• Aucun résultat trouvé

Les tiers dans la procédure administrative : Journée de droit administratif 2003

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2022

Partager "Les tiers dans la procédure administrative : Journée de droit administratif 2003"

Copied!
233
0
0

Texte intégral

(1)

Conference Proceedings

Reference

Les tiers dans la procédure administrative : Journée de droit administratif 2003

TANQUEREL, Thierry (Ed.), BELLANGER, François (Ed.)

TANQUEREL, Thierry (Ed.), BELLANGER, François (Ed.). Les tiers dans la procédure administrative : Journée de droit administratif 2003 . Genève : Schulthess, 2004, 234 p.

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:14368

Disclaimer: layout of this document may differ from the published version.

(2)

Journée de droit administratif 2003

Les tiers

dans la procédure administrative

Edité par

Thierry Tanquerel et François Bellanger

Schulthess § 2004

r c (/,... •

..;;,. , (

(3)

Information bibliographique de (Die Deutsche 8ibliothek>

Die Deutsche Bibliothek a répertorié cette publication dans la Deutsche Nationalbibliografie;

les données bibliographiques détaillées peuvent être consultées sur Internet à l'adresse

<http://dnb.ddb.de'.

Tous droits réservés. Toute traduction, reproduction. représentation ou adaptation intégrale ou partielle de cette publication, par quelque procédé que ce soit (graphique, électronique ou mécanique, y compris photocopie et microfilm), et toutes formes d'enregistrement sont strictement interdites sans l'autorisation expresse et écrite de l'éditeur.

© Schulthess Médias Juridiques SA. Genève· Zurich· Bâle 2004 ISBN 3 7255 4810 2

www.schulthess.com

(4)

PIERRE MOOR

FRANÇOIS BELLANGER

JEAN-MARIE PONTIER THIERRY TANQUEREL

JEAN-LoUIS Duc

CHRISTIAN BOVET

Sommaire

Avant-propos ... 7 La notion de participation dans la

systématique du droit public ... 9 La qualité de partie à la procédure

administrative ... 33 Le tiers en droit administratiffrançais ... 57 Les tiers dans les procédures

disciplinaires ... 97 Les tiers dans la procédure

administrative non contentieuse des

assurances sociales ... 125 Les tiers devant les Commissions

fédérales des banques, de la

concurrence et de la communication ... 145 PIERMARCO ZEN-RuFFIN EN La qualité pour recourir des tiers dans

la gestion de l'espace ... 167 Table des matières ... 227

(5)
(6)

Avant-propos

Ce deuxième volume de la collection Pratique du droit administratif réunit les contributions présentées lors de la 6,me Journée de droit administratif de la Faculté de droit de Genève le 5 mars 2003.

Le thème de cette Journée, «Les tiers dans la procédure administrative», est d'une importance évidente pour les praticiens, tout en mettant en jeu des notions fondamentales de la théorie de la procédure administrative, à com- mencer par celles mêmes de partie et de tiers.

L'étendue de la faculté pour des personnes qui ne sont pas directement des- tinataires d'une décision administrative de contester celle-ci par un recours est un sujet de débat certes classique, mais en perpétuelle évolution. Quant à la participation de ces tiers à la procédure administrative non contentieuse, elle est restée relativement peu étudiée, hormis le cas de l'aménagement du territoire. Or, l'exigence de participation s'est considérablement accrue, d'une part, avec le développement de procédures administratives dont la portée concrète, notamment économique, dépasse largement le cercle de leurs des- tinataires directs et, d'autre part, en raison de l'approche souvent plus éner- gique adoptée par les tiers intéressés. Le moment était donc opportun de clarifier les enjeux de la participation des tiers, en les confrontant à la régle- mentation juridique de la qualité de partie à la procédure administrative et aux problèmes pratiques qui se posent dans quelques domaines particulière- ment intéressants à cet égard.

Dans cette optique, le présent ouvrage propose d'abord une analyse appro- fondie des notions de participation en droit public et de qualité de partie à la procédure administrative. Cette analyse est confrontée à une perspecti ve comparatiste avec l'exposé du statut du tiers en droit administratif français.

Sont ensuite présentées les particularités de la situation des tiers dans les procédures disciplinaires, la procédure non contentieuse des assurances so- ciales, ainsi que la procédure devant les Commissions fédérales des banques, de la concurrence et de la communication. L'ouvrage s'achève par un ta- bleau très complet de la qualité pour recourir des tiers dans la gestion de l'espace.

(7)

AVANT-PROPOS

Les éditeurs tiennent à remercier pour son soutien le Centre d'étude, de technique et d'évaluation législatives de l'Université de Genève (CETEL).

Ils expriment aussi toute leur gratitude à Mesdames Jacqueline WIDMER, Valérie DEFAGO GAUDIN, Pranvera KELLEZI, Ursula MARTI, Emmanuelle PASQUIER, Alexandra RIHS, Mical VUATAZ STAQUET, ainsi que Messieurs Stéphane GRODECKI et Marc MONTlNl, pour leur précieuse collaboration à la préparation de la Journée et à l'édition de cet ouvrage.

Thierry T ANQUEREL François BELLANGER

(8)

La notion de participation dans la systématique du droit public

PIERREMOOR

Professeur à l'Université de Lausanne

L Mise en perspective

A. La théorie classique

«Participer», c'est un verbe: il ne prend sens que dans une phrase, muni d'un sujet et d'un complément. Donc: qui participe, et à quoi? Si on part de ce point de vue, on va devoir constituer des catégories: quels sont les «qui» et les «quoi». Dans la théorie politique de nos institutions - car tout ordonnan- cement de pouvoirs est structuré de telle manière qu'on peut en dégager la théorie, c'est-à-dire ce qui en fait l'unité - et pour commencer par les «qui», on opposera les «citoyens», qui «participent» selon les procédures dites dé- mocratiques, et les administrés, lesquels vont à leur tour se subdiviser en deux catégories, les «parties» (qui jouissent de droits formels) et les <<oon- parties», dans les procédures dites administratives. Mais on voit immédiate- ment que cette catégorisation des «qui» est incompréhensible sans celle des

«quoi»: elle doit faire intervenir une catégorisation des objets <<participables», plus précisément des procédures dans lesquelles sont décidés ces objets.

C'est ainsi que se définit une procédure parlementaire, aboutissant à des lois, et une procédure administrative, aboutissant à des décisions.

Ce couple de deux oppositions successives est en parfaite cohérence avec deux autres oppositions, caractérisant cette même théorie: d'abord, l' opposi- tion entre norme, à savoir règle générale et abstraite, et application de la norme, et en second lieu l'opposition entre intérêt général et intérêt parti- culier. Si on lit l'ensemble, on aboutit à l'organisation classique que nous connaissons tous. L'intérêt général est posé par la norme, dont la forme est la loi, laquelle fait l'objet des procédures parlementaires, qui permettent la participation, directe ou indirecte, des citoyens. L'application de la norme est l'objet des procédures administratives, par le moyen de décisions, dont l' ob- jet délimite le cercle des «parties» légitimées à intervenir dans la procédure

(9)

PIERREMOOR

au nom d'un intérêt propre. Quelque schématique qu'elle soit, ou peut-être même précisément parce qu'elle est schématique, cette lecture correspond parfaitement à l'orthodoxie de l'Etat de droit telle qu'elle s'exprime dans le modèle de la séparation des pouvoirs et des grands principes qui dominent l'édifice de notre droit public dans sa version classique: ceux de la légalité, de l'intérêt public et du droit d'être entendu.

