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Les actions résolutoires et les tiers acquéreurs de droits réels immobiliers

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Thesis

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Les actions résolutoires et les tiers acquéreurs de droits réels immobiliers

ROMANO, Marco

ROMANO, Marco. Les actions résolutoires et les tiers acquéreurs de droits réels immobiliers. Thèse de doctorat : Univ. Genève, 1898, no. D. 270

DOI : 10.13097/archive-ouverte/unige:27295

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:27295

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UNIVERSITÉ DE GENÈVE

LES

ACTIONS RÉSOLUTOIRES

ET LES

TIERS ACQUÉREURS

DE

DROITS RÉELS IMMOBILIERS

PAR

MARco RoMANO

Licencié en droit Avocat à Philippoples (Bulgarie)

THÈSE POUR LE DOCTORAT

~

GENÈVE

IMPRIMERIE F. TAPONNIER~ RUE DE CAROUGE

1898

o4~~ 2_'166

(3)

<La ?f>àculté de GJJroit autorise Cimpression de la présente dissertation sans se prononcer, d7ail- leurs_, sur la valeur du travail ni sur les· opinions de l'auteur.

Genève, le 21 Novembre 1898.

Le Doyen,

cAlf. MARTIN.

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INTRODUCTION

Quelques mots sur notre titre, à la fois beaucoup trop long et pas assez explicite à notre gré.

Il existe en droit civil cinq espèces d'actions qui 3 quoique ayant différentes dénominations, selon les droits . dont elles découlent, sont presque identiques3 eu égard à leurs résultats.

Ces actions sont :

-1° Les actions en revendications de la propriété ; 2° Les actions en nullité des contrats et des actes ;

Les actions en rescision des contrats ; 4

°

Les actions en résolution des contrats ; et 5° Les actions en révo- cation de contrats et des actes.

Les actions en revendication sont données au pro- priétaire d'un objet qui en a été injustement dépouillé et ont pour but de réclamer la possession de la chose à celui qui la détient sans droit, prétendant en être propriétaire;

Les actions en nullité tendent à annuler une conven- tion entachée de certains vices. Le résultat de la nullité prononcée est qu'on n'est plus tenu d'exécuter les obli- gations qu'on avait prises par la convention annulée.

Si on les avait déjà exécutées avant l'annulation, on a le droit de reprendre l'objet donné en exécution de la convention. C'est à ce second point de vue que nous étudions l'action en nullité.

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- 4 -

L'action en rescision est une espèce d'action en nul- lité basée sur un vice spécial, la lésion. En effet, la lésion résulte d'une sorte d'incapacité dans la vente et~

dans le partage, d'une erreur. Dans le dernier cas, c'est.

une erreur non substantielle qu'exceptionnellement, vu la qualité de l'acte, le législateur prend en considération.

Dans le premier, le législateur présume que le vendeur,.

étant en grande nécessité, n'est pas en état de con- server ses intérêts pas plus qu'un mineur ou un pro- digue et c'est pourquoi il lui donne le droit d'annuler- ce qu'il aurait fait en cet état. La preuve que la loi traite ce nécessiteux comme un incapable, c'est qu'elle-- ne prend en considération ni sa renonciation, ni sa rati- fication faites tant que dure l'état de nécessité; cette nécessité passée, il peut comme l'incapable, ratifier- expressément ou tacitement.

Il y a donc toutes sortes de ressemblance entre l'ac- tion en nullité et l'action en rescision, et une unique différence, qui consiste en ceci que cette dernière peut être arrêtée par l'offre d'une indemnité tandis que la pr·e- mière ne peut pas l'être. Cette différence tient uniquement à la diversité des vices qui donnent lieu à l'une ou à l'autre de ces actions. La lésion est un vice réparable~

c'est pourquoi l'action en rescision peut aussi être arrêtée;

l'erreur, le dol ou la violen<.;e, par exemple, sont des vices irréparables, c'est pourquoi l'action en nullité ne peut pas être arrêtée. Mais cette différence est secon- daire et elle n'empêche pas que les actions en nullité et celles en rescision soient soumises aux mêmes règles.

Ce que nous avons dit des actions en nullité se rap- porte donc aussi aux actions en rescision.

L'action en résolution s'applique aux conventions régulièrement formées. En vertu d'une cause de réso- lution, survenue postérieurement au contrat, mais expressément ou tacitement prévue, on demande que les

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parties soient mises en l'état où elles étaient avant la conclusion. La résolution prononcée, on peut reprendre l'objet donné en exécution du contrat. C'est de cet effet de l'action en résolution que nous nous -occuperons.

Les actions en révocation sont en tout semblables aux actions en résolution, sauf que la cause de révoca-

tion est souvent prévue par la loi, tandis que la cause de résolution est prévue par les parties.

Toutes ces actions tendent donc presque toujours à récupérer la possession et la propriété d'un objet dont on s'est dépossédé d'une manière ou d'une autre. Souvent il arrive qu'au moment où on intente ces actions, celui contre qui elles sont intentées s'est déjà dessaisi de l'objet en question au profit d'un tiers. La question se pose alors de savoir si ce tiers acquéreur sera inquiété

~u si l'action sera sans effet à son égard. Très souvent on invoque l'adage : Resoluto jure dantis resolvitur jus accipientis, et. ainsi le tiers acquéreur se· voit forcé de restituer l'objet en question. Mais comme l'art. 2279 du Code Napoléon dit qu'en fait de meubles la possession vaut titre, l'application de l'adage latin devient presque nulle quant aux meubles. Elle est par contre d'une très grande fréquence en ce qui concerne les immeubles.:

les tiers qui ont acquis des droits réels snr les immeu- bles sont très souvent atteints par ces action"s.

Notre titre maintenant devient plus compréhensible.

Nous nous proposons d'étudier les cinq espèces d'actions dont nous venons de parler et cela dans les . cas seulement où elles tendent à obtenir la propriété d'un immeuble. Laissant de côté les rapports entre le demandeur et le défendeur, nous ne nous occuperons que du tiers qui a acquis, du chef du défendeur, des droits réels sur l'immeuble objet de ces actions.

L'action en rescision n'étant, selon nous, qu'une

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- 6 -

espèce de l'action en nullité, l'action en révocation ne différant que de nom de l'action en résolution, nous aurions dû intituler notre étude comme suit : <c De

« l'effet à l'égard des tiers acquéreurs des actions en

« résolution ou nullité des contrats translatifs ou décla-

« ratifs de droits réels immobiliers et des actions en

« revendication de la propriété immobilière. » Mais ce titre nous a fait peur. Nous avons pensé qu'à la rigueur on pouvait donne1' un sens plus large au mot résolution, sens qui comprendrait toutes les espèces d'actions dont nous venons de parler et nous nous sommes contenté du terme résolution, quitte à donner les explications qui précèdent. On verra dans la suite de notre étude que pour la même raison nous disons souvent droit de réso- lution au lieu de droit de résulution3 nullité ou revendi- cation et action en résolution au lieu de action en résolu- tion3 nullité ou revendication.

