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Panfictionnisme et « storyworld »

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 63-71)

DISPERSION, EXPANSION, SÉRIATIONS

II. Néo-victorianisme et panfictionnisme : expansion

II. 1. Panfictionnisme et « storyworld »

Dans un ouvrage qui fait suite à son Narrative Across Media161, Marie-Laure Ryan délaisse le terme de narrative au profit de celui de storyworld :

The replacement of ‘narrative’ with ‘storyworld’ acknowledges the emergences of the concept of

‘world’ not only in narratology but also on the broader cultural scene. Nowadays we have not only multimodal representations of storyworlds that combine various types of signs and virtual online worlds that wait to be filled with stories by their player citizens but also serial storyworlds that are deployed simultaneously across multiple media platforms, resulting in a media landscape in which creators and fans alike constantly expand, revise and even parody them.162

Ce terme de storyworld, notion que l’on pourrait sans doute relier à la tradition logique des mondes possibles, incarnée en études littéraires par Thomas Pavel et Lubomír

161 Marie-Laure Ryan (dir.), Narrative Across Media. The Language of Storytelling, University of Nebraska Press, 2004.

162 Marie-Laure Ryan et Jan-Noël Thon, Storyworlds across Media, University of Nebraska Press, 2014, p.1.

Doležel163, ainsi qu’à la notion de « feintise ludique partagée » de Jean-Marie Schaeffer et qui se retrouve, formulée autrement, dans les travaux de Roger Odin164, se révèle d’une hybridité bi-phase. La première est son indéniable valeur heuristique quant à l’ensemble de phénomènes contemporains, par exemple le néo-victorianisme, mais que notre exemple plus ancien du film Le Cabinet des figures de cire exprimait métaphoriquement : bâtir des univers fictionnels et créer des récits – des enchainements de faits – à partir de créatures mythiques ou fictionnelles.

La deuxième, selon les visions de « story »/« récits » et « world »/« monde » auxquelles on souscrit, pourrait s’avérer oxymorique. Cet accolement problématique est de nature à perturber la frontière entre imaginaire et réel, topique et hétérotopique, certes toujours poreuse. Mais l’abolir totalement mènerait, selon Richard Saint-Gelais, à une vision « pan-fictionniste »165. De la position, longtemps soutenue, d’une référentialité toujours dominante, que le texte soit fictif ou non, l’on serait ainsi passé à l’extension de la fictionnalité à tout discours et toute production langagière.

Or, ceci perturbe infiniment une grande partie des études littéraires, cinématographiques et théâtrales. C’est parce que la référentialité fournissait, selon Richard Saint-Gelais, une sorte de base ontologique, que les régimes mimétiques sont donnés comme premiers dans l’ordre des intentions du récit, dans la manière dont ils font sens, qu’ils interviennent souvent comme éléments nodaux de toutes classifications, systèmes critiques et poétiques. C’est bien dans le but de distinguer les différents types de référence poétique que Michael Riffaterre propose les modes de signification et de signifiance du texte littéraire, et en particulier le texte poétique166. Le chemin critique de

163 Thomas Pavel, Univers de la fiction, Paris, Seuil, coll. « Poétique», 1988 ś Lubomír Doležel, Heterocosmica, Fiction and Possible Worlds, Baltimore-Londres, Johns Hopkins University Press, 1998. Voir également Françoise Lavocat (dir.), La Théorie littéraire des mondes possibles, Paris, Éditions du CNRS, 2010.

164 Ce dernier recourt au terme de « monde » Нans le premier Мhapitre Нe l’essai De la fiction : « Diégétiser : construire un monde », première étape de la possibilité de la fiction, laquelle nécessite ensuite des procédures de figurativisation, diégétisation, narrativisation, etМ. La МonstruМtion Н’un monНe МorresponН р l’établissement Н’un espaМe, lequel parvient à effacer ses supports médiatiques, un espace perçu comme « habitable » dans lequel le sujet parvient à se projeter. Roger Odin, De la fiction, op.cit., pp.17-23.

165 Richard Saint-Gelais, « L’effet de non-fiction. Fragments d’une enquête », Fabula, en ligne : http://www.fabula.org/effet/interventions/16.php

166 Michael Riffaterre, « L’illusion référentielle », in Littérature et réalité, Paris, Éditions du Seuil, 1982.

Käte Hamburger ou d’Ann Banfield167 consistait bien à déceler dans les textes les

« indices de fictionnalité » là où le présupposé de base était celui de la référentialité.