B. Plan

Cette mise en perspective introductive permet de mettre en lumière trois thèmes que mon intervention aura pour but d'expliciter. Nous partirons de l'axiome de départ - premier thème -, selon lequel l'ordonnancement des pouvoirs doit être organisé selon des structures juridiques. Cela s'est fait d'abord par l'institution de chartes fondamentales -les constitutions; celles- ci ont évidemment marqué de leur logique le droit des attributions étatiques qui s'est élaboré dans le détail des activités publiques: le droit administratif a repris les structures dans lesquelles le droit constitutionnel a d'abord été pensé - ce sera le deuxième thème. Nous ne nous arrêterons que briève- ment sur ces deux aspects, qui sont familiers. Car nous aimerions consacrer un développement plus long au troisième thème: la juridicisation du pouvoir à laquelle la mise en œuvre de l'Etat de droit a procédé a dU prendre pour modèle, au niveau d'abord du droit constitutionnel, puis à celui du droit admi- nistratif, le seul ordonnancement juridique général disponible de rapports so- ciaux, celui qu'offrait le droit privé. Si nous allons expliciter ce point d'une manière qui paraîtra sans doute de prime abord un détour inutile, c'est qu'il est à la base d'une hypothèse centrale dans notre sujet, à savoir que le thème même de la participation est un corps encore hybride dans les structures du droit public telles que nous en avons hérité.

Une précaution s'impose. Il ne s'agit pas de faire une critique négative de l'ordonnancement juridique des pouvoirs, en laissant entendre qu'un autre mode de construction eùt été préférable; ni non plus de regretter l'influence du droit privé, en suggérant qu'elle a été pernicieuse; ni enfin de mettre en cause des erreurs de parcours qui, avec quelque attention, eussent pu être évitées. Bref: il ne s'agit pas de condamner ce qui a été fait, mais de le comprendre et, si possible, d'orienter les réflexions futures dans la ligne de ce qui a déjà été accompli et qui mérite peut-être mieux que d'être simple- ment conservé.

(10)

La notion de participation dans la systématique du droit public

II. L'ordonnancement juridique des pouvoirs:

la légalité de l'Etat

Le premier thème peut se décliner en latin - rex legibus non solutus: bel adage, mais qui n'exprime que partiellement la structure de l'Etat de droit.

Non seulement le roi est lié par le droit - c'est le principe de la suprématie de la loi - mais surtout le roi n'est en droit d'agir que si une norme juridique le prévoit - principe de la base légale.

,

Donc toute action étatique a non seulement à respecter l'ordre juridique, mais encore, sinon surtout, aucune action étatique n'est permise si elle n'est pas préalablement prévue par le droit, et elle doit s'exercer selon les moda- lités que celui-ci établit. Les pouvoirs publics sont juridiquement ordonnan- cés. Et on sait que cela vaut non seulement pour les charges, obligations, restrictions qui pèsent sur les administrés, mais aussi pour les avantages, facultés, prestations dont ils bénéficient.

C'est dès lors tout un droit spécifique à l'action étatique qui, depuis deux siècles, s'est mis en place - a dû être mis en place: un droit organique - celui de la séparation des pouvoirs; un droit garantissant l'autonomie de la société civile - celui des libertés publiques; un droit réglementant les actions publi- ques - le droit administratif. Tout cet ensemble, en tant que système, s'est développé progressivement. Et, bien qu'il soit issu de révolutions et que, his- toriquement, il se soit agi d'une innovation absolument radicale, il est clair que son élaboration ne s'est pas faite dans le vide: le sens étant de juridiciser le pouvoir, elle s'est faite en prenant appui sur le modèle qu'offrait déjà le

«monde» juridique, à savoir le droit privé.

D'abord dans l'approche même de la Constitution dans sa figure d'actejuri- dique et dans la conception des droits dits constitutionnels - ce sera le deuxième thème, que nous esquisserons seulement, avant d'aborder la «privatisation»

du droit public, laquelle est bien antérieure aux phénomènes que l'on désigne de ce terme aujourd'hui.

m. L'apport constitutionnel

A.

Le contrat social comme image fondatrice de la constitution Le premier point que nous voulons évoquer au niveau de la charte fonda- mentale consistera plutôt en une suggestion: celle de s'arrêter - mais en une

(11)

PIERREMOOR

autre occasion - sur la perception de la constitution comme acte juridique.

Dans notre culture politique, la figure juridique dans laquelle l'idée même de constitution trouve sa source est celle du contrat. On sait l'importance qu'a eue l'idée contractuelle dans la naissance de la pensée politique moderne, au XVIIIe siècle - le contrat social, sous différentes formes il est vrai - idée dont il est vraisemblable qu'elle reste sous-jacente dans notre inconscient de citoyen. La preuve, parmi d'autres, de sa vitalité contemporaine est donnée par le succès qu'a rencontré la philosophie de la justice de l'Américain JOHN

RAwLS, toute entière fondée sur l'axiome d'un contrat originaire. Or, quel est l'objet de ce contrat? D'abord, définir les droits et obligations des sujets de droit dans leurs relations réciproques, ensuite créer un Etat qui en même temps respecte et fait respecter les sphères d'autonomie juridique ainsi con- venues. Ce n'est pas pour analyser cette construction que nous la mention- nons ici; c'est pour mettre en évidence, en évoquant une notion connue, que, déjà au départ de la construction de l'Etat moderne, on a recouru à des concepts de droits et d'obligations qui s'échangeaient, droits subjectifs tou- jours correspondant terme à terme à des obligations. Une structure parfaite- ment familière au juriste accoutumé depuis plus de deux millénaires à la systématique du droit privé.

B. Les droits fondamentaux comme droits subjectifs

Bien qu'il soit en relation directe avec le précédent, qui relevait d'une ana- lyse idéologique, le deuxième point à relever en ce qui concerne le thème de la constitutionnalité concerne un aspect plus technique des choses et, d'ailleurs, si familier qu'il suffira de peu de mots; mais il faut au moins que, pour les besoins de notre perspective, cela soit en mémoire. Il s'agit de la construc- tion des droits fondamentaux comme droits (publics) subjectifs.

Cette construction a en particulier été rendue manifeste dans l'organisa- tion du contrôle de la constitutionnalité, plus précisément dans le régime de la qualité pour recourir. C'est à titre d'exemple typique que nous allons l'évoquer. Il faut, on le sait, être atteint dans un droit subjectif, c'est-à-dire dans une situation qu'une norme de l'ordre juridique a pour objet de protéger.

Cette définition est parfaitement cohérente dans une dogmatique qui fait de l'exercice de la puissance publique une relation juridique entre sujets de droit, relation bilatérale qui est protégée proprement en tant qu'elle est ju- ridique, c'est-à-dire créée par le droit matériel. Et elle n'est telle que si elle met en cause, de part et d'autre, un statut juridique: d'un côté le droit de

(12)

La notion de participation dans la systématique du droit public l'Etat à agir (et corrélativement l'obligation de l'administré de tolérer), de l'autre les droits fondamentaux des citoyens tels qu'ils sont juridiquement protégés (et tels, corrélativement, que l'Etat a l'obligation de les respecter).

On pourrait exprimer cela autrement, pour mettre en lumière la relation entre les deux points que nous avons ainsi esquissés à l'intérieur du thème de la constitutionnalité: le contrôle judiciaire a pour objet de faire respecter les termes du contrat passé dans la mesure où celui-ci a donné naissance à des droits subjectifs. Cette formulation s'épargne toutes les nuances qu'il fau- drait apporter; mais elle a l'avantage d'aiguiller directement sur notre thèse, qui portera sur l'influence profonde qu'a exercée sur le droit public la dog- matique du droit privé précisément en cantonnant l'ordre juridique dans le concept de droit subjectif. Nous pouvons donc avancer maintenant dans cette direction.

Mais auparavant, il convient de rappeler au moins deux effets pervers. Pre- mièrement, la définition restrictive des intérêts protégés n'a pas eu seule- ment pour effet de limiter les possibilités de participation au contrôle judi- ciaire. Elle a eu pour autre conséquence, par là même, que seule une certaine catégorie d'actes est susceptible de contrôle - ceux qui refusent un avan- tage à qui y prétend y avoir droit - sont donc exclus ceux qui octroient un avantage, lesquels ne peuvent être portés devant le juge que dans des hypo- thèses relativement exceptionnelles et peu représentatives (ainsi, les voisins, mais non pas les concurrents).

