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Le domaine public : Journée de droit administratif 2002

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Conference Proceedings

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Le domaine public : Journée de droit administratif 2002

BELLANGER, François (Ed.), TANQUEREL, Thierry (Ed.)

BELLANGER, François (Ed.), TANQUEREL, Thierry (Ed.). Le domaine public : Journée de droit administratif 2002 . Genève : Schulthess, 2004, 155 p.

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:14322

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Journée de droit administratif 2002

Le domaine public

Edité par

François Bellanger etThierry Tanquerel

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Schulthess § 2004

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'" Schulthess Médias Juridiques SA, Genève· Zurich· Bâle 2004 ISBN 3 72SS 4724 6

www.5chulthess.com

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Sommaire

Avant-propos ... 7

JEAN-BAPTISTE ZUFFEREY Le domaine public comme domaine

juridique . ... ... ... ... ... ... 9

GIORGIO MALINVERNI L'exercice des libertés idéales sur le

domaine public ... 25

FRANÇOIS BELLANGER Commerce et domaine public ... 43

CHRISTIAN BOVET Utilisation souterraine et aérienne du

domaine public ... 67

PASCAL PLANCHET L'utilisation du domaine public en droit

français. ... ... ... ... ... 99

THIERRY T ANQUEREL Les instruments de mise à disposition du domaine public ... 117

PHILIPPE THÉLIN La jurisprudence récente en matière de

domaine public ... ... ... ... 141 Table des matières... ... ... 151

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Avant-propos

La nouvelle collection Pratique du Droit administratif, qui succède à la série

« droit administratif» de la Collection genevoise publiée par la Faculté de droit de l'Université de Genève, conserve l'objectif de faire régulièrement le point sur des thèmes importants du droit administratif.

Le présent ouvrage réunit les actes de la Sème Journée de droit administratif qui a été consacrée en mars 2002 aux usages du domaine public, après qu'aient été traités lors des journées précédentes l'avenir de la fonction publique, la réforme de la juridiction administrative genevoise, les contrats de prestations et la transparence de l'administration.

La réglementation des usages du domaine public a fortement évolué ces dernières années, tant du point de vue légal que dans l'approche adoptée par la jurisprudence. La nature des usages s'est aussi transformée en raison des mutations des activités économiques impliquant l'utilisation du domaine pu- blic, de la libéralisation du secteur des télécommunications et d'innovations technologiques.

Les différentes études présentées dans ce recueil font le point sur l'état actuel des principales questions relatives à l'usage du domaine public, comme l'exercice des libertés idéales, les instruments de mise à disposition, le com- merce, l'utilisation aérienne ou souterraine. Elles sont complétées par une mise en perspective critique, un apport comparé de droit français et une chronique de la jurisprudence genevoise récente en la matière. L'objectif central de l'ouvrage est ainsi d'identifier les problèmes nouveaux, de définir les critères juridiques matériellement pertinents et de clarifier les procédures applicables. D'un point de vue plus théorique, il s'agit aussi de se demander si la conception traditionnelle du domaine public et de ses diverses formes d'usage est encore pleinement d'actualité.

Les éditeurs entendent remercier ici le Centre d'étude, de technique et d'évalutation législative (CETEL) de l'Université de Genève pour son sou- tien, ainsi que Mesdames Jacqueline WIDMER, Mical VUATAZ STAQUET, Emmanuelle PASQUIER, Pranvera KELLEZI, Valérie DEFAGO GAUDIN et Mon- sieur Marc MONTINI pour leur précieuse collaboration.

François BELLANGER Thierry T ANQUEREL

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Le domaine public comme domaine juridique Réflexion critique mais respectueuse

JEAN-BAPTISTE ZUFFEREY'

Professeur à l'Université de Fribourg

L Introduction

La présente note a servi à l'origine à ouvrir une journée de réflexion sur les usages du domaine public; c'était dès lors sa vocation d'aborder cette ma- tière avec une certaine distance et d'adopter un regard critique, voire provo- cateur. II appartenait aux autres conférenciers d'exposer l'état du droit; les débats qui s'en sont suivis ont au demeurant nourri les remarques que voici et incité leur auteur à en modifier certaines.

Ce serait artificiel d'affirmer que le début du XXI/m, siècle marque un tour- nant en droit du domaine public; il offre par contre le prétexte pour procéder à un état des lieux, dont l'appréciation globale est la suivante: les certitudes juridiques - et les législations lorsqu'elles existent - sont de plus en plus remises en cause par des attaques dues à des jurisprudences ponctuelles; la doctrine souligne combien cette évolution est forte, mais il est encore difficile pour tout le monde de proposer une alternative au système qui soit plus cohé- rente.

Face à une telle situation, la recherche ne peut qu'adopter une approche inductive, à savoir procéder à des constats individuels à partir de situations concrètes puis tenter d'en déduire des règles générales et abstraites. C'est dans cette optique que les trois situations-type qui suivent ont été sélection- nées (II); au travers du kaléidoscope des questions qu'elles offrent, elles remettent en cause l'existence même d'un droit du domaine public en tant que régime juridique autonome (1Il).

Je remercie-M. STEFANO CASA et Mme CLÉMENCE GRISEL, assistants à l'Université de Fribourg, pour J'aide qu'ils m'ont apportée dans la mise au point de ce texte.

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JEAN-BAPTISTE ZUFFEREV

n. Trois situations-type

Elles présentent l'intérêt d'être moins connues que celles abordées dans les autres contributions de cet ouvrage, en particulier les cas de l'affichage sur le domaine public, du trafic aérien en survol des propriétés privées aux abords des aéroports ou encore des concessions de téléphonie mobile qu'il s'est agi d'attribuer comme un bien public assujetti à la loi de l'offre et de la demande.

A. La renaturation des cours d'eau

La «renaturatioll» est un terme (désormais aussi juridique) qui désigne les programmes que les collectivités publiques entreprennent actuellement afin de protéger et reconstituer les cours d'eau ainsi que leur paysage, tout en favorisant la biodiversité de ses éléments, dans la perspective du développe- ment durable J. Là où les cours d'eau sont actuellement domestiqués, la renaturation signifie notamment démanteler certaines constructions (barra- ges, rives, gabions), remettre des tronçons de cours d'eau à ciel ouvert et aménager des zones humides. Ainsi, la renaturation a globalement pour con- séquence d'accroître l'impact des cours d'eau sur le territoire qui les en- toure. Tous les documents techniques qui décrivent le processus de renaturation insistent sur l'importance de réserver un espace suffisant le long des rives2 Si un canton entend mettre sur pied un (el programme pour les cours d'eau de son territoire, adopter une réglementation ad hoc et voter les importants crédits qui seront nécessaires, il sera confronté à quantité de questions juridi- ques (droit matériel et procédure); celles qui auront trait au domaine public seront du type suivant:

J. Délimitation entre domaine privé et domaine public: comment procé- der lorsque l'on constate que bon nombre d'emplacements effectifs des cours d'eau (publics) se trouvent désormais sur le domaine privé et non plus sur le domaine public, contrairement à ce qui était le cas au moment où le cadastre a été établi? Les cours d'eau sont en effet «vivants» et leur lit se déplace sous l'influence lente mais constante des courants. A priori, en dehors du domaine public, il n'y a guère que l'expropriation

2

10

Cf. par exemple le Rapport du Conseil d'Etat genevois au Grand Conseil sur le pro- gramme de renaturation des cours d'eau et des rives du 14 janvier 1999, Mémorial des séances du Grand Conseil de la République et canton de Genève 1999, p. 950-998.

