• Aucun résultat trouvé

Le cas particulier de la procédure de plainte formalisée Certains systèmes de surveillance étatique spéciale prévoient, en cas de

Les tiers dans les procédures disciplinaires

D. Le cas particulier de la procédure de plainte formalisée Certains systèmes de surveillance étatique spéciale prévoient, en cas de

vio-lation alléguée des devoirs des personnes ou entités surveillées, des procédu·

res de plainte qui vont au-delà de la possibilité ouverte à tout un chacun de

14

15

MOOR (2002) p. 124; HÂFELINIMOLLER (2002) nO 1203·1204; FAVRE (1988) p. 335·

336.

JAAG (2001) p. 573.

ThIERRy T ANQUEREL

dénoncer lesdites violations. Un organe particulier est institué pour traiter ces plaintes et, si la plainte est recevable, une décision doit être prise, ce qui n'est en principe pas le cas pourles dénonciations ordinairesl6. Dans la mesure où ces procédures vont plus loin que ce qu'implique le droit de pétition, dont la dénonciation peut être considérée comme une variantel7 , une base légale spéciale est nécessaire.

Sur le plan fédéral, on peut mentionner, en ce qui concerne le contenu des programmes de radio et de télévision, la procédure de plainte auprèsd 'une autorité indépendante (précédée d'une réclamation auprès d'un organe de médiation) prévue par les articles 57 ss de la loi sur la radio et la télévision du 21 juin 1991 (LRTV)18

Sur le plan cantonal genevois, la procédure prévue par l'article IOde la loi concernant les rapports entre membres de professions de la santé et patients du 6 décembre 1987 (LRMPS/GE) 19 constirue certainement une procédure de plainte formalisée. Elle permet en effet au patient qui considère que ses droits de patient consacrés par la LRMPS/GE ont été violés par un profes-sionnel de la santé d'obtenir du chef du Département de l'action sociale et de la santé une décision à ce sujet. L'article 2B de la loi générale sur le person-nel de l'administration cantonale et des établissements publics médicaux du 4 décembre 1997 (LPAC/GE)20 institue également un droit de plainte, avec obligation de rendre une décision, en faveur des membres du personnel qui se considèrent victimes de harcèlement psychologique ou sexueFI.

16 17 18

19 20 21

Infra IV, D.

MOOR (2002) p. 521.

RS 784.40.

RS/GEK 180.

RS/GE B 5 05.

On pourrait aussi penser à la procédure visée par les art. 12, let. b, et 14 de la loi sur les informations traitées automatiquement par ordinateur du 17 décembre 1981 (LITAO; RS/GE B 4 35), qui permet aux personnes qui estiment que leurs droits garantis par la LITAO ont été violés de se plaindre auprès de la Commission de contrôle de )'infonnarique de l'Etal, qui doit alors rendre une décision. Le caractère disciplinaire de cette procédure apparaît toutefois très marginal et indirect: elle concerne plus des pratiques administratives que des manquements individuels. Par ailleurs, on peut signaler, panni les procedures cantonales analogues à celle de l'art. 28 LPAC/GE.

la plainte prévue par l'art. 32 de la loi bernoise sur le statut général de la fonction publique du 5 novembre 1992 (Loi sur le personnel, LPersIBE; RS/BE 153.01), cf.

MERKLI/AESCHLIMANNIHERZOG (1997) p. 716, n'Il.

Les tiers dans les procédures disciplinaires

La nature de la décision rendue à la suite d'une plainte formalisée peut varier.

Il s'agira d'un classement (ou toute formulation analogue) de la plainte si celle-ci n'est pas fondée. Si la plainte est justifiée, l'autorité pourra, dans certains cas, prononcer une injonction (art. 10, al. 3, LRMPS/GE) ou une décision constatatoire (art. 65, al. l, LRTV)22, voire une sanction discipli-naire: cette possibilité est réservée par l'article 10, alinéa 5, LRMPS/GE et elle est implicitement prévue par l'article 2B, alinéa 8, LPAC/GE, qui réserve les recours contre les sanctions prévues par cette loi. Dans le contexte de la LRTV, une action de type disciplinaire ne peut intervenir que dans un deuxième temps, si le diffuseur ne prend pas les mesures propres à remédier à une violation du droit constatée par l'autorité de plainte (art. 67, al. 2 et 3, LRTV).