Il en est résulté - second effet pervers - une manière particulière de conce- voir l'intérêt public: non pas comme une exigence positive que des tiers pourraient faire valoir contre un acte de puissance publique, mais primairement comme une exigence négative: en d'autres mots, dans le contrôle judiciaire classique, on peut présenter comme grief que l'Etat en fait trop, parce que l'intérêt public mis en avant par la collectivité n'est pas assez important pour justifier une mesure restreignant l'exercice d'un droit subjectif; mais on ne peut pas invoquer qu'il n'en ferait pas assez pour accomplir convenable- ment ses tâches.

Dès lors, le réflexe que l'on a au sujet de la participation de tiers aux proces- sus de décision publics est de la concevoir comme une intervention défen- sive, et non pas comme un apport à la promotion de l'intérêt public.

(13)

PiERREMOOR

La définition restrictive classique de la qualité pour recourir est donc bien typique d'une construction orientée autour du concept de droit subjectif, dans une relation où le droit subjectif sert de moyen de défense légitimant l'intérêt privé face à l'intérêt public opposé. A notre sens, une telle conception, qui date du XIXème siècle, d'une époque où le droit public commençait à s'élaborer sans avoir d'autres notions propres que celles issues directement du principe de la séparation des pouvoirs, a repris pour se structurer juridiquement le seul modèle disponible: celui du droit privé.

IV. Le droit privé comme modèle juridique

A. Acte juridique et responsabilité: la règle du tiers exclu

Nous arrivons ainsi au troisième thème, qui est central: l'influence du droit privé. Comme nous l'avons indiqué, l'élaboration du droit public n'a pas dû être un travail aisé. Du point de vue du droit public proprement dit, il y avait d'une part l'héritage de l'ancien régime, qui par définition ne pouvait être que rejeté, d'autre part celui qu'a laissé la pensée politique du XVIllème siècle: les modèles démocratique et libéral, que l'on peut désigner par com- modité comme celui de la séparation des pouvoirs. Celui-ci pouvait fournir l'armature d'un système constitutionnel, mais non pas immédiatement les concepts nécessaires à un système de relations juridiques qui soient directe- ment propres au droit public. En quelque sorte, si l'organisation politique pou- vait être constituée par la mise sur pied d'un Etat régi par le droit et respec- tueux de la société civile, il restait à dire comment ilfallait penser ce droit.

Mais, à l'époque, le seul modèle existant d'un système juridique cohérent était celui du droit privé; et les juristes ne pouvaient penser que dans les catégories que celui-ci leur fournissait, en particulier dans le chapitre haute- ment développé du droit des obligations. A cet égard, l'une de ces catégo- ries est capitale: celle selon laquelle les relations juridiques sont fondées sur la responsabilité délictuelle d'une part et l'institution contractuelle de l'autre.

Or, l'une comme l'autre sont fondées sur les concepts de droit subjectifet d'autonomie de la volonté. Ce que je veux émettre ici comme hypothèse, c'est que, si on les intègre tels quels dans le droit public, ils ont pour effet premièrement de restreindre la portée du principe de la légalité et en second lieu d'exclure par définition toute idée de participation autre que dans le schèma

(14)

La notion de participation dans la systématique du droit public du citoyen selon les procédures démocratiques ou dans celui de l'administré titulaire de droits subjectifs dans les procédures administratives.

C'est d'abord l'institution contractuelle qui va nous intéresser. Car, appelé, comme droit d'un Etat de droit, à mettre en oeuvre la puissance publique selon des modalités juridiques, le droit public a dû conunencer par construire un acte qui soit l'équivalent du contrat, c'est-à-dire un acte qui, de par sa fonction, est destiné à produire volontairement des effets de droit.

Or, une règle est fondamentale en droit privé, que je rappelle sous la fonne d'un adage latin - le deuxième que je cite: res inter alios acta aliis nec nocet nec pradest. Un éminent privatiste l'a exprimée de manière presque plus lapidaire encore: non seulement une convention ne peut obliger que les cocontractants, et non les tiers, mais en outre (et c'est la fonnule) <<elle n'a même pas à se soucier de leur existence». Il n'y a donc à proprement parler d'effets juridiques qu'entre les parties à la relation: les tiers ne sont tout simplement pas concernés, ils ne deviennent au titre du rapport contractuel sujets d'aucun droit ni d'aucune obligation.

De même, dans sa configuration traditionnelle, la décision administrative n'a d'effets juridiques - c'est-à-dire n'existe en tant qu'acte juridique - qu'à l'égard de ses destinataires, à savoir de ceux des administrés dont elle a pour but de définir la situation juridique.

Cela ne signifie pas qu'une relation contractuelle soit absolument privée de conséquences sur la situation de tiers. Mais elle constitue à leur égard un acte non juridique - un acte matériel- qui n'aura d'effets juridiques à l'égard de tiers qu'aux conditions de la responsabilité délictuelle des cocontractants:

cela donc à la condition que l'acte - ses conséquences -lèse un droit subjec- tif que l'ordre juridique (non le contrat) reconnaît à ces tiers.

De même, il peut se trouver qu'une décision administrative lèse dans ses effets un droit subjectif appartenant à un tiers: mais on sait que c'est excep- tionnel. On en trouve des exemples dans la protection des voisins contre l'octroi d'un pennis de construire et dans de rarissimes arrêts concernant la situation de concurrents: conune en droit privé, la jurisprudence a déduit dans ces cas l'existence d'un droit subjectif du but de la norme prétendument violée - nonne protectrice des intérêts des voisins, norme protectrice des intérêts des concurrents (hypothèse de la clause du besoin de type corpora- tit).

(15)

PIERREMOOR

La situation n'est pas différente dans l'institution de la responsabilité délictuelle, laquelle doit répondre à la question complexe de la répartition de la charge des conséquences préjudiciables de comportements humains. Ici aussi, la réponse est fournie par le concept de droits subjectifs: soit le préju- dice porte atteinte à un droit absolu du lésé (c'est-à-dire créé directement en tant que tel par l'ordre juridique sur la tête de tout justiciable en tant que sujet de droit), soit, si tel n'est pas le cas, le comportement dommageable doit avoir violé une norme de l'ordre juridique ayant pour objet même la protec- tion de l'intérêt lésé.

B-

L'heureuse union du droit matériel et du droit formel On voit ainsi que le droit public a repris non seulement la construction privatiste de relations juridiques fondées sur un acte passé entre ceux dont la titulatité de droits et d'obligations est en cause, mais aussi celle de la norme, puisque celle-ci n'est source de droits subjectifs que dans la mesure où la création de tels droits est véritablement son objet. Le solde - c'est-à-dire ce qui n'est pas visé par un acte juridique ou une norme - n'intéresse pas le droit.

En première analyse, tout cela paraît parfaitement cohérent. En effet, cela revient à définir la position de sujets de droit dans leur autonomie, en tant que décidant librement des obligations qu'ils entendent assumer, à la seule exception de celles que la loi a pour objet même de leur imposer. Cette définition inclut donc une délimitation positive -la liberté étant celle de l' es- pace créé sous la responsabilité propre du sujet, par ses propres actes - et une délimitation négative -la liberté consistant ici dans l'espace laissé libre par l'absence de normes protectrices des intérêts de tiers.

Il se trouve que cette construction s'applique en partie à l'Etat en tant que sujet de droit. Il n'est juridiquement lié que par les normes qui confèrent à des tiers un droit subjectif. Les autres normes sont des leges imperfectae:

des lois dépourvues de sanctions. Dans un système gouverné par la notion de droit subjectif, il ne saurait en aller autrement. Cela signifierait en effet non seulement que des tiers pourraient obtenir une prestation de l'Etat sans y avoir directement un droit (ce qui, dans ce système, est contradictoire), mais pourraient interférer dans les relations nouées par l'Etat avec d'autres sujets de droit - ce qui, contraire à la règle res inter alios acta, n'est conforme au système que s'ils y ont un droit, ce qui n'est pas le cas.