Ainsi les brochures de l'Office fédéral des eaux et de la géologie (<<Réserver de l'espace pour les cours d'eau») ou de Pro Natura (((Davantage d'espace pour nos cours d'eau»).

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Le domaine public comme domaine juridique

pour permettre à l'Etat d'intervenir; de même lorsqu'il entend se réser- ver les terrains qui seront à l'avenir nécessaires aux eaux «renatnrées».

2. Délimitation toujours, lorsque par nature le domaine public lui-même n'est pas stable: comment procéder lorsque les terres des propriétés privées sont fréquemment recouvertes d'eau? On retrouve ici les pro- blèmes que le Tribunal fédéral a récemment dû examiner à propos du Lac Léman (domaine public) sur le territoire genevois3.

3. Propriété: comment décider à qui appartiennent les ouvrages de sécu- rité qu'il s'agit de démonter? Très souvent, ils servent d'appui à des propriétés privées, même s'ils se sitnaient sur le domaine public au mo- ment de leur réalisation.

4. Comment s'organise la coordination avec les exigences de l'aménage- ment du territoire (planification directrice des zones inondables et des zones à risque; affectation des terrains concernés; déclassement lorsque la renatnration intervient dans les zones constructibles ou les zones agri- coles exploitées)?

B. La privatisation des services industriels

En pleine conformité avec la mouvance (encore) actuelle de libéralisation/

privatisation, de nombreuses collectivités examinent la possibilité de changer le statnt de leur service administratif plus ou moins décentralisé de distribu- tion (électricité, gaz, eau), voire d'épuration. Quelle que soit la forme choisie pour la nouvelle entité, les questions juridiques qu'un tel projet pose sont invariablement les mêmes, à lire les innombrables écrits que la doctrine a produit ces dernières années en matière de privatisation4

Parmi ces problèmes, les suivants ont trait au domaine public:

1. Comment organiser le transfert des droits d'exploiter les forces hydrau- liques et de capter des eaux souterraines? Il s'agit là de biens économi-

4

SJ 2001 1 493 (TF, 15.03.2001). Pour un commentaire, cf. MICHEL HOTTELIER, RAPHAËL MARTIN. PJA 2002, p. 458 ss.

Pour un bon panorama des questions administratives fondamentales qui se posent, cf.

WOLFANG WIEGAND (éd.), Rechtliche Probleme der Privatisierung - Tagung yom 15./

16. Ok/ober 1997 an der Universitiit Bern, Berner Tage for die juristische Praxis, Berne, 1998; plus récemment également sous le même angle, GAUDENZ SCHWITTER, Die Privatisierung von Kantonalbanken - Rechtliche Aspekte der Privatisierung ojfentlicher Unternehmen unter besonderer Berücksichtigung der Kantonalbanken, thèse, Fribourg, 2000, p. 7 ss.

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JEAN-BAPTISTE ZUFFEREY

ques qui appartiennent au domaine public. Dès lors également, est-il pos- sible de maintenir un monopole de leur distribution ou au contraire tous les concurrents potentiels doivent-ils pouvoir y accéder?

2. Si une telle position dominanle reste possible, l'attribution des conces- sions au titulaire du monopole devrait-elle au moins faire l'objet d'une procédure de type enchères ou marchés publics? De même, l'entité pri- vée qui alimente les particuliers consommateurs peut-elle fixer les prix de ses services comme bon lui semble ou est-elle assujettie au droit de la concurrence? (est-elle d'ailleurs encore habilitée à rendre des décisions administratives?).

3. Comment régulariser le fait qu'à l'avenir les réseaux de distribution ne seront plus la propriélé de l'Elal? Ils empruntent très largement le do- maine public.

4. Plus fondamentalement et dans l'optique des grandes batailles qui s'an- noncent, l'eau peut-elle faire l'objet d'une appropriation? C'est ainsi que l'avant-projet de loi jurassienne sur l'eau du 16 juillet 2002 affirme le caractère de bien public attaché à l'eau: l'usage de l'eau appartient à tous (art. l, al. 2); l'eau, sous toutes ses formes, ne peut être privatisée sur l'ensemble du territoire; qu'il s'agisse de traitement, de distribution ou d'épuration d'eau, l'ensemble de ces activités doit rester en mains publiques (art.

W.

C.

Les mines, la géothermie et les autres utilisations du sous-sol

Un canton entreprend de réécrire sa loi sur les mines et le sous-sol, au motif qu'elle date du XIXèm, siècle et qu'elle ne traite pas des situations qui se présentent aujourd'hui ou qui pourraient se présenter à l'avenir; ainsi: (1) les propriétaires privés trouvent un intérêt à utiliser de plus en plus profondé- ment leur sol et ils considèrent cela encore comme une prérogative inhérente à leur droit de propriété; exemples: les pompes à chaleur qui se multiplient6 ;

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Selon le rapport explicatif, en tant que ressource vitale, J'eau (<ne doit en aucun cas devenir un objet de spéculation des multinationales et être réduite à une marchandise purement commerciale») (chap. III, ch. 1 du rapport). L'idée est de se distancer des privatisations qui ont eu lieu en France.

Pour un arrêt qui se focalise sur les aspects d'environnement, cf. De/BR 1996 l, 24 nO 67 (RDAT 1995 Il, nO 69).