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PREMIÈRE PARTIE

PARTIE GÉNÉRALE

CHAPITRE PREMIER

Le problème

~ i .-«Le vendeur,-dit le second alinéa de l'art. 2182,

« -ne transmet à l'acquéreur que la propriété elles droits

« qu'il avait lui-même sur la chose vendue: il les trans- (( met sous l'affectation des mêmes privilèges et hypo- '' thèques dont il était chargé. >> « Ceux qui n'ont sur

« l'immeuble qu'un droit suspendu par une condition ou

« sujet à rescision, -ajoute l'art. 2125, - ne peu vent

« consentir qu'une hypothèque soumise aux mêmes

<.< conditions ou à la même rescision. >>

Ce n,est là que le trop fameux : Resoluto jure dantis, resolvitur jus accipientis ou son synonyme : Nemo plus juris ad alienum trans{erre potest quam ipse habet. Pourtant ce n'est pas qu'aux hypothèques que l'adage est appliqué dans le Code civil français ; il l'est à tous les droits patrimoniaux, et le législateur eût mieux fait peut-être de formuler la disposition des art. 2182, ~ 2 et 2t 25 en termes généraux et de la placer dans la partie générale du droit des obligations (par exemple au livre III, titre m,

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chapitre v, section vn, De l'action en nullité ou en resci- sion des conventions), d'autant plus que les commenta- teurs la citent à tout moment à propos des obligations.

Resoluto jure dantis, resolvitur jus accipientis. Quoi de plus évident, dit-on? N'est-ce pas là un des concepts nécessaires de notre ·entendement, une des données du sens commun? La propriété ne perdrait-elle pas le caractère absolu, sans lequel elle cesserait d'être, si un autre que le propriétaire pouvait la transférer et la consolider en autrui 1 Et pourtant les codes civils en général et le Code Napoléon en particulier sont loin d'appliquer uniformément ce principe dans les diffé- rents cas où la question se pose. Chose incroyable, le Code Napoléon l'applique, eu égard aux suites plus ou moins rigoureuses qu'il en fait découler, de huit ma- nières différentes. Entre la révocation in rem et celle in personam, il y a cinq variantes; plus encore, il y a une résolution plus rigoureuse que la révocation in rem en ce sens que non-seulement on prive le sous-acquéreur de tout ce qu'il tient de l'acquéreur, mais encore on lui enlève d'autres droits qu'il tient de la loi. Cela a lieu dans la révocation des donations pour cause de surve- nance d'enfant. Mais poue montrer toute l'incohét•ence du Code Napoléon, en ce qui concerne notre sujet, je veux donner un exemple de chacune des huit diffé- rentes espèces de eésolutions dont j'ai parlé.

t. De la première, la résolution la moins rigou- reuse, la résolution in personam, nous avons un exemple typique dans l'art. 958, qui prévoit la révocation des donations pour cause d'ingratitude. Elle « ne préju-

« dicie. ni aux .aliénations faites par le donataire, ni aux

« hypotheques et autres charges réelles qu'il aura pu

« imposer sur l'objet de la donation ».

1 Voyez TOULLIER, IV, 289; LAURENT, IX, 556 et tous les traités de droit civil.

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2. Dans la réglementation du rapport, le législateur se départ de cette largesse et de tous les droits concédés par l'hét·itier donataire, l'aliénation est le seul que le -cohéritier soit tenu de respecter. Ainsi l'héritiet· dona- taire a concédé des servitudes sur l'immeuble, il l'a

hypothéqué : tout cela tombera devant le cohéritier

<Comme sous l'effet d'une baguette magique. S'il avait aliéné l'immeuble il l'eût fait irrévocablement. Pourquoi .cette différence entre la concession de servitudes et l'aliénation? Il serait difficile de le dire, d'autant plus .que les premières pourraient être concédées à titre {)néreux et la seconde à titre gratuit, et sane vix idonea diversitatis ratio reddi pot est.

3. L'action paulienne est in rern, c'est-à-dire qu'elle atteint le sous-acquéreur. Mais la doctrine et la ju-ris-

pl'udence font une exception en faveur de ee dernier, dans le cas où il aurait acquis à titre onéreux et de bonne foi, c'est-à-dire sans savoir que son tradens avait acquis l'immeuble d'un débiteur insolvable.

4. Les héritiel's réservataii·es ont une action réelle pour revendiquer les biens donnés et dépassant la quo- tité disponible. Mais avant de reprendre ces biens aux sous-acquéreurs, ils doivent discuter tous les biens du donataire (art. 930).

5. Le retour conventionnel du donateur est réel;

tous les droits cédés par le donataire sont anéantis, sauf

un : l'hypothèque légale de la femme, « si les autres {( biens de l'époux donataire ne suffisent pas, et dans le

· (( cas seulement où la donation lui aura été faite par le

« même contrat de mariage duquel résultent ces droits

-<< et ces hypothèques » (art. 952).

6. Dans la rescision pour cause de lésion de la vente et du paetage, tous les droits, sans exception, sont réso-

lus; mais le défendeur a le droit de garder l'immeuble en payant au demandeur· la valeur dont il a été lésé.

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7. Enfin, dans la révocation des donations pour inexécution des charges (art. 954), dans la résolution de la vente pour défaut de paiement du prix (art. 1654), dans l'annulation d'un contrat passé par un incapable et dans d'autres cas que nous verrons plus tard, nous arrivons à la révocation in rem, pm·e et sans aucune exception, en ce qui concerne les actes de disposition du moins.

8. Mieux encore, comme nous l'avons dit, le législateur ne s'arrête pas là. Dans la révocation des donations pour cause de survenance d'enfant, le législateur ne se con- tente pas de priver le tiers-acquéreur de tous les· droits qu'il tient du donataire, mais il le prive même de cer- tains droits qu'il tient de la loi. Selon l'art. 2265, toute personne qui a acquis un immeuble de bonne foi et par juste titre en devient propriéLaire incommutable après dix ou vingt ans; le tiers-acquéreur, dont nous nous occupons en ce moment, est privé de ce droit par l'art. 966. Le premier venu occupe un immeuble pen- dant trente ans, et quoiqu'il sache très bien qu'il n'a aucun droit sur cet immeuble, il en devient proprié- taire : notre sous-acquéreur qui a acheté l'immeuble, qui l'a possédé pendant trente ans, sans avoir le moindre doute sur son droit de propriété, n'aura encore rien acquis. L'art. 966 dispose, en effet, que les trente années ne courront qŒ'à partir de la naissance du dernier enfant, même posthume, du donateur, ce qui peut retarder indéfiniment le point de départ du délai de la pre sc ri ption.

