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Le montage comme réécriture

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LE CINÉ MA ET L’IMAGINAIRE

II. Le montage comme réécriture

Marie-Claire Ropars élabore un trajet intellectuel à partir de Freud commenté par Derrida, qui va par la suite chercher la définition du montage par Eisenstein ainsi que certaines hypothèses présentes chez Benveniste. La notion d’écriture derridienne s’oppose à la notion occidentale d’écriture, laquelle est fondée sur une antériorité de la parole sur l’écriture. Cette antériorité donne lieu à l’écriture alphabétique, qui non seulement a supplanté les autres formes d’écriture, mais masque également la vocation de dispersion du signe. De la grammatologie se pose ainsi en critique du signe : la sémiologie a toujours poursuivi les métaphysiques occidentales car dans le modèle saussurien du signe, la définition acoustique va faire référence à un signifié pouvant avoir lieu, dans son intelligibilité, avant sa chute, son « expulsion dans l’extériorité de l’ici-bas sensible »383. C’est ainsi que toute l’écriture alphabétique est nécessairement envisagée comme un processus qui poursuit une conception linéaire du langage, qui annule la pluridimension des significations384.

Marie-Claire Ropars rapproche la notion d’écriture au sens derridien de celle de la Traumdeutung chez Freud, « travail du rêve » conçu comme un texte à lire. C’est surtout un passage de Freud développé et commenté par Derrida qui nous intéresse pour la perspective qu’il offre sur le rapport du cinéma à l’écriture. Freud prend exemple sur les écritures chinoise ou hiéroglyphique385 et développe l’idée de « Übertragung » (traduction ou transcription, qui deviendra par la suite le « transfert ») :

383 Jacques Derrida, De la grammatologie, Paris, Éditions de Minuit, p.25.

384 CepenНant, Roв Harris a fortement Мritiqué l’usage que fait DerriНa Нu modèle saussurien, fait de raccourcis, Н’emprunts non Мontextualisés (par exemple en reprenant les propositions les plus simples Нe Saussure Нans son Cours, alors que celui-ci est justement composé comme une leçon, donc partant des propositions les plus simples pour aller vers les plus sophistiquées. Voir Roy Harris, Saussure and His Interpreters, New York, New York University Press, 2001, pp. 173-187.

385 Ce qui intéresse forcément Jacques Derrida, qui fait des écritures non alphabétiques non pas des modèles, mais des contre-exemples intéressants au logocentrisme, faisant percevoir la graphie et les grammes sur le mode de la verticalité Нu langage et l’arМhi-écriture.

Le contenu du rêve nous appelle comme une transcription des pensées du rêve, dans un autre mode d’expression, dont nous ne pourrons connaître les signes et les règles que quand nous aurons comparé et la traduction et l’original.386

On pourrait lire dans ces diverses nuances de termes concernant l’expression du rêve (transcription, traduction, transfert) une problématisation de l’adaptation et des changements de codes que celle-ci engage, ainsi que sa relation avec le lecteur-spectateur. L’Übertragung est le même mot, chez Freud, qui désigne la fabrication du rêve – le passage du contenu latent au contenu manifeste – et son processus d’interprétation. Mais ce sont aussi les termes d’Übersetzung (traduction) et Transkription (transcription) qui seront utilisés dans le livre L’interprétation. Ce qu’il est important de retenir, concernant une analogie possible avec la problématique de l’adaptation a trait à la différence qu’il précise dans le chapitre IX des Leçons entre traduction et transcription, concernant le travail de condensation :

Une traduction s’applique généralement à tenir compte des partidularités du texte et à ne pas confondre les similitudes. Le travail d’élaboration, au contraire, s’efforce de condenser deux idées différentes, en cherchant, comme dans un calembour, un mot à plusieurs sens, dans lequel puissent se rencontrer deux idées387.

De même, une transcription est plus large qu’une traduction, elle révèle un modèle unique à chaque rêve, circonstanciel au rêveur. C’est ce que le rêve-rébus (Bilderrästel) et le rêve-hiéroglyphe (Bilderschrift) indiquent388. Reprenant cette idée d’une transcription sans signification unique, Marie-Claire Ropars fait du rêve un modèle énergique et dynamique, une « énigme figurative »389 faite de syllabes et de lettres, d’images et de scènes qui rèvèle des analogies avec le montage filmique.