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Le domaine public comme domaine juridique

un vigneron-encaveur souhaite installer ses entrepôts en dessous de sa sur- face de vente. (2) Une commune veut exploiter les eaux chaudes qui coulent dans son sous-sol; elle craint que les propriétaires privés perturbent ce projet par l'utilisation de leur parcelle. (3) Certains gisements traditionnellement trop petits pour être exploités gagnent à nouveau en intérêt pour la fabrica- tion des composés de l'électronique. (4) Les progrès scientifiques en matière de géothermie laissent entrevoir des possibilités prometteuses d'exploiter cette source de chaleur. (5) Les grands travaux souterrains actuels en Suisse pro- duisent de gigantesques quantités de matériel réutilisable et qui a donc une certaine valeur commerciale; les collectivités et les entreprises impliquées s'en disputent la propriété. (6) La Confédération veut entreprendre des fora- ges à un endroit où elle pense pouvoir installer un dépôt de déchets nucléai- res; la question se pose de savoir quelle procédure doit être suivie, dès lors que le sous-sol ne lui appartient pas7•

7 L'affaire du WeIJenberg démontre qu'en matière d'entreposage de déchets radioactifs, la compétence exclusive des cantons de détenniner le mode d'utilisation du sous-sol n'est pas satisfaisante. En 1990, la Coopérative nationale pour l'entreposage des déchets radioactifs (CEDRA) interjetait trois recours abstraits de droit public contre plusieurs dispositions de rang constitutionnel et législatif adoptées par la Landsgemeinde du canton de Nidwald à la suite de trois initiatives populaires. En substance, les dispositions attaquées introduisaient l'obligation d'obtenir une conces- sion soumise à l'approbation de la Landsgemeinde pour l'utilisation du sous-sol. A l'appui de ses recours, la CEDRA invoquait la violation du principe de force déroga- toire, de la garantie de la propriété et de la liberté économique. En raison du contrôle abstrait exercé par l'Assemblée fédérale (art. 6 et 85, ch. 7 aCst.), le Tribunal fédéral déclarait irrecevable, dans un premier arrêt (ATF 118/1992 la 124), le recours déposé contre la modification de la Constitution cantonale. En 1993, il entrait en revanche en matière sur les recours fonnés contre les dispositions législatives et donnait gain de cause, dans un second arrêt (ATF 119/1993 la 390), au canton de Nidwald. Dans ses motifs, le Tribunal fédéral retenait en bref ce qui suit: au-delà de la profondeur utile à son exercice (art. 667, al. 1, CC), la garantie de la propriété ne peut être violée car le sous-sol relève des biens du domaine public sur lesquels l'Etat jouit d'un pouvoir de disposition; le principe de force dérogatoire du droit fédéral ne s'oppose pas, s'agis- sant d'un usage privatif du domaine public, à ce que la législation cantonale prévoie l'obligation d'obtenir une concession: les tâches fédérales en matière d'entreposage des déchets radioactifs ne portent en effet pas atteinte aux compétences cantonales en matière de police des constructions et d'aménagement du territoire, à tout le moins tant que l'exercice de ces compétences n'entre pas en collision avec l'examen de la sécurité de l'installation réservée à la Confédération; enfin, dès lors que la législation n'institue pas un monopole de droit et que le sous-sol ne fait pas partie des biens publics destinés à un usage détenniné, l'exigence d'une concession ne viole pas davantage la liberté économique. Le site du Wellenberg ayant été sélectionné par la Confédération pour abriter un dépôt de déchets faiblement et moyennement radioactifs, la Landsgemeinde du canton de Nidwald adû se prononcer sur l'octroi d'une concession

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JEAN-BAPTISTE ZUFFEREY

Le législateur cantonal ne peut pas apporter une solution à toutes ces Ques- tions simplement en adoptant les dispositions légales Qui lui soient le plus favorable possible. Il doit préalablement répondre à deux types d'interroga- tians juridiques plus fondamentales:

1. Comment départager domaine public et domaine privé? L'approche tra- ditionnelle (issue du Code civil) consistant à dire Que la propriété privée

«descend» aussi loin que s'étend son utilité pour le propriétaire semble ne plus suffire8; la même appréciation vaut d'ailleurs aussi vers le haut, en particulier dans les abords des aéroports9

2. L'Etat peut-il décréter unilatéralement que le sous-sol lui appartient, et avec lui toutes les richesses qu'il contient? Ou au contraire les adminis- trés ont-ils aussi des prétentions qu'ils peuvent faire valoir et que la ré- glementation peut restreindre uniquement à condition de respecter les droits et principes constitutionnels? La garantie de la propriété (art. 26 Cst.) protège cette dernière en effet non seulement en tant que subs- tance avec un contenu minimum, mais aussi en tant qu'institutionlO .

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lO

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â la CEORA à deux reprises; elle a, par deux fois. refusé de l'approuver. Ces votations ont conduit le stockage des déchets radioactifs dans l'impasse, d'autant plus qu'il est difficile aujourd'hui d'imaginer qu'un autre canton accepte de les accueillir sur son sol.

Le projet de loi fédérale sur l'énergie nucléaire (P-LENu) prévoyait à l'art. 43, al. 1 et à l'art. 48, al. 4 que l'autorisation générale fédérale d'exploiter un dépôt souterrain en profondeur, respectivement de creuser des galeries et des puits de sondage nécessite l'approbation par le canton d'accueil de l'utilisation du sous-sol. Lors de la session d'automne 2002, le Conseil des Etats a supprimé ce droit de veto cantonal, puis le Conseil national a décidé de le maintenir. A l'issue de la phase d'élimination des divergences, j'autorisation cantonale a été maintenue pour les galeries et puits de sondage (art. 48), mais pas pour l'autorisation générale de dépôt (art. 44); la nouvelle n'entrera pas en vigueur avant le 1er janvier 2005.

Selon cette conception, qui s'écarte de celle du droit commun (cujus eSl sa/un!, ejus eSl usque ad sidera, usque ad in/eras), l'extension verticale de la propriété fonei.ère est définie par l'intérêt (idéal ou pécuniaire) que présente l'exercice du droit de propriété.

L'intérêt du propriétaire est présumé; il doit être objectivement (d'un point de vue technique et juridique) et subjectivement réalisable, à tout le moins dans un délai prévisible. Cf. PAUL-HENRI STEINAUER, Les droits réels, Tome 2, 2ème éd., Berne, 1994, na 1616 ss; A. MEiER-HAYOZ, Das Grundeigentum, Commentaire bernois, Tome IV 1/2, ad art. 667, 3'm, éd., Berne, 1974,

On en veut pour preuve l'expropriation des droits du voisinage admise sur la base de l'art, 667, al. l, du Code civil suisse du 10 décembre 1907 (CC; RS 210) en raison du survol des parcelles privées par les aéronefs (ATF 122/199611337 pour" Aéroport de Genève-Cointrin).

Sur cette distinction, PETER HÀNN1, Planungs-, Bau- und besanderes Umwelt- schulzrecht, 4ème éd., Berne, 2002, p. 27 ss.