~ 2. - Mais laissons de côté les petites différences entre ces variantes et occupons-nous des·deux principales esvèces de résolution : la résolution in rem et celle in personam. La première, comme on sait, fait revenir ipso jure la propriété entre les mains du tradens, et celui-ci est censé ne l'avoir jamais perdue, aussi bien à l'égard des

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tiers qu'à l'égard de l'acquéreur ; les droits concédés par l' accipiens sont, pat conséquent, anéantis. On l'ap- pelle aussi résolution ex tune, ce qui veut dire .qu'elle rétroagit au jour de l'aliénation. La seconde ne donne à l'aliénateur qu'un droit personnel pour reprendre. la chose aliénée; destituée de tout effet rétroactif, elle laisse subsister les aliénations, les hypothèques, les servitudes qui ont été consenties par l'acquéreur.

Mais quel est le critérium à l'aide duquel on pourra distinguer si, dans une espèce donnée, il faudra appli- quer la première ou la seconde de ces résolutions? C'est là un problème des plus difficiles.

Premier critère. - Les glossateurs, appliquant leur méthode analytique, crurent trouvet' ce critérium dans l'énergie des termes que pouvaient employer la loi ou les parLies contractantes. A vaiènt-elles dit, par exem pie : «Si addiem pecuniasolutanon sit ressit inempta, »les expres- sions paraissaient nettes et pt·écises, dites en vue d'un événement éventuel et ayant pour but, au cas où cet événement se réaliserait, de remettre les choses dans l'état où elles étaient avant le contrat. Avaient-elles dit, au contraire: « Res redeat » par exemple, l'expression paeaissait moins énergique, moins précise, et il n'y avait point de résolution rétroactive ; dans ce cas, le vendeur avait seulement une action personnelle pour forcer l'acheteur à une retradition. 1

C'est là la théorie des verba directa et obliqua. Si la clause résolutoire était formulée en termes directa, la résolution opérait ex nunc et tous les droits que l'acqué- sem· avait concédés étaient an~antis ; les verba au pré- sent et au passé étaient directa. Si elle était formulée en termes obliqua, et c'étaient surtout les verbes au futur qui rentraient 'dans cette· catégorie, la résolution opé-

1 V. dans Baldus: Comm. in secundam digesti veteris partem tit. De lege commissoria l. 4 Si fundus no 1.

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rait ex tune, et les droits réels que l'acquéreur avait concédés jusqu'au moment de la résolution restaient intacts.

Cette doctrine, basée sur des arguties d'exégèse, ne correspond pas du tout à l'intention des parties sur laquelle el.le prétend se baser. Aussi l'ancien droit ne l'accepta-t-il qu'en la modifiant.

Dumoulin dit que le « pactum legis commissoriœ

« non consistit in ceTtis prœscriptis, velut mathema-

« ticis verbis, sed su{ficiunt aequipollentia ; hœc sunt

« omnia quœ important resolutione directo et ipso

« jure ». Il ne reconnaît donc pas la distinction des verba directa et obliqua et, démontrant que la plupart des verba obliqua sont des verba directa, il divise ces derniers en deux classes : directa et resolu- tiva ex propria sua forma et figura, comme par exemple sit inempta, sit invendita, venditio habeatur pro infecta, etc., et directa et resolutiva per antecedens necessarium, qu'il qualifie de verba etiam futuri temporis quœ sonant in executionem {acti, prœsuponunt et indicunt dispositionerm de prœsenti et operantur ipso jure tanquam directa. Il donne comme exemple de cette seconde catégorie de verba direct a le sui va nt : Vendo tibi pro decem, hoc pacto apposito quod si non solvatur intra mensem, liceat rnihi alii vendere. Quaeritur, dit-il, utrum istud sit pactum legis commissoriœ? Il répond affirmativement et il ajoute : Et est ratio : qui vult consequens, vult etiam et disponit omue antecedens necessarium ad illud. ( Tit. 1, De fiefs, ~ xxxm, Gloss. II, ll08 { 1 et 12).

Malgré ces sous-distinctions, la théorie reste quand même inacceptable. Comme nous l'avons déjà dit, ces distinctions ne sont en aucune façon basées sur l'inten- tion des parties. Comme le reconnaît Dumoulin lui-:

même, les verba directa ne sont pas plus énergiques que les verba obliqua. Stipuler que le contrat sera nul et

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non avenu ou stipuler que res redeat, c'est-à-dire que comme conséquence de l'anéantissement du contrat le bien reviendra à l'aliénateur, c'est stipuler une seule chose, « hujus modo, enim verba quœ exprimunt effectum resolutionis, verisimiliter continunt et exprimunt ipsam resolutionem », seulement dans le premier cas on s'at- tache à la résolution elle-même, dans le second aux effets de cette résolution. Mais dans l'intention des parties cette différence, qui n'en est pas une, ne vise à établir aucune distinction entre les deux réso- lutions. Aussi ce système fut-il rejeté définitivement par l'ancienne jurisprudence comme entaché d'arbi- traire.

Deuxième critère. - D'autres glossateurs posèrent un- second critère qu'ils invoquaient souvent, en même temps que le premier et auquel recourent certains auteurs modernes. Si, dirent-ils, la résolution opère ipso jure, sans l'intervention du magistrat, les droits réels tombent. Si elle n'opère que per sententiam, ils sont maintenus.1

Il nous suffit de lire l'art. 956 du Code Napoléon pour savoir à quoi nous en tenir sur la valeur pratique de cetle théorie. Cet article, en effet, s'occupe de deux résolutions, l'une in rem, l'autre in personam, et pour- tant il statue que ni l'une ni l'autre n'a lieu ipso jure.

Et théoriquement il n'est pas non plus difficile de com- prendre que la manière dont la résolution a lieu et les effets qui en résultent sont deux choses différentes, qui n'ont rien de commun et qui ne peuvent influer l'une sur l'autre. Aussi Dumoulin, dit-il que

« sive vendito resolvatur ipso jure, sive via actionis v el exceptionis, eodem modo resoluntur,jura. (Tit. I, De fiefs,

~ xxxm,gloss.n no 15).

