paraît se justifier afin de ne pas vider le droit de grève de sa substance.

En second lieu, la licéité d'une grève est déterminée à la suite d'une pesée des divers intérêts en présence96. Il s'agit notamment de déterminer de quelle manière préserver l'intérêt général autant que possible lorsqu'un service public est en jeu. L'obligation d'assurer un service public minimum entre notam- ment en ligne de compte dans ce contexte97 . A cet égard, le Tribunal fédéral a été confronté, il y a quelques années, à une réglementation genevoise im- posant l'accomplissement d'un service public minimum en cas de grève ou d'arrêt de travail98 . Tout en notant que «la notion de service minimum pour- rait être sujette à discussioll», le Tribunal fédéral a estimé que «la grève ne

93

94 95 96

97

98

Dans le même sens, KLAus A. V ALLENDER in EHRENZELLER/MASTRONARDI/

SCHWElZERIV ALLENDER (n. 53), p. 392, N. 30 ad art. 28 BV.

RS 172.220.1.

Message du Conseil fédéral du 14 décembre] 998 concernant la loi sur le personnel de la Confédération: FF 1999, 1421 ss, 1445.

Selon le Tribunal fédéral. le principe de la proportionnalité trouve application lors- qu'il s'agit de juger de la licéité d'une grève. (A TF 12511999 III 277 ,284, K. ~ Tf 2000 1240,247: <d.. 'art. 28 al. 3 nCst.féd. ne mentionne pas explicitement le principe de la proportionnalité dans le recours à la grève; ce principe découle toutefois de l'invita- tion/aite aux parties à l'art. 28 al. 2 nCst.féd. de régler les conflits autant quepossihle par la négociation ou la médiation.»). L'emploi du concept de proportionnalité est probablement peu satisfaisant dans ce contexte (voir AUERIMALINVERNlIHOlTELlER (n. 84), p. 725, nO 1595). Il n'en demeure pas moins qu'une grève doit constituer une ultimo ratio (voir AUERIMALINVERNIlHO'ITELIER (n. 84), p. 725, nO 1595; KLAus A. VALLENDER (n. 93), p. 391, N. 26 ad art. 28 BV; PASCAL MAHON in AUBERT!

MAHON (n. 40), p. 258, nO 13 ad art. 28 Cst.).

Voir PIERRE GARRONE, «La liberté syndicale», in THÛRERIAuBERTlMûLlER (n. 77), p. 795-807, 805, nO 34; PASCAL MAHON in AUBERTIMAHON (n. 40), p. 260, nO 16 ad art. 28 Cst.

SJ 199568155 (TF, 23.03.1995)

(25)

VINCENT MARTENET

saurait en effet paralyser le service public dans des domaines essentiels (à titre d'exemple, et sans être exhaustif, on peut citer le maintien de l'ordre public, la protection des biens des personnes, la lutte contre le feu ou les soins requis pour les malades dans les hôpitaux)>>99.

La notion de service public - ou plus exactement de service public essen- tieJ'oo - est dès lors, à certains égards, en filigrane des limites à la licéité de la grève. Il en va a priori de même du Jock-out. L'hypothèse d'un Jock-out dans le service public paraît cependant très académique ...

4. L'égalité

L'égalité ne fonde pas, à elle seule, une obligation de service public. Il est, d'une manière générale, très délicat de déduire un droit à des prestations de la seule garantie de l'égalité. Néanmoins, une fois qu'un service public est mis en place, celui-ci doit être offert de manière égale et en particulier non discriminatoirelOlIl en découle une forme d'égalité devant les services pubJics que l'on peut assez aisément rattacher à l'article 8 Cst.

Cela ne signifie cependant pas qu'aucune distinction n'est admissible. Des distinctions entre particuliers sont admissibles pour autant qu'elles soient jus- tifiées de manière objective. En revanche, des distinctions fondées sur des caractéristiques personnelles des individus seront généralement incompati- bles avec l'article 8, alinéa 2, Cst. Cela dit, il ne semble toutefois pas exclu qu'elles puissent être justifiées, mais les exigences quant à une éventuelle justification sonltrès élevéeslO2

S'agissant de l'égalité, il convient de mentionner une norme en apparence très ambitieuse. Il s'agit d'une disposition non encore en vigueur, approuvée par le peuple et les cantons le 28 novembre 2004 dans le cadre de la réforme de la péréquation financière et de la répartition des tâches entre la Confédé- ration et les cantons. Cette disposition prévoit que «les prestations de base doivent être accessibles à tous dans une mesure comparable»103. Cette dis- position semble imposer, à la Confédération et aux cantons, une obligation 99

100 lOI

102 103

SJ 1995 687 (TF, 23.03.1995).

Message Cst.: FF 19971182-183.

Sur ce point, voir VINCENT MARTENET, Géométrie de l'égalité, Zurich, Paris, Bruxelles, 2003, p. 551-552, nO 1242. Con/ra: MOOR (n. 6), p. 445; voir également KNAPP (n. 7), p. 492, nO 2392.

Voir, d'une manière générale, MARTENET (n. 101), p. 392 SS.

Art. 43a, al. 4.

(26)

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, La notion de service public en droit suisse

générale d'assurer un service public de base. Selon les travaux préparatoires, cette disposition ne crée cependant aucun droit susceptible d'être invoqué devant un tribunaJl04.

5. La liberté économique

La liberté économique est garantie tant comme droit fondamental indi vidue\105 que comme principe cardinal de l'ordre économique! 06. Cette liberté n'a évi- demment pas pour fonction d'offrir un fondement au service public!

La liberté économique peut, en revanche, limiter le champ du service public en matière économique. Cela découle tout particulièrement du principe de la liberté économique. Ainsi, l'article 94, alinéa 1, Cst., qui consacre la dimen- sion institutionnelle de la liberté économique, reflète <<UIl choix fondamental du droit constitutionnel en faveur d'un ordre économique basé sur les princi- pes de l'économie de marché»107. Ce choix implique, pour l'Etat, de ne pas fausser la concurrence et d'observer le principe de la neutralité sur le plan de la concurrence108 .

Au reste, la Confédération et les cantons sont tenus, dans les limites de leurs compétences respectives, de veiller «à créer un environnement favorable au secteur de l'économie privée»109. De plus, <des dérogations au principe de la liberté économique, en particulier les mesures menaçant la concurrence, ne sont admises que si elles sont prévues par la Constitution fédérale ou fondées sur les droits régaliens des cantons»!!o. Cette norme constitutionnelle res- treint en particulier la marge de manœuvre des cantons de mettre en place des monopoles.

104

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107

108

109

110

Message du Conseil fédéral, du 14 novembre 2001 concernant la réforme de la péré- quation financière et de la répartition des tâches entre la Confédération et les cantons:

FF 2002, 2155 ss, 2321.

Art. 27.

Art. 94.

Message Cst.: FF 19971298. Voir notamment MÜLLER (n. 16), p. 637-638; AUER!

MALINVERNUHOITELIER (n. 84), p. 318, nO 611; KLAUS A. VALLENDER in EHRENZELLERiMASTRONARDUSCHWEIZERIVALLENDER (n. 53), p. 1030, N. 5 ad art. 94 SV; JEAN-FRANÇOIS AUBERT in AUBERTIMAHON (n. 40), p. 734, nO 5 ad art.

94 Cst.

Message Cst.: FF 19971298.

Art. 94, al. 3.

Art. 94, al. 4.

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