"

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Le domaine public comme domaine juridique

III. Pour une remise en cause du «droit du domaine public»

Toutes ces situations concrètes appellent et trouvent (en règle générale) des réponses juridiques ponctuelles. Prises globalement, elles semblent cepen- dantporter atteinte aux fondements traditionnels du droit du domaine public, en tant que chapitre autonome du droit administratif général. Les réflexions qui suivent proposent trois raisons de remettre en cause la «doctrine» du domaine public.

A. La fin d'une immunité juridique?

Dans la conception originelle du droit du domaine public, il s'agissait d'établir une sorte d'immunité juridique contre les règles et principes des autres do- maines du droit, en particulier du droit privé. Comme les biens du domaine public étaient la «propriété» du public, leur gestion était confiée à l'Etat;

celui-ci devait donc avoir les coudées franches pour accomplir sa tâche dans un but exclusif d'intérêt public et exercer son pouvoir de policell .

Cette conception a aujourd'hui très largement perdu sa portée dans toutes les situations où le droit public a établi des règles spéciales qui s'appliquent indifféremment aux sujets de droit privé comme de droit public. En soi, ce phénomène n'est pas nouveau; il y a ainsi longtemps qu'en matière de res- ponsabilité la jurisprudence applique par exemple l'article 58 du Code des obligations du 30 mars 1911 (CO)12 également aux ouvrages dont la collecti- vité est détentricel3 . Voici cependant deux exemples qui indiquent une géné- ralisation dans ce sens:

1. Le territoire: (1) en matière d'aménagement, le fait que l'Etat puisse utiliser un terrain situé dans le domaine public ne lui donne pas pour autant le droit de l'affecter comme bon lui semble: il doit respecter la planification générale des zones à bâtir; les zones d'intérêt général ou d'installations publiques font l'objet de réglementations très précises14;

Il

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13 14

Pour les origines de la conception romande du domaine public par emprunt à l'an- cienne domanialité publique en droit français, cf. MICHEL HOTTELlER, «(La réglemen- tation du domaine public à Genève», SJ 2002 II, p. 124 5. Cette approche vaut, que l'on admette un véritable droit de propriété de l'Etat sur son domaine public (cf. par exemple ,'art. 3 de la loi cantonale fribourgeoise sur le domaine public; RS/FR 750.1) ou que "on considère le domaine public comme une chose «sans maître» au sens de l'art. 664 CC.

RS 220.

Cf. par exemple ATF 10811982 II 184.

L'appellation de ces zones peut varier; cf. HÂNNI (n. 10), p. 166 s.

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JEAN-BAPTISTE ZUFFEREY

bien souvent, des plans de détail sont nécessaires afin d'établir des in- frastructures collectives en raison de leur impact sur le territoire et l'en- vironnementll . (2) La même approche vaut également en police des cons- tructions: la collectivité qui entend construire doit aussi passer par les procédures de mise à l'enquête publique et d'autorisationI6; il en va de même lorsqu'elle se contente de démolirl7 ou que ces interventions pren- nent place sur les eaux publiquesl8.11 n'est même plus juste de dire que la Confédération n'est pas tenue de respecter le droit de la construction s'il l'empêche de réaliser ses ouvrages; c'est ainsi qu'en matière mili- taire, une loi spéciale les assujettit à une procédure particulière avec possibilité d'être entendus pour les cantons et les communes concer- nésl9. (3) Les routes enfin - par essence des installations publiques - doivent désormais faire l'objet de planifications ad hoc, avec une possi- bilité pour les administrés concernés d'y faire opposition2o•

2. L'environnement: (1) dans un sens actif, le droit de la lutte contre les nuisances s'applique aussi lorsque ce sont des infrastructures publiques (ou leur utilisation) qui sont à l'origine d'une pollution; c'est ainsi qu'une manifestation sur le domaine public peut être à l'origine d'un bruit impor- tant21 ,les voitures qui empruntent les routes publiques rejettent des gaz toxiques dans l'air22 et le restaurant d'une administration peut produire

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Pour plus de détails sur ce type de zone, cf, ZEN RUFFINEN/Guv-EcABERT, Aména- gement du territoire, construction, expropriation, Berne, 2001, p. 17355.

L'art. 22 al. 1 de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire du 22juin 1979 (LAT;

RS 700) n'autorise pas les cantons à introduire un régime de faveur pour les construc- tions publiques.

La plupart des législations cantonales ont étendu le régime de l'autorisation à la démo- lition, que l'art. 22 LAT ne mentionne pas.

Ainsi pour les constructions d'Expo.02 ou pour la fourchette de l'AlimentarÎum à Vevey; l'arrêt RDAF 1996499 (TANO, 24.06.1996) assujettit cet objet à l'art. 24 LAT.

C'est la loi fédérale sur l'armée et "administration militaire du 3 février 1995 aux art.

126 à 130 (RS 510.10).

Cf. par exemple l'art. 7 de la loi genevoise sur les routes du 28 avril 1967 (RSIGE LI 10).

Exemple: le bruit des coups de feu lors de la fête du Bann/ag â Liestal (ATF 12612000 Il 300).

L'art. 18 .de l'ordonnance sur la protection de l'air du 16 décembre 1985 (OPair; RS 814.318.142.1) appréhende aussi les infrastructures destinées au transport.

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Le domaine public comme domaine juridique

des odeurs'3 (2) Dans un sens passif, les biens du domaine public béné- ficient aussi de la protection assurée à l'équilibre écologique: les conces- sionnaires des forces hydrauliques doivent respecter les débits résiduels qui leur sont imposés sur les eaux publiques concédées24; il n'est pas permis de couper des arbres ou de circuler avec des véhicules à moteur dans les forêts du domaine public25 et on ne peut porter atteinte sans limite à la beauté de nos montagnes ainsi qu'à l'image traditionnelle qui s'en dégage en les illuminant artificiellement avec des projecteurs2b Plus encore, il faut constater que même la conception de la propriété privée au sens du Code civil est mise à mal lorsque le propriétaire se trouve être la collectivité; l'expropriation formelle des droits du voisinage en est une illus- tration des plus parlantes: en rupture totale avec l'ordre juridique, les actions défensives du propriétaire touché sont paralysées, on lui impose une servi- tude de tolérance et il lui appartient de se faire indemniser au travers d'une procédure administrative (lorsque l'Etat veut bien en demander l'ouverture) dont les conditions matérielles sont très strictes (en particulier celle contro- versée de l' imprévisibilité)27. Le résultat concret de ce système est sans doute adéquat car il faut bien que la collectivité dispose d'infrastructures, mais - juridiquement parlant - il équivaut à accorder à l'Etat une immunité pour un acte illicite (pollution)28

11 y a fort à parier que les attaques ponctuelles contre l'autonomie du régime juridique applicable au domaine public ne vont pas cesser; en effet, le législa- teur - qu'il soit fédéral ou cantonal- a une tendance naturelle à résoudre les problèmes concrets au fur et à mesure qu'ils se présentent au travers de normes spéCiales additionnelles; tel sera par exemple le cas si une législa-

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25 26 27 28

Il n'y a pas d'ordonnance fédérale spécifique aux odeurs (à l'exception des distances minimales imposées par 1 'OPair pour les installations agricoles; cf. ch. S 12 de l' An~

nexe 2); les odeurs sont donc à traiter directement au travers des art. 11 à 18 de la loi fédérale sur la protection de l'environnement du 7 octobre 1983 (LPE; RS 814.01).

