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Nouveautés en matière de droits de gages immobiliers

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Nouveautés en matière de droits de gages immobiliers

FOËX, Bénédict

FOËX, Bénédict. Nouveautés en matière de droits de gages immobiliers. In: Thévenoz, Luc.

Journée 2011 de droit bancaire et financier . Genève : Schulthess, 2012. p. 77-98

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:42090

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. ..---

NOUVEAUTÉS EN MATIÈRE DE DROITS DE GAGES IMMOBILIERS

Bénédict Foëx

1. Introduction

1

Le législateur a entrepris il y a plusieurs années1 une réforme des droits réels immobiliers. Ces efforts ont conduit à l'adoption d'une loi fédérale modifiant le Code ci ville 11 décembre 2009 2, qui est entrée en vigueur le 1er janvier 20123• Simultanément, le Conseil fédéral a procédé à une refonte totale de l'ordonnance sur le registre foncier (ORF)4 et a adopté une ordon- nance sur l'acte authentique électronique (OAAE) 5, textes qui sont tous deux également entrés en vigueur le lor janvier 20126

Les organisateurs de la Journée de droit bancaire et financier ont sou- haité que cette réforme figure au programme de la Journée 2011 en tant qu'elle touche les gages immobiliers. La présente contribution rappelle tout d'abord brièvement les principales nouveautés (IL). Elle présente ensuite à grands traits cette "nouvelle venue" qu'est la cédule hypothécaire de re- gistre (III.) et s'achève par quelques remarques sur les nouvelles dispositions concernant tant la cédule de registre que la cédule "sur papier" (IV.).

Il. Les principales nouveautés

La loi du 11 décembre 2009 constitue une réforme d'envergure puisque pas moins d'une centaine d'articles du Code civil relatifs aux droits réels

L'avant-projet a été rendu public en mars 2004; cf. www.bj.admin.chjcontentjdam/

data/wirtschaftjgesetzgebung/immobiliarsachenrecht/vn-veber-f.pdf.

FF 2009 p. 7943 ss.

RO 2011 p. 4657.

Ordonnance du Conseil fédéral sur le registre foncier, du 23 septembre 2011 (ORF;

RS 211.432.1).

Ordonnance du Conseil fédéral sur l'acte authentique électronique, du 23 septembre 2011 (OAAE; RS 943.033).

RO 2011 p. 4711 (ORF) et 2011 p. 4784 (OAAE).

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78 Bénédict Foëx

immobiliers sont modifiés. Ce ne sont donc pas seulement les gages immo- biliers qui sont touchés: les modifications concernent aussi la copropriété ordinaire, la propriété par étages, les dispositions générales sur la propriété immobilière, les rapports de voisinage, les servitudes (servitudes foncières, droit de superficie) et le registre foncier. Cela étant, les changements les plus importants concernent les gages immobiliers.

Ainsi, on peut signaler en premier lieu que désormais tout acte consti- tutif de gage immobilier doit être revêtu de la forme authentique {art. 799 al. 2 CC) 7; sous l'ancien droit, seul le contrat de gage immobilier était sou- mis à cette forme, l'acte juridique unilatéral par lequel le propriétaire grève son immeuble en sa propre faveur était valable en la forme écrite8

Le législateur a par ailleurs modifié l'art. 836 CC, en posant le prin- cipe que les hypothèques légales de droit public cantonal (garantissant une créance supérieure à 1000 francs) doivent être inscrites au registre foncier

"dans les quatre mois à compter de l'exigibilité de la créance sur laquelle elles se fondent ou au plus tard dans les deux à compter de la naissance de la créance" (art. 836 al. 2 CC); à défaut, elles ne sont pas opposables aux tiers de bonne foi 9

L'hypothèque légale des artisans et entrepreneurs a quant à elle fait l'objet d'un toilettage. La nouvelle version de l'art. 837 CC précise les tra- vaux qui peuvent donner lieu à inscription de cette hypothèque légale (tra- vaux commandés par le locataire ou une autre personne ayant un droit sur l'immeuble, pour autant que le propriétaire ait donné son accord à l'exécution des travaux, travaux de démolition d'un bâtiment et même montage d'un échafaudage)1°. Le législateur a par ailleurs porté à quatre mois le délai dans lequel 1 'hypothèque légale doit être inscrite (art. 839 al. 2 CC) n. L'introduction de ce délai pose un délicat problème de droit tran- sitoire; sans vou loir trancher ici la controverse doctrinale qui s'est élevée à ce propos12, l'on relèvera qu'il paraît prudent de considérer que le nou- veau délai ne s'applique qu'aux travaux dont J'achèvement est postérieur

la présente contribution se réfère aux dispositions en vigueur au l" janvier 2012.

s Voir par exemple: STEINAUER, Tome Ill, n2954. Sur le nouvel art. 799 al. 2 CC, voir par exemple: ScHMIO, 2012, p. 210 s.

9 Art. 836 al. 2 CC. Voir par exemple: ScHMID, 2012, p. 224 s.

10 Cf. notamment CARRON/FELLEY, pp. 9 ss et 15 ss.

11 Cf. notamment CARRON/FELLEY, p. 32.

12 Cf. CARRON/FELLEY, P· 35 s.

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au 31 décembre 2011 (cf. art. 1 Tit. fin. CC) 13. S'agissant enfin des travaux effectués sur un immeuble appartenant au patrimoine administratif, le législateur a introduit un "cautionnement légal" en faveur de l'entrepre- neur dont la créance n'est pas dirigée contre la corporation publique pro- priétaire (sous-traitant, entrepreneur dont les travaux ont été commandés par le locataire avec l'accord de la corporation publique propriétaire, etc.) (art.839 al. 4 à 6 CC) 14

S'agissant des cédules hypothécaires, on peut résumer lapidairement les modifications de la façon suivante:

introduction de la cédule hypothécaire de registre, comme nouvelle forme de gage immobilier (art. 857 à 859 CC) 1s;

consécration du transfert aux fins de garantie des cédules hypothé- caires, qui est désormais le mode d'utilisation présumé par la loi (art. 842 CC) 16;

limitation des intérêts garantis par les cédules hypothécaires (art. 818 al. l ch. 3, 2• phrase, CC) 17;

suppression des compétences cantonales en matière de cédules hypo- thécaires (anciens art. 843 et 844 al. 2) 18 ;

refonte des dispositions régissant les cédules hypothécaires en général (art. 842 à 856 CC) et celles relatives aux cédules hypothécaires sur papier (art. 860 à 865 CC).

Enfin, last et peut-être least, le législateur a supprimé une forme de gage: la lettre de rente, qui n'était pratiquement pas utilisée (art. 793 al. 1 CC) 19

Les lettres de rente existantes subsistent, naturellement (art. 33a al. 1 Tit. fin. CC) ; mais le droit cantonal peut prévoir leur conversion en une autre forme de gage immobilier (art. 33a al. 3 Tit. fin. CC) 20•

13 De cet avis: REETZ, p. 124. Pour d'autres manières de voir, cf. (ARRON /FELLEY, p. 35 s. et les réf.; voir aussi: STREIFF, p. 21.