(16)

~;"

La notion de participation dans la systématique du droit public Peut-être les lignes qui précèdent ont d'abord semblé nous écarter du sujet.

Mais leur conclusion nous y ramène: le droit public, constitué autour de la notion de droit subjectif et de la conception d'une relation juridique bilatérale entre l'Etat et un administré titulaire à son endroit d'un tel droit, a repris en fait un couplage fondamental en droit privé: le couplage entre le droit maté- riel et le droit formel, soit entre les nonnes définissant les attributions de l'Etat dans les droits et obligations conférés aux administrés d'une part, et les nonnes définissant les processus de décision étatiques, processus réser- vés à ceux des administrés qui se trouvent au bénéfice d'une légitimation subjective donnée par le droit matériel d'autre part.

Résumons et concluons ce développement. Le renoncement à ce couplage n'est pas aisé, tellement la pratique du droit privé nous y a habitués. En effet, la référence du droit formel au droit matériel y est naturelle. Ne sont protégées que les prétentions fondées sur la loi, soit directement - responsa- bilité délictuelle, enrichissement illégitime -, soit indirectement - droit des contrats, légitimé par la reconnaissance de l'autonomie de la volonté. On ne peut faire condamner un tiers à fournir ou à refuser une prestation à un autre tiers que dans les cas où l'ordre juridique donne un droit à celui qui veut intervenir dans les rapports juridiques existant entre d'autres personnes. Il n'y a d'obligation d'un sujet de droit que corrélativement à un droit d'un autre sujet: s'il y a un droit, il y a une obligation correspondante, et récipro- quement. Ainsi le droit privé ne protège pas des intérêts de pur fait, découlant de rapports sociaux ou économiques auxquels l'ordre juridique ne s'est pré- cisément pas intéressé.

Le droit public ne pouvait donc accueillir la thématique de la participation que sous fonne d'écarts par rapport à l'orthodoxie -la participation étant précisément l'intervention de tiers, c'est-à-dire de non-titulaires de droits subjectifs matériels. Ces écarts, nous allons brièvement en passer les princi- paux en revue, sous le tenne générique de brèches.

V. Les brèches

A. Les plans d'affectation

La première que nous mentionnerons est celle de la procédure d'adoption des plans d'affectation, du moins en Suisse. Leur régime particulier remonte

(17)

PIERREMooR

loin dans le temps, pour trouver son origine dans la gestion publique des espaces collectifs gérés par les institutions communales. On sait qu'il est hybride: en particulier, la procédure est calquée, quant aux compétences de décisions, sur le modèle législatif (exception faite de deux cantons et des plans qui ne relèvent pas des attributions des collectivités locales), mais elle intègre des éléments de processus administratift: elle est en effet ouverte aux oppositions de tout un chacun et dépasse même sur ce point le modèle de la procédure administrative, puisque, souvent, il n'y a pas de qualité pour faire opposition, donc de définition de ceux qui y seraient admis ou, au con- traire, en seraient exclus. On sait aussi que le développement de l'institution, au milieu du siècle passé, a provoqué une discussion sur la nature du plan, qui s'est révélé inclassable dans les catégories reçues (norme et décision) - discussion qui s'est soldée, non pas par la mise en question de ces catégories, mais par la constatation dépourvue d'originalité que le plan était un acte sui generis. Que les essais de classification se soient soldés par un échec mon- tre cependant précisément les limites de ces catégories, lorsqu'il s'agit de penser la participation en dehors du concept qui les fonde, celui de droit subjectif, qui, on l'a montré, articule l'une à l'autre norme et décision.

B. L'élargissement de la qualité pour agir des particuliers

La deuxième et la troisième brèches concernent l'accès au juge; elles sont, elles, modernes. Dans la construction classique, on l'a vu, il est réservé à ceux qui se prétendent lésés dans un droit subjectif - dans la terminologie finalement retenue, plus précisément dans un intérêt juridiquement protégé.

Des innovations législatives bien connues ont introduit une mutation radicale de conception, précisément en séparant le droit formel, régissant le proces- sus de décision, et le droit, matériel, des règles applicables au fond, donc en renonçant au couplage que nous venons de mettre en évidence.

Il s'agit d'abord de la redéfinition de la qualité pour recourir, admise pour toute personne atteinte dans un intérêt digne de protection. Introduite pour le contentieux administratif fédéral en 1968, elle s'est assez rapidement éten- due à tous les cantons. Mais elle est toujours contestée dans son bien-fondé, moins d'ailleurs pour des raisons dogmatiques que pour des motifs pratiques (la surcharge des juridictions qu'une telle extension provoquerait). Il est inté- ressant de noter que les textes fondateurs ne parlent explicitement que de la qualité pour recourir; il est permis de penser (cela a d'ailleurs été soutenu en doctrine) que le législateur n'a pas prévu que, interprétant un système de

(18)

La notion de participation dans la systématique du droit public renvoi ambigu, la jurisprudence allait étendre la nouvelle définition à la qua- lité pour agir dans la procédure non contentieuse,

Nous n'allons pas analyser la notion ici, car elle est bien connue, Manifeste- ment, elle réalise - et c'était l'objectif même de l'innovation - au moins partiellement le découplage du droit formel et du droit matériel. Chacun sail qu'il n'est plus nécessaire de se prétendre titulaire d'un intérètjuridiquement protégé, Ainsi, des tiers peuvent recourir contre l'autorisation de pratiquer une activité économique accordée à un concurrent (mais la jurisprudence récente a sur ce point fait quelques pas en arrière), Ainsi aussi, pour prendre un exemple tout à fait concret, l 'heureux propriétaire d'une villa en zone agricole peut recourir contre l'octroi d'un permis de bâtir à un voisin, en invoquant le principe de l'inconstructibilité des périmètres affectés à l'agri- culture: le principe de la séparation du bâti et du non-bâti, qui n'a aucunement dans ses finalités la protection des intérêts des voisins, jouera néanmoins en faveur de notre propriétaire, On voit que l'on sort ici de la conception néga- tive de l'intérêt public: le recourant n'invoquera pas que l'autorité a privilégié indûment l'intérêt public, mais bien au contraire que c'est à tort qu'elle ne l'a pas réalisé,

C.

La qualité pour agir des organisations à

but

idéal

Néanmoins, s'il n'a plus à se prétendre titulaire d'un droit subjectif au fond, on voit que le recourant doit néanmoins avoir dans l'affaire un intérêt person- nel: il doit être voisin et subir en cette qualité un préjudice, La législation a fait un pas de plus dans certaines matières: en accordant un droit de recours, soit à des autorités, soit à des organisations à but idéal, et même plus large- ment un droit, voire une obligation de participer à la phase non conten- tieuse des procédures, Dans les deux cas, ce nouveau recours vise à assurer l'exacte application du droit objectif dans le seul intérêt public - on parle de recours «dans l'intérêt de la loi», Dans le premier cas, l'autorité défend, si on peut s'exprimer ainsi, la loi dont la mise en œuvre lui incombe, contre les actes d'autres autorités - ce qui est en principe exclu si une norme ne le prévoit pas explicitement. Dans le second, il s'agit de sujets de droit privé;

nous allons nous concentrer sur celui-ci, le premier n'ayant pas directement trait à notre sujet, pour montrer que cette nouvelle modalité de participation n'est pas seulement un aménagement procédural destiné à développer les garanties formelles de l'Etat de droit, mais qu'elle est aussi, sinon surtout,

(19)

PlERREMOOR

impliquée par les mutations des tâches administratives et des conditions de leur mise en œuvre.