Art. 54, let. c de la loi fédérale sur l'utilisation des forces hydrauliques du 22 décembre 1916 (LFH; RS 721.80).

Art. 15 et 22 de la loi fédérale sur les forêts du 4 octobre 1991 (LFo; RS 921.0).

Cf. l'affaire du Pilate à Lucerne (ATF 123/1997 Il 256).

Sur toutes ces questions, GRÉGORY BOVEY. L'expropriation des droits du voisinage:

du droit privé au droit public, Berne, 2000.

Pour une critique similaire, PAUL-HENRI MOIX, «La responsabilité de l'Etat pour le bruit causé par l'exploitation d'un ouvrage public», DEP 1996, p. 61955.

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JEAN-BAPTISTE ZUFFEREY

tion sur l'aménagement du sous-sol devait voir le jour29. Dans ces conditions, on peut se demander si ce n'est pas tromper son monde que de continuer à proclamer l'existence d'un droit général du domaine public.

B. L'approche juridique bipolarisée est-elle encore praticable?

Cette bipolarisation traditionnelle entre domaine public et domaine privé ne correspond plus aux états de fait que l'on rencontre dans la réalité, comme l'illustrent les situations-type qui précèdent (supra Il). Synthétiquement ex- primé, cette impraticabilité juridique se manifeste du côté tant des adminis- trés que de la collectivité.

1. En général

Pour les administrés, on peut se demander si ce n'est pas remettre en cause la propriété privée en tant qu'institution garantie par la Constitution (supra"

in fine) que de vouloir attribuer au domaine public des ressources physique- ment liées à des parcelles immatriculées au registre foncier. Les techniques modernes d'exploitation tendent manifestement à repousser les limites de la propriété privée et la conception qui sous-tend l'ordre juridique suisse ac- corde toujours la priorité à cette dernière. Il s'ensuit qu'outre les exigences de l'intérêt public et de la proportionnalité (art. 36, al. 1 et 2 Cst.), une base légale formelle sera nécessaire pour mettre un terme au caractère «dynami- que» de la propriété privée (art. 36, al. 1 Cst.); cette base légale pourra (et devrait) figurer dans les lois cantonales relatives au sol ou au sous-sol-à édicter ou à moderniser- comme le législateur de la propriété privée l'a lui- même admis (art. 702 CC). Ces lois pourraient s'inspirer du concept de la décision administrative constatatoire, telle qu'elle existe par exemple en droit (public) de la forêt pour limiter juridiquement son développement dynamique dans les zones à bâtir et sur les propriétés privéesJO

Pour la collectivité, la délimitation défensive et protectrice d'un domaine

«public» devient difficile à justifier dès l'instant où son gérant ne se contente plus d'en être le gardien, mais qu'il se met à en exploiter les richesses maté-

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Le droit aelUel de l'aménagement du territoire ne se préoccupe pour J'heure que de la surface du sol; en matière d'entrepôts pour les déchets nucléaires, le projet de loi en discussion inaugure un aménagement du sous-sol (ci-dessus n. 7).

Art. 10 Lfo.

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Le domaine public comme domaine juridique

rie Iles (voire immatérielles31 ), en d'autres termes à se comporter comme un propriétaire privé. Comme l'illustrent les cas-type décrits plus haut (ch. li), cette question se pose non seulement lorsque l'Etat utilise le domaine public pour participer directement à l'économie, mais aussi lorsqu 'il le fait à travers des entreprises privées qui lui «appartiennent» (en tout ou partie). Notre ordre juridique a choisi un modèle d'économie de marché (art. 94 Cst.); par principe et nonobstant l'implication du domaine public, il y a dès lors lieu d'assujettir au droit de ce marché l'Etat qui «mercatise» toujours plus ses ressources, comme le sont tous les autres acteurs économiques.

J. En droit du marché

Il s'agira en priorité du droit de la concurrence: l'Etat peut aussi être qua- lifié d'entreprise en position dominante (du fait de son exclusivité sur le do-

31 Pour être admise à l'enregistrement une marque doit notamment ne pas faire partie du domaine public (1) et ne pas être contraire aux bonnes mœurs (2) (an. 2 let. a et d de la loi fédérale du 28 août 1992 sur la protection des marques et des indications de provenance; LPM; RS 232.11). (1) Les indications de provenance (art. 47 55 LPM) directes font partie du domaine public. Tel n'est cependant pas le cas des indications de provenance indirectes. Cette dernière catégorie se compose des indications qui ne renvoient pas explicitement à un lieu ou à une région détenninée mais s'y réfèrent par le biais de symboles verbaux ou figuratifs; il peut s'agir notamment de noms el de représentations connues de montagnes, de lacs, de rivières ou de monuments de re- nommée nationale ou internationale, d'emblèmes connus de villes, ou encore de noms ou de représentations figuratives ou de personnages historiques célèbres; exemples: la statue de la liberté, le Cervin, Guillaume Tell, le général Guisan (source: Directives de l'institut fédéral de la propriété intellectuelle pour l'examen des marques, SIC 1997 p.

(8). (2) Dans un arrêt rendu sous "empire de l'ancienne loi sur les marques de fabrique (LMF), le Tribunal fédéral a jugé qu'une marque porte atteinte aux bonnes mœurs notamment lorsqu'elle induit le public en erreur (art. 14, al. 1er, ch. 2 aLMF; aujourd'hui, la non-induction du public en erreur est une condition indépendante de celle relative aux bonnes mœurs; cf. art. 2 let. c LPM). Une indication de provenance comporte un risque d'induire en erreur si elle laisse penser à tort à l'acheteur que la marchandise provient du pays ou de l'endroilauquell'indication renvoie. Il n'en va autrement que si l'indication de provenance est une indication de pure fantaisie ou si elle ne peut être comprise comme indication de provenance pour d'autres motifs (ATF 117/1991 Il 327, JdT 1992 1 362 ss). Dans un arrêt plus ancien (RSPI 1964, p. 122), le Tribunal fédéral ajugé que l'indication «Matterhorn» pour des cigarettes au menthol fabriquées en Grande-Bretagne était constitutive d'une violation des bonnes mœurs (risque de tromperie). A titre comparatif, en droit des raisons de commerce les autorités du registre admettent dans leur pratique des raisons sociales comprenant-des noms de haute montagne comme Cervin, Eiger, Titlis, même sans relation territoriale avec l'en- treprise (art. 944 al. 2 CO). Pour des sommets moins importants en revanche, elles exigent que le siège se trouve à proximité (ATF 108/1982 II 130, JdT 19821521 s.).