14 Cf. CARRON 1 FELLEY, p. 27 ss.

1s Cf. infra, Ill.

16 Cf. infra, IV.A.

17 Cf. infra, IV.B.

18 Cf. par exemple STEINAUER, La nouvelle réglementation, p .. 65 s.

19 Voir par exemple: ScHMID, 2012, p. 209.

20 Cf. par exemple: PICTET, Le droit transitoire, p. 231 s.

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Ill. La cédule hypothécaire de registre A. Généralités

Le nouvel art. 843 prévoit que "la cédule hypothécaire prend la forme d'une cédule hypothécaire de registre ou d'une cédule hypothécaire sur papier".

La cédule de registre est donc une cédule hypothécaire. C'est l'une des deux formes de cédule. L'autre forme est la cédule que nous connaissons, qui est maintenue et que le Code appelle désormais "cédule hypothécaire sur papier"; pour lever tout doute à cet égard, l'art. 163 ORF précise ex- pressément que les cédules constituées sous l'ancien droit sont des cédules hypothécaires "sur papier" (sous réserve de leur éventuelle conversion en cédules "de registre" ainsi que le permet l'art. 33b Tit. fin. CC).

La cédule de registre se caractérise par le fait qu'elle n'est pas incorpo- rée dans un papier-valeur: aucun titre n'est donc émis lors de sa constitu- tion. La cédule de registre ne se matérialise donc pas physiquement; elle est dématérialisée 21•

La cédule de registre prend naissance (art. 857 al. l CC), se transfère (art. 858 al. 1 CC), se remploie (art. 853 ch. 1, 854 al. 2 et 858 al. 1 CC), se grève (art. 859 al. l et 3 CC) et se saisit (art. 859 al. 2 CC) par inscription au registre foncier. Elle ne peut donc pas changer de mains comme une cédule sur papier (art. 864 al. 1 CC) ou une autre chose mobilière (art. 714 al. 1 CC). C'est au contraire une cédule immobilisée22, dont l'existence est liée au registre foncier; et cela plus encore que l'hypothèque: l'hypothèque se transfère en dehors du registre foncier (cf. art. 835 CC). La cédule de registre, elle, ne vit qu'à travers le registre foncier: il s'agit d'un "reines Registerpfand"23 • '"

8. Constitution

La constitution d'une cédule hypothécaire de registre nécessite un "acte constitutif" (unilatéral ou bilatéral) revêtu de la forme authentique (art. 799 al. 2 CC) et une inscription au registre foncier (art. 857 al. 1 CC)

21 Cf. STEINAUER, La nouvelle réglementation, p. 61.

22 Cf. FoËx, La cédule, p. 345.

2) SCHMID-TSCHIRREN, p. 8.

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sur réquisition du propriétaire de l'immeuble devant être grevé (art. 963 al.l CC)2•.

La cédule de registre est inscrite au nom du créancier, ou au nom du propriétaire qui grève son immeuble en sa propre faveur (art. 857 al. 2 CC).

Il n'est donc pas possible de créer une cédule de registre au porteur25Par ailleurs, le nom du débiteur n'est pas inscrit au registre foncier26.

L'inscription de la cédule produit un effet constitutif27: la cédule de registre naît par l'inscription28. Elle est alors un véritable gage immobilier, assimilable - pour l'essentiel - dans ses effets aux cédules hypothécaires sur papier: il s'agit d'une "véritable cédule hypothécaire"29L'inscription de la cédule de registre au registre foncier bénéficie de la foi publique; elle fait en particulier foi de la personne du créancier, de l'existence et du mon- tant de la créance (résultant de la cédule) ainsi que de l'existence du gage qui la garantit 30•

C. Transfert et remploi

Le transfert de la cédule de registre est réglé à l'art. 858 CC. Cette cession nécessite en premier lieu un contrat de transfert, qui est valable sans forme particulière31 (sous réserve de l'art. 243 al. 2 CO): il s'agit de permettre à terme un transfert purement électronique des cédules de registre32. Il faut en second lieu l'inscription du nouveau créancier au registre foncier, à la

24 Pour de plus amples développements, voir notamment: STEINAUER, les nouvelles règles, p. 358 ss; HAAs, p. 302 ss.

2s Cf. Message, p. 5059; GAMMETER, p. 144; STAEHELIN, n. 7 ad art. 857; FoËx, la cédule, p. 347; etc.

26 Cf. art. 101 al. 2 ORF. Voir aussi: STEINAUER, le débiteur, p. 226; WEISS, p. 145;

FoËx, le nouveau droit, p. 11. Voir encore HAAS, p. 321.

27 Voir par exemple: STAEHELIN, n. 1 ad art. 857; HAAS, p. 319.

28 Il faut réserver les cas dans lesquels l'inscription ne produit qu'un effet déclaratif; cf.

art. 72 et 65 ORF. Voir par ailleurs STEINAUER, les nouvelles règles, p. 365, note 37;

WoLF/I(ERNEN, p. 373.

29 STEINAUER, les nouvelles règles, p. 356.

JO Cf. art. 848 CC. Voir aussi STAEHEUN, n. 6 s. ad art. 848; FoËx, le nouveau droit, p. 11, et les réf.

31 Cf. Message, p. 5060; STEINAUER, les nouvelles règles, p. 367; ScHMio-TSCHIRREN, p. 9; ScHMID, 2011, p. 59; WoLF /KERNEN, p. 369 s.; FoËx, le nouveau droit, p. 12;

etc. Voir cependant P1oTET, la nouvelle cédule, p. 15.

32 Cf. STEINAUER, la nouvelle réglementation, p. 62.

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requête du cédant (art. 858 al. 1 CC)33 ; il n'est donc pas possible de trans- férer (entre vifs et à titre particulier) les cédules de registre sans inscrire le nouveau créancier au registre foncier.

Il en va de même du remploi d'une cédule de registre. Si le débiteur rembourse entièrement la créance résultant de la cédule, il peut exiger de son créancier la rétrocession de cette dernière (art. 853 ch. 1 CC)34; le créancier désintéressé doit donc demander l'inscription du débiteur35 au registre foncier, comme nouveau titulaire. Et le débiteur, une fois inscrit, peut soit fa ire radier la cédule soit-ce qui sera plus fréquent - laisser sub- sister l'inscription (art. 854 al. 1 CC); s'il opte pour cette deuxième solu- tion, le débiteur peut réutiliser la cédule le moment venu, en la transférant à un nouveau créancier (art. 854 al. 2). Le remploi de la cédule suppose donc deux inscriptions au registre foncier: l'inscription du débiteur lors de la rétrocession, puis l'inscription du nouveau créancier.