En effet, l'institution représente une brèche non seulement dans l'aménage- ment formel des processus de décision, mais par là même aussi dans une figure centrale du droit administratif classique, selon laquelle les particuliers n'ont juridiquement pas droit à la parole lorsqu'il s'agit de savoir ce qu'est l'intérêt public, dont la défmition et la promotion sont réservées à l'Etat.

Ces organisations privées sont admises à participer sans être titulaires d'aucun droit subjectif matériel qui serait lésé dans l'affaire dont eUes s'occupent; et même plus, elles n'ont même pas à être atteintes dans un intérêt propre qui les légitimerait à intervenir en qualité de sujets autonomes de l'ordrejuridi- que: elles interviennent uniquement en fonction de l'intérêt public, dans un statut complètement incohérent avec les structures reçues du droit public.

Car on ne peut le décrire ni comme un moyen de défense d'un intérêt privé contre la puissance publique (ce qui est le type de l'intervention de tiers dans les processus de décision publics), ni comme l'exercice d'une compétence (ce qui est le type de l'intervention étatique dans l'intérêt général).

Dans ce régime particulier d'accès de tiers aux procédures, non seulement il y a découplage entre droit matériel et droit formel, mais il y a aussi, plus profondément encore, découplage des légitimations: à la figure traditionnelle où il y a opposition entre intérêt public légitimant l'autorité et l'intérêt privé légitimant l'administré, se substitue une opposition entre deux légitimations l'une et l'autre fondée sur un intérêt public - ou plutôt: deux représenta- lions divergenles de l'intérêt public, c'est-à-dire finalement de deux inté- rêts publics opposés, sans que soit en cause aucun intérêt privé, sauf celui que peut avoir un particulier à l'intérêt général.

D, Incohérences sectorielles ou cohérences en devenir?

Les quelques brèches que nous avons mentionnées paraissent incohérentes dans un système de participation axé sur la notion de droit subjectif; mais si elles sont apparues, c'est bien parce qu'elles ont été considérées, si ce n'est comme nécessaires, du moins comme utiles. Les exigences de la mise en œuvre de certains domaines ou de certaines configurations du droit public ont provoqué l'apparition de conceptions renouvelées, dans lesquelles les garanties qu'offre l'accès à la procédure peuvent être pensées en fonction de l'application de la loi pour elle-même, et non pas dans la seule perspective

(20)

La notion de participation dans la systématique du droit public de la défense de la position juridique matérielle des particuliers. C'est en- core, politiquement parlant, une approche pragmatique, puisqu'elle est diri- gée par le souci de l'effectivité du droit.

Dans l'analyse, on ne peut pas en rester là. Car une question doit venir à l'esprit. Ces brèches sont-elles effectivement des incohérences dans la sys- tématique du droit public, incohérences que le législateur a adoptées pour tenir compte de besoins, de particularités, de phénomènes sectoriels, mais qui ne mettent pas en cause la cohérence générale de l'ensemble? Ou bien sont-elles la manifestation d'une organisation propre du droit public, qui ex- primerait son originalité même par rapport au droit privé, et dont ces débuts de mise en œuvre marqueraient que l'élaboration du droit public n'est pas encore terminée?

N'y a-t-il dans ces particularités que nécessité pratique, à laquelle on a plié la rigueur de la dogmatique juridique parce qu'il fallait bien le faire? Ou bien sommes-nous en présence de conséquences tirées de la logique interne pro- pre du droit public, opposée radicalement, quant au thème du tiers exclu, à celles du droit privé? La première hypothèse n'est pas intéressante à creu- ser: elle revient entériner l'acquis sans l'interroger sur son sens. Nous allons donc nous tourner vers la seconde.

VL Le droit public compris dans le principe de légalité

A_ Le principe de la légalité comme fondement de compétence:

l'exigence générale de rationalité

Dans le droit administratif classique -disons: le droit de police -, l'adminis- tration représente l'intérêt public, face à l'administré et à l'intérêt privé op- posé. Ce dernier a- ou n'a pas- un droit subjectifà l'action -ou à l'inaction de l'autorité. Par exemple, l'autorité de santé publique face à quelqu'un qui requiert l'autorisation de pratiquer la médecine.

La norme régit ce rapport dans une structure bipolaire: intérêt public (et autorité), intérêt privé (et requérant). Cette structure épuise la matière même du rapport de droit: en ce sens qu'il n'y a plus place pour autre chose qui soit également juridique. On pourrait certes invoquer l'intérêt des futurs éven- tuels patients qui seraient soignés par le candidat: mais ils sont exclusivement et irrévocablement «représentés» par l'autorité; on pourrait invoquer aussi

(21)

PIERREMooR

l'intérêt des médecins déjà installés - soit leur intérêt économique face à un nouveau concurrent (mais il ne donne lieu à aucun droit subjectif dans une organisation de libre marché), soit leur intérêt idéal à ce qu'il n'y ait pas de mouton noir dans leur corporation (mais cet intérêt, qui est finalement celui de la santé publique et de sa crédibilité, est déjà représenté par l'autorité).

Ce dont cette structure bipolaire ne rend pas compte, c'est la portée du principe de légalité dans son essence même, qui est d'obliger l'administra- tion, non seulement dans ses rapports avec ceux qui sont titulaires d'un droit subjectif, mais de manière générale: c'est-à-dire, en dernière analyse,Jace à quiconque. Ce «quiconque» n'existe juridiquement pas, sauf le regroupe- ment de l'ensemble de tous les «quiconques» dans l'organe électoral, média- tisé par le parlement.

Pourtant, le principe de la légalité dans sa portée absolument impérative pour l'administration est au fondement même du droit public dans la configu- ration que lui a donnée notre évolution politique vers l'Etat de droit. Et cela dans deux sens, dont le second est souvent négligé, qui, les deux, s'opposent radicalement au principe fondateur du droit privé, qui est l'autonomie de la volonté.

Le premier sens concerne immédiatement la dimension politique. Le prin- cipe de la légalité pennet aux organes démocratiquement légitimés (,<l' en- semble» des «quiconques») de limiter et de diriger les activités publiques: et cela de manière positive - en disant ce que les autorités doivent faire. C'est le sens qui nous est le plus familier, articulé qu'il est directement sur la maxime de la séparation des pouvoirs. Il n'est pas nécessaire d'insister sur ce point, sauf sur un élément à mettre en évidence: dans les relations entre particuliers en droit privé, la limite posée par l'ordre juridique est négative - respecter les droits subjectifs d'autrui - elle dicte ce qui ne doit pas être fait, selon un troisième, et dernier adage latin: neminem laedere.

Le second sens est en relation, de façon médiate, avec un autre principe de notre tradition politique, à savoir la prohibition de l'arbitraire. Cela de- mande peut-être un développement. Ce n'est pas pour le plaisir des juristes que les pouvoirs publics doivent s'exercer selon des nonnes de droit. Tout d'abord, la publicité et la transparence (au moins dans une certaine mesure!) des procédures démocratiques et parlementaires (y compris la liberté d'ex- pression) ont pour finalité d'aboutir à l'adoption de textes législatifs raisonna- bles. Ensuite, si l'administration est tenue de travailler avec ces textes et de

(22)

La notion de participation dans la systématique du droit public motiver sur leur base les décisions qu'elle prend, c'est aussi pour garantir que ses actes seront raisonnables. Le principe de la légalité a donc bien pour seconde fonction d'éliminer l'arbitraire, dans la mesure où les textes sont suffisamment précis pour le garantir: on y trouve ainsi sous-jacent un impé- ratifincontournable, que l'on pourrait nommer exigence générale de ratio- nalité. Il devient évident alors que le droit public se situe aux antipodes du droit privé: celui-ci garantit l'autonomie de la volonté, philosophiquement par- lant le libre-arbitre de toute personne, et il expatrie hors du monde juridi- que tout jugement sur la rationalité des actes des particuliers, laquelle relève des conceptions éthiques, bonnes ou mauvaises, idéalistes ou utilitaristes, que chacun accepte de se donner.