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JEAN-BAPTlSlE ZUFFEREY

maine public)32; il est donc juridiquement possible qu'il en abuse et il ne doit pas alors pouvoir alléguer l'existence d'un ordre de marché de droit public33 . Dans le même sens, il ne se justifie plus de distinguer de manière mani- chéenne entre une entité de droit public ou de droit privé qui doit respecter les principes constitutionnels lorsqu'elle attribue à des tiers l'usage du do- maine public et une entité de droit privé qui peut disposer à bien plaire de son espace pour accueillir le public34 ; dans l'un et l'autre cas, les tiers ont un droit d'y accéder dès qu'il s'agit d'une essential facilitj35 et la collectivité ne devrait pas pouvoir s'y opposer sans base. légale, en invoquant le motiftradi- tionnel que l'usage accru du domaine public est une prestation étatique posi- tive.

Le droit du marché résulte également des principes propres au droit des marchés publics, expression moderne (neutralité concurrentielle et non-dis- crimination) de l'égalité de traitement que l'Etat doit depuis toujours respec- ter lorsqu'il ne fait pas usage de sa puissance publique: des procédures sur le modèle des enchères ou du concours devraient s'appliquer lorsqu'il attribue à des tiers (y compris ses propres entreprises) l'usage exclusif de biens ap- partenant au domaine public. En l'état de la législation, le droit des marchés publics souvent n'est pas applicable, notamment parce qu'il n'y a pas de

«marché» au sens technique (Etat qui acbète des biens ou des services con-

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Cf. la décision de la Commission européenne dans l'affaire Frankfurter F/ughafenAG, lOCE nO L 173 18/06/1998 p. 32 55 où eIle a constaté que le gestionnaire de l'aéroport de Francfort avait abusé de la position dominante qu'il détenait en matière d'assistance en escale, en interdisant tant l'auto-assistance (de la part des compagnies aériennes) que j'assistance aux tiers (accès sur la piste à d'autres compagnies pour la fourniture de ces services).

Cette objection figure à l'art. 3, al. l, let. a de la loi sur les cartels (LCarl; RS 251); la doctrine majoritaire plaide pour qu'elle soit interprétée restrictivement; cf. TERClERf BOVET (édit.), Commentaire Romand - Droit de la concurrence -, «art. 3 al. 1 LCarb), na 35; TERCIERlVENTURl, «Les ententes illicites et l'abus de position dominante dans le nouveau droit suisse de la concurrence - Unluwful agreements and concer/ed practices and abuses of dominant position under the new Swiss law ofcompetiliom), RDA] 1997, p. 69. Le récent arrêt du TF sur les Entreprises électriques fribourgeoises retient cette approche restrictive à propos de la libre concurrence sur le marché de la distribution d'électricité (affaireZA.520/2002, c. 3 à 5).

C'est la différence entre la situation dans l'arrêt de la Braderie (TF, 8.06.2001 in: SJ 20011557) et celle dans l'arrêt de la Foire ART à Bâle (ATF 126/2000 1250).

Cf. SCHINDLER, Wetlbewerb in Netzen ais Problem der kartellrechtlichen Missbrauchsaufsichl: Die «Essential Faci/ltp' Doktrin lm amerikanischen, europiiischen und schweizerischen KarteJlrecht, thèse, Berne 1998, p. 180.

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Le domaine public comme domaine juridique

tre rémunération)36, Il s'agit là cependant d'une objection de nature for- melle, alors que les conceptions matérielles actuelles sous-jacentes favori- serit clairement la concurrence entre les utilisateurs du domaine public et la fin des rentes de situation ou des privilèges de durée illimitée; divers indices le suggèrent dans les législations spéciales3?, lajurisprudence38 , la pratique administrative39 et la doctrine40 En consultant ces diverses sources, on re- trouve les états de fait, arguments et solutions typiques du droit des marchés publics,

D'aucuns objecteront que contrairement au droit des marchés publics celui du domaine public permet d'assurer un toumus entre ses usagers (ainsi pour l'attribution des places de taxi ou de fêtes foraines), sans avoir à vérifier quel est celui qui présente l'offre économiquement la plus favorable, La distinc- tion n'est pas si claire: souvent, l'utilisation du domaine public est liée à des prestations de service à la charge des usagers en question, services pour

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C'est l'approche du Tribunal fédéral dans l'arrêt

Je

Decaux à propos d'une conces- sion d'affichage sur le domaine public (ATF 1251\9991209), Autre exemple: le droit des marchés publics n'est pas applicable à l'octroi des concessions hydroélectriques (cf. JACQUES FOURNIER, Vers un nouveau droit des concessions hydroélectriques - Ouverture - marchés publics - environnement, thèse, Fribourg 2002).

Exemple en droit fédéral: l'art. 24 de-la loi sur les télécommunications du 30 avril 1997 (LTC; RS 784.10) prévoit qu'en règle générale l'octroi d'une concession de radiocommunication fait l'objet d'un appel d'offres publics si les fréquences utilisées servent à fournir des services de télécommunication et s'il n'existe pas assez de fré- quences disponibles pour satisfaire tous les intéressés présents et-futurs. Exemple en droit cantonal: l'art. 19 de la loi fribourgeoise sur la pèche du 15 mai 1979 (RS/FR 923.1) prévoit l'affermage des lots de pêche par mise aux enchères.

Dans l'arrêt Circus Olympia (ATF 128/20021 136), le Tribunal fédéral a pris soin de vérifier que le droit d'utiliser le domaine public était réparti équitablement entre tous les candidats et que l'avantage accordé au (Œoumissionnaire autochtone)} reposait sur des justifications-objectives.