1 V. dans Tiraqueau : Comm. in l. Si unquam C. de revocandis donationibus gloss. Revertatur no 328.

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Troisième critère. - Bartole établit le critère de la causa necessaria et de la causa volontaria, eu égard à l'ac- quéreur, que Loyseau formule ainsi : « Quand la réso-

(J lution se fait pour une cause nécessaire, alors les (( hypothèques contractées depuis le contrat sont réso-

« lues ; mais quand elle se fait par la volonté de celui

« qui les a contractées, alors elles ne se peuvent ré-

« soudre, afin qu'il ne soit en la puissance du débiteur

« d'amortir l'hypothèque quand il voudra : qui est 1a

« distinction qu'il faut tenir pour générale en tous les

« cas auxquels cette question peut échoir. Elle est

« prise de la loi 3 D. Quibus modis pignus vel hypotheca

« solvitur. La glose en rend la raison, quia in debit oris

« arbitrio esse non debet, an res sit obligata, nec ne. C'est

« chose étrange que la redhibition, bien qu'elle résolve

« et anéantisse le contrat dès son commencement, quasi

« nunquam intercessisset, dit la loi Facta de Aedilü. edicto,

<< même qu'il faut rendre les fruits (l. Illud. cod. tit.) ce

« néanmoins elle ne résout les hypothèques créées par

« l'acheteur, pour ce qu'il dépend de sa volonté, ou de

« résoudre le contrat, ou d'agir à ce que la chose vaut

« de moins à cause du vice; ne sit in arbilrio debitoris, (( an res, quam ipse obligatuit remaneat obligata, nec ne,

« comme dit Accurse. Et voilà comment se doit enten-

« dre la règle Resoluto fure dantis, resolvitur jus acci-

« pientis. » (Des effets du déguerpissewent, livre VI,

chap. III, 11°8 6 et 7 .)

Cette doctrine a fait fortune : elle a été introduite dans l'ancien droit par Bartole, Balde, Loyseau; dans le nouveau rlroit, Troplong la présente comme n'étant sus- ceptible d'aucune contradiction (Hypothèques, t. n, art. 2f 25, n° 466) et Ricci explique par son moyen la différence que le Code civil italien fait entre la révocation

1 Comm. secunda super digesto t,eteri Quib. mod. pignus vel hyp.

solv. l. 3 Si res n° 2. ·

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- 1 5 -

des donations à la réalisation d'une condition résolu- toire et celle pour inexécution des charges 1 Et pour- tant elle n'est pas exempte de vices. Elle en a deux qui lui font perdre toute valeur pratique et un troisième qui lui enlève toute valeur théorique et la rend absolu- ment inacceptable.

Son premier vi~e c'est qu'elle manque absolument de netteté et qu'elle donne lieu à une multitude de dis- cussions. Loyseau, pourtant grand partisan de la doc- trine, est obligé lui-même de le reconnaitre. « Mais il y

« a, dit-il, bien de la difficulté à discerner quand la

« résolution du contrat se fait ex causa voluntaria, vel ex

« causa necessaria. Car Bartole même s'y est mépris ».

(l. c. no 8). « Balde mesmement en reprenant Bartole

« est aussi tombé en semblable erreur. » (l. c. no 9).

Il s'agissait de la résolution de la vente pour lésion d'outre moitié et il fallait savoir si la résolution était dans ce cas volontaire ou nécessaire. Elle est volon- taire disaient Bartole ( l. c.) et Merlin, parce qu~ << il ne

« tenait qu'à l'acquéreur de se maintenir dans son ac-

<< quisition, en suppléant ce qui manquait au juste

« prix. >> (Merlin.-Répertoire, au mot Résolution, ~ 1.) Elle est forcée, répondPnt Loyseau (l. c. no 8) Balde 2 et Renusson (Traité du Douaire cha p. m, no 93), parce que si l'acheteur « supplée et augmente le prix, ce n'est pas

« garder l'ancien contrat~ mais c'est faire un autre

« marché et tel a bien voulu acheter un héritage à bon

« Inarché, qui ne l'eùt pas voulu acheter à juste prix: dont

cc s'ensuit que la résolution est nécessaire et forcée, (( pour ce même que c'est le vendeur qui intente l'ac-

« tion, par le moyen de laquelle l'acheteur est forcé de

cc rendre l'héritage. >> (Loyseau~ l. c. n° 8). Et une sem-

1 RICCI, op. c. v. IV, no 3~6.

2 BALnus. Comm. in 1 V codicis l. De ?'escindenda venditione l. 2.

Rem maJoris pretii nos 42 et 43.

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blable discussion peut être soulevée à propos de la.

plupart des cas de résolution.

Le second vice du critère qui nous occupe, c'est qu'il est en contradiction avec les textes du droit romain, avec les résolutions de l'ancienne juris- prudence et encore plus avec le Code Napoléon.

Renusson et Merlin en donnent une série de preuves qu'il nous semble inutile de rapporter ici. Aussi Renusson conclut-il que « cette distinction n'est pas

cc tout à fait solide, et qu'on n'en doit pas faire une

cc règle générale. Il y a des cas auxquels elle ne

« convient pas, et l'application qu'on en voudrait faire

« serait injuste et déraisonnable; il y a même des cas

« où il est difficile de discerner si la cause qui donne

« lieu à la résolution du contrat est nécessaire ou

« volontaire. >> (l. c. n° 91 ).

Merlin lui ne se résigne pas facilement à abandonne~

cette doctrine. Il en voit les défauts et il tâche de la corriger par des sous-distinctions. « Faut-il donc,.

« dit-il, rejeter absolument la distinction des résolu-

« ti ons volontaires, d'avec les résolutions forcées? Re-

« nusson le croit ainsi ; mais, selon nous, il va trop

« loin. Voilà les principes auxquels il paraît qu'on doit

« se fixer.

« D'abord, nul doute que dans tous les cas où la ré-

<< solution du droit du possesseur est l'effet d'une

<< cause nécessaire et inhérente au contrat: les servi-

~ tudes créées, les hypothèques consenties, les aliéna-

<< tions même faites dans le temps intermédiaire, doi-

« vent s'évanouir et être regardées comme non ave-

<< nues. C'est une vérité mise dans le plus grand jour

cc par les articles 952 et !-l53 du Code civil.

« A l'égard des résolutions dont on peut imputer la

cc cause au possesseur, il nous paraît qu'il faut distin-

<< guer entre celles qui sont l'effet direct et immédiat

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- 1 7 -

« de sa volonté et celles qui n'en sont que l'effet indi-

« reet et éloigné.

« Les premières, selon nous, ne portent aue 1ne

<< atteinte aux charges créées par le possesseur,

<i mais les secondes les atteignent absolument. · De

« même qu'une obligation contractée sous la condition

<< expresse que le débiteur sera maître de l'accomplir

<< ou de la laisser sans exécution est absolument nulle ;

« de même aussi on ne peut avoir aucun égard à la

<< dissolution d'une obligation qu'un débiteur voudrait

« opérer directement par sa volonté seule; et, par con-

« séquent, lorsque la résolution du droit du possesseur

<< d'un héritage est l'effet direct et immédiat de sa vo-

ll lon té, elle ne doit porter aucune atteinte aux charges

<< qu'il a imposées sur cet héritage ; preuve du premier

« membre de ma distinction.