Ainsi, dans Logique des genres littéraires168, Käte Hamburger avait-elle radicalement classé les récits selon deux grands traits, en vertu de l’origine du « je » qui s’exprime : le premier était constitué des récits mimétiques ou fictionnels —le « je » a une origine déterminée, celle des personnages— et les récits lyriques, dans lesquels le « je » n’a pas d’origine déterminée. Les énoncés lyriques seraient des « énoncés de réalité feints », dans lesquels il convient alors de traquer les effets de réel dont les romans à la première personne sont a priori dépourvus.

Pour Michael Riffaterre, John R. Searle169, Jean-Marie Schaeffer170 ou encore Gérard Genette171, la distinction entre récits factuels et récits fictionnels est moins d’ordre sémantique, comme chez Käte Hamburger, que pragmatique. La référentialité intervient néanmoins toujours comme postulat. On entrevoit bien pourquoi accoler story et world n’est pas sans danger critique : leur accolement dans un même substantif efface la marque grammaticale du rapprochement, dans un type de conjonction qui n’est pas explicite : story and world ? Story as a world ? Story or world ?... Richard Saint-Gelais note ainsi le changement de paradigme opéré ces dernières années : celui d’un retournement fondamental. Le présupposé de référentialité est devenu un présupposé général de fiction:

Mais nombreux semblent ceux pour qui la perspective globale, depuis quelques décennies, s'est comme inversée : de la présomption de référentialité, on est passé à une présomption généralisée de fictionnalité […].172

S’il semble plus pertinent d’attribuer le panfictionnisme à une omniprésence fictionnelle qu’à son éventuel déclin, il convient cependant d’en étudier les fondements théoriques.

167 Ann Banfield, Unspeakable Sentances, Narration and Representation in the Language of Fiction, Londres, Routledge, 1982.

168 Käte Hamburger, Logique des genres littéraires, Pierre Cadiot (trad.), Paris, Éditions du Seuil, 1986.

169 John R. Searle, « Le statut logique du discours de la fiction », in Sens et expression, traН. Нe l’anglais par Joëlle Proust, Paris, Éditions de Minuit, 1982, pp.101-120.

170 Jean-Marie Schaeffer, Pourquoi la fiction ? Paris, Seuil, 1999.

171 Gérard Genette, Fiction et diction, Paris, Éditions du Seuil, 1991.

172Richard St-Gelais, « L'effet de non-fiction: fragments d'une enquête », en ligne : http://www.fabula.org/effet/interventions/16.php

Le panfictionnisme peut provenir d’un abus d’extension du terme de « subjectivité », attribué depuis Benveniste au sujet de la communication173. L’« appropriation » de la langue par le sujet parlant conduirait à le considérer comme produisant de la fiction :

« tout discours, en ce qu'il implique immanquablement un gauchissement, subjectif ou rhétorique, relèverait de la fiction.174

Les travaux réalisés sur la fonction fabulatrice (notion amenée par Henri Bergson175), tout en ayant apporté de considérables avancées à l’étude des récits, ont eu pour conséquence une tendance à faire de tout discours un acte de récit, ce que l’on a pu confondre avec la fiction. La fonction fabulatrice est en effet dite consubstantielle à toute conscience :

C’est la fonction fabulatrice qui est à la racine de notre identité. Nous sommes ce que nous racontons. […] le récit est sans doute la modalité de base de notre rapport au monde et aux autres.176

Comme le souligne Marie-Laure Ryan, ce présupposé trouve également une origine dans la caricature de positions postmodernes, faisant le portrait de l’historien comme un organisateur de récits et de toute vérité le reflet d’une entreprise subjective177. Aux notions d’« excès », « abus », « caricature », l’on peut aussi rajouter avec Catherine Kerbrat-Orecchioni le terme de « glissement sémantique »178 afin de comprendre la nature spécieuse de ce renversement : selon elle, les distinctions sur les critères de

« lisibilité » de Roland Barthes et du groupe « Tel Quel » ont opéré une équivalence hasardeuse entre les discours non-référentiels et les discours fictionnels. Cette

173 Emile Benveniste, « De la subjectivité dans le langage » in Problèmes de linguistique générale, t. I, Paris, Gallimard, 1966, p.262.