386 Sigmund Freud, Interprétation des rêves, traН. Нe l’allemanН par I. Meвerson, nouvelle éНition augmentée et entièrement révisée par D. Berger, Paris, France Loisirs, 1989, pp.301-302.

387 Sigmund Freud, Introduction à la psychanalyse (Leçons professées en 1916), S. Jankélévitch (trad.), édition numérique, coll. « Les classiques des sciences sociales », p.157. Sur ces différences de termes et de modèles du rêve, voire François Sirois, Le rêve, objet énigmatique: la démonstration freudienne, QuébeМ (QC), Presses Нe l’Université Laval, 2004 ; et sur ces modèles de traduction en relation aveМ l’intertextualité, voir John Pier, « Symbolisation freudienne et intertextualité », Semen n° 9, 1994, en ligne : http://semen.revues.org/3054 , page consultée le 14 novembre 2016.

388 Sigmund Freud, Interprétation des rêves, op.cit., p.305.

389 Marie-Claire Ropars-Wuilleumier, « L’éМriture en théorie », in Le Texte divisé, op.cit., p.29.

Jacques Derrida commente Freud en soulignant la place de l’Übertragung comme transfert multiple, ce qui lui permet d’établir l’inconscient comme trace et surtout de montrer l’existence du concept d’écriture sans code préexistant. Le rêveur crée sa propre grammaire390. Le terme de figurabilité du rêve désigne ainsi les chaînes associatives complexes du texte onirique, qui se jouent sur deux tableaux : celui des mots qui pourront signifier – le processus signifiant se fera ainsi sur le versant symbolique – ou alors celui des choses prises comme dans des « montages ». On peut lire ces deux tableaux comme l’expression de la sémantique et de la syntaxe.

Cette conception du montage apparaît également dans un rapprochement avec le moment d’une certaine érosion d’identité de la linguistique, que Marie-Claire Ropars lit dans le texte « Sémiologie de la langue » d’Émile Benveniste391 qui, même en établissant bien la langue comme interprétante de tous les autres langages, s’interroge sur sa réinscription comme « englobée » par les autres langages, surtout artistiques. Benveniste établit ainsi le « mode sémantique » et le « mode du signe », cette fonction primordiale du mode sémantique du discours, que la langue actualise comme tous les autres langages, du fait même qu’elle émet du sens. Ropars rapproche ainsi ce mode sémantique du processus différentiel par lequel Derrida définit l’écriture, récusant sa dimension d’addition de signes. La coexistence de ce mode sémantique avec ce mode du signe introduit alors une hétérogénéité dans le fonctionnement de la langue et tend à l’effacement du sujet dans le texte. Or, la subjectivité dans le langage et le problème de l’énonciation constituent l’interrogation de départ de Benveniste. Ropars résume donc ainsi cette saisie de l’écriture : premièrement, un rapport de la langue aux autres langages ; deuxièmement, la coexistence de plusieurs modes de signifiance ; troisièmement, la position de l’instance imaginaire.

Le montage fonde alors une démarche qui « retourne contre le signifié la délimitation canonique du signifiant et du signifié392». On comprend dès lors qu’une telle

390 Jacques Derrida, L’écrТturО Оt Хa dТППérОncО, Paris, Seuil, 1967, p.323.

391 Emile Benveniste, « Sémiologie de la langue », Semiotica 1 (2), 1969, pp.1-12.

392 Marie-Claire Ropars, « Entre films et textes : retour sur la réécriture », in LО tОmps d’unО pОnséО, op.cТt., p.220.

conception de l’écriture puisse ainsi trouver une analogie avec une conception radicale du montage. Le montage cinématographique défigure le texte, le renvoie à une certaine dispersion des signes, à des avancées et des retraits, à la possibilité de produire un sens à partir de la contradiction entre plusieurs séries. Ceci peut se faire au niveau de plusieurs bandes, mais aussi au niveau d’un seul plan :