« Mais de même qu'on peut quelquefois laisser indi-

« rectement à la volonté d'un débiteur, s'il sera obligé

« ou s'il ne le sera pas; de même aussi un débiteur

« peut quelquefois dissoudre indirectement, par son

« seul fait une obligation qu'il a contractée. Par con-

« séquent, lorsqu'on ne peut imputer qu'indirectement

<< à la volonté du possesseur d'un héritage, la résolu-

« tion de son droit, les charges qu'il avait créées au

« . profit d'un tiers s'évanouissent. »·(Merlin, ibid.) Malheureusement les sous-distinctions de Merlin ne corrigent rien et la théorie conserve tous ses vices.

Elle conserve le premier vice, parce qu'avec ces dis- tinctions et ces sous-distinctions, on n'arrive jamais à se mettre d'accord sur le point de savoir quand il y a causa necessaria et quand voluntaria. Ce n'est point le désir de faire résoudre ses droits qui détermine le do- nataire à ne pas remplir les charges sous lesquelles un bien lui a été donné, dit Merlin ; ·c'est parce qu'il se flatte que le donateur n'exercera pas ses droits. Mais,

2

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objectent Mourlon et Ollivier, ne pourrait-on pas dire avec plus de raison et de vraisemblance que c'est plutôt parce qu'il trouve les charges trop lourdes et qu'il préfère abandonner la libéralité? Bref, selon qu'on veut démontret' que les droits des tiers doivent ou ne doivent pas tomber, on peut pour le même cas soute- nir avec grande apparence de raison que la résolution est volontaire ou nécessaire~ En veut-on la preuve frap-

pante~ Merlin démontre que sa théorie convient très bien à l'art. 954 du Code Napoléon. L'art 1080 du Code civil italien a pris la contre-partie de l'art. 954 du Code Napoléon et pourtant cela n'empêche pas Ricci 1 d'expli- quer l'art. du Code civil italien en question à l'aide de la théorie de la causa necessaria vel voluntaria. Il en est de même de la résolution de la vente pour défaut de paiement du prix, que Merlin cite comme la causa neces- saria s'il en fût, et que Mirabelli 2 cite comme absolu- ment voluntaria, tout cela parce que l'un se trouve devant une résolution in rem (C. N. art. 1654) etl'autre devant une résolution in personam (C. c. it. art. 1511).

Elle conserve le second vice, parce qu'elle ne répond pas exactement aux textes. Merlin est obligé de recon- naître que, dans la révocation des donations pour in-

gratitude~ le donata}re n'a pas « cherché directement à

« anéantir la donation ; il n'a fait par son ingratitud~,

« que fournir au donateur l'occasion de la révoquer ».La résolution n'est donc pas « l'effet direct et immédiat de

« sa volonté » et pourtant les droits qu'il a cédés ne sont pas résolus, contrairement à la théorie de Merlin.

Celui-ci reconnaît que l'objection est spécieuse et il op- pose un argument qui ruine tout son système. Mais, répond-il, la révocation des donations pour cause d'in- gratitude est une action (( purement pénale ; or la peine

1. Op. cit. v. IV, no 326.

2. Op. cit., no 37.

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- f 9 -

« doit toujours être bornée à la personne du coupable ;

conséquemment cette action ne peut être intentée

-<< que contre le don~taire lui-même. Aussi voyons-

-<< nous que la loi en exempte ses héritiers. Mais, si les

·« héritiers du donataire qui le représentent sont à cou-

« vert de cette action, à combien plus forte raison ne

-<< doit-il pas en être de même de ses créanciers et des

tiers acqupreurs. » La réponse est admissible, mais -elle ruine, avons-nous dit, tout le système.de Merlin. En

·effet, il résulte de ce que dit Merlin lui-même, que pour savoir si les droits des tiers seront résolus, il ne :suffit pas de savoir si la résolution est nécessaire ou volontaire de la part de l'acquéreur: il faut encore .prendre en considération d'autres raisons. Ce n'est -donc pas le critéri·um de Merlin à lui seul qui résoudt'a 1a question ; il est donc insuffisant.

Mais, fût-il suffisant, fût-il conforme aux textes, ne :souffrît-il la moindre controverse en ce qui concerne la manière de distinguer quand la résolution se fait ex .causa voluntaria et quand ex causa necessaria, présentât-

ji, dis-je, toutes ces qualités, que le système ne serait pas admissible, parce qu'il a un troisième défaut : il fait semblant de résoudre la question, mais il ne la résout pas du tout. Il passe à côté.

En effet, quelles sont les personnes intéressées à ce

·que la résolution soit ou ne soit pas réelle? Est-ce celui qui a transféré le droit qu'il avait lui-même acquis sous une condition résolutoire'? Certainement non.

Qu'elle soit réelle ou personnel1e, la résolution aura pour lui toujours le même effet : s'il possède l'objet,

·dans tous les deux cas il en sera dépossédé; s'il s'en -est dessaisi, dans le premier cas il devra une indem-

nité au tiers acquéreur, dans le second il devra la même indemnité au propriétaire revendiquant. Le véritable intéressé à ce que la résolution soit in rem, c'est le re-

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- 2 0 -

vendiquant, et c'est le tiers acquéreur qui a intérêt à ce qu'elle soit in personam. Dès lors, n'est-il pas étrange, comme le disent Ollivier et Mourlon « que

« Merlin ne se préoccupe ni de l'un ni de l'autre (ni

« du revendiquant, ni du tiers acquéreur) et pas da- (( vantage de leurs rapports, et qu'il ne considère que

« celui contre lequel l'action en résolution réussira

« toujours quand on aura un intérêt à l'intenter contre

<< lui ? Que vous importe, répondent les deux autres~

« ce n'est pas de lui qu~il s'agit; ne tirez donc que d~

<< notre situation personnelle vos raisons de la préfé-

« renee que vous donnerez à l'un ou à l'autre 1 ».

Quatrième critère. -Encore une théorie ancienne sm ..

laquelle se basent nombre d'auteurs modernes. Les droits des tiers sont résolus si la résolution provient d'une cause préexistante à ces droits, antiqua primaeva ;·

si elle provient d'une cause postérieure à la naissance de ces droits, nova, elle est sans effet sur ces derniers. z.

Mais ici aussi la même confusion : impossible de s'en- tendre sur le point de savoir quand la cause est préexis- tante et quand elle est postérieure. Et cela se comprend~.

toutes les causes de résolution, comme le dit M. Leveille, s.

pouvant être tour à tour antiqua ou nova, selon le cri- tère auquel on s'attache pour résoudre cette question ..