174 Richard St-Gelais, « L'effet de non-fiction », art.cit.

175 La fonction fabulatrice, pour Bergson, est née au moment où, pendant l’évolution, l’instinct et l’intelligence se séparent : l’intelligence fait prendre conscience de la mort, la fonction fabulatrice (sorte de résidu de l’instinct) répare le risque de désespoir que cette conscience ferait peser sur l’homme, en lui permettant de créer des mythes et religions capables de faire croire au salut. Henri Bergson, Les deux sources de la morale et de la religion, Paris, Presses Universitaires de France, 1932.

176 Jean et Raphael Molino, Homo Fabulator, Théorie et analyse du récit, Montréal/Arles, Leméac/Actes Sud, 2003, p.48

177 Marie-Laure Ryan, « Frontière de la fiction : digitale ou analogique ? », Colloque en ligne Frontières de la fiction, Fabula, décembre 2000, en ligne: http://www.fabula.org/colloques/frontieres/211.php

178 Catherine Kerbrat-Orecchioni, « Le texte littéraire : non-référence, auto-référence et référence fictionnelle », Texte 1, p. 29.

équivalence a entraîné une relation antithétique entre les discours référentiels et les discours fictionnels.

Richard Saint-Gelais emploie en effet la formulation « coûts cognitifs » pour évoquer la dépense sémantique induite par le panfictionnisme. Il s’agit là sans doute de la qualification du phénomène d’absence de médiation : la référence deviendrait uniquement l’accès « brut » au réel, non plus une représentation. Catherine Kerbrat-Orecchioni souligne également cet appauvrissement de la référence : « […] comme si la notion de référence impliquait l’existenМe ontologique, dans l’univers Н’expérienМe, du dénoté correspondant au signifiant envisagé. »179

C’est donc toute la conception de la mimésis qui est réenvisagée : la représentation n’est plus ce qui « soustrait au réel »180 mais ce qui l’atteint d’une manière nécessaire. Il s’agit alors d’une refonte complète de la linguistique saussurienne, dans laquelle le lien entre signifié et signifiant est arbitraire, alors que paradoxalement, ce panfictionnisme résulterait selon Marie-Laure Ryan d’une « interprétation philosophique de la linguistique saussurienne qui nie la possibilité pour le langage de faire acte de référence à un monde extérieur à lui-même. »181

Non seulement le panfictionnisme diminue la référence et ses champs d’application, mais réduit également la portée de la fiction elle-même. Devenue n’importe quel procédé de subjectivation, tout « gauchissement », comme le notait Richard Saint-Gelais, ou expression d’un point de vue individuel, la fiction n’a plus l’exclusivité de produire des éléments imaginaires dont la seule existence est due au texte. Il semble dès lors appauvrissant de relativiser ainsi la fiction et de l’étendre à tout discours, car l’on ne peut plus distinguer ce qui relevait auparavant de sa spécificité —les éléments dont l’existence n’est garantie que par le texte — de n’importe quelle

« manœuvre discursive » : la négation de la capacité de la fiction à construire les mondes auxquels il se réfère entraîne la seule juxtaposition de multitudes de « versions » du monde.

179 Idem.

180 Jean Baudrillard, Illusion, désillusion esthétique, Sens & Tonka, 1997, p. 20.

181 Marie-Laure Ryan, « Frontière de la fiction : digitale ou analogique ? », art.cit.

Il ne s’agit d’ailleurs pas ici de relier cette juxtaposition à la théorie de la pluralité des mondes possibles : pour le philosophe analytique David Lewis, à l’origine du

« réalisme modal »182, si le discours fictionnel est capable de référence, tout discours n’est pas fictionnel. La pluralité des mondes possibles — leur infinité même — n’exclut pas une différence fondamentale entre le monde actuel que nous connaissons et les mondes virtuels.