D. Grèvement de la cédule de registre 1. Gage et usufruit

Il est possible de grever la cédule de registre de droits réels limités. La loi mentionne le gage et l'usufruit (art. 859 al. 1 et 3 CC); en revanche, n'étant pas incorporée dans un papier-valeur, la cédule de registre ne peut pas faire l'objet d'un droit de rétention au sens de l'art. 895 CC36

Le gage et l'usufruit grevant une cédule hypothécaire de registre ne sont pas des droits réels immobiliers. L'art. 859 al. 1 CC précise expres- sément que Je gage qui grève une cédule de registre est un "droit de gage mobilier"37 • Selon la doctrine, il s'agirait d'un gage sur une créance au sens des art. 899 ss CC38Assez curieusement, ces auteurs semblent considérer

33 Cf. notamment: STEINAUER, les nouvelles règles, p. 366 s.; WoLF /KERNEN, p. 371 s.

34 Cf. STAEHELIN, n. 6 ad art. 853.

35 Sur la situation si le débiteur de la cédule n'est pas le propriétaire de l'immeuble grevé, voir: STAEHELIN, n. 10 ss ad art. 853 et n. 4 ad art. 854.

36 Art. 895 al. 1 CC. Cf. O. STAEHELIN, n. 13 ad art. 853 (qui réserve avec raison la possi- bilité d'exercer un "droit de rétention obligationnel" fondé sur l'art. 82 CO).

37 Cf. art. 859 al. 1 CC; voir aussi la version allemande de cette disposition: "durch Ein- tagung des Fahrnispfandglaubigers".

38 STEINAUER, les nouvelles règles, p. 366; STAEHELIN, n. 1 et 3 ad art. 859.

1

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que le gage immobilier lui-même n'est pas grevé par le gage de l'art. 859 al.l CC; la forme du gage (mobilier) grevant un gage (immobilier) (subpignus) est pourtant connue du droit suisse39 et l'on ne voit guère de raison de ne pas admettre que le gage de l'art. 859 al. 1 CC grève non seulement la créance résultant de la cédule, mais également le gage immobilier qui la garantit40Quoi qu'il en soit, force est de constater que le gage grevant une cédule hypothécaire de registre n'est tout au plus qu'une forme particulière de gage au sens des art. 899 ss 41; cela résulte déjà du seul fait que, contrai- rement à ses cousins des art. 899 ss CC, il naît moyennant inscription au registre foncier. Quant à l'usufruit d'une cédule de registre, il s'agit d'une forme particulière d'usufruit sur des droits au sens des art. 773 ss CC 42•

2. Constitution

La constitution du gage grevant une cédule de registre nécessite en premier Heu la conclusion d'un contrat de gage. Le nouveau droit ne pose pas d'exi- gence de forme à cet égard, mais il résulte de l'art. 900 al. 1 et 3 CC que ce contrat doit revêtir la forme écrite43: la cédule de registre est une créance et un droit non incorporé dans un papier-valeur au sens de ces disposi- tions. Plusieurs auteurs soutiennent toutefois que ce titre d'acquisition est valable sans forme44 et l'art. 104 al. 3 ORF n'exige pas la production d'un contrat écrit. Le gage naît ensuite par inscription au registre foncier; for- mellement, il s'agit selon J'art. 859 al. 1 CC 45 d'inscrire le créancier gagiste et non le gage lui-même46

39 Cf. ZoBL/THvRNHERR, Syst. T., n. 324 et n. 313 ad art. 884.

40 On peut toutefois observer que l'art. 863 al. 1 CC mentiornne la mise en gage de "la créance qui résulte d'une cédule hypothécaire" (sur papier).

41 Ou même avis, semble-t-il: STEINAVER, la nouvelle réglementation, p. 64. Voir en outre H. KvHN (p. 612), pour qui le gage de l'art. 859 al. 1 CC est un "eigenstandiges immobiliarsicherungsrechtliches Rechtsinstitut".

42 Cf., s'agissant de l'application de l'art. 774 CC: STAEHELIN, n. 17 ad art. 859.

43 Cf. WEISS, p. 207 ss; FoËx, la cédule, p. 359 s.

44 Cf. STEINAUER, Les nouvelles règles, p. 367; STAEHELIN, n. 5 ad art. 859; KvHN, p. 613; ScHMID, 2011, p. 60; SCHMID, Notarielle Aspekte, p. 171. laissent la question ouverte; WOLF /KERNEN, p. 375 S.

45 Voir aussi l'art. 104 al. 3 ORF.

46 Cf. WoLF /KERNEN, p. 376; FoËx, le nouveau droit, p. 13.

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Quant à la constitution de l'usufruit, elle suppose en premier lieu un contrat constitutif d'usufruit; ici, c'est la liberté de forme qui s'applique (art. 11 al. 1 CO), faute de base légale contraire47Il faut ensuite une ins- cription au registre foncier; assez curieusement et contrairement à ce qui est prévu pour le gage, l'art. 859 al. 3 CC prévoit que c'est le droit lui-même (l'usufruit) et non son titulaire qui est inscrit au registre foncier48

On peut enfin noter que les auteurs montrent une certaine réticence s'agissant de la constitution d'un usufruit sur une cédule de registre ayant fait l'objet d'un transfert de titularité aux fins de garantie (art. 842 al. 2 CC)49. Selon D. Staehelin, il faudrait avant tout grever la créance "de base" (ou "causale") 50 puisque seule celle-ci est en principe productrice d'intérêts51; la cédule de registre devrait néanmoins simultanément être grevée d'usufruit, pour éviter que le fiduciaire ne dispose de celle-ci 52Pour S. Weiss ainsi que pour S. Wolf et A. Kernen, il serait même impossible de grever d'usufruit une cédule de registre transférée aux fins de garantie53

La loi n'exige toutefois nullement qu'un droit soit producteur de fruits ci- vils pour être susceptible d'être grevé d'usufruit; en outre et en tout état de cause, rien n'empêche les parties de prévoir dans la convention de fiducie les conditions auxquelles la créance "cédulaire" produira des intérêts (soit par exemple, dès la constitution d'un usufruit).

L'on doit en conclure que l'acquéreur aux fins de garantie d'une cé- dule de registre peut fort bien grever celle-ci d'un usufruit au sens de l'art. 859 al. 3 CC; s'il veut éviter d'engager sa responsabilité envers le fiduciant (art. 97 CO), le fiduciaire aura soin d'exiger que la convention de fiducie autorise la constitution de l'usufruit; quant à l'usufruitier, il aura soin de convenir le cas échéant avec le constituant que son droit s'étend à la créance de base (garantie par le transfert de la cédule aux fins de garantie).