S'attache-t-on au fait lui-même qui donne lieu à la réso-

!ution, toutes les causes sont postérieures aux droits cédés; le non paiement du prix de vente, l'inexécution des charges de la donation, ou la naissance de l'enfant au donateur, ne sont pas moins postérieures que l'ingratitude du donataire. S'attache-t-on, au con- traire, au titre premier qui donne le droit de demander- la résolution, au titre par lequel on a cédé un droit

1 MouRLON et OLLIVIER, op. cit., p. 264.

2 VALETTE. Mon. Univ. Séance du 17 décembre 1850.

3 Op. cit. n° 350.

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- 2 t -

résoluble, toutes les causes de résolution sont contem- poraines de ce titre et, par conséquent, antérieures

·aux droits cédés par l'acquéreur. Mais, dit-on 1, ce qui distingue les causa antiqua des nova, c'est que les pre- mières ont été, ou ,ont pu être, prévues au moment de l'aliénation, tandis que les secondes ne pouvaient pas fètre. En quoi la naissance d'enfant au· donateur ou surtout l'inaccomplissement des charges de la part du donataire auraient-ils pu être prévus, plutôt que l'in- gratitude de ce dernier. Les deux derniers cas diffèrent si peu entre eux que Justinien ne voyait dans le pre- mier qu'une espèce du second.

Les auteurs voient si bien la fragilité de tous ces cri- tères qu'ils n'en emploient jamais un seulement; ordi- nairement ils recourent à deux ou trois de ces critères pour expliquer les différents cas de résolution. On parle couramment de résolution ipso jure per causa an- liqua et necessaria 2, sans s·apercevoir qu'au lieu· d'un, -on emploie trois critères à la fois.

Mirabelli, lui, ne l'entend pas ainsi. Il combine la causa necessaria vel voluntaria à la causa antiqua vel nova, non pas inconsciemment, mais de parti pris. Il entend faire de la combinaison de ces deux critères un nouveau système, avec lequel il se flatte d'expliquer le Code :civil italien. << Mais, dit-il, il ne suffit pas que la cause.

·« soit préexistante, il faut encore qu'elle soit néces-

'<< saire 3 ». Et appliquant son système à la résolution

de la vente pour non paiement du prix, il se met d'ac- cord avec tous les auteurs pour dire qu'ici la causa est .antiqua. Mais comme il faut à tout prix expliquer le .code italien, qui ne résout pas les droits des tiers dans

. 1 V ALETTE, ibid.

2 Voyez par ex. lVJARTou, op. cit., 11°8132 et 165; Camillo RE, op. cit., ll· 327.

3 MIRABELLI, op. cit., 11° 37.

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- 2 2 -

ce cas, il se sépare de tous les partisans de la théorie des voluntaria et necessaria et affirme que la résolution ici n'est pas necessaria. Il aurait été intéressant de savoir- comment Mirabelli aurait appliqué son critère à la ré,- vocation des donations pour survenance d'enfant. Cette cause est antiqua de l'avis de tous les partisans de la causa antiqua vel nova; elle est nécessaire, puisqu'il ne dépend point du donataire que le donateur ait ou non d'enfant, et pourtant le Code civil italien ne s'attaque pas, dans ce cas, aux droits des tiers.

Nous ne nous attarderons pas au système de Mi-- rabelli, parce que nous avons déjà critiqué en détaiR les éléments_ dont il se compose. Et puis, s'il est déjà difficile de s'entendre quand on n'a que l'un de ces critères, que sera-ce quand, après de longues con- troverses pour savoir si une cause de résolution est.

nova ou antiqua, il faudra discuter de nouveau pour- savoir si elle est necessaria ou voluntaria. D'ailleurs.

Mirabelli a si peu confiance en son critère, qu'après avoir expliqué avec lui la solution du Code civil italien pour le cas de· résolution de la vente pour défaut de- paiement, il se croit obligé de justifier la même solu- tion par le eritère dont nous parlerons en dernier lieu,.

celui de la faute.

Cinquième critère. - Il est un reproche que nous avons adressé au critère de la causa necessaria vel volun- taria et qui peut être adressé plus ou moins à tous· les critères dont nous venons de parler. Tous en effet pas- sent à côté de la question, en s'occupant de faits ou de- personnages qui n'ont rien à voir dans la solution de- la question et en laissant de côté les vra.is intéressés ::

l'aliénatelll~ et surtout le tiers acquéreur. Le critère- dont nous nous occuperons maintenant n'a pas ce dé- faut, mais il en a d'autres.

S'inspirant de la loi 81 De Pignoribus D., M. J. Le-

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- 2 3 -

veillé pose le pri'ncipe 'suivant: « Si, dit-il, le fait réso-

<< lutoire est tel que le créancier hypothécaire, que le

« détenteur ne puisse exécuter les obligations de l'ac~

« quéreur en son lieu et place, alors les droits réels

cc tiennent; si le créancier peut se prémunir par son

« intervention contre les actes du débiteur et ne le fait

'< pas, il est puni de sa négligence et voit son droit

« s'évanouir 1 ».

Appliquons ce principe aux différents cas de résolu- tion et voyons ce qu'il en résultera. La révocation des donations pour survenance d'enfant, le réméré, la réso- lutio.n de l'art. t705, le retour conventionnel, etc., n'au- ront pas d'effet envers les tiers, l'acquéreur n'ayant aucune obligation à remplir et les tiers ne pouvant rien exécuter en son lieu et place. Est-ce là le système du Code? Assurément non. Ou peut-être est-ce le système que M_. Leveillé voudrait proposer au futur législateur?

Et puis la question de la réalité ou de la personnalité de la résolution se résout à peu de chose près à ceci : quand les tiers seront-ils tenus d'exécuter les obliga ..

tions de l'acquéreur? M. Leveillé répond : toutes les fois qu'ils le pourront. Pourquoi? M. Leveillé ne le dit pas et j'avoue que je ne le vois pas non plus.

Sixième critère. - Ollivier et Mourlon enseignent qu' « il ne peut rien y avoir à considérei' dans tout ceci

« qu'une question de faute. Quand le principe resoluto

« jure est appliqué, c'est que le vendeur est présumé

« plus irréprochable que l'acheteur. L'acheteur est, au

« conti·aire, préférable, quand on se place dans une

des exceptions à cette règle 2 >>. Peut-être est-ce là le principe dont devrait s'inspirer le législateur, nous verrons cela dans la suite, mais en tout cas, ce qu'il y a de certain, c'est que ce n'est pas celui qui domine

1 LEVEILLÉ, op. cit., ll0 352.

2 MouRLON et OLLIVIER, op. cit., p. 264.

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- 2 4 -

<< dans le droit tel qu'il est présentement constitué »,

comme l'enseignent Ollivier et Mourlon. Les auteurs eux-mêmes sont obligés de r~connaître que « quand

« il s'agit de la nullité pour dol, violence ou erreur,

« le tiers auquel rien ne dénonçait le vice de son

«, acquisition et qui, par conséquent, n'avait rien à se

« reprocher est quand même sacrifié. >> S'ils avaient cherché encore, les auteurs que nous citons auraient vu que ce n'est pas là l'unique exception à la règle qu'ils posent. En effet, c'est là justement le grand vice du Code Napoléon en ce qui concerne notre sujet_, vice qui justement nous a poussé à nous occuper de la question : dans la grande majorité des cas de résolution c'est l'innocent qui est sacrifié au coupable, le diligent au négligent. S'il faut citer des exemples à l'appui de ce que nous avançons nous n'aurons que l'embarras du choix.