Dans l'affaire Je Decaux, la Commission fédérale de la concurrence avait recommandé à la collectivité concernée de renoncer à son système de concession d'affichage ou, à défaut, de mettre en concurrence les candidats concessionnaires et de réduire au mini- mum la durée de la concession (DPC 1997/2, p. 212). Par la suite, elle a formulé, en sa qualité d'aulorité de surveillance de la loi sur le marché intérieur du 6 octobre 1995

(LMI, art. 8; RS 943.02), des recommandations générales à l'attention des collectivités

publiques des cantons et des communes concerna~t les contrats de bail à fenne pour la publicité extérieure (Ope 199912, p. 267). Dans son arrêt sur cette même affaire (rendu peu de temps avant la formulation de ces recommandations générales mais publié un mois plus tard), le Tribunal fédéral a toutefois adopté un point de vue différent (ATF 125/1999 1 209),

Cf. en particulier les commentaires consécutifs à J'arrêt Je Decaux (ATF 125/1999 1 209) des prof. FRANÇOIS BELLANGER et CHRISTIAN BOVET (DG 1999/4, p, 164) ainsi que du prof, PAUL RICHLI (PJA 2000, p. 490),

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JEAN-BAPTISTE ZUFFEREY

lesquels une évaluation comparative est possible41 ; le système du toumus ne respecte pas forcément l'intérêt public à la meilleure utilisation du bien public alors que cet objectif n'est pas l'apanage du droit des marchés publics (il s'applique par exemple aussi à l'exploitation des forces hydrauliques liées aux eaux publiques42); l'expérience des marchés publics confirme qu'un sys- tème de toumus peut se révéler fort arbitraire4,; enfin, les moyens de protec- tion juridique subséquents - en dehors de ce cas de l'arbitraire - sont peu efficaces, de sorte qu'il est préférable d'annoncer les critères d'attribution à l'avance et d'octroyer aux administrés le droit d'exprimer leur opinion à ce moment-là (notamment à travers les associations qui représentent leurs inté- rêts)44.

Enfin, le droit du marché désigne les normes qui configurent le marché inté- rieur, en particulier la loi fédérale en la matière et son principe «Cassis-de- Dijoll),45; la collectivité devra respecter le principe de non-discrimination en- tre tous ceux qui prétendent utiliser son domaine public et ne pas désavantager les candidats extérieurs à la commune ou au canton; tel pourra être le cas par exemple pour le régime applicable aux autorisations nécessaires ou pour les redevances mises à la charge des usagers. Dans l'arrêt de la Braderie4

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le Tribunal fédéral ne fait encore aucune référence à cette législation; elle concrétise pourtant l'objectif constitutionnel d'avoir en Suisse un espace éco- nomique commun (art. 95, al. 2 Cst.).

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Ainsi dans l'affaire Je Decaux pour la pose gratuite d'affiches publiques et la mise à disposition gratuite des emplacements (ATF 12511999 1209).

Art. 39 LFH: «En statuant sur les demandes de concession, l'autorité tient compte de l'intérêt public, de 1 'utilisation rationnelle du cours d'eau et des intérêts existants».

ZUFFEREVIESSEIVA/AMSTUTZ, Les effetsjurjdiques de la concurrence dans le sec- teur de /a conslnlc/ion, rapport d'expertise pour le SecrétarialfédéraJ à "économie, novembre 2002, troisième partie.

Pour une illustration des difficultés que peut presenter la mise en place d'un système de rotation correcte, cf. l'arrêt de la Grande roue sur le marché d'automne à St Gall (ATF 128/2002 136 avec les arrêts antérieurs cités; cf. également le commentaire de BURKARD 1. WOLF, PlA 2002, p. 823 ss).

Sur cette référence directe au droit européen, cf. ATF 125/19991322; pour un corn·

mentaire récent de la loi, cf. TERCIERlBoVET (éd.), Commentaire romand - Droit de la concurrence, Bâle, 2002, p. 1239 ss.

S1 2001 1 557 (TF, 8.06.2001).

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Le domaine public comme domaine juridique

C. L'utilité de la concession pour l'usage du domaine public?

Même lorsqu'il n'existe pas de législation applicable au bien économique du domaine public concerné, la pratique constante impose que son usage exclu- sifne soit octroyé à un administré qu'au travers d'une concession. Les ré- flexions formulées jusqu'ici suggèrent que cette conception n'est plus forcé- ment fondée; il suffit pour cela de passer. en revue les différentes préoccupations qui sous-tendent la concession en tant qu'instrumentjuridi- que:

\. S'il s'agit de régir les modalités d'utilisation du bien concédé, le concept de l'autorisation suffit en soi, au besoin avec des clauses accessoires (conditions et/ou charges): il est frappant de constater que souvent dans les droits étrangers ou en droit européen, on utilise l'autorisation pour régir des domaines qui sont sujets à concession en droit suisse (exemple récent: les services de télécommunication47); dans son arrêt Plakanda où il a décidé de ne plus admettre les monopoles de l'affichage sur le do- maine privé, le Tribunal fédéral souligne qu'un régime d'autorisation en vertu du droit administratif spécial suffit à protéger l'intérêt public48 .

2. S'il s'agit d'organiser l'attribution de biens publics pour lesquels la de- mande dépasse l'offre avec en conséquence une obligation pour l'Etat de choisir entre plusieurs candidats d'égale valeur, les principes et procé- dures du droit des marchés conviennent (concours, enchères; supra III, B). Les concessions pour les maisons de jeu ont été attribuées à l'issue de procédures qui ressemblaient très largement à des procédures de qua- lification/adjudication en vue d'identifier les projets les meilleurs d'un point de vue économique49. Par ailleurs, le législateur vise là des objectifs

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Le droit européen révisé prévoit désormais une «autorisation générale» de fournir des services de téléc::ommunication (cf. les art. 3 s. de la Directive 2002/20/CE du Parle·

ment européen et du Conseil du 7 mars 2002 relative à l'autorisation de réseaux et de services de communications électroniques, lOCE LI08 du 24/04/2002, p_ 21 55). En droit suisse, en revanche, les fournisseurs qui exploitent de manière indépendante une partie importante des installations de télécommunication utilisées pour la transmis·

sion doivent obtenir une concession (art. 4 de la IOÎ fédérale sur les télécommunications du 30 avrill997, LTC: RS 784.10). Un projet de révision partielle de la LTC du 3 juillet 2002 (la procédure de consultation est teTTIlinée) prévoit toutefois d'ajuster la législa·

tion suisse au droit européen; la concession devrait être supprimée au profit d'une simple obligation d'annoncer (art. 4 P-LTC).

ATF t2812oo213; pour un commentaire, FRANÇOIS BELLANGER, .1'.12002, p. 525 ss.

Art. 10 ss de la loi fédérale sur Jesjeux de hasard et les maisons de jeu du 18 décembre 1998 (LM); RS 935.52).