Dans le contexte d'une procédure de plainte formalisée, la décision à pren-dre ne vise donc pas seulement la réalisation d'un intérêt public. Elle porte aussi, et dans certains cas surtout, sur les droits des plaignants23• Cette situa-tion a bien entendu des conséquences sur leur place dans la procédure.

Dans la mesure où la procédure de plainte formalisée instituée dans le cadre d'une surveillance spéciale comporte la possibilité qu'une sanction discipli-naire soit décidée, elle ne peut jamais être entièrement séparée de la procé-dure menant à cette sanction, même lorsque, comme dans les exemples de la LRMPS/GE et de la LRTV, deux phases procédurales distinctes sont prévues.

Il se justifie dès lors de l'inclure dans cette étude consacrée aux procédures disciplinaires.

m. Les participants à la procédure disciplinaire

A.

La qualité de partie

La problématique générale de la qualité de partie dans les procédures conduisant à des décisions administratives a été examinée en détail ailleurs 22

23

La pratique concernant l'art. 10 LRMPS/GE admet aussi la décision constatatoire, en se fondant sur l'art. 49 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPNGE; RS/GE E 5 1O),ATNGE du 25.09.2001 n° NI 89/200I-ASAN, e. le bb.

En ce qui concerne les décisions de l'autorité de plainte en matière de programmes de radio et de télévision, il n'est certes pas statué directement sur une éventuelle atteinte illicite aux intérêts du plaignant, cf. BOINAY (1996) nO 532. Mais le droit procédural donné au plaignant à ce que soit, le cas échéant, constatée une violation de la conces-sion par une émisconces-sion qui le touche de près (art. 63, al. l, let. b, LRTV, cf. infra Ill, C) revient inévitablement à lui reconnaître un certain droit à ce que la concession soit respectée dans la mesure où il estconcemé de près par les programmes qu'elle couvre.

'fl.uERRY

T

ANQUEREL

dans cet ouvrage2'. Il suffit de rappeler ici que la qualité de partie peut exiger simplement que la personne visant ce statut soit susceptible d'être touchée directement plus que quiconque par la décision en cause dans un intérêt digne de protection, qui peut être de simple fait. Ce critère est celui qui régit, d'une manière générale, la qualité pour former un recours administratif ou de droit administratif, au niveau fédéral et cantonaF5. L'article 6 de la loi fédé-rale sur la procédure administrative du 20 décembre 1968 (PA)26 Y renvoie en conférant la qualité de partie, en procédure contentieuse et non conten-tieuse, à ceux qui disposent d'un moyen de droit contre la décision en cause. Avec certaines nuances de formulation, la plupart des lois de procédure can-tonales adoptent la même approche27 Parfois, l'exigence est plus élevée, un intérêt juridique étant requis, ce qui signifie que ne peuvent avoir la qualité de partie que ceux dont les droits ou obligations sont susceptibles d'être touchés par la décision envisagée. Ce critère plus sévère s'applique en procédure non contentieuse à Genève28, en vertu de l'article 7, alinéa l, LPA/GE, et à Fribourg, en vertu de l'article 11, alinéa l, du code de procédure et dejuridic-tion administrative du 23 mai 1991 (CPJA/FR)29

Il convient dès lors d'examiner dans quelle mesure les divers acteurs impli-qués ou susceptibles de vouloir être impliqués dans une procédure discipli-naire peuvent prétendre à la qualité de partie.