B. La sanction de l'obligation générale de légalité

On pourrait imaginer que l'obligation générale de légalité soit sanctionnée comme telle: dans les phases contentieuses, cela s'appellerait «action popu- laire», ouverte précisément à n'importe lequel de ces «quiconques». Le sys- tème n'a jamais été pratiqué et paraît impraticable. A l'autre extrême, la construction des droits publics subjectifs a, elle, pour effet de particulariser l'obligation générale et de n'en sanctionner la violation que lorsqu'elle est ainsi particularisée: non seulement, pour être proprement normative, l' obliga- tion générale doit être en même temps une obligation particulière, correspon- dant pour l'administré à un droit subjectif, mais, même dans cette hypothèse, seul peut l'invoquer le titulaire de ce droit subjectif.

Entre ces deux extrêmes, nous avons le système, en vigueur, de l'intérêt digne de protection, aussi bien dans les phases non contentieuses que dans celles des recours. Cette solution est intermédiaire, ou plutôt hybride, ce que lui permet le découplage entre droit formel et droit matériel tel que nous l'avons vu. La particularisation, dans cette configuration, vise uniquement un droit subjectif nouveau, de nature seulement formelle, qui est le droit d'accès à la justice: il est réservé à celui qui est suffisamment atteint dans sa simation propre (de fait ou de droit) pour que cela justifie sa participation à la procé- dure; mais, cette condition réalisée, toute violation de l'ordre juridique peut être invoquée qui rendrait irrégulière l'issue de la procédure - la généralité de l'exigence de légalité est ainsi mieux garantie.

Dès lors, s'éloignant du dogme privatiste selon lequel n'est recevable à agir que celui qui invoque un droit, on rétablit jusqu'à un certain point la cohé- rence entre la systématique matérielle du droit public (le principe de légalité,

(23)

PIERREMOOR

la prohibition de l'arbitraire) et les modes d'organisation de sa mise en œuvre:

leur ouverture aux tiers, même si ce n'est pas aux «quiconques», a cet effet.

La question reste: peut-on aller plus loin?

Une réponse négative pourrait être uniquement dictée par des considérations pratiques liées à la gestion administrative: l'encombrement procédural qui résulterait d'un élargissement de la participation serait directement contre- productif.

Sur le plan théorique, une réponse positive serait - bien que cela ne soit pas du tout la tendance actuelle - d'avoir une interprétation encore plus ouverte de la notion d'atteinte constituant qualité de partie, au prix cependant de l'encombrement dont il vient d'être question. Il y aurait alors la difficulté de déterminer les critères qui permettraient de définir une éventuelle extension.

Mais ce serait de toute manière uniquement une pratique plus généreuse de la même notion; ce serait donc rester tributaire de la même problématique.

Certes, ce serait se séparer, encore davantage que la jurisprudence actuelle, de la construction d'un droit subjectif matériel pour élargir le droit d'accès, mais on resterait toujours dans la construction d'un droit subjectif général, même s'il n'est que formel. Or, c'est peut-être précisément de ce concept-là qu'il faudrait se séparer si on veut aller plus loin - ou plutôt, ailleurs.

Pourquoi? Parce que ce concept est sans substance propre: je veux dire par là qu'il est le produit d'une approche purement formaliste, qui construit l'idée même de participation autour de concepts purement juridiques, la déduisant directement de l'analyse d'institutions juridiques, telles que celle de la norme, ou de la décision, ou de la responsabilité délictuelle, ou de la voie de droit, ou du contrat. Ces institutions ont pour caractéristique qu'elles sont en soi indif- férentes aux matières sur lesquelles elles portent: c'est dans ce sens qu'on

se trouve en présence d'un formalisme. Une telle appréhension ne serait possible, ou n'a été possible, que si l'on peut avoir une notion claire et homogène de ce qu'est juridiquement un intérêt, car, à cette condition, la notion est également formelle; elle est complètement indifférente à la diver- sité substantielle de son objet.

Or, une telle clarté, une telle homogénéité n'existe précisément plus. Pour le montrer, il faut quitter le domaine de la légalité pour analyser ce qu'est aujourd'hui l'intérêt public et ce qu'il advient conséquemment de l'intérêt privé.

(24)

La notion de participation dans la systématique du droit public

vu. L'éclatement des intérêts

A. L'intérêt public aujourd'hui: l'activité administrative dans des structures multipolaires

L'exemple donné plus haut de la norme régissant l'accès à la profession de médecin était illustratif: l'administration représente l'intérêt public, celui de la santé, et par là un ensemble indéterminé mais homogène d'intérêts privés- ceux des patients. En face, l'intérêt privé de celui qui entend pratiquer la médecine. La situation est simple, et par conséquent la notion d'intérêt po- tentiellement claire: ce que nous avons appelé une structure bipolaire met en présence un - et un seul- intérêt public et un - et un seul- intérêt privé, les autres intérêts privés qui pourraient être en cause étant en quelque sorte fondus pour s'amalgamer dans l'intérêt public. La notion d'intérêt étant, dans la norme, claire, la thématique de la participation peut l'être aussi. La norme pose l'intérêt des «quiconques», lequel, substantiellement simple, peut être représenté par l'autorité; elle pose aussi l'intérêt des candidats médecins.

Mais, dans la plupart des domaines, les choses se sont compliquées. On aurait pu croire que l'exemple donné ici pourrait, lui au moins, rester simple:

mais on sait que tel n'est plus le cas. Il n'y a plus seulement l'intérêt des patients; il y a aussi celui des assurés cotisants, celui des contribuables, celui des caisses, celui des médecins installés, lequel, depuis peu, n'est plus parfai- tement identique à celui des médecins qui ne le sont pas encore. Même donc ce domaine classique du droit de la police a évolué vers une structure multi- polaire - ce qui se remarque au premier coup d'oeil sur l'actualité politique.

Cependant, c'est surtout, et depuis quelques décennies en tout cas, dans les domaines de l'aménagementdu territoire et de la protection de l'environne- ment que de telles structures se sont mises en place; mais elles existent aussi dans d'autres domaines - je pense au droit des cartels et ententes analogues.

L'intérêt public ne peut plus se concevoir comme auparavant, cela pour des raisons sur lesquelles ce n'est pas le lieu ici de s'étendre, et qui sont d'ailleurs connues. Auparavant, on pouvait isoler divers intérêts publics, chacun spéci- fique à son domaine, sur lequel il régnait souverainement: la santé, la mora- lité, l'ordre, etc.; il n'y avait entre eux aucune interrelation. A un titre ou à un autre, chacun en son domaine, il était l'intérêt public, valeur compacte, homogène, claire, et surtout non conflictuelle - sauf avec l 'intérêtprivé opposé.

(25)

PIERREMOOR

L'intérêt public se présente aujourd'hui de manière éclatée: ce sont des inté- rêts publics, se recoupant, divergeant, s'opposant dans le même contexte, sur le même objet, dans la même situation: finalités différentes, territoria- lités différentes (locaux, régionaux, nationaux), temporalités différentes (à court, moyen ou long terme). La charge de l'autorité n'est plus tant de dé- fendre ou de promouvoir l'intérêt public: elle est d'arbitrer entre plusieurs intérêts publics, si possible d'arriver à un compromis, sinon de choisir lequel doit l'emporter. Cela se manifeste à l'évidence dans la multiplication des procédures complexes, dans lesquelles une seule et même activité relève de plusieurs législations et de plusieurs autorités. Cela se manifeste avec autant d'évidence dans les législations elles-mêmes, qui, de plus en plus souvent, ne désignent plus l'intérêt public unique qu'elles ont pour objet, mais laissent à l'autorité toute la liberté d'appréciation requise pour qu'elle puisse arbitrer dans les situations concrètes les conflits entre plusieurs intérêts. Cela se manifeste enfin dans le développement de conflits intraétatiques, entre auto- rités différentes revendiquant chacune une compétence pleine et entière là où pourtant les responsabilités sont concurrentes, faisant apparaître un be- soin paradoxal de coordination - paradoxal parce que se situant à l'intérieur même d'un appareil organisé selon le modèle d'une bureaucratie centralisée.