47 Cf. STAEHELIN, n. 17 ad art. 859; WoLF /KERNEN, p. 378. Contra: We1ss, p. 213.

48 Voir aussi l'art. 104 al. 4 ORF. Voir cependant D. STAEHELIN, n. 17 ad art. 859, selon qui c'est l'usufruitier qui est inscrit.

49 Cf. infra, IV.A.

so Cf. infra, IV.A.

51 SrAEHELIN, n. 18 ad art. 859.

s2 SrAEHELIN, n. 18 ad art. 859.

S3 WEISS, p. 212; WOLF/KERNEN, p. 377.

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Nouveautés en matière de droits de gages immobiliers 85

3. Effets

La constitution de tels nantissement et usufruit sur une cédule de registre pose de nombreuses questions, sur lesquelles il n'est malheureusement pas possible de s'arrêter ici 5~.

L'on se bornera à en évoquer une seule. Tant J'art. 906 al. 2 CC (pour le gage) que l'art. 774 al. 1 CC (pour l'usufruit) prévoient que le débiteur de la créance qui connaît l'existence du droit (de gage ou d'usufruit) qui grève celle-ci ne peut plus se libérer valablement (sauf accord des intéressés) qu'en payant conjointement à son créancier et au titulaire du droit réel limité gre- vant la créance. Ces dispositions sont-elles applicables au gage et à l'usufruit grevant une cédule hypothécaire? La doctrine répond par l'affirmative 55

Mais se pose alors la question de savoir si l'art. 970 al. 4 CC, qui pré- voit que "nul ne peut se prévaloir de ce qu'il n'a pas connu une inscrip- tion portée au registre foncier" est applicable in casu. En d'autres termes, découle-t-il de cette disposition que Je débiteur de la cédule remise en gage est censé connaître l'existence du gage ou de l'usufruit même si elle ne lui a pas (encore) été notifiée par les parties? Ce serait pour le moins surprenant:

la fiction de connaissance des inscriptions ancrée à l'art. 970 al. 4 CC ne saurait guère s'étendre à des droits réels mobiliers, même portés au registre foncier. D'un autre côté, le texte de l'art. 970 al. 4 CC est clair et n'a pas été modifié pour tenir compte de ces nouveaux venus que sont le nantissement et J'usufruit des cédules hypothécaires de registre. L'on ne saurait évacuer le problème en avançant que le débiteur sera en tout état de cause avisé de la constitution de ces droits réels grevant la cédule de registre: à suppo- ser que l'art. 969 al. 1 CC soit applicable ici 56, le conservateur du registre foncier sera souvent bien en peine d'informer le débiteur de la constitu- tion du gage ou de l'usufruit, puisque le débiteur (qui n'est pas nécessai- rement le propriétaire de l'immeuble grevé 57) n'est pas inscrit au registre foncier58 • Il faut donc espérer que la jurisprudence tranche cette question, en retenant que J'art. 970 al. 4 CC n'est pas applicable en l'espèce.

54 Voir notamment à cet égard: STAEHELIN, n. 5 ss et n. 17 ad art. 859; voir aussi, s'agis- sant du gage grevant une cédule de registre: FoËx, La cédule, p. 360 s.; FoËx, Le nouveau droit, p. 13.

55 Cf. STAEHELIN, n. 6 et n. 17 ad art. 859.

56 De cet avis: STAEHELIN, n. 6 et n. 17 ad art. 859.

S7 Cf. par exemple: FoËx, La cédule, p. 351.

sa Cf. supra, III.B.

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f. Saisie

L'art. 859 al. 2 CC prévoit que la saisie d'une cédule hypothécaire de re- gistre "a Heu par l'inscription au registre foncier de la restriction du droit de disposer". Cette "inscription"59 prend en réalité la forme d'une "ob- servation" au feuillet de l'immeuble grevé par la cédule hypothécaire 6o.

L'art. 859 al. 2 CC est applicable par analogie en cas de séquestre de la cédule ou de faillite du titulaire de la cédule61 ainsi qu'en cas de poursuite en réalisation de gage62.

F. Petit bilan récapitulatif-disparition des cédules "sur papier"?

Si l'on se risque à tirer un petit bilan de ce qui précède, on peut faire les constatations suivantes relatives à la cédule hypothécaire de registre:

Comme la cédule hypothécaire de registre ne se matérialise pas par un papier-valeur, elle ne nécessite pas de manutention et ne fait pas cou- rir aux parties le risque de perte ou d'égarement, avec les procédures d'annulation judiciaire (art. 865 CC) qui s'ensuivent. C'est un avantage par rapport à la cédule sur papier.

En revanche, une inscription est nécessaire pour la constitution, le transfert, le remploi, l'engagement et la saisie d'une cédule de registre.

C'est relativement lourd par rapport aux cédules sur papier, notam- ment si l'on pense à la titrisation des cédules: il faut inscrire autant de transferts au registre foncier qu'il y a de cédules de registre parti- cipant à l'opération et qui doivent être transférées au special purpose vehicle aux fins de titrisation61. Il est vrai qu'à terme, grâce notamment au projet eGRIS64, ces opérations pourront s'effectuer de façon élec- tronique65; il devrait donc être plus aisé de procéder à l'inscription ou au transfert de cédules de registre au registre foncier.

S9 Cf. la version allemande de l'art. 859 al. 2 CC "Einschreibung".

60 Cf. art. 104 al. 5 et 130 al. llit. e ORF. .

61 Cf. art. 104 al. 5 ORF. ScHMID, Notarielle Aspekte, p. 171; ScHMID, 2011, p. 61; FoËx, Le nouveau droit, p. 22.

62 Cf. art. 90 et 97 ORFI, ainsi que l'art. 104 al. 5 ORF. ScHMID, Notarielle Aspekte, p. 171; ScHMID, 2011, p. 61.

61 Cf. STAEHELIN, n. 43 ad art. 859; FoËx, La cédule hypothécaire, p. 355.

64 Cf. www.egris.info/egrisjfr/index.htm.

65 Cf. STEINAUER, La nouvelle réglementation, p. 62.

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Nouveautés en matière de droits de gages immobiliers 87

Le débiteur n'étant pas inscrit au registre foncier, la cédule de registre ne vaut pas titre de mainlevée66. C'est un désavantage, mais qui n'est pas nouveau: les cédules hypothécaires émises depuis 1997 ne sont pas non plus des titres de mainlevée, puisqu'à partir de cette date elles ne comportent (malheureusement) plus le nom du débiteur67. Le titulaire d'une cédule de registre doit donc produire une reconnaissance de dette signée par le débiteur pour obtenir la mainlevée de l'opposition, dans la poursuite en réalisation de gage68•

Cela étant, il est possible de convertir en cédules hypothécaires de registre les cédules constituées avant l'entrée en vigueur du nouveau droit; l'art. 33b Tit. fin. CC69 prévoit qu'une demande écrite au registre foncier suffit à cet effet, pourvu qu'elle soit signée par le propriétaire de l'immeuble, par le créancier et par les éventuels autres ayants droit70Le législateur a ainsi voulu favoriser la conversion des cédules de J'ancien droit en cédules de registre71: la conversion en cédule de registre d'une hypothèque, d'une obligation hypothécaire, d'une lettre de rente ou d'une cédule hypothé- caire sur papier constituée après le l" janvier 2012 nécessite un acte passé en la forme authentique72La cédule de l'ancien droit convertie confor- mément à l'art. 33b Tit. fin. CC devient une cédule de registre au sens des art. 857 à 859 CC, à laquelle s'appliquent l'ensemble des dispositions du nouveau droit73. A Genève, il n'est à ma connaissance pas prévu de prélever un émolument pour ces conversions.