Un film, quel qu’il soit, relève de la signification, non de la représentation, il met en œuvre des matériaux multiples, visuels et sonores, que seul un montage, lui-même multiple, peut engager dans un processus signifiant ; le signe linguistique, graphique ou verbal, est à la fois originaire — puisqu’il remonte aux origines du cinéma — et supplémentaire, parce qu’il intervient dans un ensemble hétérogène, où le partage entre l’affect perceptif et la compréhension abstraite restera toujours problématique Ces trois propositions ont fondé une hypothèse scripturale qui, en soumettant les techniques aux opérations, fait passer au premier plan les discontinuités, disjonctions et démultiplications, engagées dans le concept de montage.393

Plus que la capacité à enregistrer le réel, à unir les masses, à capter le mouvement, le cinéma et sa puissance imaginaire se donnent dans l’hétérogénéité, laquelle est essentiellement portée par le montage : hétérogénéité des codes — son et images — mais aussi des signes à l’écran, entre lettres (graphèmes, dans la perspective d’une archi-écriture), images fixes, autres types d’images comme la photographie ou la peinture394.

Nous dirions donc que le montage radicalise la contradiction rendue totale entre un flux, un écoulement indivisible, l’irréversibilité de la projection et les fractures qui le composent. Saisir une de ces fractures, c’est laisser passer, laisser filer un peu de temps filmique. Un plan filmique ne fait sens que parce qu’il est précédé d’un autre plan, et qu’il est suivi d’un autre. Pourtant, plus la possibilité offerte au tout-venant d’arrêter, de reculer, d’avancer dans le film à son bon vouloir est grande, plus la possibilité de faire coïncider plusieurs durées immédiates apparaît avec un cinéma de plus en plus rapproché du flux. Quelle est l’amplification de la portée du geste d’analyse filmique, maintenant qu’on peut à loisir arrêter un film, le découper, assembler des séquences hétérogènes ? Ni synthèse, ni disjonction, ou plutôt les deux tout à la fois395.

393 Ibid., p.219.

394 « Le cinéma travaille constamment à détériorer le signe, à le détruire : il vole le tableau, imite la photographie, et Н’autre part son essenМe est elle-même dans la multiplicité, dans le code pluriel des bandes. » Marie-Claire Ropars-Wuilleumier, Ecraniques, Le film du texte, op.cit., p.5.

395 Chez Gilles Deleuze, la synthèse disjonctive est associée au mot-valise Мheг Lewis Caroll, qui s’organise en séries Ś

« [l]a fonction du mot-valise Мonsiste toujours р ramifier lр où il s’insчre. Aussi n’existe-il jamais seul : il fait signe à

En-deçà du langage et du montage, l’écriture derridienne est également hors médium : la sémiologie de l’écriture réfute le code propre. Ce sont ainsi des phénomènes micro-structurels des films qui, en se réappliquant ailleurs, fournissent l’archi-écriture commune du film et du texte. Dès lors, Ropars peut faire des films des « opérateurs de lecture », c’est-à-dire une mesure de l’analyse littéraire « à l’aune de l’analyse filmique » : il s’agit « d’éprouver la capacité du film à réfléchir le processus engagé dans la lecture d’un texte396». L’analyse filmique se fait agent d’altération, montrant un texte ainsi désœuvré, qui en appelle un autre. Le film renvoie également au texte une image espacée, éclatée dans sa dimension hiéroglyphique.

Cependant, nous avons posé au cours du chapitre précédent une certaine clôture nécessaire aux corpus, par la notion de récit-mondes, figurant une autonomie d’un ensemble assez large et structuré. Comment articuler, dès lors, cette dynamique d’écriture et de montage à une problématique qui se veut au départ plus générale, celle de l’adaptation, pensée à partir de la cohérence et de la solidité d’un imaginaire donné comme ensemble ?