B. Derrière les intérêts publics, des intérêts privés éclatés

On ne peut pas analyser l'intérêt public en faisant l'économie de celle de l'intérêt privé. On a l'habitude de la bala!\Ce des intérêts, dans laquelle l'un s'oppose à l'autre: une autre perception est aujourd'hui plus pertinente, celle de l'interpénétration de l'un et de l'autre. En effet, l'éclatement de l'intérêt public en une multiplicité d'intérêts fragmentaires, sectoriels, parcellaires, segmente de même les intérêts privés qui se révèlent derrière les finalités, les territorialités, les temporalités différentes.

Car ces concurrences entre intérêts publics sont aussi celles d'individus, de catégories, de classes, de clientèles différentes, avec des intérêts particu- liers différents. Peu importe que les enjeux soient économiques, politiques ou idéologiques: il n'y a plus un «peuple français», comme le disait la Déclaration des droits de l'homme en 1789, un «peuple» suisse comme le dit le préambule de la Constitution fédérale. Il n'y a même plus dualité comme dans la vulgate marxiste entre prolétariat et classe dominante. Il y a autant de peuples que d'intérêts, peuples divers se divisant, se regroupant, s'alliant, se combattant selon les configurations les plus aléatoires et les plus hétéro-

(26)

La notion de participation dans la systématique du droit public gènes. Ce qui est mis ainsi profondément en cause, c'est l'idée même de norme - de loi - comme principe de légitimation unifiant l'activité de l'Etat, comme acte reposant sur une souveraineté, indiscuté dès qu'adopté. Et, en même temps, par le fait même, l'exigence générale de rationalité à partir des textes normatifs ne peut plus être considérée comme garantie.

C'est dès lors aussi toute la thématique de la participation qui se renverse.

Car la dichotomie entre la participation civique (sur la loi) et la participation procédurale (fondée sur l'atteinte personnelle) ne peut plus prétendre résou- dre exhaustivement la question posée, qui est celle de la légitimité du pouvoir:

les sacrifices concrets demandés aux administrés ne peuvent plus être suffi- sammentjustifiés par la consécration légale d'un intérêt public supérieur qui les exigerait clairement.

vm.

La participation: Quo vadis?

A. La diminution de la densité normative: la position de la jurisprudence

Souvent, l'évolution est décrite sous la forme de son symptôme: la diminution de la densité normative. Les textes normatifs ne sont pas directement impé- ratifs. Ils indiquent les valeurs, les objectifs, les lignes directrices, les types de faits à prendre en considération pour prendre les décisions. Mais c'est seulement au moment de prendre les décisions que ces différents éléments se cristallisent, en quelque sorte, pour donner sens en même temps aux nor- mes appliquées et aux situations concrètes qu'elles ont pour objet. Les nor- mes donnent et reçoivent en même temps leur signification au moment seu- lement où elles sont appelées à s'individualiser. Par le fait même, l'administration reprend concrètement la fonction d'un législateur, certes partielle, mais néanmoins bien réelle.

n

est intéressant de relever ici la manière dont la justice a réagi. A lire les motivations - de plus en plus longues - de beaucoup d'arrêts de lajuridiction administrative, on pourrait résumer d'une formule ramassée le travail auquel elle se livre: elle procède essentiellement à un contrôle méthodologique des décisions portées devant elle. Elle répertorie tous les intérêts en pré- sence (<<publics» et «privés»), de façon à vérifier qu'aucun n'a été omis qui aurait dû être pris en compte, et qu'aucun n'a été inclus qui aurait dû rester

(27)

PœRREMooR

en dehors. Elle examine si tous les faits, toutes les prévisions qui permettent de mesurer les impacts de la décision sur chacun des intérêts en cause ont été correctement établis. Enfin, elle vérifie si l'évaluation globale est suffi- samment argumentée pour légitimer le résultat produit.

Le plus intéressant à mettre en évidence est ceci. L'attention ne porte pas immédiatement sur la validité du produit tel quel de l'activité administrative que le juge doit examiner; elle porte d'abord sur le processus de production - quels sont les matériaux employés, d'où viennent-ils, qui les a amenés, comment et par qui est établi le schéma qui a servi à leur assemblage, comment le tout tient-il en équilibre? La matière même sur laquelle l'administration travaille prend au moins autant d'importance que les prescriptions juridiques;

et par matière, il faut entendre les caractéristiques du champ économique, écologique, social, géographique, lesquelles, sur la base des paramètres po- sés par les normes, permettent seules de déterminer la pertinence et le poids des intérêts.

B. L'organisation de la participation comme tâche législative On l'a dit: il faut renoncer à l'idée de concevoirla thématique de la participa- tion sur le fondement d'une pure élaboration d'institutions juridiques: celles- ci ont atteint leurs limites. C'est dire en même temps qu'on ne peut pas penser la participation elle-même comme institution en soi, dont un régime général constitué de modalités typiques pourrait valoir de façon indifféren- ciée pour l'ensemble du droit public. L'exemple de la jurisprudence peut ici servir de modèle: penser la participation dans le cadre de l'organisation d'un processus de production en fonction des caractéristiques de la matière même, de manière à assurer - autant que faire se peut - en même temps l'efficacité et la légitimité de l'action publique. Cela implique -lajuris- prudence le montre - le répertoriage de tous les intérêts en présence et l'effectivité de leur représentation. L'éclatement de la notion même d'inté- rêts (<<publics» et «privés»), selon les caractéristiques du domaine, du secteur, du champ dans lequel l'Etat intervient, a pour conséquence, en effet, que plus personne, ni autorités, ni groupes de pression, ni organisations à but idéal, ni particuliers, plus personne ne peut prétendre à un quelconque mono- pole sur la perception et l'évaluation de tout ce qui, concrètement, peut être enjeu.

(28)

La notion de participation dans la systématique du droit public La tâche d'organiser les processus de production du travail administratif incombe dès lors au législateur, puisqu'il ne saurait y avoir de participation effective et efficace sans adéquation à la matière que celui-ci entreprend de régler.

Dans le sens de la légistique matérielle telle que CHARLES-ALBERT MORAND

l'a illustrée, il y faut d'abord une élaboration du travail législatif; pour les textes normatifs aussi vaut en effet le principe général: le produit ne peut être meilleur que ce que le processus de production peut atteindre. Donc à ce stade aussi - voire surtout - des modalités adéquates de participation doivent exister, antérieurement el concomitamment à la prise de responsabi- lité gouvernementale et parlementaire. Peut-être faudrait-il, par exemple, réétudier la publicité et la représentativité feutrées des commissions d'experts et des procédures semi-confidentielles de consultation.

Ce travail d'étude du terrain, préalable à l'adoption législative, est le seul à garantir que le législateur mette sur pied les modalités adéquates de partici- pation. Car il permet, en fonction des constellations d'intérêts propres au domaine d'intervention visé, de concevoir l'organisation de la mise en œuvre de la politique publique entreprise. L'effectivité - qui concourt aujourd'hui à la légitimation des activités publiques au moins autant que le respect de la loi - est tributaire des actions et réactions du système d'acteurs constituant le champ économique, idéologique, social, etc., dans lequel la politique publique va pénétrer et où l'autorité va aussi avoir un rôle d'acteur. C'est à l'organi- sation de ce système, dans le processus de production de la mise en œuvre, que le législateur devra porter attention: et cela en instituant des modalités de participation qui en assurent la cohérence, tenant compte de l'ensemble des objectifs, de la pluralité des intérêts, du respect des autonomies sociales et individuelles.

Il y a là un immense champ d'expérimentations possibles, pour autant évi- demment que les milieux politiques et administratifs -les organes de l'Etat!