On peut se demander si l'introduction de la cédule de registre, combi- née avec la possibilité de "transformation simplifiée"74 des cédules de l'an- cien droit ouverte par l'art. 33b Tit. fin. CC, va entraîner la disparition des cédules incorporées dans un papier-valeur. Ce n'est pas certain.

66 Cf. FoËx, Le nouveau droit, p. 18 s.

67 Cf. STEINAUER, Le débiteur, p. 235; FoËx, Le nouveau droit, p. 17 et les réf.; etc.

68 STEINAUER, Le débiteur, p. 235 s.; FoËx, Le nouveau droit, p. 19.

69 Voir également les art. 74 et 108 ORF.

10 Cf. à ce sujet: Message, p. 5072 s.; STEINAUER, La nouvelle réglementation, p. 64;

P1oTET, La nouvelle cédule, p. 11 s.; HA As, p. 322 ss; ScHMio-TscHIRREN, p. 10; Foëx Le nouveau droit, p. 14.

11 Cf. Message, p. 5072; STEINAUER, La nouvelle réglementation, p. 64.

12 Cf. l'art. 73 al. 1 ORF. Message, p. 5072 s.; STEINAUER, La nouvelle réglementation, p. 65; PIOTET, La nouvelle cédule, p. 11; HAAS, p. 324; FoËx, Le nouveau droit, p. 14;

etc. S'agissant des lettres de rente, voir en outre l'art. 33o al. 3 Tit. fin. CC.

73 Contra: P10TET, Le droit transitoire, p. 233.

74 Sic: art. 18 ORF.

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88 Bénédict Foëx

En premier lieu, il ne faut pas oublier que, contrairement à ce qui est vrai pour les cédules hypothécaires "sur papier", la titularité d'une cédule de registre ne peut pas être anonyme: le nom du créancier apparaît au registre foncier (art. 857 al. 2 et 858 al. 1 CC). Les créanciers qui recher- chent la discrétion préféreront donc les cédules hypothécaires au porteur (art. 860 al. 2 CC).

Par ailleurs, les opérations au registre foncier sont l'occasion pour l'Etat de prélever des émoluments et taxes. A Genève, le registre foncier perçoit un émolument pour l'inscription d'une cédule hypothécaire (sur papier ou de registre), mais non pour le transfert ultérieur d'une cédule de registre75 ; il n'y a donc pas de différence de régime entre les deux types de cédule hypothécaire. En revanche, en l'état, le transfert d'une cédule hypothécaire de registre donne lieu à la perception d'un droit d'enregis- trement de 0,65% de la valeur nominale de la cédule par l'administration fiscale cantonale76, auquel s'ajoutent des centimes additionnels prévus par la loi établissant le budget de l'Etat77; en revanche, le transfert d'une cédule hypothécaire sur papier échappe généralement au fisc - en marge du texte légal en quelque sorte - et ne donne donc pas lieu au prélèvement d'un tel droit d'enregistrement.

Le sort que connaîtront les cédules "sur papier" dépendra aussi de l'at- titude des créanciers gagistes et en particulier des banques. Il semble qu'un certain nombre d'établissements bancaires aient décidé d'encourager la constitution de cédules de registre plutôt que de cédules sur papier, mais sans imposer ce choix au propriétaire-emprunteur. De même, certaines banques ont prévu d'inciter à la conversion des cédules de l'ancien droit en cédules de registre, mais non pas de façon systématique et précipitée: elles prévoient de saisir l'occasion d'une modification du gage (augmentation de la créance garantie, changement de débiteur, etc.) pour suggérer la conver- sion. Cela étant, on dit aussi que certaines banques n'excluent pas, à terme, de percevoir des droits de garde pour les cédules sur papier qui leur sont remises en garantie, favorisant encore un peu plus le recours aux cédules de registre.

1s Cf. l'art. 4 du règlement genevois sur le tarif des émoluments du registre foncier et de la mensuration officielle, du 22 juin 2011 (RS-GE E 1 50.06).

76 Art. 91 de la loi genevoise sur les droits d'enregistrement, du 9 octobre 1969 (RS-GE D 3 30).

n Cf. par exemple l'art. 5 de la loi genevoise établissant le budget administratif de l'Etat de Genève pour l'exercice 2012, du 16 décembre 2011 (RS-GE D 3 70).

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Nouveautés en matière de droits de gages immobiliers

IV. les dispositions générales concernant les cédules hypothécaires

A. La présomption en faveur du transfert aux fins de garantie des cédules hypothécaires (de registre ou "sur papier") (art. 842 CC)

89

La modification la plus frappante concernant les dispositions applicables aux deux formes de cédules hypothécaires résulte de 1 'art. 842 CC. Cette disposition rappelle tout d'abord - ainsi que le faisait l'ancien art. 842 - que "la cédule hypothécaire est une créance personnelle garantie par un gage immobilier" (art. 842 al. 1 CC). Cette créance, c'est la créance

"cédulaire"78 (ou créance "abstraite")79 ; la loi l'appelle "créance résultant de la cédule"80

Or, il se trouve que les parties recourent généralement à la cédule hy- pothécaire pour garantir une autre créance81, appelée créance "de base"82 (ou créance "causale"83). Et se pose alors la question de la relation entre la créance cédulaire et la créance de base qui existe en principe entre les par- ties. L'ancien droit prévoyait à l'art. 855 al. 1 que la constitution de la cédule hypothécaire éteignait (sauf convention contraire) la créance de base.

Le nouveau droit prévoit la solution inverse; l'art. 842 al. 2 CC dispose en effet que "sauf convention contraire, la créance résultant de la cédule hypothécaire coexiste, le cas échéant, avec la créance à garantir issue du rapport de base entre le créancier et le débiteur". En d'autres termes, le créancier qui acquiert la cédule hypothécaire devient certes titulaire de la créance cédulaire et de la cédule elle-même. Mais H ne s'agit pas d'une acquisition pure et simple: le but poursuivi par les parties est de garantir la créance de base, qui subsiste; il s'agit d'une acquisition à titre fiduciaire, aux fins de garantir la créance de base.