Chez Ropars, c’est bien le montage qui agit comme seule garantie d’autonomie de l’œuvre. Le film se construit comme texte par le montage, il en est la base linguistique, il lui permet sa « structure » :

L’oeuvre se transforme alors en structure, ou plutôt en approche de structure, puisqu’il s’agit Н’un montage diachronique dont la temporalité est accentuée par le caractère irréversible de la projection. En quoi Н’ailleurs le récit de forme cinématographique ne se distingue pas du récit littéraire : М’est au contraire le montage, conçu comme choc de séquences aussi bien que de plans, qui lui permet Н’éМhapper à l’iНentifiМation de l’image avec le signe, et de soumettre les données spatiales au temps de l’éМriture, qui fait du sens une construction, une relation, une déception. 397

Н’autres mots-valises qui le précèdent ou le suivent, et qui font que toute série est déjà ramifiée en principe ou encore ramifiable. » Mais М’est aussi une sвnthчse НisjonМtive, Мar le mot-valise fait irruption. Gilles Deleuze, Logique du sens, Paris, Éditions de Minuit, 1969, p.62.

396 Marie-Claire Ropars-Wuilleumier, Ecraniques, Le film du texte, op.cit., p.33.

397 Marie-Claire Ropars-Wuilleumier, « La fonction du montage dans la constitution du récit au cinéma », in Le temps d’unО pОnséО, op.cТt. p.41.

D’autre part, nous pensons que l’en-deçà de l’adaptation peut également s’insérer dans une dimension esthétique générale. Du côté du spectateur, la perception et la mémoire filmiques – et littéraires en l’occurrence – se situent généralement dans un grand mouvement qu’il s’agit de cerner. C’est ici que le geste critique de l’analyse intervient, dont la portée doit être interrogée. L’analyse, tout en englobant les actes de lecture et faisant appel à la mémoire des textes et des films, se rapproche aussi de l’écriture ; et dans ce cas, du film comme réécriture. Quitte-t-on, dès lors, le territoire de l’adaptation, qui se conçoit alors, dans cette perspective, comme une réécriture ? Il nous faut mesurer notre perspective au moyen de celle amenée par Ropars.

L’adaptation, telle que la conçoit André Bazin, pour qui le film peut tout faire, mais n’altérera pas le texte d’origine, s’oppose à celle de réécriture, d’emblée conçue comme un « agent d’altération », insinuant l’« absence du livre au sein du livre lui-même »398, pouvant donc faire éclater le texte d’origine et le mettre à nu, jusqu’au désœuvrement.

L’adaptation, en ce qu’elle s’intéresse aux relations, désigne certains mouvements de circulation des œuvres et des idées génériques autant qu’elle s’interroge sur la désignation médiatique des supports. L’analyse des écarts et des jeux différentiels, en revanche, passe par la réécriture, s’énonçant en termes de renversement et d’écart : le livre se lit dans les interlignes et les interstices dévoilés par le film. Le sens créé par un corpus passe par la discordance entre le film et les textes, dans l’impossibilité du film à doubler le texte qui dévoile la faillite originale du texte lui-même, à signifier, à véritablement éprouver une clôture, un accord. Ce jeu différentiel entre textes et films, éprouvé par la réécriture, concrètement, à notre sens, par l’analyse, reçoit cependant plusieurs objections ou précisions quant aux pistes amenées par Ropars et l’hypothèse derridienne.

Disjonction, dislocation, fracture, diffraction, écart, différence : le lexique roparien, empreint de celui de Derrida, exacerbe jusqu’au point extrême le jeu différentiel

398 Marie-Claire Ropars- Wuilleumier, « Entre films et textes : retour sur la réécriture », in LО TОmps d’unО pОnséО. Du montaРО р Х’ОstСétТquО pХurТОХХО, textes réunis et présentés par Sophie Charlin, Presses Universitaires de Vincennes, 2009, pp.223-224.

entre texte et film : justement par l’analogie entre montage et écriture derridienne. Que faire, dès lors, du pôle de notre tension entre flux et rupture ? Faut-il, encore une fois, n’en faire que l’une des facettes du montage, forme incluse dans le montage et qui intègre du montage ? L’analyse dans de tels fonctionnements peut produire des conjonctions, des relocalisations ponctuelles, des similitudes et non pas seulement des points de rupture. Cependant, ceux-ci sont à regarder et à analyser comme des sortes d’accidents dans le montage : des morceaux de continuité ou de ressemblance dans une dynamique qui révèle, le texte au film et le film au texte, dans leurs entrechocs.