Le panfictionnisme efface la référence, la relègue aux confins de l’expérience humaine, car elle est sans médiation. Mais cette tendance, selon Richard Saint-Gelais183, détruit avec elle la fiction elle-même, essentiellement en lui faisant perdre ce qui, intuitivement, la définissait : la capacité de créer ou de faire persister des êtres et des choses qui n’ont pas d’existence hors d’elle-même. Le tout-est-fiction est donc bien loin de consister en une réhabilitation de la fiction, bien au contraire. Et en même temps, elle est symptomatique d’un problème fondamental de la référence. A de nombreuses occurrences, le caractère évasif de la définition par Roman Jakobson de la fonction référentielle a été souligné :

Pourtant, alors qu’il caractérise brièvement chacune des grandes fonctions par un paradigme de marques, de constructions linguistiques types, ou d’exemples […], Jakobson note simplement que la visée « dénotative », « cognitive », est la tâche dominante de nombreux messages », ce qui nous laisse un peu sur notre faim […].184

Plus généralement, c’est le sentiment du lecteur face à certains romans où il n’y a pas de différence fondamentale entre des lieux existants dans le réel et des éléments qui n’existent pas dans le réel qui constitue souvent cette indécidabilité de la frontière entre fiction et non-fiction, le « Paris » et des personnages fictionnels comme « Rastignac » dans les romans de Balzac, ou les référents « Varsovie » et « Wokoulski » dans La Poupée de Bolesław Prus, dont la distinction entre imaginaire et « réel » n’est pas faite dans le texte.

182 David Lewis, De la pluralité des mondes, Jean-Pierre Cometti (trad.), Paris et Tel-Aviv, ÉНitions Нe l’éМlat, 2007.

183Richard Saint-Gelais, « L’effet de non-fiction. Fragments d’une enquête », art.cit.

184 Philippe Hamon, « Un discours contraint », in Littérature et réalité, textes de Roland Barthes, Leo Bersani, Philippe Hamon, Michael Riffaterre, Ian Watt, Paris, Éditions du Seuil, 1982, p.122.

Le cas du roman réaliste est à la fois problématique et emblématique de cette dynamique de la référence et de la fiction. Il est à la fois le paroxysme de la référentialité dans son projet — puisqu’il s’agit de rendre compte fidèlement de la réalité — mais de la manière la plus fictionnelle qui soit, puisqu’elle résulte d’une originalité de l’expérience.

Comme Ian Watt le souligne185, le roman réaliste commence avec l’héritage cartésien de l’expérience individuelle comme ultime arbitre de la vérité.

La reconnaissance, l’identification entre ce qui est factuel et ce qui est fictionnel devient donc difficile. Richard Saint-Gelais186 précise que, même dans le cas où cette distinction serait posée par le texte, il n’en demeure pas moins que cette distinction appartient au texte et reste donc toujours sujette au soupçon. Le narrateur (éditeur ? auteur ?) mettant en doute la vérité de ce que vit le personnage de La Reprise de Robbe-Grillet est bien évidemment lui-même un narrateur non fiable187. Dans le sens de cette instabilité des frontières, le néo-victorianisme, comme d’autres mouvances contemporaines, va bien au-delà d’une mise en crise entre le factuel et le fictionnel. La tendance au panfictionnisme se lie à celle de la reprise et du recyclage à l’infini — menaçant la pertinence même du terme d’adaptation.

Si l’entrée dans l’ère du « reproductible », avec le développement de la photographie, avait marqué une étape nouvelle dans le mode de relation de l’art au commun selon Walter Benjamin188, puisque celui-ci a la capacité d’enregistrer le passé et de le faire coexister avec le présent, c’est désormais tout l’art qui est tourné vers son propre passé. C’est en tous les cas le portrait qu’en dresse Jean Baudrillard au début d’Illusion, désillusion esthétique, évoquant un « mouvement [qui] s’est retiré du futur et déplacé vers le passé », une sorte d’épuisement de l’art actuel, qui se réapproprie « d’une façon plus ou moins kitsch, plus ou moins ludique, toutes les formes, les œuvres du

185 Ian Watt, « Réalisme et forme romanesque », in Littérature et réalité, op.cit., p.17.

186 Richard Saint-Gelais, « L’effet de non-fiction. Fragments d’une enquête », art.cit.

187D’ailleurs, l’on ne sait s’il s’agit Нe l’auteur, Нe l’éНiteur, ou Нe la МonsМienМe НéНoublée Нu personnage. Alain Robbe-Grillet, La reprise, Paris, Éditions de Minuit, 2001.