Le nouveau droit "officialise" donc le transfert aux fins de garantie des cédules hypothécaires. Le législateur a tenu compte du fait que, sous l'an- cien droit déjà, les parties ne voulaient pas la novation prévue par l'ancien

78 Cf. notamment: ATF 136 Ill 288/292. STEINAUER, Les nouvelles dispositions, p. 270.

79 ATF 136 Ill 288/291.

80 Cf. l'art. 842 al. 2 CC. Voir aussi les art. 842 al. 3, 846 al. 1 et 2, 848, 849 al. 2 et 863 al. 1 CC. Voir en outre l'art. 853 al. 1 CC "dette contenue dans la cédule".

81 Cf. STEINAUER, Les nouvelles dispositions, p. 270.

82 ATF 136 Ill 288/291. STEINAUER, Les nouvelles dispositions, p. 273.

83 ATF 136 Ill 288/291. PIOTET, La nouvelle cédule, p. 4.

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90 Bénédict Foëx

art. 855, mais bien la coexistence des deux créances. Tenant compte de cette pratique, le législateur a en quelque sorte posé à l'art. 842 al. 2 CC la présomption de l'utilisation à titre fiduciaire des cédules hypothécaires8\

les parties étant naturellement libres de convenir du contraire.

En d'autres termes, le créancier est bien pleinement titulaire de lacé- dule et, en particulier, de la créance cédulaire. Mais, dans les rapports in- ternes, envers celui qui lui transfère la cédule, il s'engage à ne pas faire de celle-ci un usage qui aille au-delà de ce que requiert la garantie de la créance de base, qui est la créance de référence8s.

L'art. 842 al. 2 CC a pour conséquence que les parties sont liées par un rapport de fiducie sans même en être expressément convenues86. Cela étant, si la loi pose le principe du transfert à titre fiduciaire, elle n'en règle les conséquences que de façon lacunaire87. Il importe donc que les parties passent une convention de fiducie pour compléter le régime juridique à peine esquissé par le législateur.

C'est dans cette convention - qui n'est pas soumise au respect d,une forme particulière (art. 11 al. 1 CO) 88 - que les parties indiqueront quelle est la créance de base (ou, bien souvent, les créances de base) que lacé- dule est destinée à garantir89. C'est également dans cette convention que l'on précisera l'étendue des droits du créancier dans les rapports internes, notamment à quelles conditions il est en droit d'aliéner la cédule reçue en garantie et à quelles conditions il doit la restituer au fiduciant90. La convention de fiducie peut naturellement contenir encore de nombreuses autres stipulations.

Cela étant, il convient de souligner que l'art. 842 al. 3 CC règle un as- pect de l'absence de novation résultant de l'art. 842 al. 2 CC: il prévoit que

84 Cf. notamment: STEINAUER, Les nouvelles règles, p. 357; STEINAUER, Les nouvelles dispositions, p. 283; STAEHELtN, n. 43 ad art. 842; STAEHELIN, p. 213. Voir aussi:

Message, p. 5053; ZoaL/THURNHERR, Syst. T., n. 1501; P1oTET, La nouvelle cédule, p. 4; PFAFFINGER, p. 250; GAMMETER, p. 140 S.

as Cf. par exemple: STEINAUER, Les nouvelles dispositions, p. 285; STEINAUER, La nou- velle réglementation, p. 67; STAEHELIN, n. 50 ad art. 842; STAEHELIN, p. 211; HAAS, p. 298; PFAFFINGER, p. 255; FoËx, Le nouveau droit, p. S.

86 Cf. STEINAUER, Les nouvelles règles, pp. 281 et 283 s.; STAEHELtN, n. 53 ad art. 842.

87 Cf. STEINAUER, Les nouvelles dispositions, p. 283.

sa Message, p. 5053; STEINAUER, Les nouvelles règles, p. 357; STEINAUER, Les nouvelles dispositions, p. 284; STAEHELIN, n. 53 ad art. 842; GAMMETER, p. 134.

89 Cf. STAEH ELIN, n. 53 ad art. 842.

90 Cf. STEINAUER, Les nouvelles règles, p. 281; GAMMETER, p. 133 s.

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Nouveautés en matière de droits de gages immobiliers 91

le débiteur (de la créance cédulaire91) "reste libre, s'agissant de la créance qui résulte de la cédule, de faire valoir les exceptions personnelles issues du rapport de base". C'est logique: le débiteur doit pouvoir faire valoir les exceptions découlant du fait que la cédule hypothécaire n'a été transférée qu'aux fins de garantir la créance de base. Il peut donc invoquer les excep- tions relatives à la créance de base (absence de créance garantie, paiement total ou partiel, etc.) ainsi que celles résultant de la convention de fiducie (conditions de la réalisation non [encore] réunies, etc.) 92

L'art. 842 al. 3 CC prévoit en outre que le débiteur peut également faire valoir ces exceptions envers les "successeurs" du créancier, s'ils ne sont pas de bonne foi. En d'autres termes, le débiteur de la créance cédulaire peut opposer les exceptions relatives à la créance de base ou découlant de la convention de fiducie à un éventuel cessionnaire (ou autre acquéreur à titre particulier) de la cédule hypothécaire, s'il n'est pas de bonne foi 93•

Se pose ici la question de la bonne foi du tiers cessionnaire: celui qui est sur le point d'acquérir une cédule hypothécaire de Frs 500 000 ins- crite au registre foncier peut-il se fier aux indications du registre foncier s'agissant du montant de la créance garantie? La réponse est a priori po- sitive, puisque la créance garantie bénéficie de la foi publique du registre foncier94Mais, compte tenu de la présomption ancrée à l'art. 842 al. 2 CC, cet acquéreur ne doit-il pas partir du principe que le titulaire inscrit ne l'a acquise qu'à titre fiduciaire, aux fins de garantie? Doit-il dès lors deman- der à l'aliénateur s'il a reçu la cédule aux fins de garantie et, dans l'affirma- tive, quel est le montant (actuel) de la créance de base?

S'il s'abstient de poser ces questions en acquérant la cédule, peut-on lui reprocher de ne pas avoir prêté l'attention commandée par les circons- tances (art. 3 al. 2 CC) en restant silencieux nonobstant la présomption légale en faveur du transfert fiduciaire, de telle sorte que l'exception tirée du fait que le montant de la créance est en réalité inférieur à Frs 500 000 lui est opposable par l'effet de l'art. 842 al. 3 CC?

91 Cf. STEINAUER, les nouvelles règles, p. 286.

92 Cf. notamment: Message, p. 5053; STEINAUER, les nouvelles règles, p. 287 s.;

STAEHELIN, n. 65 ad art. 842; PFAFFINQER, p. 258 S.; etc.

9l STEINAUER, les nouvelles règles, p. 286 (qui souligne que les exceptions peuvent être opposées au successeur à titre universel même s'il est de bonne foi); STAEHELIN, n. 66 ad art. 842. Voir aussi PFAFFINGER, p. 260 SS.