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JEAN-BAPTISTE ZUFFEREY

de protection (solidité financière, prévention du blanchiment d'argent) que pour d' autres entit~s il poursuit avec des dispositions très semblables mais au travers d'autorisations; ainsi pour les banques ou les négociants en valeurs mobilières, dont les organes doivent satisfaire comme ceux des casinos à l'obligation d'activité irréprochable5o Dans les cas où' une clause du besoin existait, c'était toujours le vecteur de l'autorisation qui était utilisé pour l'appliquer (exemples: les établissements publics ou les bourses).

3. S'il s'agit de s'assurer que le bénéficiaire du domaine public n'abusera pas de son avantage monopolistique, le droit de la concurrence répond désormais précisément à ce souci (supra III, B, en particulier le concept de l' essenlial facility); il s'applique en continu et offre des moyens de protection aux tiers lésés, sans qu'il ne soit nécessaire de le prévoir dans un acte formateur lors de la mise à disposition du domaine public.

Se conformer à ces réflexions réduirait le champ d'utilisation de la conces- sion en droit suisse du domaine public aux cas dans lesquels l'objectif de l'Etat qui met à disposition son bien consiste à obtenir de l'usager bénéfi- ciaire qu'il fournisse en échange un service ou réalise une construction et en assume le risque économique, avec à l'issue de la concession un droit de retour au concédant. On sera là en fait très proche du contrat de droit admi- nistratif, avec son échange de prestations et son principe de la confiance destiné à protéger les investissements du concessionnaire.

*****

Face à ces constats, il n'est pas iconoclaste de se demander s'il n'y a pas dépérissement du droit du domaine public. S'il devait s'estomper, une contro- verse fondamentale disparaîtrait avec lui: est-il ou non judicieux d'avoir une loi générale sur le domaine public, comme c'est le cas dans certains can- tons? Au surplus, sa disparition n'empêcherait pas de continuer à appliquer le droit public pour défendre les droits fondamentaux des administrés sur le domaine public ou pour taxer l'utilisation de ce dernier; il s'agit là en effet de régimes liés non pas au domaine public comme tel mais au rapport juridique établi entre ses utilisateurs et l'Etat.

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Art. 3, al. 2, let c de la loi fédérale sur les banques et les caisses d'épargne du 8 novembre 1934 (LB: RS 952.0); art. 10, al. 2, let. d de la loi fédérale sur les bourses et le commerce des valeurs mobilières du 24 mars 1995 (LBVM; RS 954.1).

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L'exercice des libertés idéales sur le domaine public

GIORGIO MALINVERNI

Professeur à la Faculté de droit de l'Université de Genève

L

Les modalités de réglementation de l'exercice des libertés sur le domaine public

Deux possibilités s'offrent au législateur pour aménager l'exercice des liber- tés qui impliquent une mise à contribution du domaine public'. D'une part, il peut édicter une réglementation, assortie de sanctions pour le cas où elle ne serait pas respectée2; dans ce cas, la liberté ne pourra s'exercer qu'à l'inté- rieur des limites préalablement posées. D'autre part, il peut instituer un sys- tème préventif, dans lequel un contrôle a priori sera effectué sur l'exercice de la liberté, afin de prévenir les troubles que ce dernier pourrait engendrer;

le procédé le plus souvent utilisé est alors celui de l'autorisation.

Le premier système est, d'une manière générale, moins contraignant et plus respectueux de la liberté. En effet, lorsqu'elle est soumise à autorisation, une activité est en principe interdite, l'autorisation s'analysant comme une déci- sion administrative qui lève une interdiction et pennet à celui qui l'a sollicitée d'exercer une activité soumise au contrôle préventif de l'Etal.

Pour cette raison, dans plusieurs affaires dont a été saisi le Tribunal fédéral, le régime de l'autorisation préalable pour l'exercice des libertés sur le do- maine public a été sérieusement remis en cause par les recourants3. La ques- tion fondamentale qui se pose est donc celle de savoir si ce procédé corres- pond à des nécessités telles que l'on ne puisse éviter d'y avoir recours, malgré la limitation qu'il apporte à l'exercice des libertés. Pour y répondre, il con- vient de partir d'une constatation très simple: le domaine public est le lieu où se rencontrent des intérêts nombreux, concurrents et parfois contradictoires:

Sur la notion de domaine public, voir l'étude récente de MICHEL HOTTEUER, «La réglementation du domaine public à Genève», SJ 2002 Il, p. 124.

Voir, par exemple, ATF 99/1973 la 510, X; 101/1975 la 473, R.

ATF 100/1974 la 392, Kami/eefiir lndochina; 971197\ 19\3, Arnel; 96/\9701219, Nothiger.

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GIORGIO MALiNvERNI

circulation privée et publique, commerce, détente, réunions publiques, etc.

Tous ces intérêts doivent être ajustés entre eux. Leur ajustement, qui doit permettre la meilleure réalisation possible des libertés tout en tenant compte des autres devoirs de l'Etat et des droits d'autrui, est une tâche qui incombe en premier lieu au législateur. Toutefois, ici comme dans d'autres secteurs de la vie sociale, la loi, en raison de son caractère général et abstrait, est peu propre à régir une matière qui, par sa nature, s'y prête mal. Ceci est surtout vrai d'une législation qui voudrait réglementer de manière détaillée la mise à contribution du domaine public. Elle serait incapable d'appréhender les inté- rêts très nombreux qu'il importe de prendre en considération dans chaque cas particulier et qui peuvent varier considérablement en fonction des cir- constances propres à chaque espèce.

Il est donc permis de se demander s'il n'est pas judicieux, dans ce domaine, de renoncer à une réglementation trop détaillée et de lui préférer des inter- ventions administratives soumises à un contrôle judiciaire:

«il est ( ... ) dans la nature des choses qu'en réglant d'avance et de façon trop rigide une utilisation du domaine public ( ... ) on ne garantit pas forcé- ment des solutions raisonnables ( ... ). Ainsi, le critère de la priorité paraît en lui-même peu approprié; d'une part, il pourrait conduire à ce que des autorisations doivent être sollicitées beaucoup trop tôt; d'autre part, cela pourrait empêcher, le cas échéant, de mettre à disposition une place con- venable pour des cas qui surgissent brusquement ( ... ). Une jurisprudence souple en matière d'autorisation n'est pas nécessairement contraire aux intérêts des éventuels requérants. Bien au contraire, une certaine retenue de la part des autorités peut même être dans l'intérêt des usagers, dans la mesure où elle pennet de garder des places en réserve pour des manifesta- tions qui doivent être fixées à bref délai. Ce qui est essentiel, c'est que tous les intéressés puissent, dans la mesure du possible, être traités de la même façon» 4.

Si le régime de l'autorisation ne semble pas pouvoir être évité, il convient encore d'examiner quelles activités doivent y être soumises, et pour quels motifs.

4 ATF 105119791096, Plüss ~ JT 1981183.

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