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Chapitre 1 Théâtre et médias numériques

1.1 L’intermédialité comme axe de pertinence

1.1.1 Brève contextualisation historique de l’intermédialité

1.1.1.2 Période postmédiatique de l’intermédialité

Dans cette période, nous trouvons deux modèles principaux : l’hypermédialité et la

transmédialité. Le modèle hypermédial correspond à la proposition de Freda Chapple et

179 Ibid., p. 111. Notre traduction. « [T]urns into a new medium whenever new media technologies become dominant, and in

addition, that theatre adapts and disperses the new cognitive strategies, just as it did in ancient Greece ».

180 Jean-Marc Larrue, op. cit., p. 35.

181 Freda Chapple et Chiel Kattenbelt, 2006, op. cit., p. 14. Notre traduction. –« [A]ims at making the viewers forget the presence

of the medium, so that they feel that they have direct access to the objects ».

182 Jean-Marc Larrue, op. cit., p. 35.

183 Freda Chapple et Chiel Kattenbelt, 2006, op. cit., p. 14. Notre traduction. « [W]hich aims to remind the viewer of the medium

by drawing attention to itself in a very deliberate way ».

Chiel Kattenbelt, fondée sur l’idée du théâtre comme hypermedium. C’est-à-dire qu’il constitue un « home to all185 », un espace accueillant des médias et diverses pratiques artistiques qui coexistent et interagissent entre eux. Même si le « théâtre n’est pas un média de la même manière que le film, la télévision et la vidéo numérique en sont186 », Kattenbelt affirme qu’« il peut incorporer tous les autres arts, il peut donc intégrer tous les médias dans son espace de performance. C’est à ce titre [qu’il] considère le théâtre comme un hypermédium187 ». Selon Larrue, le modèle hypermédial proposé par Kattenbelt a des répercussions sur les recherches sur l’intermédialité parce qu’il montre « l’existence d’autres régimes d’interactions médiatiques et technologiques qui ne relèvent pas de la logique remédiante et qui n’en ont pas la violence cannibale188 ».

Pour ce qui est du modèle de la transmédialité, Larrue discute la notion de transmédia de Henry Jenkins189. Ce concept s’inscrit dans un cadre de pensée plus large, celui de la

culture de la convergence, qui s’intéresse à la convergence médiatique, à la culture

participative et à l’intelligence collective. La convergence concerne les « flux de contenu passant par de multiples plateformes médiatiques, la coopération entre une multitude d’industries médiatiques et le comportement migrateur des publics des médias qui, dans leur quête d’expériences de divertissement qui leur plaisent, vont et fouillent partout190 ». Pour ce qui est de la culture participative, celle-ci s’oppose à l’idée ancienne de passivité du spectateur. « Au lieu de dire des producteurs et des consommateurs de médias qu’ils jouent des rôles séparés, on peut aujourd’hui les considérer comme des participants en interaction les uns avec les autres, en fonction d’un nouvel ensemble de règles que personne ne comprend entièrement191 ». Et l’intelligence collective peut être définie comme « une source alternative de pouvoir médiatique. Nous apprenons à faire usage de ce pouvoir à travers nos interactions quotidiennes dans le cadre de la culture de la convergence192 ». Dans ce contexte, un des exemples proposés par Jenkins pour clarifier ce modèle

transmédia est le phénomène Matrix et les divers médias dans lesquels cette histoire prend

185 Freda Chapple et Chiel Kattenbelt, op. cit., p. 24.

186 Chiel Kattenbelt, « Theatre as the art performer and the stage of intermediality », Intermediality in theatre and performance,

Amsterdam, op. cit., p. 37. Notre traduction. « [T]heatre is not a medium in the way that film, television and digital video are media ».

187 Ibid., p. 37. Notre traduction. « [I]t can incorporate all media into its performance space. It is in this capacity that I regard

theatre as a hypermedium ».

188 Jean-Marc Larrue, op. cit., p. 42.

189 Henry Jenkins, La culture de la convergence : des médias au transmédia, op. cit. 190 Ibid., p. 22.

191 Ibid., p. 23. 192 Id.

forme, parmi lesquels nous trouvons le film, la série télévisée, le film d’animation, les bandes dessinées, les jeux vidéos. Ainsi, d’après Jenkins, ce modèle, qui prend le nom de

storytelling transmédia,

se déploie sur de multiples plateformes médiatiques, chaque texte nouveau apportant à l’ensemble une contribution différente et précieuse. Dans la conception idéale du storytelling transmédia, chaque média fait ce qu’il sait faire le mieux : un récit peut ainsi être introduit dans un film, puis se développer à travers la télévision, le roman, la bande dessinée. Son univers peut être exposé au public par le jeu vidéo ou transformé en expérience vivante dans un parc d’attraction ou de loisir. Chaque entrée de la franchise doit être indépendante, de sorte qu’il ne soit pas nécessaire de voir le film pour aimer le jeu vidéo, et vice-versa. Tout produit donné est un point d’entrée dans l’ensemble de la franchise. La lecture transmédia permet une profondeur d’expérience qui incite toujours à davantage de consommation193.

Le modèle transmédia, selon Larrue « marque une étape décisive dans la réflexion intermédiale […] qui révèle une autre forme de relations intermédiales, tout à fait différente de la remédiation et de l’hypermédialité194 », car la transmédialité met l’accent « sur l’usager et sur son expérience195 ». De plus, ce concept questionne les définitions des médias, leur matérialité, leurs technologies et leurs médiations. C’est pourquoi Larrue insiste sur le fait que « [l]a divergence médiatique et la dynamique transmédiale qu’elle provoque tendent à montrer que le changement de technologie n’entraine pas de changements de média. Et cela vaudrait aussi pour la genèse des médias196 ».

Si, dans la période médiatique, la définition du média, comprenant sa matérialité et ses technologies, était centrale, dans la période postmédiatique, l’accent est mis sur la médiation, car cette période est caractérisée, d’après Larrue, par « l’érosion des principes de déterminisme et de progrès et, plus encore, la fin de l’illusion des exclusivités médiatrices. Désormais, la question de l’identité du média devient secondaire par rapport à son action et à sa situation dans les configurations transmédiales197 ».

Notre travail est ancré dans la période postmédiatique de l’intermédialité, plus précisément dans le modèle hypermédial, dont nous discuterons en détail plus loin. Nous ferons souvent appel aux concepts de dispositif, de médiation et de coprésence. De plus, afin d’approfondir

193 Ibid., p. 120.

194 Jean-Marc Larrue, op. cit., p. 42. 195 Ibid., p.45.

196 Id. 197 Ibid., p. 47.

l’analyse des relations intermédiales, nous discuterons des champs de recherche ou d’application de l’intermédialité.