- acceptent que leur représentativité ne soit plus la seule pertinente - prise de conscience il est vrai douloureuse pour tous ces ego qui se sont consacrés à la chose publique! De certaines de ces expériences déjà actuelles, il en sera question dans les exposés qui suivent.

Si, progressivement, des formes en sont et peuvent en être introduites et pratiquées, la participation ne deviendra cependant pas une institution, au même titre par exemple que les droits civiques. Elle demeurera une notion

(29)

PlERREMOOR

purement générique, regroupant un ensemble juridiquement disparate de techniques fonnelles de mise en œuvre, différenciées suivant les topogra- phies des diverses politiques publiques: participation civique (ainsi des réfé- rendums administratifs), participation en tant que lésé (la qualité pour agir au sens usuel), qualité pour agir en vertu d'une nonne légale (qu'on qualifie

«dans l'intérêt de la loi»), ombudsman, médiation, négociation, droits de consultation, modalités de publicité, etc. Le commun dénominateur en sera d'organiser le processus de production des décisions, en fonction des carac- téristiques intrinsèques des matières, pour y intégrer la représentation de la pluralité des intérêts

C. Représentation et participation

Mais il faut bien s'entendre sur cette notion de représentation, qui est ambi- guë puisqu'elle renvoie aussi à l'institution parlementaire et, médiatement, au gouvernement et à l'administration. Ce qui l'en distingue diamétralement, et il faut insister sur ce point, c'est sa justification même: représenter des inté- rêts partiels en tant précisément qu'ils sont partiels - contrairement à la

«représentation nationale». Cette dernière exprime la «volonté du peuple tout entieo> (pour reprendre des tennes quelque peu vieillis) - qu'il s'agisse d'ailleurs de l'organe «législatif» de la Confédération, du canton ou de la commune, voire d'un quartier (si un tel organe était introduit un jour); de même pour le gouvernement et l'administration, qui agissent directement au nom de la collectivité et la <<représenten!» aussi. Les finalités sont donc radi- calement différentes.

Parlement, gouvernement, administration, juge agissent sur le fondement d'une compétence. Ce tenne désigne le pouvoir spécifique de décider en der- nière instance de l'intérêt qui doit prédominer et qui, dès lors et précisément parce qu'il y a une décision, est celui de la collectivité entière; c'est, il est vrai, pourrait-on soutenir, une simple hypothèse - mais c'est celle-là même sur laquelle repose l'institution étatique. Une telle compétence a besoin d'une légitimation qui est celle que lui assure le pouvoir de «représentation». Cer- tes, on retrouve, ici aussi, une notion qui a son origine dans le droit privé, mais qui, cependant, s'est suffisamment autonomisée dans les institutions démo- cratiques pour que cette origine ne laisse guère de trace. En ce sens, toute compétence, ayant à procéder à une synthèse unifiante de la multiplicité des intérêts, a nécessairement une portée centralisante; elle est par définition exhaustive et exclusive de n'importe quelle autre compétence. Cela même

(30)

La notion de participation dans la systématique du droit public dans les schémas de coordination et de concentration des procédures complexes, dans lesquelles les autorités concernées ne «participent» pas à proprement parler, mais où elles doivent exercer leurs attributions respecti·

ves de manière conjointe.

La représentation qu'assume la participation doit avoir une tout autre fonc·

tion. Elle ne peut servir à légitimer le produit de la décision, parce qu'elle n'est investie d'aucun pouvoir politique. On sait qu'il faut prendre garde à une dérive possible, et même politiquement attirante: celle d'une revendica·

tion à ce que les intérêts exprimés dans la participation soient satisfaits, parce que sinon, disent ses acteurs - c'est une argumentation fréquemment soule·

vée - la participation n'aurait pas de sens. Partir d'une telle présomption (dans les deux sens du mot), ce serait privatiser la légitimation de la puis·

sance publique.

La participation n'est qu'une contribution au processus de production. Elle sert à satisfaire l'exigence générale de rationalité en apportant ce qui peut manquer à l'autorité: la connaissance, fragmentaire, de l'intérêt qu'elle présente. Il est vrai que la fonction première de la participation est de permettre aux «intéressés» de faire entendre leur voix particulière. Mais on voit immé·

diatement que cet élément se double d'une seconde fonction, sans laquelle la première n'aurait pas de sens: fournir suffisamment de «fragments}) de connaissances pour que la globalité des intérêts visés puisse être appréhen·

dée. Pour remplir effectivement ses deux fonctions, la participation doit donc être plurielle et diversifiée. Si l'on tient au terme de représentation, on dira que c'est l'ensemble des participations qui est en définitive représentatif de la constellation des intérêts, et non pas chacune pour soi. Leur organisation, leur combinaison et leur mise en valeur doivent rendre évident que, si elles ont lieu d'être, c'est justement en raison de leurs partialités additionnées.

(31)
(32)

La qualité de partie à la procédure administrative

FRANçoIS BELlANGER

Professeur à l'Université de Genève, avocat

L Introduction

Définir la qualité de partie est un acte essentiel de la démarche visant à délimiter le cercle des personnes physiques ou morales, qui, dans le cadre d'une procédure particulière devant aboutir à la prise d'une décision ou à l'analyse de la validité d'une décision, ont des droits et des obligations vis-à- vis de l'autorité en charge de cette procédure.

Avant la prise d'une décision et sa contestation éventuelle, en procédure non contentieuse, la définition des «parties» correspond au cercle des personnes concernées par la décision devant être prise; il s'agit généralement de toutes les personnes dont la situation de fait ou de droit pourrait être influencée par la décision à prendre 1.

Au niveau de la procédure contentieuse, en plus des personnes qui ont parti- cipé à la procédure ayant abouti à la décision querellée, d'autres personnes physiques ou morales peuvent devenir parties. Leur participation dépend alors de leur qualité pour recourir. Il existe une corrélation entre le nombre de parties et le cercle des personnes ayant la faculté de contester un acte admi- nistratif.

Le nombre et la qualité des parties évoluent ainsi tout au long d'une procé- dure administrative. Avec eux, le cercle des tiers se modifie également puis- que les tiers ne sont, par définition, pas des parties à la procédure. Pour mieux cerner la notion de partie, nous allons poser les éléments permettant de déterminer qui peut acquérir la qualité de partie aux différents stades de la procédure non contentieuse et contentieuse (II). Nous examinerons ensuite les conséquences de l'acquisition ou de la perte de la qualité de partie (III).

Nous ne traiterons pas des particularités de certaines procédures spéciales,

JAAC 6//1997 nO 50, p. 461 (CRDFE,3.04.1996).

Références

Documents relatifs

La cession peut aussi être exclue par un intérêt public pertinent: par exemple, le salaire futur d'un fonctionnaire ne peut être cédé dans la mesure où il est nécessaire à

Le tiers-mondisme conçu à la fois comme un mouvement de solidarité d'une partie de la société du Nord avec les peuples du tiers monde dans une perspective d'interdépendance

si elle provient d'une cause postérieure à la naissance de ces droits, nova, elle est sans effet sur ces derniers. Mais ici aussi la même confusion : impossible

Sur le fond, la décision se révèle également riche d’en- seignements, même si les considérants ne sont pas pu- bliés. 22 Il parvient à la conclusion suivante. Dans le cas

Se trouvent dans une position similaire à celle du destinataire, les tiers dont les droits et obligations pourraient être touchés par la décision 18 Il s'agira par exemple

La pratique de la CFB et la jurisprudence du Tribunal fédéral dans le do- maine de l'assistance entre l'autorité de surveillance suisse et ses homolo- gues étrangers se

 Faites la distinction entre les divers systèmes d'enregistrement des droits fonciers utilisés au Canada.. identifiez et comparez

L’assuré doit dans les deux cas 10%, mais dans le cas d’une cession de créances son créancier est le fournisseur, dans le tiers payant, l’assureur.. Le fournisseur