188 Аalter Benjamin, « L’œuvre Н’art р l’époque Нe sa reproНuМtibilité » in Sur Х’art Оt Хa pСotoРraphie, Carré, 1997.

passé, proche ou lointain, ou même déjà contemporain. »189 On peut en effet, comme Baudrillard, considérer que les concepts de référence ou de mimésis aient été dépassés par des notions comme celle de simulation ou de reproductibilité. La simulation est bien ce qui diffère de la représentation, car la représentation part du « principe d’équivalence du signe et du réel, […] la simulation part, à l’inverse, de l’utopie du principe d’équivalence, de la négation radicale du signe comme valeur, du signe comme réversion et mise à mort de toute référence »190.

Situer l’adaptation dans ce climat particulier d’extension du champ de la fiction, en même temps que de sa « crise », s’avère donc difficile. En même temps, le terme a l’avantage d’indiquer un lien temporel, une suite chronologique et une variation, un changement : il suggère la réappropriation, la reprise d’un élément dans un autre

« système », même si celui-ci reste du domaine de la simulation. Pour Richard Saint-Gelais, l’adaptation se distingue cependant de la transfictionnalité: la logique d’équivalence diégétique serait « en principe incompatible avec les opérations exemplairement transfictionnelles qui sont l’extrapolation et l’expansion »191, les adaptations n’ayant pas « pour vocation de prolonger l’histoire ou encore de proposer de nouvelles aventures de protagonistes.»192 Mais telle n’est pas la position de tous les chercheurs: l’essai de Linda Hutcheon fait clairement de l’adaptation le nom de l’ensemble des pratiques de reprises, y compris transfictionnelles. Pour Robert Stam, l’adaptation fait partie de l’intertextualité. L’exemple néo-victorien montre que si l’adaptation et la transfictionnalité sont distinctes, les deux pratiques se côtoient néanmoins au sein des mêmes ensembles génériques ou thématiques.

Ce sur quoi l’on pourra cependant s’accorder, est que l’adaptation, par rapport à d’autres modes de reprise et de pratiques de transfictionnalité, suggère un changement de médium et/ou de code sémiotique. C’est bien la deuxième « crise » que l’exemple

189 Jean Baudrillard, Illusion, désillusion esthétique, op.cit., p.20.

190 Jean Baudrillard, Simulacres et simulation, Paris, Éditions Galilée, 1981, p.16.

191 Richard Saint-Gelais, Fictions transfuges, op.cit., p. 35.

192 Idem.

victorien souligne, celle qui a trait aux supports des récits : la transfictionnalité, en effet, ne se préoccupe pas de la question des changements de médiums. Pourtant, la narratologie se doit de considérer cette question des médias, tout autant que la narratologie médiatique ne peut ignorer la complexité entre la généralisation de la fiction et le rapport que cela entraîne par rapport au récit :

Une solidarité intense unit fiction et narration, par l’intermédiaire de la vectorisation et de la mise en intrigue du temps. Si les médias généralisent la fiction, pourrait-on s’attendre alors à ce qu’ils généralisent solidairement le narratif ? Ou peut-être est-ce parce qu’ils généralisent le narratif que s’instaure ce vaste mouvement de fictionnalisation ? Narration/effets de fiction, fiction/effets de récit, la narratologie se doit aussi de réinterroger les liens entre ces termes, dans le contexte médiatique.193

Richard Saint-Gelais souligne ainsi que par « texte » appartenant à la transfictionnalité, il entend aussi le cinéma, la bande dessinée, la télévision et les jeux vidéo, mais que l’examen de « l’incidence spécifique de ces formes sur le fonctionnement de la transfictionnalité »194 reste à faire. Cette enquête est l’objet, notamment, des travaux de Marie-Laure Ryan, qui associe une investigation sur l’expansion des fictions à celle sur l’expansion des médiums, en montrant que le passage de l’écrit au numérique peut perturber la logique de la transfictionnalité. Dans la réflexion qui est la nôtre, qui est celle de l’adaptation cinématographique des textes littéraires, nous devons restreindre le propos de la « remédiation » au médium cinématographique. La question de l’adaptation suppose non seulement une interrogation sur les équivalences diégétiques, migrations de récits et nature de la fiction, mais sur son aspect « transmédial » ou « transmédiatique ».

Pour tenter de répondre à cette question, c’est sur le médium filmique que nous orientons notre réflexion.

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 63-71)