1. A échange son immeuble contre celui de B Plus tard il appert que ce dernié~ avait donné un im- meuble qui ne lui appartenait pas et A en est évincé par le vrai propriétaire. Dans ce cas l'art. 1705 donne à A le droit de reprendre l'immeuble qu"il avait donné à B .. Jusque-là rien que d'équitable. Mais là où la ques- .tion se complique, c'est Je cas où B avait, pendant cet

intervalle, vendu l'immeuble de A à C, par exemple.

Il s'établit alors un conflit e.ntre A et C qui tous deux se prétendent propriétaires de l'immeuble et dont A sort victorieux au préjudice de C. Et pourtant des deux prétendants lequel était le plus coupable? Certai- nement A, ou plutôt, c'était lui l'unique coupable et C n'avait rien à se reprocher. En effet, ce dernier avait acheté à B l'immeuble de A, sur la foi de l'acte d'alié- nation que A avait souscrit et lajssé transcrire. C pou- vait-il deviner que A avait aliéné son immeuble contre rien ? . Avait-il d'ailleurs à s'enquérir de .tout cela? Ne

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- 25-

lui suffisait-il pas. de voir que A, vrai propriétaire de l'immeuble X, a aliéné cet immeuble à B, par acte ré- gulier et transcrit, pour pouvoir traiter avec ce dernier en toute confiance? Sûrement, répond la raison.

Non, répond le Code Napoléon, B n'avait qu'un droit résoluble et A n'a pu acquérir ce droit que soumis à la même condition ; donc resoluto jure dantis, resolvitur jus accipientis. Mais, pourtant, répond-on, il y a un principe qui dit que chacun est responsable du dom- mage que par son fait il cause à autrui. Si C a acquis un droit résoluble en croyant acquérir un droit incom- mutable, c'est bien par la faute de A. Celui-ci ne doit- il pas subir les conséquences de sa faute? Non, le Code Napoléon ne s'occupe que du droit de propriété de A, il le lui conserve intact, sans s'occuper des fautes qu'il aurait commises, ni du tort qu'il aurait causé aux tiers de bonne foi.

2. Plusieurs cohéritiers font un partage. L'un d'eux .se soucie si peu de ses intérêts qu'il ne voit pas qu'au lieu de recevoir sa part entière, il n'en reçoit même pas les trois quarts. Le partage consommé, chacun des cohéritiers cède des droits réels sur les immeubles qui lui sont échus en partage et ainsi les immeubles circu- lent de main en main pendant neuf ans. A la dixième année seulem~nt, notre lésé s'occupe, pour la première fois, sérieusement des comptes du partage et il s'aper- çoit qu'il n'a pas reçu tout ce qui lui en revenait. Il demande la rescision du partage et voilà tous les pau- vres acquéreurs des biens des autres copartageants, dépossédés des immeubles qu'ils ont acquis à beaux deniers comptants. Pourtant avaient-ils quelque chose à se repr·ocher? N'avaient-ils pas acquis sur la foi d'un partage fait avec toutes les formes légales? Pouvaient;_

ils seulement supposer qu'un des copartageants s'était contenté de moins des trois quarts de sa part? Et à qui

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sont-ils sacrifiés? A quelqu'un qui a montré une négli- gence inqualifiable dans la conservation de ses intérêts f

3. Vous avez besoin d'argent, vous vendez votre immeuble à un prix bas avec la résolution cachée de le reprendre sitôt que vous serez en fonds. Moi, ignorant et votre besoin d'argent et. votre arrière-pensée, croyant que peut-être vous avez vendu à un prix juste~

mais que vous avez déclaré dans l'acte de vente un prix bas pour économiser les frais de mutation, j'achète à votre acheteur l'imm~uble que vous lui avez vendu. En cas de conflit, qui de nous deux doit être sacrifié ? N'est-ce pas vous, puisque c'est vous qui avez tous les torts? Le Code en dispose autrement et c'est moi inno- cent qui serai sacrifié.

4. Une femme mariée reçoit par succession un immeuble ; elle se hâte de le vendre en ayant soin de ne pas soutller mot de son mai'iage et en signant l'acte d'aliénation de son npm de naissance. Moi, sur la foi de cet acte d'aliénation et après m'être assuré que la venderesse a en effet hérité l'immeuble du premier propriétaire, je me fais céder par l'acheteur des droits réels sur l'immeuble et cela à titre oné1·eux. Ai-je quel- que chose à me reprocher? Pouvais-je supposer que l'auteur de mon vendeur était une femme mariée?

Et si un doute était né dans mon esprit, avais-je le

· moyen de m'éclairer? Oui, si la venderesse et moi habitons un petit village. Mais dans les grandes villes, combien n'y a-t-il pas de femmes qui vivent séparées de leur mari et dont tout le monde ignore la situation, véritable? Et remarquez que, pour plus de clarté, j'ai simplifié l'affaire en supposant que l'incapable est l'au- teur immédiat de mon auteur. Il se peut que l'incapable soit l'arrière-vendeur, le troisième ou le quatrième arrière-vendeur. Suis-je en faute pour n'avoir pas recherché la véritable condition des personnes qui, de

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- 2 7 -

près ou de loin, ont précédé mon propre vendeur? En tout cas, je suis moins coupable que cette femme qui, par des manœuvres, a caché son état.

En cas de conflit entre elle et moi, qui sera sacrifié?

Le Code ne dit rien, mais la jurisprudence et la doc- trine sont unanimes à me sacrifier, moi innocent, aux intérêts de cette femme qui, par des manœuvres, m'a induit en erreur, et cela toujours par la force 1nagique de l'adage : Resoluto jure dantis, resolvitur jus (tecipientis.

A la place de la femme mariée, mettez n'importe quel incapable et les mêmes scènes se répèteront. Mais en voilà assez. Il nous semble que nous pouvons inter- rompre cette série d'exemples et conclure sans crainte d'être contredit : que les différents cas de résolution tels qu'ils sont régis par le Code Napoléon ne peuvent être soumis à aucun critère ; ~o que les résolutions, telles qu'elles s'opèrent dans le système du Code Napo- léon, sont, dans la grande majorité des cas, contraires à l'équité : toujours les tiers de bonne foi et auxquels on ne peut rien reprocher sont sacrifiés.