94 Art. 848 CC. Cf. supra, 111.8.

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92 Bénédict Foëx

La réponse dépend en définitive de l'effet de la présomption de l'art. 842 al. 2 CC sur la bonne foi de l'acquéreur95• Il en va (par exemple) de même de la question de savoir si le débiteur peut se prévaloir envers le tiers acquéreur d'une clause du contrat de fiducie restreignant la cessibilité de la cédule hypothécaire96A priori, il semble bien que l'acquéreur d'une cédule hypothécaire (du nouveau droit97) doit désormais présumer l'exis- tence d'une créance de base et d'un rapport de base, ce qui le contraint à se renseigner sur leur contenu 98C'est un résultat curieux, si l'on tient compte du fait que la bonne foi est elle-même présumée {art. 3 al. 1 CC) 99 et du fait que l'inscription d'une cédule hypothécaire est censée bénéficier de la foi publique du registre foncier 100

B. Les intérêts garantis par la cédule hypothécaire (art. 818 al. 1 ch. 3 CC)

Comme sous l'ancien droit, l'art. 818 al. 1 ch. 3 CC débute par l'affirmation du principe que le gage immobilier garantit au créancier "les intérêts de trois années échus au moment de l'ouverture de la faillite ou de la réquisi- tion de vente et ceux qui ont couru depuis la dernière échéance". Mais le législateur a ajouté la précision suivante: "la cédule hypothécaire ne ga- rantit au créancier que les intérêts effectivement dus".

Le nouveau droit s'écarte ainsi de la jurisprudence du Tribunal fédéral, qui permettait au créancier gagiste de faire valoir des intérêts calculés en fonction de la créance cédulaire et au taux applicable à celle-ci, même si les intérêts convenus pour la créance de base étaient en réalité inférieurs101En d'autres termes, le créancier pouvait faire valoir dans la poursuite des in-

95 Cf. STEINAUER, Les nouvelles dispositions, p. 287.

96 Cf. à ce propos FoËx, La cédule, p. 356 s.

97 Cf. PIOTET, La nouvelle cédule, p. 13 (qui réserve Je cas où la cédule de registre est issue d'une transformation simplifiée d'une cédule de l'ancien droit; voir cependant supra, III.F).

98 Cf. PlO TET, La nouvelle cédule, p. 4; STAEHELIN, n. 67 ad art. 842; STAEHELIN,

p. 212 s.; voir aussi: FoËx, La cédule, p. 356. Laisse la question ouverte: STEINAUER,

La nouvelle réglementation, p. 68; voir aussi: STEINAUER, Les nouvelles dispositions, p. 287. Contra: PFAFFINGER, p. 261 s.; WEISS p. 160.

99 Cf. STAEHELIN, n. 67 ad art. 842; STAEHELIN, p. 212.

lOO Cf. WEISS, p. 160.

101 Cf. ATF 115 Il 349, jdT 1992 Il 34.

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Nouveautés en matière de droits de gages immobiliers 93

térêts "abstraits"102, n'existant que "comptablement, mais qui n'en sont pas matériellement"103. C'était une sorte de "coussin de sécurité", qui procurait au créancier une augmentation du montant total garanti par son gage, aux fins de couvrir la créance de base.

La loi entend désormais priver le créancier de cette réserve de garantie:

le créancier cédulaire ne peut plus faire valoir que les intérêts "effective- ment dus (jusqu'à hauteur du taux d'intérêt maximal inscrit au registre foncier)"104: c'est donc le taux effectivement appliqué par les parties (en principe, pour la créance de base 105) qui est déterminant.

Il est admis qu'il s'agit là d'une règle de droit irnpératif106, qui est ap- plicable tant aux cédules créées sous l'ancien droit qu'à celles constituées après l'entrée en vigueur du nouveau droit107•

Cette modification législative amènera probablement les créanciers à se montrer moins patients lorsqu'il s'agit de dénoncer la créance cédulaire au remboursement108: la doctrine soutient en effet qu'il résulte du nou- vel art. 818 al. 1 ch. 3 CC que la cédule hypothécaire (faisant l'objet d'un transfert aux fins de garantie) ne produira désormais d'intérêts garantis par l'immeuble qu'à partir de la dénonciation109

Le nouveau droit conduit ainsi au résultat curieux (et peu conforme à l'exigence posée à l'art. 846 al. 1 CC) que c'est en principe le taux d'in- térêt applicable à la créance de base qui sert de référence pour calculer les intérêts produits par la créance cédulaire; en d'autres termes, ce sont en quelque sorte les intérêts dus en vertu de la créance de base qui sont garantis par l'immeuble110Cela ne devrait pas empêcher les parties de

102 Message, p. 5049.

101 ATF 115 Il 349/360, jdT 1992 Il 34/49.

104 Message, p. 5050.

lOS Cf. STEINAUER, La nouvelle réglementation, p. 67, note 51; GAM METER, p. 152; FoËx, Le nouveau droit, p. 8.

106 P10TET, La nouvelle cédule, p. 10; STAEHELIN, n. 19 od art. 846; STAEHELIN, p. 220;

HAAS, p. 299; SCHMIO, 2012, p. 215.

101 Cf. O. P1oTET (La nouvelle cédule, p. 14). qui se réfère à cet égard aux art. 26 al. 2 et 17 al. 2 Tit. fin. CC. Voir aussi: STAEHELIN, n. 19 od art. 846; STAEHELIN, p. 220; HAAS, p. 299; 5CHMIO, 2012, p. 215.

108 GAMMETER, p. 151.

109 Cf. STEINAUER, La nouvelle réglementation, p. 67, note 51; GAMMETER, p. 151. Voir toutefois infra, appel de note 112.

uo Cf. GAMMETER, p. 152. Voir aussi O. STAEHELIN (p. 221), qui souligne avec raison qu'il peut en résulter des difficultés pratiques si la cédule hypothécaire a été transférée aux fins de garantir plusieurs créances de base, produisant des intérêts de taux différents.

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94 Bénédict Foëx

convenir que, dès la dénonciation, la cédule produira des intérêts au taux inscrit au registre foncier (ou à un autre taux qu'elles auront choisi): ces intérêts ainsi convenus sont "effectivement dus" et, partant, garantis par J'immeuble111De même, les parties devraient pouvoir valablement conve- nir que la créance cédulaire produira des intérêts dès la constitution de la cédule hypothécaire (et non pas seulement à compter de la dénonciation au remboursement) 112

Alternativement, certains créanciers choisiront peut-être d'utiliser la cédule hypothécaire comme "gage maximal", en renonçant aux intérêts cédulaires et en augmentant en conséquence la créance cédulaire, aux fins d'obtenir une couverture suffisante pour la créance de base113

C. La dénonciation au remboursement

Sous l'ancien droit, la créance cédulaire pouvait être dénoncée au rem- boursement "six mois d'avance et pour le terme usuel assigné au paiement des intérêts" (art. 844 al. 1 a CC). Le nouveau droit exige également un préa- vis de six mois, mais pour la fin d'un mois (art. 847 al. 1 CC). On évite ainsi les difficultés d'application que pouvait poser l'ancienne règleu4

Tout comme son prédécesseur, le nouveau droit réserve les conven- tions contraires des parties (art. 847 al. 1 CC); le délai contractuel de dé- nonciation par le créancier ne peut toutefois être inférieur à trois mois, sauf si le débiteur est "en demeure pour le paiement de l'amortissement ou des intérêts" (art. 847 al. 2 CC).