Dans ce contexte, il est évident que la qualité de partie revient, quel que soit le critère applicable, à la personne visée par une procédure disciplinaire: cette personne sera, le cas échéant, destinataire de la sanction disciplinaire envi-sagée. Elle est donc susceptible d'être touchée directement plus que quicon-que dans un intérêt digne de protection par l'éventuelle sanction disciplinaire prononcée à l'issue de la procédure. Il faut aussi considérer que ses droits ou obligations, ou autrement dit sa situation juridique, seront touchés directe-ment par une sanction, et cela même lorsque celle-ci prend la forme d'une

2' 25 26 27

28 29

Voir la contribution de BELLANGER dans cet ouvrage.

MOOR (2002) p. 626 55.

RS 172.021.

Voir, par exemple, à Neuchâtel, l'art. 7 de la loi sur la procédure et la juridiction administratives du 27 juin 1979 (LPJAfNE; RSiNE 152.130). Pour un résultat sembla-ble, avec une fonnulation plus directe, voir l'art. 12 de la loi bernoise sur la procédure el la juridiction administratives du 23 mai 1989 (LPJAlBE; RS/BE 155.21).

Voir BELLANGER, dans cet ouvrage, Il, B, 1, a.

RS/FR 150.1.

Les tiers dans les procédures disciplinaires

stigmatisation symbolique, comme dans l'avertissement ou le blâme. La nature même de ces sanctions consiste en effet à formaliser juridiquement l'avertis-sement ou le blâme, qui constituera un véritable «antécédent disciplinaire"

pour son destinataire. En cela, l'avertissement et le blâme prévus par les catalogues légaux de sanctions disciplinaires se distinguent de l'admonesta-tion informelle, prodiguée en dehors de toute procédure administrative.

Quant à l'autorité qui conduit la procédure disciplinaire, elle ne sera pas par-tie, mais autorité décisionnaire au stade non contentieux. En revanche, en procédure de recours, elle aura le statut d'une partie intiméc30

S'agissant des autres personnes susceptibles de s'intéresser à une procé-dure disciplinaire, que l'on considérera comme «tiers», au sens large, par rapport à l'autorité et au destinataire direct d'une sanction disciplinaire3l, il convient de distinguer celles qui pourraient subir des conséquences négati-ves suite à cette sanction, celles qui sont victimes du comportement poursuivi disciplinairement et enfin celles qui ont alerté l'autorité sur ce comporte-ment.

Les premières n'auront pas la qualité de partie, quel que soit le critère appli-cable, faute d'être touchées directement par la décision à prendre. En effet, par définition, une sanction ne touche directement que la personne qui en est l'objet. D'autres personnes ne peuvent être affectées qu'indirectement, prin-cipalement en raison des conséquences que pourraient avoir sur elles les changements provoqués par la sanction dans la situation économique du sanc-tionné: on peut ainsi penser aux employés d'un avocat ou d'un médecin radié du registre de sa profession qui sont licenciés suite à cette radiation ou au conjoint d'une personne frappée d'amende disciplinaire qui subit les consé-quences d'une baisse des moyens financiers du ménage.

Le cas des deux autres catégories sera examiné plus en détail dans la section suivante consacrée à la situation du dénonciateur. La question de la partici-pation d'une victime à une procédure disciplinaire peut certes se poser dans une procédure engagée d'office. Mais on ne voit pas en quoi la position de la victime qui ne fait aucune démarche pour participer à la procédure pourrait être mieux reconnue que celle de la victime qui a dénoncé l'infraction, étant

30 3l

A Fribourg, l'art. 11, al. 2, CPJNFR l'indique expressément.

Nous envisageons donc ici une notion de tiers plus large que celle utilisée, dans cet ouvrage, par BELLANGER, II, B, 3.

THIERRY T ANQUEREL

précisé, comme on le verra, que la victime ne saurait acquérir la qualité de partie du seul fait qu'elle a été lésée par l'infraction en cause32. En d'autres termes, si le lésé doit avoir des droits dans une procédure disciplinaire, il les aura aussi comme dénonciateur lésé. Il n'est donc pas nécessaire d'exami-ner la situation du lésé séparément de celle du dénonciateur.

B. Le statut du dénonciateur