~ 3. ~Et le résultat de tout cela quel est-il? C'est que le droit de propriété immobilière est toujours précaire et comme conséquence la circulation des biens est entra- vée et le crédit foncier est illusoire, car on n'achète pas quand on a lieu de craindre une éviction et on ne prête pas ses capitaux quand on a lieu de craindre que la sûreté qu'on a stipulée ne s'évanouisse.

« Mais aujourd'hui, dit M. Delachenal, aujourd'hui

« que des banques agricoles sont vennes fournir un

<< puissant intermédiaire entre ie prêteur et l'emprun-

u teur; aujourd'hui que l'organisation du crédit foncier

<1 est venue détruire l'usure et mettre les eapitaux à la

« portée des propriétaires et des agriculteurs; aujour-

« d'hui, comme l'a dit M. Delorme, que le prêt à long (( terme remboursable par annuités, a été substitué au

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- 2 8 -

(( prêt sans cesse renouvelé chargé de frais, de forma-

« lités et d'intérêts variables, et que l'on est parvenu (( à apporter la sécurité à la propriété en écartant de

« i'imagination de l'emprunteur le fantôme de l'expro-

« priation.

« Pourquoi n'est-ce que ,si péniblement que la pro- (( prié té se relève de l'état de souffrance qui l'accable, (( et qu'elle participe à ce fécond élément de richesse,

« le capital, qui jusqu'à ce jour s'en est tenu éloigné?

« Pourquoi l'emprunteur peut-il recourir si difficile-

« ment à ces sociétés agricoles du crédit foncier qui ne

« consentent à prêter que sur première hypothèque et

« n'effectuent aucun prêt qui excède Ja moitié de la

« . valeur de la propt•iété?

<< Oh! maintenant l'on est bien forcé d'avouer que

« ce déplorable état de choses tient aux vices de notre

« système hypothécaire.

« Donnons au prêteur plus de sécurité et de garantie (( en rendant publiques et spéciales toutes les hypothè-

« ques occultes et générales.

({ Supprimons l'effet rétroactif du privilège du ven-

« deur & l'égard des créanciers précédemment ins-

"' crits.

« Rendons plus prompte et moins coûteuse la réali- (( sation du gage immobilier.

« A l'exemple du Code bavarois, mettons au grand

« jour les droits réels qui grèvent la propriété en dres-

« sant un état, non à la personne dans ses rapports

« avec l'immeuble, mais à l'immeuble dans ses rap-

« ports avec la personne.

« Mais avant tout et surtout proclamons ce grand

« principe de la stabilité du droit de propriété qui

« entraînera· comme conséquence la suppression des

« actions résolutoir,es à l'égard des tiei's.

« Alors la confiance renaîtra_, le capitali~te sera heu.-

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- 2 9 -

<< reux de faire accepter ses fonds à. ragriculteur, et le

« besoin de placements solides succédera au besoin

« immodéré de spéculations aventureuses.

« Rien, en effet, n'est plus contraire à la stabilité de

« la propriété, et, par suite, au crédit, que l'existence

« des actions résolutoires 1 »

Ce cri désespéré~ M. Delachenal n'est pas le premier . à le pousser, ·ni le dernier non plus. De tout temps, en France, depuis que le Code Napoléon y est en vigueur, on a manqué de crédit foncier et toujours on a reconnu que l'origine du mal était dans le Code civil.

En 1826, c'était Casimir Perrier qui, affligé, dit-il, de voir le développement de la propriété sociale contrarié par les vices de la législation, ouvrait un concours sur la réforme du système hypothécaire et proposait un prix de trois mille francs à l'auteur du meilleur ouvrage sur le remède à y apporter, concours qui provoquait l'ouvrage de M. Decourdemanche : << Du danger de prêter sur hypothèq·ue >>, où le manque absolu de sécu- rité dans les transactions immobilières est rlémontré par de nombreux arrêts. En 1841 ,· lor's de l.a discussion de la loi sur l'expropriation forcée, c'est du même mal qu'on se plaint., et la même année c'est mûs par le même besoin qu'on fait l'enquête relative au régime hypothécaire que Martin (du Nord), garde des sceaux, publia en 1844; en 1850, le Conseil d'Etat publie une grande enquête sur le crédit foncier, qui démontre. que la terre, en France, a besoin de très longs emprunts.

mais que, malheureusement, elle ne les trouve pas; la même année, lors de la discussion d'un projet de loi sur les hypothèques, tout le monde était d'accord sur l'existence du mal et il n'y avait de divergence que sur les moyens propres à s'en préserver, et c'est pour remédier . à ce mal qu'ont été votées les lois du

1 DELACHENAL, op. cit. p. 144 et 145.

(31)

- 3 0 -

23 mars 1855 sur la transcription et du 21 mai 1858 sur les saisies immobilières; enfin, par décret du 30 mai 1891, au Ministère des Finances, à Paris, est, dans les mêmes fins, instituée une « Commission extra- parlementaire du Cadastre », composée entre autres d'éminents jurisconsultes et économistes. Et bien, dans .les procès-verbaux de la Sous-commission juridique de cette commission, que nous aurons plus tard plus d'une fois l'occasion de citer, on rencontre à tout mo- ment des jérémiades sur le crédit foncier 1Voici enfin ce que la même année éerivait un auteur que tout le monde cite avec louanges :

<< L'économie politique, dit-il, a proclamé et vulgarisé

« des principes nouveaux. L'activité sociale du monde

<< contemporain, la prodigieuse expansion du commerce

<< et de l'industrie ont créé des besoins que ne pou-

« vaient prévoir les codificateurs de 1804. Inconnue

« d'hier, la richesse mobilière, représe!}tée par les

<< fonds d'Etat, les actions et obligations des sociétés,

« les warants et les assurances sur la vie, a progres-

<< sivement envahi tous nos marchés industriels, finan-

<< ciers et commerciaux, fournissant aux capitaux une

<< sûreté réelle et facilement réalisable, sans parler des

« chances de gains offertes aux portem's de ces titres

<< par les tirages périodiques. C'est à la concurrence de

<< plus en plus active des valeurs de bourse qu'il eon-

l'( vient d'imputer en grande partie le discrédit actuel

« des placements hypothécaires. Comment l'agriculture,

<< avec un rendement moyen de 2 à 3 pour cent, pour-

« rait-elle payer les intérêts à 5 pour cent d'un long

<< terme, indépendamment des frais du contrat? Com-

1 Voyez surtout les séances du 22 février et du 8 mars 1894 où, à propos des bons hypothécaires, après une discussion où prirent part des économistes de différentes écoles, comme Léon Say, Yves Guyot, Worms, Levasseur, Léon Michel, etc., il fut reconnu qu'il faut employer tous les moyens possibles pour faciliter le crédit foncier en France.

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