Le nouvel art. 847 CC ne s'applique en principe qu'aux cédules créées après le 1er janvier 2012, ainsi qu'aux cédules de l'ancien droit converties en cédules de registre en application de l'art. 33b Tit. fin. CC115. Les cédules hypothécaires de l'ancien droit restent soumises au délai de dénonciation prévu par J'art. 844 al. 1 aCC (ou au délai de dénonciation prévu par le droit cantonal qui avait été édicté en application de l'art. 844 al. 2 aCC). Le

111 D'un avis contraire, semble-t-il: STAEHELIN, n. 20 ss ad art. 846; STAEHELIN,

p. 220 ss.

112 $TAEHELIN, n. 19 ad art. 846; STAEH ELIN, p. 220.

nJ Cf. GAMMETER, p. 152. Voir aussi: WEISS, p. 72 s.; STAEHELIN, n. 24 ad art. 846.

114 Cf. à cet égard STAEHELIN, n. 4 ad art. 847 (pas de terme usuel lorsque la cédule hy- pothécaire fait l'objet d'un transfert aux fins de garantie).

m Cf. supra, III.F. Contra: PICTET, La nouvelle cédule, p. 13; PICTET, Le droit transitoire, p. 233.

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Nouveautés en matière de droits de gages immobiliers 95

délai minimal de trois mois prévu par l'art. 847 al. 2 CC étant de droit impératif116, il s'applique néanmoins aux cédules de l'ancien droit (cf. art. 28 Tit. fin. CC), à titre de "protection minimale"117: en d'autres termes, dans les cantons où il était possible de convenir d'un délai de dénonciation (par le créancier) inférieur à trois mois, c'est néanmoins le délai de trois mois de l'art. 847 al. 2 CC qui s'applique, même aux cédules de l'ancien droit.

D. Les conventions accessoires

Le nouvel art. 846 al. 2 CC prévoit que les parties ont la faculté de convenir de conventions accessoires relatives à la créance cédulaire 118Comme l'in- dique Je texte légal, ces stipulations peuvent porter sur "l'intérêt, l'amor- tissement et la dénonciation" ou consister encore en "d'autres clauses accessoires concernant la créance qui résulte de la cédule hypothécaire"

(élection d'un for judiciaire ou d'un for de poursuite, renonciation au bene- ficium excussionis realis, clause autorisant le créancier à procéder à la réa-

lisation privée de l'immeuble grevé par la cédule, etc.)119

Ces clauses accessoires peuvent être insérées dans l'acte constitutif (unilatéral ou bilatéral) de la cédule hypothécaire 120; mais il est également possible de les prévoir (ou de les modifier) dans un autre acte, soit par exemple dans le contrat de transfert de la cédule121 ou dans la convention de fiducie 122• A l'exception de la clause autorisant la réalisation privée de l'immeuble grevé (laquelle doit revêtir la forme authentique) 123, ces stipu- lations ne sont pas soumises à l'observation d'une forme particulière 124 (sauf, naturellement, si elles constituent des éléments subjectivement es- sentiels de l'acte constitutif) 125

116 ProTET, la nouvelle cédule, p. 13; STAEHELIN, n. 9 od art. 847; SCHMIO, 2012, p. 215.

117 ProTET, la nouvelle cédule, p. 13; PrOTET, le droit transitoire, p. 231; STAEHELIN, n. 9 od art. 847; ScHMID, 2012, p. 216.

118 Sur la situation sous l'ancien droit, voir notamment: STEINAUER, Tome Ill, n• 2943a.

JJ9 Cf. STEINAUER, les nouvelles dispositions, p. 289 ss; STAEHELIN, n. 6 s. od art. 846;

HAAS, p. 311.

120 Cf. STEINAUER, les nouvelles dispositions, p. 288.

121 STEINAUER, les nouvelles dispositions, p. 289.

122 FoËx, le nouveau droit, p. 7.

123 STEINAUER, Les nouvelles règles, p. 363; 5TE1NAUER, les nouvelles dispositions, pp. 289 et 292.

124 STEINAVER, Les nouvelles dispositions, p. 289; STAEHELIN, n. 10 od art. 846.

m STEINAVER, Les nouvelles dispositions, p. 289 et la note 80.

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96 Bénédict Foëx

Ces accords accessoires sont de nature obligationnelle; en tant que tels, ils ne lient donc en principe pas les tiers126Le nouvel art. 849 al. 2 CC pré- voit toutefois qu'ils sont opposables aux tiers (même de bonne foi) s'ils sont inscrits au registre foncier et, dans le cas d'une cédule hypothécaire "sur papier", s'ils sont en outre mentionnés sur le titre. L'inscription au registre foncier prend la forme d'une "observation"127

Selon la doctrine, ces clauses accessoires doivent être "intégralement reportées dans les observations au registre foncier" (dans Je cas de la cédule

"de registre") et sur le titre (s'agissant de la cédule "sur papier"), sauf si les parties se sont contentées de se référer à une "convention séparée" (ainsi que le permet l'art. 846 al. 2 CC)128

On peut enfin noter que si une clause accessoire est modifiée sans que l'inscription au registre foncier et sur le titre soit simultanément amendée, la modification est valable, mais non opposable aux tiers de bonne foi 129; il faut réserver le cas dans lequel les parties se sont contentées de renvoyer à une "convention séparée": les modifications ultérieures de la convention sont opposables aux tiers sans autre formalité130

126 Cf. STEINAUER, Les nouvelles dispositions, p. 292.

121 Cf. l'art. 106 al. 1 et 130 al. 1 lit. d ORF. Voir notamment à cet égard: STEIN AUER, Les nouvelles règles, p. 364 s.; STEINAUER, Les nouvelles dispositions, p. 292; STAEHELIN,

n. 8 ad art. 846.

128 STEINAUER, Les nouvelles règles, p. 364. Voir aussi STAEHELIN, n. 8 et 10 ad art. 846;

STAEHELIN, p. 214 s. Voir cependant HAAS, p. 313 s.

129 STAEHELIN, n. 9 ad art. 846.

130 STEINAUER, Les nouvelles règles, p. 364; STAEHELIN, n. 25 ad art. 852.

Références

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