Il s’agit, malgré tout, de qualifier concrètement ce que peut être l’analyse, ou du moins son expression dans la perspective de la réécriture et du montage. Il semble que le flottement temporel fasse intégralement partie de cette conception de la réécriture, que l’amont et l’aval de la création et de la réception se brouillent ; celles-ci ne font que rendre d’autant plus visibles la nature de palimpseste et d’agencement de tout texte, de tout film. Cependant, on peut se demander en quoi consiste le détour du texte par le film.

Si leurs points d’intersection sont multiples, il convient tout de même de poser certaines limites.

On peut avancer que la réécriture, mode de contamination des textes par les films et vice versa, tient d’une forme de relance par la mémoire, celle, en premier lieu, des textes. Comme toute analyse, la nôtre se nourrit d’une mémoire-oubli, d’une mémoire trouée, mais créatrice dans le sens où l’oubli permet de plonger dans le bain du film, tout entier, et tout en convoquant le texte et ses images. Le dialogue entre texte et film, dans l’adaptation, désigne la puissance des personnages, la qualité du saut qu’un récit peut opérer dans un autre univers médiatique, et artistique, tout en recueillant tout un système de connotations et de dénotations nouvelles qui viennent enrichir et faire grossir le palimpseste. Mais celui-ci a tendance à se détruire lui-même, la réécriture tenant plutôt du processus d’une rencontre divergente entre un texte et un film, les deux étant toujours le double incomplet de l’autre.

C’est ici qu’on pourrait opposer les deux termes, ceux d’adaptation et de réécriture. L’adaptation est une manière de regarder la reprise : elle procède d’un œil

génétique, qui opère des généalogies, qui cherche à établir les filiations, qui forment une mémoire dont une certaine origine est stable. La réécriture, à l’inverse, semble plutôt travailler à détruire le palimpseste, puisqu’elle a tendance à vouloir oublier les couches qui la forment. La comparaison y devient caduque, puisque partout il y a contamination.

Le matériau premier s’efface et se déconstruit devant la pluralité des possibles, des ouvertures, des apports. Pourtant, ce dualisme entre une forme de regard englobant et une analyse d’un ensemble, d’un entre-texte-et-films particuliers, ne se laisse pas réduire à une opposition entre mémoire et oubli. Les deux sont nécessaires et garants de l’un et de l’autre, comme la mémoire et l’oubli sont nécessaires aussi bien à l’historien qu’au praticien des sciences expérimentales.

Différents types de mémoires créent ces deux types d’approche. Une mémoire potentiellement cumulative règle ainsi la « spectature » selon Martin Lefebvre, cette mise en série de films variés, aux cohérences et aux articulations qui obéissent tantôt à la seule anthologie personnelle de chacun, selon l’ordre de visionnage, les affects suscités par le film, la fascination provoquée par les images, ou à une forme de partage collectif des images (l’utilisation d’une culture filmique, par les lieux topiques ou mémoriaux que sont les interprétants). Ce type de mémoire, en termes d’adaptation, peut se construire sur un jeu différentiel des films avec les textes, venant enrichir la grande bibliothèque devenue intermédiale.

Un autre type de mémoire, qui a trait aux processus de sélection et de fragmentation, repose sur la fixation de certains traits par l’un ou l’autre des supports : l’image du film fixant la désignation verbale, ou au contraire, les images personnelles venant supplanter, et ce peu importe l’ordre de lecture et de visionnage, celles du film.

C’est la position de Gilles Thérien qui souligne l’existence de ces images textuelles (ces

« images qui se cachent sous les mots de la littérature, ces images qui font qu’un texte littéraire n’est pas un effet de langue, ces images qui se situent aux confins de la mémoire et de l’imagination399 » ) assimilées à des rencontres avec les souvenirs et les images mentales, ainsi qu’avec certains procédés de la rhétorique antique, laquelle, il faut le

399 Gilles Thérien, « Les images sous les mots » in Rachel Bouvet et Bertrand Gervais (dir.), Théories et pratiques de la

399 Gilles Thérien, « Les images sous les mots » in Rachel Bouvet et Bertrand Gervais (dir.), Théories et pratiques de la

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